Période française de l'histoire de Belgique
La Première République française en l'an 1800
La période française de l'histoire de Belgique s’étend
de l'occupation des Pays-Bas autrichiens et de la
Principauté de Liège en 1792 ou de l'annexion de ces ter-
ritoires par la France en 1795 puis à leur cession officielle
à la France par l'Autriche, ancienne puissance souveraine,
lors du traité de Campo-Formio du 18 octobre 1797, à la
chute de l'Empire en 1814.
La période française que connurent les territoires qui
forment actuellement la Belgique est une époque char-
nière dans l’histoire de ce pays :
« Elle consacre, en effet, la fin des privi-
lèges et du régime seigneurial, la naissance des
droits de l’homme, d’un nouvel ordre institu-
tionnel, économique, social et juridique. Elle
place sur le devant de la scène un personnage
jusque-là effacé dans le débat politique : le
peuple. Elle laisse des traces profondes non
seulement dans les dispositions législatives ou
l’organisation administrative, mais aussi dans
les gestes les plus anodins de la vie quoti-
dienne : songeons au bouleversement engen-
dré par la généralisation du système métrique
ou du papier-monnaie. Enfin pour notre pays,
l’époque française scelle la réunion des pro-
vinces des Pays-Bas méridionaux avec la prin-
cipauté de Liège[1]. »
Hervé Hasquin, La Belgique française 1792-1815
1 Chronologie
1789-1790 : Les Pays-Bas autrichiens et la
Principauté de Liège se soulèvent contre leurs
souverains respectifs.
1790 : Période des États belgiques unis
1790-1792 : Première Restauration autrichienne.
1792-1793 : Occupation française et première ten-
tative d'annexion.
1793-1794 : Seconde Restauration autrichienne.
1794-1795 : Réoccupation française.
1795-1799 :Directoire.
1795 : Annexion à la France des « neuf départe-
ments réunis »
1797 : L'Autriche reconnait la cession de ces terri-
toires à la France lors du Traité de Campo-Formio.
1799-1805 :Consulat.
1805-1814 :Premier Empire.
Janvier 1814 : Occupation de la France par les
Coalisés qui proclament « l'indépendance de la Bel-
gique » et mettent en place un « Gouvernement pro-
visoire de la Belgique » sous la tutelle de la Coali-
tion.
Mars 1815 : à la suite de la bataille de Waterloo,
les territoires des anciens Pays-Bas autrichiens et de
l'ancienne Principauté de Liège sont unis aux terri-
toires de l'ancienne république des Provinces-Unies
pour former un nouvel État européen le Royaume
des Pays-Bas (Regnum Belgicum).
2 Prémices
Articles détaillés : volution brabançonne,volution
liégeoise et Révolution française.
À partir de décembre 1790, les États belgiques unis et la
république liégeoise s’effondrent devant les armées autri-
chiennes.
La Contre-révolution brabançonne avait été dominée par
les courants les plus réactionnaires et cléricaux du pays ;
1
23 LA PREMIÈRE OCCUPATION ET TENTATIVE D'ANNEXION PAR LA FRANCE (NOVEMBRE 1792 - MARS 1793)
dans l’espoir de leur plaire, Joseph II sacrifia, dans un es-
prit d’apaisement, la plupart de ses réformes progressistes
à la restauration de l’ordre intérieur, sans toutefois parve-
nir à endiguer la contestation.
La principauté de Liège (en gris) enclavée dans les Pays-Bas au-
trichiens (en orange).
Dans la Principauté de Liège, au contraire, le prince-
évêque Constantin-François de Hoensbroeck poursuit
une politique revancharde et réprime durement les Lié-
geois en promulguant un Édit fondamental (10 août 1791)
qui pousse les démocrates liégeois à rechercher un chan-
gement auprès de la France révolutionnaire.
Après l’échec de leurs révolutions, les restaurations, tant
dans les Pays-Bas du sud que dans la principauté de Liège,
furent de courte durée. En eet, depuis le printemps
de 1792, la France est en guerre contre toute l’Europe
conservatrice et les armées trouvent leur premier terrain
de bataille dans les Pays-Bas méridionaux.
