Télécharger le PDF

publicité
Réanimation 16 (2007) 337–342
a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m
j o u r n a l h o m e p a g e : h t t p : / / f r a n c e . e l s e v i e r. c o m / d i r e c t / R E A U R G /
CAS CLINIQUES COMMENTÉS
Maladies héréditaires du métabolisme
vitaminosensibles chez l’adulte.
Implications diagnostiques et thérapeutiques
Managing vitamin-dependent hereditary metabolic
diseases in the adult patient
V. Valayannopoulosa,*, S. Romanoa, F. Fakhourib, F. Sedelc, D. Rabierd,
I. Rungee,1, J.-L. Dubostf,1, A. Tabahg,1, P. De Lonlaya
a
Unité de métabolisme, hôpital Necker–Enfants-Malades, 149, rue des Sèvres, 75015 Paris, France
Service de néphrologie, hôpital Necker–Enfants-Malades, 149, rue des Sèvres, 75015 Paris, France
c
Fédération de neurologie, centre de référence et de traitement des maladies lysosomales à expression neurologique,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, France
d
Laboratoire de biochimie B, hôpital Necker–Enfants-Malades, 149, rue des Sèvres, 75015 Paris, France
e
Service de réanimation médicale polyvalente, CHR d’Orléans, 45067 Orléans, France
f
Centre hospitalier Pontoise–René-Dubos, 95301 Pontoise, France
g
Service de réanimation, groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph, 75014 Paris, France
b
Disponible sur internet le 14 juin 2007
MOTS CLÉS
Déficit en
holocarboxylase
synthétase ;
Biotine ;
Hydroxocobalamine ;
L-carnitine
Résumé Au cours de ces dernières années, des progrès considérables ont été faits en matière
de prise en charge et de traitement des maladies héréditaires du métabolisme. Certaines
d’entre elles ont d’ailleurs des complications facilement réversibles grâce à des traitements
spécifiques ou une vitaminothérapie ciblée. De ce fait, il devient extrêmement important
que ces maladies pour lesquelles des traitements d’urgence sont disponibles ne soient pas
méconnues des médecins–réanimateurs. Pour cela, nous présentons trois cas cliniques de
maladies héréditaires du métabolisme vitaminosensibles avec une présentation clinique très
bruyante mettant en jeu le pronostic vital. Dans le premier cas, l’identification rapide de la
maladie et la mise en place immédiate de la vitaminothérapie ont permis une récupération
rapide sans aucune séquelle. Dans le deuxième cas, la méconnaissance de la maladie métabolique a eu comme conséquence une iatrogénie croissante qui a abouti à une décompensation
métabolique pourvoyeuse de séquelles neurologiques sévères. Dans le troisième cas, le retard
diagnostique a abouti à une décompensation sévère qui a conduit au décès du patient malgré
une réanimation lourde. Nous présentons un schéma diagnostique simple pour les maladies
* Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (V. Valayannopoulos).
1
Ces auteurs ont contribué de manière égale à ce travail.
1624-0693/$ - see front matter © 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2007.05.015
338
V. Valayannopoulos et al.
héréditaires du métabolisme de l’adulte traitables par les vitamines et proposons un « cocktail
vitaminique » qui doit être disponible dans chaque service de réanimation.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
droits réservés.
KEYWORDS
Holocarboxylase
synthase deficiency;
Biotine;
Hydroxocobalamine;
L-carnitine
Abstract Recent advances have allowed to better manage metabolic orphan diseases. Some
diseases are sensitive to vitamin therapy and may therefore be highlighted because of quick
reversibility. We report three cases of metabolic hereditary diseases with life threatening conditions.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
droits réservés.
Introduction
Au cours de ces dernières années, des progrès considérables
ont été faits en matière de prise en charge et de traitement
des maladies héréditaires du métabolisme. Certaines d’entre
elles ont d’ailleurs des complications facilement réversibles
grâce à des traitements spécifiques ou une vitaminothérapie
ciblée. De ce fait, il devient extrêmement important que ces
maladies pour lesquelles des traitements d’urgence sont disponibles, ne soient pas méconnues des médecins–réanimateurs. Pour cela, nous présentons trois cas cliniques de maladies héréditaires du métabolisme vitaminosensibles avec une
présentation clinique très bruyante mettant en jeu le pronostic vital. Dans le premier cas, l’identification rapide de
la maladie et la mise en place immédiate de la vitaminothérapie ont permis une récupération rapide sans aucune
séquelle. Dans le deuxième cas, la méconnaissance de la
maladie métabolique a eu comme conséquence une iatrogénie croissante qui a abouti à une décompensation métabolique pourvoyeuse de séquelles neurologiques sévères. Dans
le troisième cas, le retard diagnostique a abouti à une
décompensation sévère qui a conduit au décès du patient
malgré une réanimation lourde. Nous présentons un schéma
diagnostique simple pour les maladies héréditaires du métabolisme de l’adulte traitables par les vitamines et proposons
un « cocktail vitaminique » qui doit être disponible dans
chaque service de réanimation.
