Renoncule à feuilles d`alisme (Ranunculus alismifolius)

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Mise à jour
Évaluation et Rapport
de situation du COSEPAC
sur la
Renoncule à feuilles d'alisme
Ranunculus alismifolius
au Canada
EN VOIE DE DISPARITION
2009
Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut
des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :
COSEPAC. 2009. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la renoncule à feuilles d'alisme
(Ranunculus alismifolius) au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en
péril au Canada. Ottawa. vii + 21 p. (www.registrelep.gc.ca/Status/Status_f.cfm).
Rapports précédents :
COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la renoncule à feuilles d'alisme
(Ranunculus alismaefolius var. alismaefolius) au Canada. Comité sur la situation des espèces en
péril au Canada. Ottawa. vii + 17 p. (www.registrelep.gc.ca/Status/Status_f.cfm).
ILLINGWORTH, J.M., et G.W. DOUGLAS. 1996. Rapport de situation du COSEPAC sur la renoncule à
feuilles d'alisme (Ranunculus alismaefolius var. alismaefolius) au Canada. Comité sur la situation des
espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1-17.
Note de production :
Le COSEPAC remercie Matt Fairbarns qui a rédigé la mise à jour du rapport de situation sur la
renoncule à feuilles d’alisme (Ranunculus alismifolius) au Canada dans le cadre d’un contrat conclu
avec Environnement Canada. Erich Haber, coprésident du Sous-comité de spécialistes des plantes
vasculaires du COSEPAC, a supervisé le présent rapport et en a fait la révision.
Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :
Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3
Tél. : 819-953-3215
Téléc. : 819-994-3684
Courriel : COSEWIC/[email protected]
http://www.cosepac.gc.ca
Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Update Status Report on the Water-plantain Buttercup
Ranunculus alismifolius in Canada.
Photo de la couverture :
Renoncule à feuilles d'alisme – Photo par Jenifer Penny.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2009.
o
N de catalogue CW69-14/582-2009F-PDF
ISBN 978-1-100-91942-3
Papier recyclé
COSEPAC
Sommaire de l’évaluation
Sommaire de l’évaluation – Avril 2009
Nom commun
Renoncule à feuilles d'alisme
Nom scientifique
Ranunculus alismifolius
Statut
En voie de disparition
Justification de la désignation
Cette espèce est réduite à deux petites populations présentes dans l’écosystème très perturbé du chêne de Garry,
dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique. Les impacts des activités humaines et la propagation des plantes
envahissantes dans les habitats de mares printanières et aux environs de ceux-ci continuent de mettre l’espèce en
danger de disparition du pays.
Répartition
Colombie-Britannique
Historique du statut
Espèce désignée « en voie de disparition » en avril 1996. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000 et en avril
2009. Dernière évaluation fondée sur une mise à jour d'un rapport de situation.
iii
COSEPAC
Résumé
Renoncule à feuilles d'alisme
Ranunculus alismifolius
Information sur l’espèce
La renoncule à feuilles d’alisme (Ranunculus alismifolius) est une plante vivace qui
produit d’une à plusieurs tiges à partir d’une base commune. Sa feuille, dont la longueur
est au moins le double de sa largeur, est lancéolée, entière ou légèrement dentelée,
et jamais profondément lobée. Sa fleur porte habituellement cinq pétales d’un jaune
brillant, mesurant de 5 à 10 mm chacun. Il existe plusieurs variétés de l’espèce, mais
seule la variété alismifolius est présente au Canada.
Répartition
La renoncule à feuilles d’alisme se trouve dans presque toute la portion ouest
de l’Amérique du Nord, de la Colombie-Britannique jusqu’en Californie, vers le sud,
et jusqu’aux États du Montana, du Wyoming et du Colorado, vers l’est.
Au Canada, l’espèce n’est actuellement présente que dans deux emplacements
extrêmement fragmentés, situés sur la côte du sud-ouest de la Colombie-Britannique.
La zone d’occurrence de l’espèce serait d’environ 500 km2; l’indice de la zone
d’occupation est 8 km2, selon une grille de 2 km sur 2 km.
Habitat
Au Canada, la renoncule à feuilles d’alisme se trouve dans des étangs
printaniers côtiers de basse altitude associés aux écosystèmes du chêne de Garry.
Les températures estivales sont fortement adoucies par la proximité de l’océan.
Les brouillards côtiers et la proximité du littoral tendent à atténuer les gels hivernaux
(particulièrement la nuit), retardent l’accumulation de chaleur et peuvent ralentir la
croissance végétale, surtout en fin de printemps. Les étangs printaniers côtiers sont
dépourvus de végétation ligneuse parce qu’ils sont saturés d’eau plusieurs mois durant,
entre novembre et avril, et qu’un important déficit hydrique s’y produit en période
estivale.
iv
La superficie de l’habitat potentiel dans le sud-est de l’île de Vancouver et sur
les îles adjacentes au large des côtes a considérablement diminué au cours du dernier
siècle, car des étangs printaniers ont été détruits au cours de l’aménagement des
terres à des fins résidentielles et récréatives. Les sites où subsistent les deux dernières
populations canadiennes de renoncule à feuilles d’alisme risquent peu d’être aménagés
dans un avenir proche, mais la superficie d’habitat propice à l’établissement de
populations remplaçant celles qui ont été perdues diminue sans cesse.
Les étangs printaniers où vit aujourd’hui l’espèce sont envahis par d’importantes
populations de graminées et d’herbacées à feuilles larges, et l’invasion d’arbustes dans
les prés adjacents influe négativement sur les plus petits étangs.
L’une des populations existantes se trouve au carrefour de plusieurs sentiers
pédestres dans un parc municipal très fréquenté. L’habitat est très touché par le
compactage du sol et occasionnellement endommagé par le piétinement de chiens.
