05-23_biotechnews_362 30/03/15 10:18 Page 15 Biodiversité Phytoremédiation Ce qui vit sous le sol façonne ce qui vit en surface Le saule décontamine les sols Bactéries, champignons, lombrics, taupes... La diversité des organismes qui peuplent les sols est immense. Au sein d’un seul écosystème se côtoient des millions d’espèces et des milliards d’individus. Les données sur cette « biodiversité cachée » sont encore parcellaires, mais un nombre croissant d’études indique qu’elle joue un rôle majeur dans le fonctionnement des écosystèmes de surface. Dans la revue Nature, Richard Bardgett, de l’Université de Manchester et Wim van der Putten, de l’Institut d’Écologie des Pays-Bas, font le point sur les dernières découvertes. Celles-ci révèlent notamment que la composition microbienne du sol influe sur les caractéristiques des plantes. Ainsi, des micro-organismes résistants à la sécheresse favorisent la résistance des végétaux à ce type de stress. Les relations entre ces communautés sont complexes et varient non seulement en fonction des caractéristiques physicochimiques des sols, mais aussi, et cet aspect est moins documenté, des saisons. Autant de paramètres à prendre en compte pour une gestion responsable, à même de garantir la bonne santé des écosystèmes agricoles ou naturels, et limiter l’impact des changeL. C. ments climatiques. n Bardgett RD, van der Putten WH (2014) Nature 515, 505–11 Utiliser des arbres feuillus, comme les saules, pour la phytoremédiation des sols contaminés serait rentable, d’après une étude regroupant des partenaires finlandais et russes. Le projet, financé par le programme Karelia ENPI CBC de l’Union européenne, a étudié la croissance des saules sur des sols contaminés (anciennes zones minières ou décharges) par des métaux lourds en Finlande et en Russie. Selon Aki Villa, chercheur à l’université de Finlande orientale et responsable de l’étude, « le suivi de la capacité de restauration du terrain prend plusieurs années de recherche. À la lumière des résultats que nous avons aujourd’hui, on peut s’attendre à ce que les saules, en conditions favorables (en fonction de la quantité de métaux dans le sol pollué et la génétique des arbres), débarrassent le sol du nickel en 10 ans et du chrome et du cuivre en 50 ans ». Sélectionner la meilleure espèce de saule, parmi les 400 espèces existantes, était aussi un objectif majeur de cette étude sur le terrain. Ainsi, un hybride de Salix viminalis et de Salix schwerini a été identifié comme le meilleur producteur de biomasse avec ses 2,9 tonnes de bois par hectare. Cultivé à des fins de décontamination, il pourra être utilisé pour la production d’énergie ou comme matière première dans les bioraffineries. Objectif pour les années à venir ? « Tester de nouvelles espèces et hybrides de saules, étudier comment le bois, avec les métaux lourds, peut être utilisé et enfin, améliorer les propriétés du sol des sites pollués ». n J. P. Op de Beeck et al. (2015) Energy Environ Sci, 230-40 www.uef.fi/fi/enpi/enpi Changement climatique © ECOSCENE/M. GORE/BSIP Un modèle prédit les risques d’extinctions À l'Université de Caroline du Nord, Carlos Botero propose un modèle pour évaluer la capacité d'adaptation d'une espèce à des changements climatiques plus ou moins rapides. Face aux modifications de son environnement, une espèce dispose de trois grandes stratégies d'adaptation : i) l'évolution classique ; ii) la minimisation des risques, qui favorise de multiples possibilités d'adaptation pour qu'une partie de la descendance survive ; iii) la plasticité phénotypique irréversible, un ajustement de l'expression des gènes qui s'opère à la naissance ; iv) la plasticité phénotypique irréversible, un ajustement de l'expression des gènes qui s'opère tout au long de la vie. « Nous voulions déterminer quelle stratégie fonctionne le mieux en fonction des circonstances, et trouver le point à partir duquel elle n'est plus viable », explique Carlos Botero dans un communiqué de l’université. En fonction de la vitesse du changement climatique et de sa prédictibilité plus ou moins grande dans le biotope concerné, le chercheur montre qu'on peut souvent définir la stratégie la plus prometteuse. Par exemple, les organismes qui utilisent la stratégie de la plasticité phénotypique réversible s'en sortent mieux dans un environnement hautement prédictible, même si le taux de changement climatique est rapide. Tandis que les organismes qui exploitent l'évolution Carburer à la sciure Des chercheurs belges ont réussi à convertir la cellulose issue de sciure de bois en chaînes d'hydrocarbones simples. Sous les bonnes conditions (sous pression d'hydrogène, à une température de 220 °C et en présence d'un catalyseur), cette réaction en quatre étapes prend quelques heures et atteint un rendement de 82 %. Les alkanes obtenus pourraient être utilisés, après une dernière étape simple, en additifs pour l'essence ou comme composants de bioplastiques. Le dépôt d’un brevet est en cours. n A. A. Les espèces adoptent diverses stratégies pour s’adapter au changement climatique. classique s'en sortent bien, quelle que soit la prédictibilité de l'environnement, mais à condition que le changement climatique soit lent. Le scientifique définit ainsi une série de zones caractérisées par une stratégie optimum. En revanche, dès lors qu'une espèce se retrouve dans une zone intermédiaire, même des variations de paramètres minimes (dans la prédictibilité ou la vitesse de CC) conduisent à une extinction rapide, montre l'équipe. Ces travaux pourraient permettre d'identifier des espèces apparemment saines sur le plan écologique, mais en fait très proches d'un risque de basculement. n P. D. Les anciens puits de pétrole, « super-émetteurs » de GES Des travaux récents menés par des chercheurs de l’Université de Princeton, portant sur les gaz à effet de serre (GES), ont montré que les émissions de méthane sont supérieures à ce qu’elles devraient être. Ainsi, des sources encore non répertoriées laissent échapper d’importantes quantités de ce gaz, dont le pouvoir de réchauffement global est 21 fois plus élevé que celui du CO2. Ce surcroît de méthane proviendrait de matière noire méthanière. C’est à dire de puits de forages abandonnés. n L. C. Kang M et al. (2014) Proc Nat Acad Sci USA, doi:10.1073/pnas.1408315111 Botero C et al. (2014) Proc Nat Acad Sci USA, doi:10.1073/pnas.1408589111 FÉVRIER 2015 • BIOFUTUR 362 < 15