Cas Cliniques
Cas no 1
Mme L., est une jeune femme de 27 ans porteuse d’un déficit
en holocarboxylase synthétase (HCS). Sa maladie a été découverte dans la première année de la vie à l’occasion d’un coma
avec acidose lactique. Le diagnostic a été porté devant un
profil caractéristique des acides organiques urinaires montrant des métabolites intermédiaires des carboxylases : acide
3-hydroxyisovalerique, 3-méthylcrotonylglycine, acide 3hydroxypropionique et acide méthylcitrique. Un traitement
symptomatique et surtout un traitement spécifique par biotine et L-carnitine ont permis d’améliorer rapidement l’état
clinique de la patiente. Le diagnostic a été confirmé par des
dosages enzymatiques appropriés sur culture de fibroblastes.
Le traitement par biotine a été maintenu avec une quasinormalisation du profil des acides organiques urinaires et
une absence de récidive de la symptomatologie révélatrice.
À l’âge adulte, le suivi spécialisé a été confié à son médecin
traitant avec comme consigne de ne jamais interrompre le
traitement par biotine. Un document « d’urgence » lui a été
remis expliquant sa maladie ainsi que les mesures à prendre
en cas de signes de décompensation de sa maladie. Elle a
néanmoins décidé spontanément d’interrompre son traitement. Une dizaine de jours plus tard, elle a été amenée aux
urgences par son conjoint devant une altération de conscience
et une polypnée évoluant en contexte fébrile. Son état clinique s’est rapidement dégradé avec installation d’un coma
nécessitant intubation et ventilation mécanique avec une acidose métabolique sévère et une hyperammoniémie (pH :
6,76 ; HCO3 : 2,5 meq/l ; lactate : 14,5 mmol/l ;
ammoniémie : 280 μmol/l). À la lecture de son « document
d’urgence » et après concertation avec notre service une perfusion de sérum glucosé et de L-carnitine ainsi que l’administration immédiate de biotine ont été initiées avec comme
consigne de recourir à l’épuration extrarénale en cas d’aggravation. L’amélioration a été spectaculaire avec une normalisation de la conscience et des paramètres biologiques en
moins de 48 heures. Elle a présenté une série de complications respiratoires, rénales et infectieuses nécessitant une
ventilation mécanique de 25 jours et deux séances d’hémodialyse pour une insuffisance rénale secondaire à une tubulopathie. Mme L., a complètement récupéré sans aucune
séquelle et la nécessité d’observer le traitement par biotine
lui a été réexpliquée.
Cas no 2
M. A., est un jeune homme de 20 ans chez qui a été porté le
diagnostic d’acidurie méthylmalonique (AurieMM) à l’âge de
trois mois devant un coma acidocétosique et hyperammoniémique. Il a reçu une perfusion glucidolipidique avec un
traitement par L-carnitine et vitamine B2 qui a permis une
récupération clinique et biologique rapide. Ses taux d’AMM
sont restés très bas malgré une réintroduction des protéines
confirmant une forme d’AurieMM sensible à la vitamine
B12. Il a été prescrit un régime hypoprotidique modéré et
une supplémentation quotidienne en vitamine B12. Malheureusement, le suivi de ce patient n’a pas été très rigoureux
Maladies héréditaires du métabolisme vitaminosensibles chez l’adulte. Implications diagnostiques et thérapeutiques
entre autres en raison d’une pathologie psychiatrique sousjacente, et il a été perdu de vue depuis l’âge de 16 ans,
hormis une prise en charge psychiatrique. Il aurait notamment interrompu son traitement par vitamine B12. À l’âge
de 20 ans, il a été opéré d’une scoliose sévère en milieu
médical adulte. Lors de la consultation préopératoire, le
patient a signalé avoir eu une maladie métabolique, mais
ne plus avoir de traitement depuis trois-quatre ans et aller
très bien sur ce plan. Aucune précaution particulière n’a
donc été prise. Les suites opératoires immédiates ont été
simples jusqu’au dixième jour, date à laquelle il a présenté
des vomissements répétés, attribués à un phénomène
mécanique de « pince mésentérique » lié à l’intervention,
qui seront rapportés a posteriori à un signe de décompensation de sa maladie métabolique. Aucune mesure spécifique
n’a été prise et devant l’intolérance digestive une nutrition
parentérale a été débutée (a posteriori hyperprotidique).
