La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 1 - janvier-février 2012 | 39
LE SYMPTÔME
Mots-clés
Symptôme, Psychiatrie
de liaison, Comorbidité,
Pluridisciplinarité
Keywords
Symptom, Consultation-liaison
psychiatry, Comorbidity,
Multidisciplinarity
diagnostic conduit les soignants à interpréter
des attitudes ou des comportements (“Elle a
un regard halluciné”). Le symptôme peut alors
être une construction du soignant, concordant
avec ses représentations de la pathologie. Seul
un travail répété sur ces représentations permet
d’engager un dialogue et une déstigmatisation
des patients “psychiatriques”.
Enfin, l’absence de signe clinique somatique
objectivé peut générer ce type de demande :
“Mme D, 37 ans, survenue de malaises au
domicile, bilan complet biologique et d’ima-
gerie négatif, origine psychique ?” Attribuer
à un trouble une origine psychique peut être
une façon de le considérer comme négligeable,
ou au contraire constituer un diagnostic à
part entière. Dans le premier cas, la patiente
perçoit souvent négativement la rencontre
avec le psychiatre de liaison (“Je ne suis pas
folle”) et il va être plus difficile d’établir un
premier contact, voire d’engager un suivi. Dans
le second cas, la consultation avec le psychiatre
de liaison s’inscrit dans une continuité de soins
et, parfois, une prise en charge multidiscipli-
naire (par exemple, les patients présentant
des crises psychogènes non épileptiques,
suivis conjointement par les neurologues et
les psychiatres).
Au travers de ces différents exemples, le symp-
tôme n’est pas directement accessible dans la
demande formulée et le psychiatre de liaison
doit favoriser son élaboration avec le patient,
les familles ainsi qu’avec les équipes. Ce travail
de mise au jour du symptôme permet ensuite
de proposer une prise en charge adaptée.
Prise en charge
En psychiatrie de liaison, les diagnostics
psychiatriques le plus fréquemment retrouvés
sont les troubles anxiodépressifs et les troubles
de l’adaptation. Ils apparaissent généralement
en réaction à l’hospitalisation et à la patho-
logie somatique qui l’a rendue nécessaire. Les
patients présentant ces troubles ont besoin
d’aide pour verbaliser leur expérience et faire
face aux modifications que la maladie cause
dans leur environnement. L’hospitalisation peut
également révéler une pathologie psychiatrique
antérieure, le psychiatre de liaison ayant alors
pour rôle de conduire le patient vers une prise
en charge adaptée, en lien avec le service de
psychiatrie de secteur.
Le travail d’élaboration à partir de la demande
peut également aboutir au constat de l’absence
de symptôme psychiatrique chez le patient.
Il faut alors pouvoir reprendre avec l’équipe
demandeuse les circonstances de la demande.
En effet, l’absence de symptôme ne signifie pas
que cette demande était injustifiée, mais plutôt
qu’elle révèle les attentes d’une équipe face à
une situation jugée difficile (conflits, précarité
sociale).
Enfin, il est parfois impossible de distinguer une
pathologie psychiatrique d’une pathologie soma-
tique, et chaque équipe doit pouvoir s’adapter à
une symptomatologie mixte, atypique et néces-
sitant un travail conjoint renforcé.
Rôle d’expertise
de la psychiatrie de liaison
Dans la diversité du travail du psychiatre de
liaison, les consultations programmées en
amont d’interventions chirurgicales sont un
exemple intéressant d’intervention sans symp-
tôme. Les patients parkinsoniens en attente
d’une implantation d’un stimulateur cérébral
profond sont évalués sur le plan psychiatrique,
dans le cadre de leur bilan préopératoire,
afin que soient anticipées leurs éventuelles
ressources ou, au contraire, les risques de
décompensation psychique qu’ils encourent.
Le travail du psychiatre de liaison s’apparente
en l’occurrence à une expertise, qui peut
déboucher sur une prise en charge ultérieure.
La coordination avec les équipes associées à la
chirurgie est alors primordiale afin d’établir un
discours cohérent et d’équilibrer les bénéfices
et les risques liés à la chirurgie ; d’autant que
la chirurgie, en elle-même, peut être révéla-
trice d’une vulnérabilité antérieure, difficile à
anticiper. Dans le cadre des greffes d’organes, il
est parfois demandé au psychiatre d’estimer la
probabilité d’une adhésion satisfaisante au trai-
tement antirejet ultérieur. En pratique, dans ce
contexte, le psychiatre ne peut que promouvoir
l’alliance thérapeutique, sachant que l’absence
d’alliance est prédictive de complications soma-
tiques.