Les exilés liégeois et belges se rassemblent à Paris où
ils constituent un Comité des Belges et Liégeois unis.
Les Liégeois soutiennent la réunion de la principauté à
la France, tandis que les Belges espèrent mettre en place
une seconde tentative d'indépendance après l'infructueux
essai de 1790.
Pour ce faire, ils béficient d'appui en France afin
d'entretenir des troupes belges et liégeoises : l'Assemblée
législative vote un crédit de 500 000 livres dans ce but ; le
général Dumouriez, ministre français des affaires étran-
gères et général en chef de l'Armée du Nord est favo-
rable à une République belge indépendante ; le Liégeois
Pierre Lebrun, membre du Comité, succède à Dumouriez
au poste de ministre français des Affaires étrangères[2].
L’Assemblée législative assure que :
« La nation française, fidèle aux principes
consacrés par sa Constitution déclare de n’en-
treprendre aucune guerre dans la vue de faire
des conquêtes, et de n’employer jamais ses
forces contre la liberté d’aucun peuple et ne
prend les armes que pour la défense de sa li-
berté et de son indépendance[3]. »
La volonté affichée par la France à ce moment est
« celle de la guerre de propagande et non d'annexion »[4].
Robespierre écrit, le 17 mai 1792, dans le premier numé-
ro du fenseur de la Constitution :
«Il fallait dès l'origine et il faut encore au-
jourd'hui déclarer solennellement que les Fran-
çais n'useront de leurs forces et de leurs avan-
tages que pour laisser à ce peuple la Constitution
qui lui paraît la plus convenable. »
Dans cette guerre proclamée défensive, libératrice et non-
conquérante prendront place deux Légions belges et lié-
geoises.
3 La Première occupation et ten-
tative d'annexion par la France
(novembre 1792 - mars 1793)
Article détaillé : Guerre franco-autrichienne (1792).
Article détaillé : Première annexion française des États
de Belgique (1792-1793).
Le 20 avril 1792, après le vote des députés de la Conven-
tion française, la guerre est déclarée au roi de Bohême et
de Hongrie, François Ier.
L'armée française conduite par le général Dumouriez
franchit la frontière des Pays-Bas autrichiens et met en
fuite l'armée autrichienne, le 6 novembre 1792 lors de
la bataille de Jemappes. Les Français entrent à Bruxelles
le 14 novembre 1792 et poursuivent les Autrichiens dans
leur retraite, sur Louvain, Tirlemont, Liège et jusqu'à la
Roer.
Le 12 mai 1790, la Constituante française avait déclaré
dans un décret que la nation française renonce à entre-
prendre aucune guerre dans le but de faire des conquêtes,
les troupes françaises occupent tous les États de Belgique.
Le général Dumouriez s’oppose aux commissaires de la
République envoyés par la Convention en Belgique, dont
Danton et Delacroix tous deux partisans d'une annexion
pure et simple des territoires belges à la France
Cependant, l'annexion de la Belgique est réclamée par
Danton le 13 janvier 1793 dans une déclaration à la
Convention où il exprime la doctrine des frontières na-
turelles de la France :Les limites de la France sont mar-
quées par la nature, nous les atteindrons des quatre coins
de l’horizon, du côté du Rhin, du côté de l’Océan, du côté
des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République.
Et à partir de mars 1793, la République française intègre
progressivement, via des décrets de la Convention, dans
5.1 Réorganisation territoriale 3
son territoire les provinces, villes, faubourgs et communes
de l'État belgique, et cela toujours conformément au sou-
hait du peuple souverain
En mars 1793, l'armée française est vaincue à
Neerwinden : les Autrichiens réoccupent, avec
l'assentiment du peuple belge[5], les “Etats belgiques” et
replacent le prince-évêque de Liège sur son trône.
La seconde restauration autrichienne des Pays-Bas autri-
chiens commence...
4 La seconde occupation française
(1794-1795)
Article détaillé : Seconde annexion française des États de
Belgique.
À la suite de leur victoire à Fleurus, le 26 juin 1794, les
La bataille de Fleurus.
troupes de la République française repoussent les troupes
alliées (Autriche, Royaume-Uni et Province-Unies) hors
des Pays Belgique.