À j15 postopératoire, il a présenté une cécité brutale et
un coma. Une acidose métabolique lactique (17 mmol/l)
et une hyperammoniémie (130 μmol/l) ont été mises en évidence.
Il a été transféré en réanimation après intubation et
ventilation et après concertation avec notre équipe, il a
été décidé de démarrer une épuration extrarénale par
hémodialyse relayée un traitement par hydroxocobalamine
IV, L-carnitine, vitamine B12 et nutrition parentérale glucidolipidique. Quarante-huit heures après, il était noté une
disparition de l’acidose lactique et de l’hyperammoniémie.
En revanche, la récupération neurologique a été mauvaise
avec persistance de la cécité, apparition d’un tremblement
extrapyramidal et des troubles de déglutition nécessitant
une trachéotomie et une nutrition entérale exclusive
contrôlée en protéines (environ 50 g/jour). L’IRM cérébrale
a mis en évidence des lésions bilatérales des putamens, des
capsules externes et un œdème cortical occipital avec une
suspicion d’atrophie du nerf optique. Actuellement, sa
situation clinique est toujours préoccupante malgré une
récupération partielle de la vue, mais le tremblement
extrapyramidal persiste et il bénéficie d’une rééducation
de la marche. Les anomalies IRM des noyaux gris ont persisté alors que l’œdème cortical a régressé.
Cas no 3
M. F., était porteur d’une AurieMM B12-sensible (groupe
cblA) diagnostiqué à six mois de vie dans des circonstances
similaires que le patient précédent. Son suivi, à partir de
l’âge de 18 ans a été assuré par son médecin traitant, qui
pratiquait régulièrement une surveillance de sa fonction
rénale et de sa NFS. Vraisemblablement, il y avait une
très bonne observance du traitement par L-Carnitine et
vitamine B12. Il observait un régime hypoprotidique aux
environs de 50 g/jour. Dans l’histoire récente, on note une
perte de poids de 10 kg en 2005, en l’espace d’un mois et
demi. Il a été trouvé une hyperparathyroïdie qui a été traitée chirurgicalement. Depuis cette hospitalisation, la
reprise pondérale était satisfaisante, jusqu’en décembre
2006, où il a présenté une baisse brutale d’acuité visuelle
qui a été interprétée comme une névrite optique rétrobulbaire. Il a bénéficié de plusieurs bolus de corticoïdes et une
corticothérapie au long cours, mais qui n’a pas eu d’effet
339
notable sur son acuité visuelle. Par ailleurs, un amaigrissement très rapide a été noté à nouveau. L’histoire qui a
abouti à son décès a débuté par un tableau de diarrhée
avec des vomissements qui sont apparus 24 heures avant
son hospitalisation. Il s’est présenté aux urgences pour dyspnée, où devant une suspicion d’embolie pulmonaire, une
scintigraphie a été réalisée qui était normale. Il est
retourné néanmoins à l’hôpital pour une aggravation de sa
dyspnée trois jours après, où il est noté une déshydratation
avec une insuffisance rénale, une acidose métabolique
majeure avec des bicarbonates à 4 mmol/l et une altération de la conscience avec un discours inadapté. Devant
cette grande acidose métabolique, il a été transféré en réanimation, où il a été mis en évidence une acidose lactique
sévère (10 mmol/l ; pH : 7,23 ; pCO2 : 13 mmol/l ; base
excess : –21), une insuffisance rénale avec urée à
16 mmol/l, créatininémie : 179 μmol/l, une altération de
la fonction hépatique avec TP à 65 %, TCA à 52 secondes.
