Projet Life Environnement LIFE07 ENV/B/000038 Un projet de réhabilitation de cours d’eau Eau Blanche à Nismes Avant travaux Pendant les travaux Après restauration Le projet Walphy associe pour la première fois en Wallonie scientifiques et gestionnaires afin de concevoir, réaliser et évaluer l’efficacité de travaux de restauration de cours d’eau effectués à large échelle. URBE 1 3 partenaires 14 actions Objectifs de ce projet – pilote : Réaliser, à titre expérimental, des travaux de réhabilitation de cours d’eau de manière à atteindre le bon état écologique requis par la Directive Cadre européenne sur l’Eau Assurer un suivi scientifique sur base d’analyses géomorphologiques et écologiques Deux axes de réhabilitation : • l’axe longitudinal du cours d’eau qui peut comporter de nombreux obstacles tels que barrages, déversoirs, vannages, … perturbant la libre circulation des poissons et des sédiments ; • l’axe transversal, témoin des relations du cours d’eau avec sa plaine alluviale mais aussi de la diversité du milieu en habitats et lieux de reproduction, souvent banalisé par des rectifications et des chenalisations. Suivi sur 2 cours d’eau à risque de ne pas atteindre le bon état écologique : • le Bocq • l’Eau Blanche aval 2 La Directive cadre Eau et la restauration hydromorphologique La Directive Cadre sur l’Eau DCE vise l’atteinte du bon état écologique des cours d’eau européens pour 2015. Le bon état écologique est basé à la fois sur la qualité physico-chimique des eaux, leur qualité biologique, ellemême conditionnée par la structure physique du milieu ou qualité hydromorphologique. Biologique Physicochimique = état écologique Physique Pourquoi restaurer nos cours d’eau ? Un cours d’eau est un système dynamique en constante évolution dans le temps et dans l’espace. Son fonctionnement naturel dépend de l’hétérogénéité des habitats qui conditionne la biodiversité mais aussi la réponse du système aux stress qu’il subit, notamment lié à l’activité humaine. Des zones de radiers peu profondes à courant rapide succèdent à des secteurs plus profonds (mouilles). Plus les substrats, les vitesses de courant et les profondeurs seront variées, plus les habitats seront diversifiés permettant à une végétation et à une faune sauvages de s’y installer. La berge aussi participe à l’équilibre morpho-dynamique du cours d’eau. Berge en pente douce « Mouille » plus profonde « Radier » à courant rapide Le rétablissement de la qualité hydromorphologique d’un cours d’eau sera notamment lié à la continuité longitudinale ainsi qu’à l’amélioration du fonctionnement des écosystèmes favorisant la biodiversité. La restauration hydromorphologique des masses d'eau est donc un élément incontournable pour satisfaire les exigences de la DCE. Les services que les cours d’eau remplissent et nous rendent sont nombreux (irrigation, eau potabilisable, abreuvement des animaux, baignade, pêche, …), mais ils sont souvent perturbés par les activités humaines. Pollutions, rectifications, dragages, artificialisation des berges ont eu des impacts non négligeables sur leur biodiversité. En Wallonie 57 % des rivières seulement atteindront le bon état écologique en 2015. Voilà pourquoi le SPW a lancé un vaste projet expérimental de restauration de cours d’eau. 3 Comment évaluer le milieu et les biocénoses ? Dès le départ du projet les équipes scientifiques ont dû mettre au point des méthodes fiables, standardisées et reproductibles pour comparer les situations avant et après travaux. Deux approches complémentaires ont été menées de front. D’une part, les analyses géomorphologiques reposent sur le suivi du transport des sédiments (et des obstacles qui l’entravent), ainsi que sur l’impact des travaux sur la morphologie du cours d’eau (érosion, accumulation, facies d’écoulement et colmatage du fond du lit). Les changements morphologiques sont mis en évidence par la comparaison de relevés topographiques réalisés avant/après travaux de restauration ou avant/après crue. Pour mettre en évidence l’effet d’entrave d’un déversoir