Les employés municipaux fauchent régulièrement les principaux sentiers pour y
aménager des allées coupe-feu, et ce fauchage se déroule fréquemment avant la
grenaison. Des amateurs de vélo ont creusé le sol à proximité de plants de l’espèce
(et, dans un cas, ont directement endommagé des plants) afin d’ériger des tremplins
et des rampes.
L’une des populations existantes se trouve dans un parc administré par la
municipalité d’Oak Bay, tandis que l’autre est présente sur des terres domaniales
relevant du ministère de la Défense nationale. La majeure partie de l’habitat inoccupé
dans les étangs printaniers encore présents dans la zone des deux occurrences de
l’espèce se trouve surtout dans des parcs municipaux.
Biologie
La levée de la dormance des pousses s’amorce au début de mars, lorsque le
sol des étangs printaniers commence à se réchauffer, et la plupart ont repris leur
croissance à la fin de mars. Les premiers bourgeons floraux apparaissent avant la
fin d’avril, bon an, mal an, et la floraison culmine à la mi-mai. Des fruits verts se
forment en mai et au début de juin, et les akènes mûrissent vers la mi-juin. Dans les
deux semaines qui suivent, le sol s’assèche complètement, les plants se dessèchent
peu à peu, et les graines tombent. La plupart des graines se dispersent probablement
sur de courtes distances (moins de 10 m), par hydrochorie.
L’espèce ne se reproduit pas par voie asexuée, et sa longévité est inconnue.
v
Taille et tendances des populations
La renoncule à feuilles d’alisme a été vue dans au moins deux, peut-être
même quatre, emplacements au Canada, mais seules deux populations existent.
Les dernières données sur chaque site recueillies en 2007 indiquent qu’il y a 306 plants
en fleurs au Canada. Depuis dix à quinze ans, la population canadienne annuelle a
varié de 45 à 306 individus matures et reproducteurs.
Facteurs limitatifs et menaces
Les plants de l’espèce sont fauchés et piétinés régulièrement dans l’un des sites,
et des herbivores viennent y brouter les fleurs de nombreux autres avant la grenaison.
Aucune menace importante et immédiate ne pèse sur l’espèce dans l’autre site.
Importance de l’espèce
L’espèce sert parfois au rétablissement des écosystèmes de terres humides
endommagés présents dans son aire de répartition américaine.
Protection actuelle ou autres désignations de statut
La renoncule à feuilles d’alisme est classée par NatureServe comme étant
non menacée de disparition à l’échelle mondiale. Elle est gravement en péril en
Colombie-Britannique. En 2000, le COSEPAC lui a accordé le statut d’espèce en voie
de disparition au Canada. L’espèce est également inscrite comme espèce en voie de
disparition à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral, ce
qui procure une protection seulement à la population présente sur la propriété du
ministère de la Défense nationale, située à Ballenas.
vi
HISTORIQUE DU COSEPAC
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite
en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification
nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le
COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces
et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le
5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un
processus scientifique rigoureux et indépendant.
MANDAT DU COSEPAC
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des
sous-espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations
peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles,
amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.
COMPOSITION DU COSEPAC
Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements
provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère
des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la
nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces
et du sous-comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier
les rapports de situation des espèces candidates.
Espèce sauvage
DÉFINITIONS
(2009)
Espèce, sous-espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte
d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus)
qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et
y est présente depuis au moins cinquante ans.
Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.
Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.
En voie de disparition (VD)*
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.
Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont
pas renversés.
Préoccupante (P)**
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet
cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.
Non en péril (NEP)***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné
les circonstances actuelles.
Données insuffisantes (DI)**** Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer
l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de
disparition de l’espèce.
*
Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.
**
Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
***
Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
****
Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
*****
Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994
à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.
Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat
du COSEPAC.
vii
Mise à jour
Rapport de situation du COSEPAC
sur la
Renoncule à feuilles d'alisme
Ranunculus alismifolius
au Canada
2009
TABLE DES MATIÈRES
INFORMATION SUR L’ESPÈCE .................................................................................... 3
Nom et classification.................................................................................................... 3
Description morphologique .......................................................................................... 3
Description génétique .................................................................................................. 5
Unités désignables ...................................................................................................... 5
RÉPARTITION ................................................................................................................ 5
Aire de répartition mondiale......................................................................................... 5
Aire de répartition canadienne ..................................................................................... 6
HABITAT ......................................................................................................................... 8
Besoins en matière d’habitat ....................................................................................... 8
Tendances en matière d’habitat................................................................................... 8
Protection et propriété ................................................................................................. 9
BIOLOGIE ..................................................................................................................... 10
Généralités ................................................................................................................ 10
Cycle vital et reproduction ......................................................................................... 10
Relations interspécifiques.......................................................................................... 11
TAILLE ET TENDANCES DES POPULATIONS ........................................................... 12
Activités de recherche ............................................................................................... 12
Abondance ................................................................................................................ 14
Fluctuations et tendances.......................................................................................... 15
Immigration de source externe .................................................................................. 15
FACTEURS LIMITATIFS ET MENACES ...................................................................... 15
IMPORTANCE DE L’ESPÈCE ...................................................................................... 16
PROTECTION ACTUELLE OU AUTRES DÉSIGNATIONS DE STATUT..................... 16
RÉSUMÉ TECHNIQUE................................................................................................. 17
REMERCIEMENTS ET EXPERTS CONTACTÉS......................................................... 19
SOURCES D’INFORMATION ....................................................................................... 19
Experts contactés ...................................................................................................... 19
Sources citées ........................................................................................................... 19
SOMMAIRE BIOGRAPHIQUE DU RÉDACTEUR DU RAPPORT ................................ 21
COLLECTIONS EXAMINÉES ....................................................................................... 21
Liste des figures
Figure 1. Illustration de la renoncule à feuilles d’alisme................................................... 4
Figure 2. Aire de répartition mondiale de la renoncule à feuilles d’alisme
(var. alismifolius)............................................................................................... 6
Figure 3. Emplacements des deux populations existantes de renoncule à feuilles
d’alisme au Canada.......................................................................................... 7
Figure 4. Tracé des activités de recherches effectuées par Fairbarns entre 2002 et
2006 dans l’habitat propice à la renoncule à feuilles d’alisme. ....................... 13
Liste des tableaux
Tableau 1. Localités, population et propriété des terrains – renoncule à
feuilles d’alisme .......................................................................................... 14
INFORMATION SUR L’ESPÈCE
Nom et classification
Nom scientifique :
Ranunculus alismifolius Geyer ex Benth.