Après concertation avec notre service, il est décidé de mettre en place une épuration extrarénale par hémofiltration
ainsi qu’un soutien calorique par perfusion de glucosé et
de lipides, et une supplémentation vitaminique du groupe
B (B1, biotine et B12) et L-Carnitine. Sous hémofiltration,
l’acidose a initialement régressé puis dans les heures suivant l’admission, une dégradation s’est installée avec une
défaillance cardiaque. Ce tableau s’est compliqué d’une
oligoanurie, d’une majoration de la défaillance hépatique
et l’apparition à nouveau d’une acidose lactique avec au
maximum 19 mmol/l de lactate et un pH à 6,93.
M. F. est décédé dans un tableau de défaillance multiviscérale. Sur le résultat de la chromatographie pratiquée peu
avant la mise en place de l’hémofiltration, on a retrouvé
une excrétion d’acide méthylmalonique très modérée dans
le plasma et les urines. En revanche, sur la chromatographie des acides aminés, on retrouvait un profil de grande
acidose lactique.
Discussion
La première maladie héréditaire du métabolisme traitable,
la phénylcétonurie a été décrite, il y a environ 50 ans.
Depuis un demi-siècle beaucoup de nouvelles maladies ont
été décrites et beaucoup de nouveaux traitements ont été
employés. Plusieurs d’entre eux sont maintenant validés et
sont salvateurs. D’autres restent encore expérimentaux.
Le caractère vitaminosensible rend la prise en charge de
certaines de ces maladies héréditaires du métabolisme beaucoup plus aisée. Le principe de la sensibilité aux vitamines
repose sur le fait que la vitamine joue le rôle de coenzyme,
ce qui permet de restaurer l’activité de l’apoenzyme. Dans le
premier cas, c’est la formation de l’holocarboxylase synthétase (HCS) qui est déficitaire [1], en raison d’une diminution
de l’affinité de l’enzyme pour la biotine, ce qui conduit à une
activité déficitaire de quatre carboxylases importantes (propionyl CoA carboxylase, méthylcrotonyl Co A carboxylase,
pyruvate carboxylase et acétyl CoA carboxylase (Figs. 1a et
1b)). Le début de la maladie est variable de la période néonatale jusqu’à la première enfance. Le tableau clinique associe des signes d’acidose métabolique sévère avec dyspnée de
Kussmaul. Une acidocétose sévère et une hyperammoniémie
responsable d’un coma complètent la présentation et font
340
V. Valayannopoulos et al.
Figure 1a Localisation des carboxylases biotine sensibles du métabolisme intermédiaire : ACC : acétyl-CoA carboxylase ; PC :
pyruvate carboxylase ; PCC : propionyl-CoA carboxylase ; OAA : oxaloacétate ; PYR : pyruvate. Les déficits enzymatiques sont
indiqués par des barres noires. Sur le schéma figure également le métabolisme de l’acide méthylmalonique avec ses précurseurs
(acides aminés et acides gras à nombre impair de carbone). Le cofacteur de la méthylmalonyl-Co A mutase adénosyl–cobalamine
(synthétisée à partir de la vitamine B12 ou hydroxocobalamine) est également schématisé.
Figure 1b Le cycle de la biotine. La biotine alimentaire sous l’action de la biotinidase est libérée des protéines, pour synthétiser grâce à l’holocarboxylase synthétase (HCS) les holocarboxylases (PCC, MCC, PC, ACC Fig. 1a). Leur dégradation produira de la
biocytine qui sous l’action de la biotinidase sera transformée à nouveau en biotine.
Maladies héréditaires du métabolisme vitaminosensibles chez l’adulte. Implications diagnostiques et thérapeutiques
toute la sévérité de la maladie. Des formes moins sévères ont
été rapportées qui se résument à des accès d’acidocétose
avec acidurie organique typique ou des formes plus progressives avec retard mental, alopécie et anomalies cutanées eczématiformes [2]. Une acidurie organique caractéristique (3hydroxyisovalérique, 3-méthylcrotonylglycine, méthylcitrate,
3-hydroxypropionate, propionylglycine, tiglylglycine) liée au
déficit des quatre carboxylases est l’élément caractéristique
du déficit en HCS. La concentration de biotine plasmatique
est normale, ce qui la différencie du déficit en biotinidase,
une autre maladie traitable avec une présentation clinique
très similaire et un traitement identique par la biotine.
