Revue mensuelle d'Asie du sud - Septembre 2015
3
Les projections sont moins pessimistes pour le Népal et le Sri Lanka. A moyen terme, le Népal devrait même bénéficier de
l'augmentation des températures, qui autoriserait notamment une amélioration des rendements et une extension des
surfaces cultivées dans les zones de collines. Mais à plus longue échéance, la fonte des glaces représente une menace
majeure susceptible de bouleverser en profondeur les différents écosystèmes du territoire népalais. Enfin, le changement
climatique pourrait se révéler « neutre » pour Sri Lanka, pays insulaire où il demeure néanmoins difficile d'évaluer
précisément les effets du dérèglement climatique en raison des nombreuses zones agro-climatiques.
2. La faible résilience des secteurs agricoles aux chocs économiques et aux aléas
climatiques
Quel que soit le pays, le changement climatique induira de manière quasi-certaine une évolution plus ou moins prononcée
des pratiques agricoles, qu'il s'agisse des périodes d'ensemencement, du choix des cultures, de la gestion de l'eau ou du
recours aux intrants (engrais et pesticides). Or en Asie du sud, les secteurs agricoles cumulent de nombreux points de fragilité
qui grèvent leur capacité d'adaptation. A l'exception des cultures de plantations et des régions héritières de la Révolution
verte (nord-ouest de l'Inde et Pakistan), l'agriculture familiale, établie dans des exploitations de petites tailles, constitue le
modèle prédominant (3 ha au Pakistan, 1,1 ha en Inde, 0,8 au Sri Lanka, 0,7 au Népal, 0,5 au Bangladesh). A cette
fragmentation du foncier, s'ajoute une faible pénétration de la mécanisation dans les campagnes, des rendements en-dessous
de la moyenne mondiale et, d'une manière générale, des revenus particulièrement bas, la part de la population sous le seuil de
pauvreté résidant majoritairement en zone rurale. Par ailleurs, les infrastructures de stockage et de transformation sont
déficientes, empêchant la constitution de filières qui consolideraient les débouchés pour les agriculteurs et généreraient de la
valeur ajoutée.
Dernière faiblesse structurelle, les efforts en matière de recherche et de développement au service de l'agriculture sont
notoirement insuffisants en Asie du sud. Une étude de l’Agricultural science and technology indicators, publiée en septembre
2012, démontre que l’Inde qui, pourtant dispose du plan grand réseau d’ingénieurs agronomes, a un niveau de dépenses dans
la R&D rapporté au PIB du secteur agricole (0,40%) inférieur à la Chine (0,50%) et au Brésil (1,80%). Selon cette étude, le
Pakistan (0,21) et le Népal (0,23) ont des ratios considérés comme les plus faibles chez les pays en voie de développement. Ce
retard en matière de R&D devrait préempter la faculté d'innovation nécessaire à l'identification des solutions à apporter au
dérèglement climatique.
Cet état des lieux est d’autant plus préoccupant que l'Asie du sud devra relever le défi majeur de nourrir 350 millions et plus
de 800 millions d'individus supplémentaires, respectivement à l’horizon 2030 et 2050 (par rapport à 2015). D’ores et déjà, la
région compte le plus grand nombre de personnes sous-alimentées dans le monde (280 M sur 795 M en 2015). De ce point de
vue, afin d’assurer la sécurité alimentaire de leur population, les pays d’Asie du sud sont confrontés au double impératif de
moderniser leur agriculture et d’anticiper les contraintes du dérèglement climatique.
3. Des actions de lutte contre le changement climatique sous-dimensionnées
Au cours des deux dernières décennies, l’Asie du sud a fait l’expérience d’évènements climatiques de grande ampleur, à
l’instar des inondations de 2010 au Pakistan, des cyclones qui frappent régulièrement le Bangladesh ou encore des sécheresses
en Inde (2002, 2009, 2012). A cet égard, les Etats ont déjà éprouvé la série de conséquences micro-économiques (baisse de
production, endettement des agriculteurs), macro-économiques (inflation alimentaire, déséquilibre de la balance
commerciale), et politiques (insécurité alimentaire, exode rural), qui peut en résulter. A la faveur du changement climatique,
cet enchaînement pourrait survenir de manière plus fréquente et plus aiguë.
Conscients de cet enjeu, les Etats d’Asie du sud ont adopté des plans d’action pour lutter contre le changement climatique à
leur initiative et /ou avec l’appui du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, plans d’action qui tous comportent
un volet agricole. Si ces programmes ont le mérite de poser les constats, ils ont pour défaut de ne pas être opérationnels,
d’une part, parce que les budgets requis ne sont pratiquement pas engagés, d’autre part, en raison de l’absence de suivi dans
la mise en œuvre des projets. Le Bangladesh fait figure d’exception compte tenu de la médiatisation de la menace pesant sur
ce pays et de l’afflux corrélatif de financements multilatéraux et bilatéraux. S’agissant du contenu des actions, qui sont
évidemment très variables selon les Etats, la volonté de bâtir des stratégies complètes tenant compte de tous les aspects du
changement climatique sur l’agriculture a conduit à une dispersion des projets sans définir des axes prioritaires et structurants.
De fait, ces documents s’inscrivent dans une logique de catalogue d’options.