Nom commun français : Renoncule à feuilles d’alisme
Nom commun anglais : Water-plantain Buttercup, Plantainleaf Buttercup,
Dwarf Buttercup
Famille :
Renonculacées
Grand groupe végétal : Eudicotylédones
La renoncule à feuilles d’alisme est une espèce bien caractérisée. Il existe de
quatre (Integrated Taxonomic Information System, 2007) à six (Whittermore et Parfitt,
1997) variétés reconnues, mais seule la variété alismifolius se trouve au Canada
(NatureServe, 2007). Dans le premier rapport de situation du COSEPAC, la graphie
de « alismaefolius » figurant dans le nom utilisé, Ranunculus alismaefolius var.
alismaefolius (lllingworth et Douglas, 1996), ne respecte pas la grammaire latine.
Description morphologique
La renoncule à feuilles d’alisme (figure 1) est une vivace pouvant atteindre 60 cm
de hauteur. Elle produit d’une à plusieurs tiges dressées à partir d’une base commune,
qui ne s’enracinent pas aux nœuds et qui se ramifient généralement vers le haut.
Les feuilles, dont la longueur (jusqu’à 14 cm) est au moins le double de sa largeur,
sont lancéolées, entières ou légèrement dentelées, et jamais profondément lobées.
Les basilaires naissent sur de longs pétioles étroits, qui sont plus courte chez les
feuilles du milieu et qui sont absents chez les feuilles terminales. La fleur porte des
pétales, de 5 à 10 mm de longueur, d’un jaune brillant caractéristique du genre, qui
sont généralement au nombre de 5 , mais qui peuvent aller jusqu’à 10. De 10 à
60 pistils (organes reproducteurs femelles) ornent le centre de la fleur, et chacun forme
un akène (fruit sec qui ne contient qu’une seule graine) lisse et glabre, mesurant de
1,5 à 2,5 mm de long et se terminant par un bec droit de 1 mm environ (Hitchcock et
al., 1964).
3
Figure 1. Illustration de la renoncule à feuilles d’alisme. Dessin au centre : plant mature; dessin du coin inférieur
gauche : akène (fruit). Illustration de Janish, tirée de Hitchcock et al., 1964, reproduction autorisée.
4
La renoncule à feuilles d’alisme est susceptible d’être confondue avec une seule
autre espèce, la renoncule flammette (Ranunculus flammula), qui se trouve dans son
aire de répartition canadienne. Celle-ci possède cependant des tiges cambrées ou
rampantes qui s’enracinent aux nœuds, et ses feuilles sont généralement plus courtes
et plus étroites que celles de la renoncule à feuilles d’alisme.
L’espèce ressemble à première vue à sa congénère, la renoncule glabre
(Ranunculus glaberrimus var. ellipticus), qui porte à l’occasion des feuilles non lobées.
Celle-ci est parfois confondue avec la renoncule à feuilles alisme, si l’on se fonde sur
certaines caractéristiques, mais elle se différencie par le limbe plus étendu de ses
feuilles et sa tige basale unique. La chaîne Côtière et la chaîne des Cascades marquent
également la limite ouest du territoire de la renoncule glabre au Canada et la limite est
de celui de la renoncule à feuilles d’alisme.
Description génétique
Le nombre de chromosomes que compte la renoncule à feuilles d’alisme
est inconnu, et aucune étude de sa génétique n’a été recensée.
Unités désignables
Une seule unité désignable est reconnue, car une seule variété est présente
au Canada et qu’elle est géographiquement confinée à une petite région de la
Colombie-Britannique, située dans une seule aire écologique (Pacifique),
reconnue par le COSEPAC.
RÉPARTITION
Aire de répartition mondiale
La renoncule à feuilles d’alisme se trouve dans presque toute la portion ouest de
l’Amérique du Nord, de la Colombie-Britannique jusqu’à la Baja California, vers le sud,
et jusqu’aux États du Montana, du Wyoming et du Colorado, vers l’est (Whittermore et
Parfitt, 1997). La variété alismifolius (figure 2) est présente depuis la ColombieBritannique jusqu’en Californie et, vers les, jusqu’aux États de l’Idaho et du Montana
(Whittermore et Parfitt, 1997).
5
Figure 2. Aire de répartition mondiale de la renoncule à feuilles d’alisme (var. alismifolius). Adapté de Kartesz et
Meacham, 1999, Hitchcock et al., 1964.
Aire de répartition canadienne
Au Canada, la renoncule à feuilles d’alisme ne se trouve que dans
deux emplacements, sur la côte du sud-ouest de la Colombie-Britannique (figure 3).
Environ 120 km séparent les deux populations existantes, et les sites où d’autres
populations avaient été signalées par la province se trouvent entre les deux. La zone
d’occurrence a été estimée à environ 500 m2 d’après la longueur approximative (en km)
du littoral entre les deux sites et le pourtour des îles avoisinantes multipliée par 1,0
(parce qu’il est peu probable que l’espèce vive à plus de 1 km dans les terres).
L’espèce occuperait actuellement moins de 500 m2, mais, comme les deux populations
se trouvent sur différentes parcelles de la grille 2 km sur 2 km, l’indice de la zone
d’occupation est de 8 km2 selon la règle en usage par le COSEPAC ou de seulement
2 km2, selon une grille de 1 km sur 1 km.
6
Figure 3. Emplacements (étoiles) des deux populations existantes de renoncule à feuilles d’alisme au Canada.