sur le transport des sédiments (galets), différents relevés et mesures sont réalisés. Par exemple, le marquage des galets à l’amont du déversoir permet de déterminer si ce dernier constitue une entrave ou non. D’autre part les analyses écologiques sont combinées à une cartographie des habitats pour la flore et pour la faune. Elles permettent de quantifier les bénéfices des travaux à l’aide de différents indicateurs : macrophytes, macroinvertébrés et poissons. P. Laforge 4 Retour à la continuité écologique * dans la vallée du Bocq Dans le bassin du Bocq, 76 obstacles ont été recensés dont 28 sont infranchissables ou majeurs. Il s’agit de déversoirs et d’anciens vannages construits dès le 18e siècle pour alimenter des biefs de moulins, des forges, des pompes à eau et les douves d’un château. Vannage de Chansin Moulin banal à Spontin Déversoir du château de Spontin * La libre circulation des poissons Zone de croissance des juvéniles Zone de reproduction Zone de croissance des adultes Dans un même cours d’eau le poisson doit pouvoir se déplacer pour trouver sa nourriture mais aussi pour accéder à des sites favorables pour sa reproduction. Recensement des obstacles dans le bassin du Bocq Modifié d’après Fédération des Pêcheurs de l’Est 2004 * La libre circulation des sédiments Le transport des sédiments par le cours d’eau est perturbé par les ouvrages transversaux (seuils et déversoirs) ce qui peut favoriser l’érosion du fond du lit et des berges en aval entraînant une dégradation des habitats et la disparition de nombreuses espèces. 5 Travaux de réhabilitation Les principaux aménagements réalisés dans le cadre du projet Walphy sur le Bocq concernent des obstacles pour la plupart infranchissables, 20 d’entre eux ont été soit supprimés, soit aménagés selon différents scénarios (rivière de contournement, prébarrages, passe à poissons,…) ouvrant le bassin sur plus de 16 kms depuis la Obstacles aménagés dans le cadre de WALPHY Meuse. Effacement du déversoir de Spontin Pré-barrages à Yvoir Rivière de contournement à Purnode Passe à bassins d’Yvoir 6 Suivis scientifiques : trois exemples Des progrès importants suite à la restauration de la connectivité longitudinale étaient attendus. Pour les évaluer un suivi de l’évolution des peuplements de poissons a été mis en place. Le premier obstacle, ouvrant le bassin du Bocq à la remontée des poissons à partir de la Meuse, est le déversoir du Maka à Yvoir. Pour lever cet obstacle, une passe à bassins a été construite en 2011. La commune en a profité pour installer une centrale hydro-électrique. Pêche électrique effectuée avant les travaux devant le déversoir infranchissable de 1,9 m La passe comprend 7 bassins successifs recouverts de caillebotis et 8 chutes de 24 cm de haut Fond des bassins tapissé d’enrochements bruts inclus dans le béton pour permettre la remontée des anguilles Suivi du passage des poissons réalisé grâce à un piège de contrôle 7 Avant travaux Déversoir de Spontin 1,2 m haut Zone amont très uniforme Travaux La suppression du déversoir de Spontin a donné des résultats très marqués en grande partie prévisibles dans la partie située en amont du déversoir. En effet, les peuplements d’invertébrés et de poissons préférant des courants lents ont laissé la place à des peuplements d’eau vive et plus typiques d’une rivière salmonicole. Même si la diversité d’invertébrés est restée relativement faible après travaux, les différents indices ont bien augmenté grâce au développement de taxons plus sensibles. La biomasse de poissons a nettement progressé de 38 à 97 kg/ha et l’indice « poissons » passe de 19 à 24/30. La multiplication des truites fario (de 1 à 33 individus) et la recolonisation par l’ombre commun sont des résultats très significatifs. Le suivi du déplacement des sédiments a permis de mettre en évidence le rétablissement de leur transport naturel. Avant travaux Cartes des habitats Après travaux Mesure de la vitesse du courant Travaux en novembre 2011 Après travaux Analyse des substrats du fond Prélèvement d’invertébrés