5 La réunion à la France (1795-
1814)
Articles détaillés : Directoire,Consulat (histoire de
France) et Premier Empire.
En juillet 1794, Robespierre est renversé et la Terreur
prend fin. Après une année de violence et de réquisi-
tions, la France, à la suite d’un vote de la Convention le 9
vendémiaire an IV (1er octobre 1795), annexe les Pays-
Bas autrichiens, les principautés de Liège et de Stavelot
et le duché de Bouillon le 4 brumaire an IV (26 oc-
tobre 1795)[6]. Le Comité de salut public avait approu
une nouvelle division territoriale en neuf départements.
Pour la première fois, une unification politique de l’espace
Jean Auguste Dominique Ingres Bonaparte, Premier Consul
1803
belge était, à quelques exceptions près réalisée :
« Cette période française est décisive. Pour
la première fois ont été amalgamées dans un
même ensemble territorial des principautés de
langue romane qui, jusque là, avaient connu
des destins différents en raison des fragmen-
tations de l’espace politique. Enfin, il convient
de rappeler que ces vingt années ont laissé un
héritage politique, juridique, institutionnel et
culturel sans lequel il n’est pas possible de com-
prendre l’histoire contemporaine du pays et de
ses entités constitutives[7] »
Entre 1796 et 1797, la guerre entre la France et l'Autriche
se poursuit en Italie, l'armée française commandée par
le jeune Bonaparte repousse les Autrichiens, à la suite
notamment des Batailles du Pont d'Arcole et de Rivoli.
L'Autriche signe le traité de Campo-Formio qui met fin à
la guerre franco-autrichienne et où elle cède à la France
les Pays-Bas méridionaux.
45 LA RÉUNION À LA FRANCE (1795-1814)
Les limites des neuf départements réunis qui seront conservés tel
quels jusqu'à l'indépendace belge où le Limbourg oriental et le
grand-duché du Luxembourg seront perdu.
5.1 Réorganisation territoriale
Les principautés belges sont réorganisées en neuf dé-
partements correspondant à peu près aux anciens États
des Pays-Bas autrichiens et de la principauté de Liège,
même si certains furent créés ex nihilo (comme ceux
de la Meuse-Inférieure et de l'Ourthe, conséquences
du démembrement de l'ancienne Principauté de Liège).
Cette division administrative sera conservée jusqu'à au-
jourd'hui.
5.2 Réorganisations des institutions et Li-
bertés fondamentales
La Belgique connaît à ce moment l'ensemble des insti-
tutions de la Révolution française : administration, Code
Napoléon,imposition,justice reformée…
Elle bénéficie également de la reconnaissance des « liber-
tés fondamentales » inscrites dans la déclaration des droits
de l’homme et du citoyen : « la liberté, la propriété, la sû-
reté et la résistance à l’oppression » ; la liberté religieuse,
la liberté de la presse, l’égalité de tous les citoyens devant
la loi et dans l’accessibilité aux emplois publics, l’éman-
cipation des juifs et des femmes (l’un des acquis renforça
les droits nouveaux reconnus à la femme : l’égalité suc-
cessorale se substitua aux coutumes les plus variées, au
droit d’aînesse et à l’exclusion fréquente des filles), etc[8].
L’annexion à la France signifia aussi la suppression défi-
nitive de l’Ancien Régime car un système social fondé sur
la division en ordres juridiques, qui « avantageait outran-
cièrement les gens de bonne naissance », fut aboli[9].
À la différence de la plupart des régions d’Europe
conquises par la République et l’Empire, ces droits ne se-
ront jamais remis en question en Belgique après le départ
des Français en 1815[10].
5.3 Laïcisation de la société
Les évêques français prêtant le serment civil exigé par le Concor-
dat.
En 1797, l'Université de Louvain, comme les autres uni-
versités de la République, fut supprimée[11], pour faire
place à un nouveau système d'enseignement, des églises
furent pillées, les ordres religieux, dont certains l'avaient
jà été sous l'Ancien Régime par l'empereur Joseph II,
furent supprimés et les prêtres réfractaires persécutés[12]
jusqu'au Concordat en 1801.