Les populations sont considérées comme extrêmement fragmentées selon les
critères suivants : il n’existait que deux populations en 2007, séparées par une grande
distance (quelque 120 km) qui empêche toute possibilité d’échange de propagules; les
populations sont de très petite taille et occupent de minuscules parcelles d’habitat
(population d’Oak Bay = 121 individus répartis sur 128 m2; population de l’île Ballenas =
185 individus répartis sur 32 m2); il est fort douteux que des populations d’aussi petite
taille et soumises à plusieurs facteurs de risque continu subsistent à long terme.
7
HABITAT
Besoins en matière d’habitat
Au Canada, la renoncule à feuilles d’alisme se trouve dans des étangs
printaniers côtiers de basse altitude associés aux écosystèmes du chêne de Garry.
Les températures estivales sont fortement adoucies par la proximité de l’océan.
Les brouillards côtiers et la proximité du littoral tendent à atténuer les gels hivernaux
(particulièrement la nuit), retardent l’accumulation de chaleur et peuvent ralentir la
croissance végétale, surtout en fin de printemps. Les étangs printaniers côtiers sont
dépourvus de végétation ligneuse parce qu’ils sont saturés d’eau plusieurs mois durant,
entre novembre et avril, et qu’un important déficit hydrique s’y produit en période
estivale (Fairbarns, obs. pers.)
Tendances en matière d’habitat
Perte d’habitat
La superficie de l’habitat potentiel dans le sud-est de l’île de Vancouver et sur les
îles adjacentes au large des côtes a considérablement diminué au cours du dernier
siècle, car des étangs printaniers ont été détruits au cours de l’aménagement des terres
à des fins résidentielles et récréatives. Il n’existe aucune estimation fiable du taux
de perte des étangs printaniers, mais il serait plus marqué que le taux de perte des
écosystèmes du chêne de Garry dans la région de Victoria parce que les étangs
printaniers se trouvaient surtout dans la zone littorale convoitée et plus propice à la
construction en hauteur. La superficie des écosystèmes du chêne de Garry dans la
région de Victoria a reculé de 95 %, passant de 10 510 ha en 1800 à 512 ha en 1997
(Lea, 2002). Il est peu probable que les sites abritant les deux populations restantes de
la renoncule à feuilles d’alisme au Canada soient aménagés dans un avenir proche,
mais la superficie des sites propices à l’établissement de nouvelles populations, selon
les recommandations du programme de rétablissement de l’espèce (Parcs Canada,
2006), décline constamment. Cette situation résulte des demandes constantes exigeant
plus d’espaces récréatifs et une construction résidentielle plus intensive dans l’aire
de répartition canadienne de l’espèce. À titre d’exemple, la population de la région
métropolitaine de Victoria est passée d’environ 180 000 habitants en 1966 à quelque
348 467 habitants en 2007 et devrait atteindre 407 600 personnes d’ici 2026 (Capital
Regional District, 2007a; idem, 2007b). Les propriétés les plus chères et les plus
recherchées longent la côte, où se trouve la majeure partie de l’habitat de l’espèce.
La pression en faveur de l’aménagement d’un habitat d’étangs printaniers capable
de soutenir l’espèce continuera donc à se faire sentir.
Sentiers récréatifs
L’une des populations de renoncules à feuilles d’alisme se trouve sur une île isolée
à usage récréatif restreint. L’autre est située dans les limites d’un parc municipal très
fréquenté. La plupart des individus de cette population poussent au carrefour de
8
plusieurs sentiers de randonnée, et ces individus sont régulièrement piétinés par les
passants et quelquefois détruits par les chiens. Les principaux sentiers sont fauchés
régulièrement par les employés municipaux pour créer des allées coupe-feu, une
opération qui se pratique parfois avant la grenaison (Fairbarns, obs. pers.). Les
bienfaits associés à la destruction de la biomasse herbacée envahissante peuvent
cependant compenser les effets négatifs du fauchage. Des amateurs de vélo ont creusé
le sol à proximité de plants de l’espèce (et, dans un cas, endommagé directement des
plants) afin d’ériger des rampes et des tremplins pour des parcours non autorisés de
vélos BMX (Fairbarns, obs. pers.). L’administration municipale a tenté de mettre fin à
cette activité illégale et de restaurer les sites endommagés, mais aucun contrevenant
n’a encore été arrêté et la situation risque de se poursuivre (Middleton, comm. pers.,
2005).
Envahissement de l’habitat par des espèces exotiques
La renoncule à feuilles d’alisme est maintenant confinée aux étangs printaniers
situés à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer sur les zones côtières, y
compris sur les îles au large des côtes. Les sites sont aujourd’hui envahis de façon
importante par des graminées et des plantes herbacées non graminoïdes, dont la
renoncule rampante (Ranunculus repens), la houlque laineuse (Holcus lanatus), le
dactyle pelotonné (Dactylis glomerata) et l’agrostis solonifère (Agrostis stolonifera). Les
étangs printaniers où pousse la renoncule à feuilles d’alisme sont petits et sous
l’influence des arbustes qui envahissent l’habitat de pré adjacent (Fairbarns, obs. pers.),
notamment la ronce laciniée (Rubus laciniatus) et l’aubépine à un style (Crataegus
monogyna).
Protection et propriété
L’une des populations rémanentes se trouve dans un parc géré par la municipalité
d’Oak Bay. Cette dernière a amorcé, en 2005, un programme de lutte contre les
espèces qui envahissent l’habitat de certaines espèces en péril dans les parcs,
notamment la population de renoncule à feuilles d’alisme. Ce programme avait été
précédé par des initiatives volontaires peu documentées. Les arbustes envahissants ont
été enlevés, surtout à l’aide d’engins mécaniques. Les espèces d’arbuste ciblées ont
regagné une partie des sites traités par régénération à partir des semences enfouies
dans le sol ou provenant de sites adjacents (p. ex. les oiseaux ont largement dispersé
les drupes des aubépines à un style qui avaient été plantées comme arbres d'ornement
aux abords des routes adjacentes). La municipalité n’assure pas une protection
adéquate de l’habitat contre les menaces associées aux activités récréatives.
