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L'adhésion à la muqueuse permet à une population de se maintenir dans cette zone 
à transit rapide. Au long de l'intestin grêle, la densité de population augmente 
progressivement pour atteindre 107 ufc/ml dans l'iléon terminal où l'on trouve une 
majorité de bactéries anaérobies strictes. C'est après la valvule de Bauhin, dans le 
caecum et le côlon, qu'on dénombre 1011 cellules bactériennes vivantes. Le concept 
d'écosystème, «ensemble de toutes les populations vivantes et de tous les composants 
inertes interférant dans une région de l'espace et du temps», s'applique au tube digestif 
et aux populations microbiennes qu'il abrite. Il
 s'agit
 d'un écosystème hautement 
intégré aux interactions multiples. Toute modification de l'un ou l'autre de ses 
constituants est susceptible de perturber l'équilibre et le fonctionnement de l'ensemble 
de l'écosystème, avec les conséquences pathologiques qui peuvent en découler. La 
masse vivante des bactéries intestinales représente une activité métabolique d'une 
importance quantitativement comparable à celle du foie. On a longtemps pensé que 
les bactéries de l'intestin étaient indispensables à la vie de l'hôte, qu'elles intervenaient 
dans les processus de la digestion des aliments et que, sans elles, la plupart de ceux-ci 
ne pourraient pas être assimilés. Cette conception était compatible avec les découvertes 
de Pasteur sur le rôle des micro-organismes dans les fermentations. Metchnikoff ne 
voyait au contraire dans la flore intestinale qu'une source de morbidité, d'infection 
chronique, de «toxémie» susceptible d'abréger la longévité de l'hôte. L'idée que 
l'implantation de certains lactobacilles dans le tube digestif de l'homme pourrait 
contrebalancer les effets néfastes de la flore dite de «putréfaction» fut même très 
en vogue au début de ce siècle. 
La compréhension des interactions entre l'hôte et sa flore a beaucoup progressé 
au cours des dernières décennies grâce à la reconnaissance des caractères de 
pathogénicité des bactéries et des mécanismes de réponse de l'hôte à la présence de 
ces bactéries dans son tube
 digestif.
 Le modèle expérimental privilégié que constituent 
les animaux axéniques («germ-free») et gnotoxéniques (n'hébergeant qu'une ou 
plusieurs espèces microbiennes connues) a été un apport considérable dans ce domaine. 
On sait aujourd'hui que la vie est possible sans germes : les souris axéniques présentent 
quelques caractéristiques physiologiques qui les différencient de leurs congénères 
pourvues d'une flore normale. Leur longévité est plus grande, mais on sait aussi que 
la flore joue un rôle protecteur en s'opposant à la colonisation de l'hôte par des micro-
organismes exogènes pathogènes et que les perturbations de cette flore exposent à 
des accidents. L'impact écologique des antibiotiques sur la flore, les déficits 
immunitaires de l'hôte, spontanés ou consécutifs à une thérapeutique, sont autant 
de facteurs qui perturbent l'équilibre harmonieux entre l'homme et ses bactéries 
intestinales. Les circonstances ainsi créées peuvent amener une bactérie réputée non 
pathogène à être responsable d'une authentique infection. La notion d'opportunisme 
en pathologie infectieuse
 s'est
 considérablement développée. L'infection n'est pas le 
seul exemple dans lequel les interactions entre l'hôte et sa flore revêtent une grande 
importance. Nutrition, cancer, sont des domaines dans lesquels ces interactions ont 
un intérêt de plus en plus reconnu. 
FLORE INTESTINALE ET INFECTIONS 
Réaction de l'hôte aux bactéries pathogènes intestinales 
Un raisonnement anthropocentrique considère traditionnellement la bactérie 
comme l'agresseur de l'hôte dans le conflit infectieux. Il est tout aussi objectif de