Récemment, il a été décrit une forme clinique d’encéphalopathie avec atteinte des noyaux gris centraux traitable par la
biotine et qui serait liée à un défaut du transport intracérébral de la biotine [3]. La confirmation du diagnostic se fait par
la mesure de l’activité enzymatique des carboxylases sur lymphocytes et fibroblastes. Le diagnostic moléculaire est disponible avec des mutations fréquentes sur le site de liaison de la
biotine [4]. Le traitement repose sur l’administration quotidienne de biotine orale. La dose doit être définie pour chaque
patient en fonction de son déficit enzymatique. Des doses de
10 à 20 mg/j donnent de bons résultats cliniques pour la
majorité des patients, bien que parfois de plus fortes doses
jusqu’à 100 mg/j peuvent être nécessaires. Le pronostic global est bon pour les patients qui ont une bonne réponse clinique et biochimique, bien que quelques cas de patients avec
retard mental et difficultés cognitives aient été rapportés [1,
5,6]. Dans les deuxième et troisième cas, le déficit porte sur
le métabolisme des cobalamines et est responsable d’une acidémie méthylmalonique sensible à l’administration de vitamine B12 [7]. Leur symptomatologie se rapproche du déficit
341
en méthylmalonyl CoA mutase (dont la vitamine B12 est le
cofacteur) sur la voie de dégradation des acides aminés ramifiés (Fig. 1b). La majorité des patients se présentent avec un
accès aigu de coma acidocétosique et hyperammoniémique à
la naissance ou à la première année de vie. La symptomatologie comprend des vomissements, une déshydratation, une
polypnée sine materia d’acidose, un retard de croissance et
psychomoteur avec hypotonie et encéphalopathie. L’AMM est
toxique pour la moelle osseuse et est responsable d’une anémie macrocytaire, d’une leucopénie et d’une thrombopénie.
Dans le déficit en cbl A, on retrouve une acidurie méthylmalonique le plus souvent sensible à la vitamine B12. En effet,
l’administration parentérale d’hydroxocoblamine (OHCbl)
permet de diminuer de manière drastique l’excrétion d’acide
méthylmalonique. Le diagnostic de certitude est porté par la
mise en évidence d’une diminution de l’incorporation du propionate marqué sur fibroblastes qui s’améliore après adjonction d’OHCbl [8]. Le diagnostic moléculaire est possible. Le
traitement repose sur le traitement par l’OHCbl : 1 mg per
os tous les jours ou une injection intramusculaire hebdomadaire. Une restriction protidique modérée est nécessaire également ainsi qu’une supplémentation en L-carnitine.
Dans le premier cas, la connaissance de la maladie métabolique de la patiente et la disponibilité immédiate de la
biotine ont été salvateurs. En revanche, si sa pathologie
était méconnue et la vitaminothérapie non disponible, la
patiente risquait le décès ou des séquelles graves. Dans le
deuxième cas, la méconnaissance de la maladie du patient
a empêché de prévenir une décompensation métabolique
qui aurait pu être évitée si le traitement par la vitamine
B12 avait été poursuivi. La connaissance de la maladie
Tableau 1 Traitements pour les maladies héréditaires du métabolisme vitaminosensibles et principales présentations cliniques
et biologiques
Traitement
Biotine
Voies
p.o.
ou i.v.
Dose
5–20 mg/j
en 2 prises
Hydroxocobalamine
(vitamine B12)
i.m.
ou i.v.
1 mg/j
en une injection
L-carnitine
p.o.,
i.v.
100–400 mg/kg par
jour en 4 prises p.o.
ou i.v. continu
Pyridoxine (vitamine B6)
p.o.
ou i.v.
Riboflavine (vitamine B2)
p.o.
ou i.v.
50–100 mg
en 2 prises p.o. ou
une injection i.v.
100 mg/j
en 2–3 prises
Thiamine (vitamine B1)
p.o.
50–500 mg/j
Maladie
Déficit multiple en
carboxylases (déficit en
biotinidase ou en
holocarboxylase synthétase),
déficit présumé en
transporteur [3]
Acidémie méthylmalonique et
anomalies de synthèse et
transport des cobalamines
Déficits primitifs en carnitine,
déficits de l'oxydation des
acides gras, aciduries
organiques
Convulsions
pyridoxinosensibles
Présentation clinique et biologique
Coma, dyspnée de Kussmaul, acidose
métabolique, hyperlactatémie,
hyperammoniémie
Acidurie glutarique I, déficit
en ETF/ETF-DH, acidose
lactique primitive
Leucinose, déficit en PDH
(formes B1 sensibles), déficit
en complexe I de la chaîne
respiratoire mitochondriale
Macrocrânie–dystonie,
hypoglycémie, syndrome de Reye,
acidose lactique
Coma hypertonique avec
mouvements anormaux ;
acidose = 0 ; odeur caractéristique
(sirop d'érable) ; retard
psychomoteur, épilepsie, acidose
lactique, acidose lactique ; atteinte
multiviscérale
Coma acidocétosique,
hyperammoniémie, hyperlactatémie
Cardiomyopathie dilatée,
hypoglycémie, syndrome de Reye,
coma acidocétosique,
hyperammoniémie, hyperlactatémie
Convulsions avec tracé discontinu
(burst-suppression)
342
aurait également pu faire éviter l’iatrogénicité d’une nutrition parentérale hyperprotidique.