L’autre population se trouve sur des terres domaniales relevant du ministère de la
Défense nationale. Elle occupe un site retiré où l’accès public est interdit et encore peu
touché par les plantes exogènes; leur présence avoisinante indique cependant que ces
plantes peuvent éventuellement constituer une menace modérée pour cet habitat.
Aucune mesure de lutte contre les plantes envahissantes n’a encore été prise.
9
Le reste de l’habitat d’étangs printaniers inoccupé dans la zone d’occurrence
de l’espèce se trouve dans des parcs municipaux, qui ne sont pas assujettis à des
politiques de protection des espèces en péril. Quelques municipalités de la région
assurent cependant une certaine protection de cet habitat par la lutte contre les
arbustes envahissants.
BIOLOGIE
Généralités
Il existe très peu de documentation sur la biologie de la renoncule à feuilles
d’alisme. À moins d’indication contraire, les données de la section suivante proviennent
d’observations de la population d’Oak Bay effectuées sur le terrain par Matt Fairbarns
entre 2002 et 2007.
Cycle vital et reproduction
La levée de la dormance s’amorce au début de mars, lorsque le sol des étangs
printaniers commence à se réchauffer, et la plupart des plants ont repris leur croissance
à la fin de mars. Les premiers bourgeons floraux apparaissent à la fin d’avril, bon an,
mal an, et la floraison culmine à la mi-mai. Des fruits verts se forment en mai et au
début de juin, et les akènes arrivent à maturité vers la mi-juin. Le sol s’assèche
complètement dans les deux semaines qui suivent, les pousses se dessèchent peu
à peu, et les graines se dispersent.
Des essais de germination ont démontré qu’un séjour de deux mois des semis
en serre chaude suivi de deux semaines de temps plus frais offre les conditions de
croissance optimales. Les semis en caissette n’ont pas été plus productifs, et les
plantules ont été repiquées sur le terrain (Bartow, 2007).
Van der Pijl (1982) a signalé que les akènes de la renoncule rampante
(Ranunculus repens) peuvent se disperser sous l’effet du vent, par les déjections
animales et par le poil et les plumes des espèces animales. La paroi du fruit est
imperméable, et les akènes se dispersent en flottant sur l’eau grâce à leur tension de
surface élevée (Van der Pijl, 1982). La plupart des akènes de la renoncule à feuilles
d’alisme seraient ainsi transportés sur de courtes distances vers des étangs.
10
Dans les deux sites au Canada, les plants sont de petite taille ou poussent dans
des emplacements plutôt abrités, qui limitent la capacité de dispersion des graines par
le vent. Le bec de l’akène de la renoncule à feuilles d’alisme n’est pas recourbé comme
celui de la renoncule rampante, et l’akène peut difficilement s’accrocher à la fourrure
ou au plumage des espèces animales. Les herbivores broutent parfois les fleurs de
l’espèce, mais rarement ses infructescences, qui produisent des graines mûres. Il arrive
que de petits oiseaux ou des oiseaux aquatiques se nourrissent de graines mûres
tombées au sol et qu’ils les emportent ailleurs, soit parce qu’ils les ont ingurgitées
soit parce que la boue restée sur leurs pattes en contient. Malgré l’immense superficie
d’habitat disponible à moins de 500 m de la population d’Oak Bay, les plants n’ont
gagné que 1 ou 2 mètres entre 1996 (année de la première cartographie de l’habitat)
et 2007. Il est possible d’en conclure que la graine se disperse rarement sur plus de
10 mètres.
La renoncule à feuilles d’alisme ne se reproduit pas par voie asexuée. L’âge
moyen ou la durée de vie des plants sont inconnus, mais plusieurs années peuvent
s’écouler entre la germination et la floraison.
Herbivores
Une quantité importante de plants peuvent être broutés par les vertébrés. Règle
générale, les feuilles sont laissées intactes, et seules les inflorescences ouvertes sont
consommées (Fairbarns, obs. pers.), les fruits n’étant pas touchés. Les insectes
causent rarement d’importants dommages foliaires.
Relations interspécifiques
Les strates arbustive supérieure et arborescente inhibent la croissance de l’espèce
en limitant la quantité de lumière disponible. Les espèces ligneuses et herbacées
(surtout les graminées et d’autres plantes envahissantes rustiques) entrent en
compétition avec l’espèce pour les nutriments. Aucun autre type de relations
interspécifiques importantes du point de vue biologique susceptible de toucher
l’espèce n’est connu.
11
TAILLE ET TENDANCES DES POPULATIONS
Activités de recherche
La renoncule à feuilles d’alisme produit des fleurs distinctes qui attirent l’œil et
passent rarement inaperçues. Ses feuilles caractéristiques permettent de facilement
la distinguer des autres espèces ayant des fleurs d’un jaune brillant, y compris ses
congénères. Depuis le début des années 1980, de nombreux relevés ont été effectués
dans des sites propices se trouvant dans l’aire de répartition de l’espèce dans le cadre
d’une série de projets visant à documenter la répartition des plantes rares présentes
dans des étangs printaniers et des zones de suintement du sud-est de l’île de
Vancouver et sur îles Gulf. Plus de 300 journées-personnes ont été consacrées à
ces relevés. Parmi les principaux chercheurs figuraient Adolf et Oldriska Ceska, Matt
Fairbarns, Hans Roemer, Jenifer Penny, Harvey Janszen, Frank Lomer et le défunt
George Douglas, tous familiers de la renoncule à feuilles d’alisme. Depuis 2002,
Fairbarns mène une recherche ciblée sur la renoncule à feuilles d’alisme dans les
étangs printaniers situés dans la zone d’occurrence de l’espèce (figure 4). Des visites
ont ainsi été menées en pleine floraison ou fructification (périodes où l’espèce est plus
visible), dans les zones suivantes :
1. tous les réseaux d’étangs printaniers accessibles du littoral sud-est de
l’île de Vancouver, où des espèces végétales rares avaient été
signalées;
2. tous les réseaux d’étangs printaniers accessibles du rivage de l’île de
Vancouver, de East Sooke à Swartz Bay (zone de plus forte
concentration des espèces rares présentes dans des étangs
printaniers);
3. tous les réseaux d’étangs printaniers des îles et des îlets au large de
l’île de Vancouver, de East Sooke à Swartz Bay.
