philosophie aussi, là où l’on travaille patiemment le concept au mépris des brouhahas
et des jugements hâtifs, et que certains livres, plus que d’autres, sont appelés à faire
date. Tel est le cas du livre que Corine Pelluchon publie en ce début d’année qui,
disons-le sans plus tarder et sans effet de manche, nous apparaît comme étant l’un des
plus importants publiés en France en philosophie de l’environnement depuis Le
contrat naturel de Michel Serres (1990) et les Politiques de la nature de Bruno Latour
(1999).
Depuis la publication en 2005 de son étude sur la philosophie politique de Leo Strauss,
couronné du prix François Furet en 2006, l’auteure, Professeur à l’université de
Franche-Comté, spécialiste de philosophie politique et d’éthique appliquée, s’est
surtout fait connaître pour ses travaux en bioéthique[1], dans lesquels elle élabore une
éthique de la vulnérabilité d’inspiration nettement lévinassienne, en ménageant une
place de plus en plus grande, d’une publication à l’autre, à une réflexion relevant de la
philosophie animale et de la philosophie environnementale.
Mais l’angle d’analyse adopté jusqu’alors –focalisé sur la vulnérabilité comme fragilité
ou besoin de l’autre, et la vulnérabilité comme ouverture à l’autre ou responsabilité
pour l’autre–, en dépit de son indéniable pouvoir d’élucidation, ne permettait guère
d’articuler les principes d’une philosophie de l’environnement prenant à bras le corps
des problèmes aussi complexes que ceux des dégradations multiformes infligées à la
nature, du réchauffement climatique et de la malnutrition mondiale. Pour y parvenir,
il fallait que se produisent un tournant conceptuel majeur et un élargissement inédit
de la perspective théorique. C’est précisément ce que vient de réaliser avec éclat Corine
Pelluchon, en prolongeant son éthique de la vulnérabilité en une philosophie de