Dans le troisième cas, les premiers symptômes d’une
décompensation métabolique ont été méconnus entraînant
un retard à la prise en charge du patient qui est finalement
décédé malgré une prise en charge réanimatoire optimale.
Les patients 1 et 3 étaient tous les deux porteurs de documents d’urgence décrivant les signes de décompensation
métabolique de leur maladie, la conduite à tenir en
urgence et les numéros de téléphone à appeler pour
conseil, ce qui n’était pas le cas du patient 2.
Nous avons résumé dans le Tableau 1 les maladies héréditaires du métabolisme qui peuvent se voir à l’âge adulte,
traitables par les vitamines, avec leurs manifestations cliniques principales ainsi que les principaux traitements qui
doivent être idéalement disponibles dans toute pharmacie
hospitalière. Par ailleurs, nous recommandons vivement
devant toute situation clinique faisant suspecter une maladie métabolique devant un coma inexpliqué ou une acidose
métabolique de réaliser en urgence des examens simples
comme l’ammoniémie et le dosage du lactate plasmatique,
et de ne pas hésiter d’initier un traitement par un cocktail
vitaminique comprenant les vitamines du groupe B (B1, B2,
B6, biotine, B12) et la L-carnitine.
Conclusion
Les médecins en général, et les réanimateurs en particulier,
doivent connaître les principales manifestations cliniques
ainsi que les traitements spécifiques des maladies héréditaires du métabolisme. En effet, certaines de ces maladies
peuvent se voir à l’âge adulte, leur connaissance pourrait
permettre d’éviter la décompensation aiguë de ces mala-
V. Valayannopoulos et al.
dies et une morbidité et une mortalité importantes chez
des patients qui ont été en général préservés grâce à des
mesures et traitements pendant leur enfance.
Références
[1] Baumgartner ER, Suormala T. Multiple carboxylase deficiency:
inherited and acquired disorders of biotin metabolism. Int J
Vitam Nutr Res 1997;67(5):377–84.
[2] Nyhan WL. Inborn errors of biotin metabolism. Arch Dermatol
1987;123(12):1696–1698a.
[3] Zeng WQ, Al-Yamani E, Acierno Jr. JS, Slaugenhaupt S, Gillis T,
MacDonald ME, et al. Biotin-responsive basal ganglia disease
maps to 2q36.3 and is due to mutations in SLC19A3. Am J
Hum Genet 2005;77(1):16–26.
[4] Aoki Y, Suzuki Y, Sakamoto O, Li X, Takahashi K, Ohtake A,
et al. Molecular analysis of holocarboxylase synthetase deficiency: a missense mutation and a single base deletion are predominant in Japanese patients. Biochim Biophys Acta 1995;
1272(3):168–74.
[5] Sakamoto O, Suzuki Y, Li X, Aoki Y, Hiratsuka M, Suormala T,
et al. Relationship between kinetic properties of mutant
enzyme and biochemical and clinical responsiveness to biotin
in holocarboxylase synthetase deficiency. Pediatr Res 1999;46
(6):671–6.
[6] Wolf B, Hsia YE, Sweetman L, Feldman G, Boychuk RB, Bart RD,
et al. Multiple carboxylase deficiency: clinical and biochemical
improvement following neonatal biotin treatment. Pediatrics
1981;68(1):113–8.
[7] Rosenblatt DS, Cooper BA. Inherited disorders of vitamin B12
metabolism. Blood Rev 1987;1(3):177–82.
[8] Cooper BA, Rosenblatt DS, Watkins D. Methylmalonic aciduria
due to a new defect in adenosylcobalamin accumulation by
cells. Am J Hematol 1990;34(2):115–20.
Téléchargement