Aucune nouvelle population n’a été trouvée par Fairbarns durant ces relevés.
12
Figure 4. Tracé des activités de recherches effectuées par Fairbarns entre 2002 et 2006 dans l’habitat propice à la
renoncule à feuilles d’alisme.
13
Abondance
Étant donné l’absence d’information sur les taux d’échange génétique propres à
l’espèce, les occurrences de l’espèce se situant à plus de 1 000 m l’une de l’autre ont
été considérées comme distinctes. Ainsi, la renoncule à feuilles d’alisme a été signalée
dans au moins deux et peut-être même quatre emplacements au Canada (voir le
tableau 1), dont seulement deux abritent encore des populations. Deux populations
(nos 1 et 2 d’Oak Bay) sont recensées d’après les spécimens d’un vieil herbier dont les
étiquettes n’indiquent pas l’emplacement précis. Il se peut que la population no 1
d’Oak Bay soit la même que les populations nos 2 ou 3 d’Oak Bay ou qu’elle soit une
population distincte. La population no 2 d’Oak Bay était probablement une population
distincte (aujourd’hui disparue); l’étiquette de l’herbier indique que les plants ont été
recueillis sur le chemin Cadbory Bay, qui traverse aujourd’hui un quartier résidentiel.
D’après Illingworth et Douglas (1996), les populations nos 2 et 3 d’Oak Bay seraient les
mêmes, une hypothèse qui semble cependant peu probable étant donné que le chemin
Cadboro Bay se trouve à plus de 1 km du site de la population no 3 d’Oak Bay (le point
le plus rapproché se trouvant à plus de 700 m du site). La population no 3 d’Oak Bay
comprend deux sous-populations (sur des parcelles séparées de plus de 1 000 m),
identifiées par les mentions 3a et 3b dans le tableau 1. Environ 250 m séparent les
sous-populations nos 3a et 3b d’Oak Bay. La population de Ballenas se trouve sur
deux petites parcelles à moins de 20 m de distance. D’après les données de relevés les
plus récentes, il y a 306 individus florifères en tout au Canada. Même si les herbivores
se nourrissent parfois de fleurs, la plupart des plants semblent fleurir suffisamment pour
produire des graines.
Tableau 1. Localités, population et propriété des terrains – renoncule à feuilles d’alisme
Emplacement
Année
Oak Bay, no 1
Oak Bay, no 2
Oak Bay, no 3a
1887
1900
n.d.
1991
1994
1997
2002
2006
1987
1991
1994
1997
2002
2006
1995
Herborisateur ou
Observateur
Macoun
Anderson
Brayshaw
Douglas
Douglas
Douglas et Penny
Penny
Fairbarns
Brayshaw
Douglas
Douglas
Douglas et Penny
Penny
Fairbarns
Ceska
1998
2005
2007
Douglas
Fairbarns
Fairbarns
o
Oak Bay, n 3b
Ballenas
Nombre de plants
par parcelle
Inconnu
Inconnu
Inconnu
17 par ?
32 par 4 m2
15 par 2 m2
12 par 1 m2
55 par 1 m2
Inconnu
40 par ?
18 par 1 m2
46 par 7 m2
46 par 12 m2
66 par 100 m2
De 15 à 20 par 5 à 10
m2
Inconnu
112 par 16 m2
185 par 16 m2
14
Propriété des terrains
ou notes
Inconnue
Inconnue
Parc municipal
Parc municipal
Ministère de la Défense
nationale
nationale
Fluctuations et tendances
Le nombre de renoncules à feuilles d’alisme matures et capables de se reproduire
dans une population donnée peut fluctuer d’une année à l’autre en raison des variations
de l’humidité du sol, au printemps et au début de l’été, et d’autres facteurs de moindre
importance comme la prédation des fleurs et des graines. La sous-population no 3a
a varié de 12 à 55 individus florifères dans un court intervalle de quatre ans. Une
fluctuation de cette ampleur a également été observée dans la sous-population no 3b,
dont l’effectif a varié de 18 à 66 individus sur une période de 12 ans. Il est intéressant
de noter que les sous-populations nos 3a et 3b ne fluctuent pas du tout en synchronie.
En effet, la sous-population no 3b a été peu florifère en 1994 alors que l’année a été
plutôt productive pour la sous-population no 3a. Une tendance précise de la taille de la
population ne semble pas se démarquer dans l’une ou l’autre des sous-populations ni
dans l’ensemble de la population no 3 d’Oak Bay. L’effectif de la population de Ballenas
varie entre 15 et 185 individus. Au Canada, la population annuelle totale semble osciller
entre environ 45 et 306 individus matures et capables de se reproduire.
Immigration de source externe
Des relevés floristiques étendus ont été réalisés dans des sites voisins de l’État de
Washington, notamment la péninsule Olympic (Buckingham et al., 1995), les principales
îles du comté de San Juan (Atkinson et Sharpe, 1993) et sur des petits îlets de ce
même comté (Giblin, comm. pers., 2006). Selon les résultats de ces relevés, la
renoncule à feuilles d’alisme serait absente de la péninsule Olympic et des îles du
comté de San Juan, et la population des États-Unis la plus proche se trouverait à au
moins 50 km du Canada. Pour ces raisons, la possibilité d’une migration naturelle
des gènes (par les graines ou le pollen) à partir des États-Unis est négligeable.