Mais la liberté de religion, reconnue par la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789, accéléra la
séparation entre l’Etat et l’Église.
Les neuf départements réunis néficièrent de la laïcisa-
tion des services publics (notamment des hôpitaux), des
lois sur la sécularisation du mariage, de la légalisation du
divorce et de la création de l’état civil[9].
5.5 Francisation de la Flandre et de Bruxelles 5
5.4 veloppement économique
Lancement du Friedland le 2 mai 1811 à Anvers, en présence de
Napoléon.
Jusqu'à l'instauration du consulat en 1799, l'occupation
française fut pour les Pays-Bas méridionaux un désastre
économique : le port d'Anvers, par exemple, connut une
paralysie notable et la pression fiscale s’accrut.
Ensuite, le bassin houiller wallon fait sa volution in-
dustrielle et devient une des régions les plus prospères
d'Europe : l'industrie belge et liégeoise souffrait jusqu'à
l'annexion française du protectionnisme des Provinces-
Unies, de l'Angleterre et de la France ; mais aussi des
multiples barrières douanières entre les petites princi-
pautés belges. L'intégration à la France fera disparaître
ces frontières intérieures et ouvrit la production wallonne
à l'énorme marché intérieur français. L'éradication, sur
le continent européen, des produits britanniques provo-
quera également un fort enrichissement des industries
wallonnes. Le reste de la Belgique, particulièrement la
Flandre, demeure peu industrialisée, à l’exception notable
de Gand (textile) et du port d’Anvers qui bénéficiera de
manière prodigieuse du blocus continental et du désen-
clavement des bouches de l’Escaut que la ville subissait
depuis le Traité de Westphalie (1648)[13].
Contrairement à la légende, les vignes belges n'ont pas été
arrachées sur ordre de Napoléon. En réalité, la dispari-
tion de ces vignobles est due — outre la modification du
climat — à l’amélioration des voies de communications
et des échanges commerciaux, qui ont rendu la Belgique
plus accessible aux vins français, allemands et espagnols
contre lesquels les vins locaux ne pouvaient être compa-
rés ni en valeur, ni en qualité, ni en bouquet ; mais aus-
si à l’industrialisation des anciennes zones viticoles et à
l’extension des cultures maraîchères qui remplacèrent les
vignobles[14],[15].
5.5 Francisation de la Flandre et de
Bruxelles
Article détaillé : Francisation de Bruxelles.
La période française de la Belgique actuelle conduisit à
un déclin du néerlandais qui fut immédiatement élimi-
Journal de Bruxelles N°76 (1799).
né comme langue administrative[16],[17]. En Wallonie, où
le français fut très anciennement et naturellement adop-
té comme langue écrite avant l'époque française[18], on
constate déjà une lente érosion de la pratique des langues
régionales comme le wallon, surtout dans les classes su-
périeures, bien que la vaste majorité de la population ait
continué à ne parler que son dialecte dans la vie quoti-
dienne jusqu'au début du XXesiècle[19].
Par le décret du 2 thermidor an II, le français est
imposé dans tous les organismes publics[16],[18] par-
mi lesquels l'enseignement secondaire[20],[21]. Le fran-
çais devint la langue de la vie publique et du pou-
voir économique, politique et social[22]. Néanmoins,
la justice et l'administration durent fréquemment avoir
recours au néerlandais pour s’adresser à la popula-
tion et l'enseignement primaire fut peu touché par la
francisation[21]. Jusqu'au XXesiècle le néerlandais fut sy-
nonyme de pauvreté et de médiocrité de l'éducation[23].
Alors qu'ailleurs en Europe c'est uniquement l'aristocratie
qui se francisait[24], en Flandre, la francisation de l'élite
bourgeoise fut très rapide[22]. L'occupation française ne
s’accompagna pas de migrations, mais provoqua la fran-
cisation de la classe moyenne néerlandophone parce
qu'à cette époque prévalut un système éducatif franco-
phone – même s’il était réservé à une faible partie de la
population[20]. Néanmoins, la pratique du flamand ne fut
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