Après travaux, le coefficient morphodynamique, qui traduit la diversité en habitats, passe de 15 à 18/20 Vue après travaux Recensement des poissons par pêche électrique Truite fario Ombre commun 8 Rampe rugueuse et reméandration sur le Petit Bocq (affluent du Bocq) à Natoye nouveau tracé Ancien cours envasé Déversoir infranchissable de 3,3m de haut ancien cours déplacé Travaux en octobre 2013 nouveau tracé reméandré Poissons présents sur le site avant travaux Espèces Nbre Variations individus tailles mm Poids g Truite fario 105 43 - 314 5596 Chabot 203 8 - 120 1717 Petite Lamproie 2 66 - 152 5 Gardon 2 64 - 71 8 Total 4 sp 312 Biomasse kg/ha 108 IBIP / 30 26 7326 ancien barrage « écluse » Grande prairie marécageuse Remise du cours d’eau dans son talweg et reméandration sur 260 m : • alternance de zones profondes et de radiers • apport de gravier pour le frai des truites • placement de troncs comme caches à poissons Rampe rugueuse en enrochements avec échancrures de 20 cm de largeur pour compenser le dénivelé d’1,8 m Les travaux ont eu lieu en octobre 2013. 9 Autres techniques expérimentées Les pré-barrages consistent à décomposer la chute permettant aux poisson de remonter progressivement l’obstacle . Certains obstacles ont été court-circuités par une rivière de contournement. Au lieu-dit Forge Aminthe sur la commune d’Yvoir, un dispositif en pré-barrages a été réalisé au moyen d’enrochements bruts liaisonnés au béton, comportant 7 chutes de 21 cm avec échancrures doubles. Yvoir – bras de contournement Avant travaux – déversoir de 1,5 m Déversoir d’1,5 m Bras de 66 m de long Purnode pendant les travaux en 2010 A Gemenne une rivière de contournement d’un ancien vannage était déjà présente. Aménagement d'habitats en amont Après les travaux 10 Reméandration et diversification des habitats sur l’Eau Blanche Travaux de rectification en 1954 Entre 1954 et 1970, l’Eau Blanche a subi d’importants travaux de développement de l’agriculture sur son parcours en Fagne. Ces travaux ont d'abord consisté à approfondir le lit et à rectifier son tracé, supprimant ainsi les méandres développés dans sa large plaine alluviale. Le profil transversal du cours d'eau a été recalibré afin d'augmenter la capacité du lit pour lutter contre les inondations. Enfin les berges ont été élargies de façon uniforme et complètement enrochées. Ces aménagements ont profondément modifié l'Eau Blanche, en uniformisant la pente, les profondeurs, les vitesses du courant et les substrats du fond du lit. La faible diversité de ces composantes physiques a inévitablement eu des répercussions sur les organismes et l’écosystème. De plus, comme l’eau était de mauvaise qualité physico-chimique, les espèces les plus sensibles ont disparu ou se sont raréfiées. Qualité du milieu physique selon la méthode Qualphy 2009 11 Sur l’Eau Blanche, divers travaux ont été entrepris dans le cadre du projet Walphy. D’abord à Mariembourg en novembre 2010 où un secteur assez uniforme a fait l’objet d’une quarantaine d’aménagements spécifiques. Ils ont pour objectifs de diversifier les écoulements en basses eaux sans augmenter le risque d’inondation mais aussi de créer des alternances de zones lentes et rapides. Le placement de troncs d’arbres en travers du cours d’eau, la construction de petits îlots, la réalisation de banquettes ont permis de varier les vitesses de courant ainsi que les substrats du fond du lit. Enfin l’injection de graviers a amélioré le potentiel de frayère. Extrait du plan des travaux banquette troncs en travers Les aménagements nombreux mais ponctuels mis en place à Mariembourg ont permis une amélioration de la qualité écologique du site. Neuf nouveaux habitats ont été créés, ce qui se traduit au niveau du coefficient morphodynamique qui passe de 14/20 avant travaux à 16 après travaux. Tous les indices concernant les macroinvertébrés augmentent. L’ombre, espèce de poisson sensible à la qualité du milieu, a recolonisé ce secteur après aménagement. îlot caches à poissons frayère reconstituée en galets plantations 