FACTEURS LIMITATIFS ET MENACES
Le fauchage et le piétinement, dont il a été question dans la section sur les
tendances en matière d’habitat, posent une menace directement sur les plants tout
comme l’envahissement des étangs par les espèces exotiques, notamment les
graminées et les herbacées florifères.
L’herbivorie représente une menace pour le développement des populations
parce que les inflorescences sont détruites avant la production de graines matures.
15
IMPORTANCE DE L’ESPÈCE
La renoncule à feuilles d’alisme peut ornementer les jardins d’eau. Des graines de
l’espèce ont été intégrées à un mélange de semences servant à la remise en état des
prairies humides de la vallée de la Willamette, dans l’ouest de l’Oregon (City of Eugene,
2007). Les graines proviennent du National Resource Conservation Service du
département de l’Agriculture des États-Unis, qui a effectué des essais de germination et
fait pousser des plants en conteneur au Corvallis Plant Materials Center (Bartow, 2007).
PROTECTION ACTUELLE OU AUTRES DÉSIGNATIONS DE STATUT
L’organisme The Nature Conservancy des États-Unis a attribué à la renoncule à
feuilles d’alisme (var. alismifolius) la cote « G5T5 », c.-à-d. non en péril à l’échelle
mondiale et sans risque de disparition. L’espèce n’a pas été classée par NatureServe
dans les États de la Californie, de Washington, de l’Idaho, de l’Oregon, du Montana, du
Nevada et du Wyoming, ce qui signifie habituellement que l’espèce est présente et non
en péril (NatureServe Explorer, 2007).
Le ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique a inscrit la
renoncule à feuilles d’alisme sur la liste rouge parmi les espèces menacées ou en
voie de disparition dans la province et lui a accordé la cote « S1 » (gravement en
péril) (Species and Ecosystems Explorer de la Colombie-Britannique, 2007). Une
telle désignation ne vaut cependant pas de protection à l’espèce dans la province.
Le COSEPAC a désigné la renoncule à feuilles d’alisme comme étant une espèce en
voie de disparition au Canada (2000). L’espèce est également inscrite comme espèce
en voie de disparition à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement
fédéral, ce qui procure une protection seulement à l’espèce présente sur des terres
domaniales, notamment sur la propriété du ministère de la Défense nationale située
à Ballenas.
16
RÉSUMÉ TECHNIQUE
Ranunculus alismifolius
Renoncule à feuilles d’alisme
Répartition au Canada : Colombie-Britannique
Water-plantain Buttercup
Données démographiques
Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population)
Tendance et dynamique de la population
Pourcentage observé, estimé, inféré ou soupçonné de la réduction ou
de l’augmentation du nombre total d’individus matures au cours des
cinq ou dix prochaines années ou encore des deux ou trois dernières
générations
Pourcentage prévu ou soupçonné de la réduction ou de l’augmentation
du nombre total d’individus matures au cours des cinq ou dix
prochaines années ou encore des deux ou trois dernières générations
Pourcentage observé, estimé, inféré ou soupçonné de la réduction ou
de l’augmentation du nombre total d’individus matures au cours de
toute période de cinq ou dix ans ou encore des deux ou trois
générations, couvrant une période antérieure et ultérieure
Est-ce que les causes du déclin sont clairement réversibles?
Est-ce que les causes du déclin sont comprises?
Est-ce que les causes du déclin ont cessé?
Tendance observée, prévue ou inférée du nombre de populations
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures?
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations?
Information sur la répartition
Superficie estimée de la zone d’occurrence
Tendance observée, prévue ou inférée de la zone d’occurrence
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de la zone d’occurrence?
Indice de la zone d’occupation (IZO)
Tendance observée, prévue ou inférée de la zone d’occupation
Y a-t-il des fluctuations extrêmes de la zone d’occupation?
La population totale est-elle très fragmentée?
Nombre d’emplacements actuels
Tendance du nombre d’emplacements
Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements?
Tendance observée, prévue ou inférée de la qualité, l’aire ou
l’étendue de l’habitat
Nombre d’individus matures dans chaque population
Population
Oak Bay (fluctue de 30 à 121 individus)
Ballenas (fluctue de 15 à 185 individus)
Total (variable en raison des fluctuations)
Nombre de populations (emplacements)
17
Inconnue; au moins plusieurs
années jusqu’à l’étape de la
floraison
S.O.
S.O.
S.O.
S.O.
S.O.
S.O.
Stable
Non, mais il y a une fluctuation
Non
500 km2
Stable depuis les dix dernières
années
Non
8 km2, selon une grille de
2 × 2 km,
2 km2, selon une grille de
1 × 1 km
Stable
Non
Oui
2
Stable
Non
Diminution de la qualité
Nombre d’individus matures
121 (2006)
185 (2006)
Environ de 45 à 306
2
Analyse quantitative
Non disponible
Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou les habitats)
Menaces pesant sur l’habitat : perte d’habitat, espèces envahissantes, utilisation de sentiers récréatifs
Menaces pesant sur les populations : fauchage, herbivorie, piétinement
Immigration de source externe
Statut ou situation des populations de l’extérieur?
États-Unis : non en péril
Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible?
Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au
Canada?
Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus
immigrants?
La possibilité d’une immigration de populations externes existe-t-elle?
Non
Inconnue
Oui
Non
Statut existant
COSEPAC : En voie de disparition (2009)
Statut et justification de la désignation
Statut :
Code alphanumérique :
En voie de disparition
B1ab(iii)+2ab(iii); C2a(i)
Justification de la désignation :
Cette espèce est réduite à deux petites populations présentes dans l’écosystème très perturbé du chêne
de Garry, dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique. Les impacts des activités humaines et la
propagation des plantes envahissantes dans les habitats de mares printanières et aux environs de ceuxci continuent de mettre l’espèce en danger de disparition du pays.
