entre autres en raison d’une pathologie psychiatrique sous-
jacente, et il a été perdu de vue depuis l’âge de 16 ans,
hormis une prise en charge psychiatrique. Il aurait notam-
ment interrompu son traitement par vitamine B12. À l’âge
de 20 ans, il a été opéré d’une scoliose sévère en milieu
médical adulte. Lors de la consultation préopératoire, le
patient a signalé avoir eu une maladie métabolique, mais
ne plus avoir de traitement depuis trois-quatre ans et aller
très bien sur ce plan. Aucune précaution particulière n’a
donc été prise. Les suites opératoires immédiates ont été
simples jusqu’au dixième jour, date à laquelle il a présenté
des vomissements répétés, attribués à un phénomène
mécanique de « pince mésentérique » lié à l’intervention,
qui seront rapportés a posteriori à un signe de décompensa-
tion de sa maladie métabolique. Aucune mesure spécifique
n’a été prise et devant l’intolérance digestive une nutrition
parentérale a été débutée (a posteriori hyperprotidique).
À j15 postopératoire, il a présenté une cécité brutale et
un coma. Une acidose métabolique lactique (17 mmol/l)
et une hyperammoniémie (130 μmol/l) ont été mises en évi-
dence.
Il a été transféré en réanimation après intubation et
ventilation et après concertation avec notre équipe, il a
été décidé de démarrer une épuration extrarénale par
hémodialyse relayée un traitement par hydroxocobalamine
IV, L-carnitine, vitamine B12 et nutrition parentérale gluci-
dolipidique. Quarante-huit heures après, il était noté une
disparition de l’acidose lactique et de l’hyperammoniémie.
En revanche, la récupération neurologique a été mauvaise
avec persistance de la cécité, apparition d’un tremblement
extrapyramidal et des troubles de déglutition nécessitant
une trachéotomie et une nutrition entérale exclusive
contrôlée en protéines (environ 50 g/jour). L’IRM cérébrale
a mis en évidence des lésions bilatérales des putamens, des
capsules externes et un œdème cortical occipital avec une
suspicion d’atrophie du nerf optique. Actuellement, sa
situation clinique est toujours préoccupante malgré une
récupération partielle de la vue, mais le tremblement
extrapyramidal persiste et il bénéficie d’une rééducation
de la marche. Les anomalies IRM des noyaux gris ont per-
sisté alors que l’œdème cortical a régressé.
Cas n
o
3
M. F., était porteur d’une AurieMM B12-sensible (groupe
cblA) diagnostiqué à six mois de vie dans des circonstances
similaires que le patient précédent. Son suivi, à partir de
l’âge de 18 ans a été assuré par son médecin traitant, qui
pratiquait régulièrement une surveillance de sa fonction
rénale et de sa NFS. Vraisemblablement, il y avait une
très bonne observance du traitement par L-Carnitine et
vitamine B12. Il observait un régime hypoprotidique aux
environs de 50 g/jour. Dans l’histoire récente, on note une
perte de poids de 10 kg en 2005, en l’espace d’un mois et
demi. Il a été trouvé une hyperparathyroïdie qui a été trai-
tée chirurgicalement. Depuis cette hospitalisation, la
reprise pondérale était satisfaisante, jusqu’en décembre
2006, où il a présenté une baisse brutale d’acuité visuelle
qui a été interprétée comme une névrite optique rétrobul-
baire. Il a bénéficié de plusieurs bolus de corticoïdes et une
corticothérapie au long cours, mais qui n’a pas eu d’effet
notable sur son acuité visuelle. Par ailleurs, un amaigrisse-
ment très rapide a été noté à nouveau. L’histoire qui a
abouti à son décès a débuté par un tableau de diarrhée
avec des vomissements qui sont apparus 24 heures avant
son hospitalisation. Il s’est présenté aux urgences pour dys-
pnée, où devant une suspicion d’embolie pulmonaire, une
scintigraphie a été réalisée qui était normale. Il est
retourné néanmoins à l’hôpital pour une aggravation de sa
dyspnée trois jours après, où il est noté une déshydratation
avec une insuffisance rénale, une acidose métabolique
majeure avec des bicarbonates à 4 mmol/l et une altéra-
tion de la conscience avec un discours inadapté. Devant
cette grande acidose métabolique, il a été transféré en réa-
nimation, où il a été mis en évidence une acidose lactique
sévère (10 mmol/l ; pH : 7,23 ; pCO
2
: 13 mmol/l ; base
excess : –21), une insuffisance rénale avec urée à
16 mmol/l, créatininémie : 179 μmol/l, une altération de
la fonction hépatique avec TP à 65 %, TCA à 52 secondes.
Après concertation avec notre service, il est décidé de met-
tre en place une épuration extrarénale par hémofiltration
ainsi qu’un soutien calorique par perfusion de glucosé et
de lipides, et une supplémentation vitaminique du groupe
B (B1, biotine et B12) et L-Carnitine. Sous hémofiltration,
l’acidose a initialement régressé puis dans les heures sui-
vant l’admission, une dégradation s’est installée avec une
défaillance cardiaque. Ce tableau s’est compliqué d’une
oligoanurie, d’une majoration de la défaillance hépatique
et l’apparition à nouveau d’une acidose lactique avec au
maximum 19 mmol/l de lactate et un pH à 6,93.
M. F. est décédé dans un tableau de défaillance multivis-
cérale. Sur le résultat de la chromatographie pratiquée peu
avant la mise en place de l’hémofiltration, on a retrouvé
une excrétion d’acide méthylmalonique très modérée dans
le plasma et les urines. En revanche, sur la chromatogra-
phie des acides aminés, on retrouvait un profil de grande
acidose lactique.
Discussion
La première maladie héréditaire du métabolisme traitable,
la phénylcétonurie a été décrite, il y a environ 50 ans.
Depuis un demi-siècle beaucoup de nouvelles maladies ont
été décrites et beaucoup de nouveaux traitements ont été
employés. Plusieurs d’entre eux sont maintenant validés et
sont salvateurs. D’autres restent encore expérimentaux.
Le caractère vitaminosensible rend la prise en charge de
certaines de ces maladies héréditaires du métabolisme beau-
coup plus aisée. Le principe de la sensibilité aux vitamines
repose sur le fait que la vitamine joue le rôle de coenzyme,
ce qui permet de restaurer l’activité de l’apoenzyme. Dans le
premier cas, c’est la formation de l’holocarboxylase synthé-
tase (HCS) qui est déficitaire [1],enraisond’une diminution
de l’affinité de l’enzyme pour la biotine, ce qui conduit à une
activité déficitaire de quatre carboxylases importantes (pro-
pionyl CoA carboxylase, méthylcrotonyl Co A carboxylase,
pyruvate carboxylase et acétyl CoA carboxylase (Figs. 1a et
1b)). Le début de la maladie est variable de la période néo-
natale jusqu’à la première enfance. Le tableau clinique asso-
cie des signes d’acidose métabolique sévère avec dyspnée de
Kussmaul. Une acidocétose sévère et une hyperammoniémie
responsable d’un coma complètent la présentation et font
Maladies héréditaires du métabolisme vitaminosensibles chez l’adulte. Implications diagnostiques et thérapeutiques 339