12 12 Un deuxième chantier, plus ambitieux, a été réalisé plus en aval, à Nismes, en octobre 2011. Ici on a plus misé sur la création d’une méandration secondaire dans le lit mineur sans trop d’emprise sur les propriétés riveraines. L’entreprise a travaillé par déblai sur une berge, remblai sur l’autre ce qui a notamment limité le coût de ce chantier. Eau Blanche à Nismes Avant travaux Les travaux ont permis d’augmenter de 12 le nombre de microhabitats. Des espèces plus sensibles à la qualité du milieu sont apparues comme les plécoptères avec impact direct sur l’indice macroinvertébrés. Les petites espèces de poissons comme la loche franche, le chabot et l’épinoche ont diminué après travaux mais la biomasse et l’indice poissons ont peu varié. Ceci met en évidence le peu d’impact des travaux sur les peuplements de poissons. Pendant les travaux Après restauration chevaine Pêche électrique organisée par le DEMNA et le Service de la Pêche en 2013 brochet 13 La reprise complète d’un ancien méandre de l’Eau Blanche a pu être réalisée à Boussu-en-Fagne grâce à une bonne concertation avec les riverains. Cette sinuosité augmente la capacité d’accueil pour la faune. Eau Blanche • • • Suivis : par rapport au tracé peu • diversifié de l’Eau Blanche, la reprise de l’ancien méandre a permis de créer 18 microhabitats supplémentaires. Le coefficient morphodynamique en témoigne en augmentant de 12 à 18/20. Les objectifs des travaux étaient de Ancien méandre Travaux en 2011 récupérer l ’ancien tracé sur 160 m maximiser la diversité d’habitats maximiser la dynamique fluviale mobiliser l’ancien substrat en place Ancien cours rectifié Reprise du méandre Pose de troncs et souches en berges Pose de blocs d’enrochements épars Plantations d’hélophytes, de saules et d’aulnes 14 En guise de conclusion … Walphy est un projet pilote qui a testé différentes techniques de réhabilitation de cours d’eau dans le but de pouvoir généraliser ces aménagements sur d’autres rivières en Wallonie. 20 obstacles et 22 km de linéaire ont été aménagé ce qui représente 27 chantiers menés sur 4 ans pour un coût total de 2 millions d’euros. L’expérience acquise grâce au projet est inestimable. Elle a notamment permis de mesurer l’importance du dialogue avec les riverains, les agriculteurs, les pêcheurs, les communes afin de susciter leur adhésion et leur enthousiasme pour les aménagements qui refaçonnent le paysage. Les premiers résultats scientifiques sont encourageants avec, par exemple, une réponse rapide des poissons à la création de frayères ou de caches. On voit néanmoins que la qualité physico-chimique de l’eau doit être d’un niveau suffisant pour obtenir un bénéfice optimal de la restauration pour les organismes et l’écosystème aquatiques. En ce qui concerne le Bocq, l’acquis réside dans la multitude de solutions adaptées au cas par cas. On peut ainsi démontrer quelles options ont le meilleur rapport coût – efficacité pour restaurer le fonctionnement naturel d’un cours d’eau. Pour l’Eau Blanche, on se rend compte que la réponse du milieu et des organismes est proportionnelle à l’ambition de l’aménagement. Si on veut un bénéfice important et durable, il ne faut pas se contenter d’aménager le lit existant. Il faut recréer de véritables méandres ou du moins des structures complexes qui permettent de maintenir la diversité physique et biologique du cours d’eau. Des suivis à plus long terme sont d’ores et déjà prévus toujours avec une collaboration étroite entre gestionnaires et scientifiques, ils sont indispensables pour évaluer de façon plus complète les bénéfices écologiques voir corriger certains aménagements. Le projet Walphy ne demande maintenant qu’à être utilisé comme source d’inspiration pour s’attaquer à la restauration d’autres cours d’eau en Wallonie et de milieux similaires en Europe. 15 15 Des documents pour en savoir plus … Un film Un guide technique Un site web Une valise pédagogique Un sentier didactique 7 panneaux www.walphy.be Contacts : [email protected] [email protected] [email protected] 16 16