Applicabilité des critères
Critère A (Déclin du nombre total d’individus matures) : Il n’y a pas de données disponibles attestant d’un
déclin suffisamment marqué des populations de l’espèce de sorte que celle-ci corresponde à ce critère.
Critère B (Petite aire de répartition, et déclin ou fluctuation) : L’espèce correspond au critère de la
catégorie « en voie de disparition », B1ab(iii)+2ab(iii), étant donné que sa zone d’occupation et son IZO
sont inférieures aux seuils critiques et que la qualité de l’habitat des deux populations existantes continue
de baisser.
Critère C (Petite population et déclin du nombre d’individus matures) : L’espèce correspond au critère de
la catégorie « en voie de disparition », C2a(i), étant donné que la population totale est très en deçà de
2 500 individus, qu’il n’existe aucune population comptant plus de 250 individus et qu’un déclin continu
est inféré en raison des effets du fauchage, de l’herbivorie et du piétinement, tout particulièrement dans
la zone très urbanisée de la population d’Oak Bay.
Critère D (Très petite population ou aire de répartition limitée) : L’espèce correspond au critère de la
catégorie « menacée », D1, car elle possède un effectif inférieur à 1 000 individus, et correspond au
critère de la catégorie « menacée », D2, car il n’existe plus que deux populations, soumises à des
menaces continues.
Critère E (Analyse quantitative) : Non disponible
18
REMERCIEMENTS ET EXPERTS CONTACTÉS
Le rédacteur du présent rapport remercie Mike Miller et Jenifer Penny de leur
généreuse collaboration sur le terrain et leur conversation enrichissante. Il souligne
également le précieux soutien reçu du Service canadien des forêts et du ministère de
la Défense nationale.
SOURCES D’INFORMATION
Experts contactés
Kevin Fort. Biologiste, espèces en péril, Centre de recherche sur la faune du Pacifique,
Service canadien de la faune, Environnement Canada.
David Fraser. Spécialiste des espèces en voie de disparition, Biodiversity Branch,
Conservation Planning Section, Ministry of Environment, gouvernement de la
Columbie-Britannique.
Gloria Goulet. Coordinatrice, connaissances traditionnelles autochtones, Secrétariat du
COSEPAC, Service canadien de la faune, Environnement Canada.
Patrick Nantel, Ph.D. Biologiste en conservation, programme des espèces en péril,
Agence Parcs Canada.
Jenifer Penny. Botaniste, Conservation Data Centre de la Colombie-Britannique,
Victoria, Colombie-Britannique.
Sources citées
Agence Parcs Canada. 2006. Programme de rétablissement multi-espèces visant les
plantes en péril des mares printanières et autres milieux humides saisonniers
associés aux chênaies de Garry au Canada, in Programmes de rétablissement en
vertu de la Loi sur les espèces en péril, Agence Parcs Canada, Ottawa, 82 p.
Atkinson, S., et F. Sharpe. 1993. Wild Plants of the San Juan Islands, 2e édition, The
Mountaineers, Seattle, 191 p.
Bartow, A. 2007. The 2006 Bureau of Land Management Annual Report: West Eugene
Wetlands, Corvallis Plant Materials Center, Natural Resources Conservation
Service, Corvallis (Oregon).
Buckingham, N.M., E.G. Schreiner, T.N. Kaye, J.E. Burger et E.L. Tisch. 1995. Flora of
the Olympic Peninsula, Northwest Interpretive Association, Seattle, 199 p.
Capital Regional District. 2007a. Interim estimates of population growth.
Source accessible à l’adresse http://www.crd.bc.ca/info/factsheets
/documents/POPGROW_07.pdf
19
Capital Regional District. 2007b. Population forecasts, 2026. Source accessible à
l’adresse http://www.crd. bc.ca/i nfo/factsheets/docu ments/Pop_Forecast_2026.
PD F
City of Eugene. 2007. West Eugene Wetlands Project. Source accessible à l’adresse
http://www.eugeneor.gov/portal/server. pt?open=512&obj I D=667&Page I
D=0&cached=true&mode=2& userID=2
Giblin, D. 2006. Communication personnelle, gestionnaire des collections, University of
Washington, correspondance par courriel adressée à M. Fairbarns, datée du 9 août
2006.
Hitchcock, C.L., A. Cronquist, M. Ownbey et J.W. Thomson. 1964. Vascular plants of
the Pacific Northwest, Part 2: Salicaceae to Saxifragaceae, Univ. Wash. Press,
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COSEWIC assessment and status report on water-plantain buttercup Ranunculus
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Integrated Taxonomic Information System. 2007. Integrated Taxonomic Information
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Kartesz, J.T., et C.A. Meacham. 1999. Synthesis of the North American Flora,
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Lea, T. 2002. Historical Garry Oak Ecosystems of Greater Victoria and Saanich
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Middleton, L. 2005. Communication personnelle, gestionnaire, Parks Services,
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North of Mexico, Flora of North America Editorial Committee (éd.), 1993 et années
subséquentes, 12 + vol., New York et Oxford, vol. 3, p. 356-357.
20
SOMMAIRE BIOGRAPHIQUE DU RÉDACTEUR DU RAPPORT
Matt Fairbarns possède un baccalauréat ès sciences avec spécialisation en
botanique de l’Université de Guelph (1980). Il a axé ses travaux sur les espèces rares
et la cartographie, l’inventaire et la conservation des écosystèmes de l’ouest du Canada
durant une vingtaine d’années. À l’emploi du gouvernement de la Colombie-Britannique
comme botaniste jusqu’en 2003, il dirige aujourd’hui la firme Aruncus Consulting, une
société de recherche dans le domaine de la conservation des ressources biologiques.
COLLECTIONS EXAMINÉES
Les collections suivantes ont été examinées :
• Herbier du Royal BC Museum (V)
• Herbier de l’Université de Victoria (UVIC)
21
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