htlv-1 et lombalgies atypiques htlv-1 and atypical low

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Rachis, 1998, vol. 10,
nO
31'1'
lll-ll4
ARTICLE ORIGINAL
HTLV-1 ET LOMBALGIES ATYPIQUES
HTLV-1 AND ATYPICAL LOW-BACK PAIN
C. BONNET, M. BOIVIN, P.M. PREUX, P. VERGNE, P. BERTIN, R. TREVES
Service de Rhumatologie
et Neurologie,
CHU Dupuytren
2, avenue M.L. Kong- 87000 Limoges
RESUME
SUMMARY
Le rétrovirus HTL V-1 est responsable d'hémopathies,
de paraplégies spastiques, mais aussi de manifestations
rhumatologiques: lomboradiculalgies atypiques, ou plus
rarement
myosite. Nous rapportons
le cas d'un
Martiniquais de 21 ans, hospitalisé pour lombalgies
atypiques et altération de l'état général. L'examen
clinique met en évidence une sensibilité à la pression
des muscles
lombaires,
et des adénopathies
périphériques.
La sérologie HTL V -1 est positive,
confirmée par PCR; les sérologies HIVI et 2 sont
négatives. La recherche d'hémopathie est négative. Les
radiographies lombaires, l'IRM lombaire et la ponction
lombaire sont normales. Les CPK sont élevées (1000
UI/mI). La biopsie musculaire deltoïdienne est normale
mais la PCR HTL V-1 du muscle est positive. Les autres
étiologies de myosite étant éliminées, le diagnostic
retenu est celui de lombalgies par myosite liée au
HTLV-l.
Chez un Antillais, l'apparition
de lombalgies ou
lomboradiculalgies atypiques doit faire rechercher une
infection par HTL V-1. Une atteinte neurologique
périphérique peut être isolée, ou associée à une atteinte
neurologique
centrale liée au virus. Une atteinte
musculaire peut être retrouvée, accompagnant le plus
The human retro virus HTL V-l is responsible for
malignant proliferations of mature T lymphocytes. lt is
also implicated in neurological disorders dominated by
spastic paraplegia.
But other rheumatological
manifestations have been reported: atypical lumbar and
root pain, polyarthritis, myositis.
We reported the case of HTLV-l myositis revealed by
atypicallumbar pain. A 20-year-old West-Indies patient
was hospitalized for atypical low back pain, weight loss
and asthenia. Clinical examination showed lumbar
muscles
sensibility
without
amyotrophy,
and
adenopathies. Neurological examination was normal.
Laboratory tests revealed: erythrocyte sedimentation rate:
30 mm/h, hypereosinophilia (1000/mm3 ) and raised
Creatinine- Phospho-Kinases (CPK): 1000 VI/ml.
Hypereosinophilia was due to Strongyloïdiasis, treated by
Tiabendazole. ELISA and Western blot HTLV-l serology
was positive; HTLV-l PCR assay, performed on blood
lymphocytes was also positive. HIV-l and 2 serologies
were negative.
Spinal
and cerebral
MRI,
electromyography were normal. Cerebral fluid HTL V-l
PCR assay was negative. Deltoïd muscle biopsy did not
revealed myositic changes. ln the other hand, muscle
HTL V-l PCR assay was positive. Since 1996, no
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souvent des signes neurologiques. Elle se traduit par
une augmentation des CPK, et des lésions histologiques
de myosite inflammatoire.
La pathogénie de ces
myosites n'est pas élucidée.
significant clinical change was noted; CPK remained
raised. But any sign of spastic paraplegia appeared.
Conclusion: HTL V-l seropositive patient with history of
atypicallumbar pain due to HTL V-l myositis.
The main neurological manifestation due to HTLV-l is
spastic paraparesis. But neurotropism of HTLV-l virus
can also involve the peripheral nervous system. Atypical
lumbar and root pain can led to disco very a positive
HTL Vol serology. ln these cases, the existence of
neurological signs of central involvement is often
associated. HTL V-I is also associated with polymyositis.
Myopathy is often masked by central and/or peripheral
nervous system involvement. These patients have raised
levels of serum Creatine Kinase. Muscle biopsy shows an
inflammatory response. The pathogenesis of polymyositis
is not clearly identified.
Mots clés: Myosite - HTL V -1.
Keys words : Myositis - HTLV-l.
Le virus Human-T-Lymphotropic
Virus type 1 (HTLV-I)
est un rétrovirus de type C. Ce virus est responsable de leucémies à cellules lymphoïdes T; mais son intervention dans
d'autres pathologies a été démontrée, comme la paraplégie
spastique. Des manifestations rhumatologiques ont aussi
été observées: lomboradiculalgies atypiques, polyarthrite,
myosite ...
Nous rapportons le cas d'un patient Antillais, dont les lombalgies atypiques ont permis le diagnostic de myosite liée
au HTLV-l.
Monsieur T, 20 ans, Martiniquais, sans antécédent particulier, est hospitalisé en 1996 pour des lombalgies apparues
depuis un mois, diurnes, sans caractère mécanique net.
L'interrogatoire
retrouve une altération de l'état général
avec un amaigrissement de 5 kg en un mois, une asthénie
depuis plusieurs mois, limitant de ce fait l'activité sportive.
L'examen clinique ne met en évidence aucun syndrôme
rachidien, ni syndrôme articulaire postérieur; les muscles
para-lombaires sont sensibles à la pression, sans amyotrophie. Il n'y a pas de radiculalgie. L'examen neurologique
est normal, en dehors d'un ralentissement idéo-moteur.
La palpation des aires ganglionnaires met en évidence des
adénopathies axillaires.
Les examens complémentaires mettent en évidence un syndrôme inflammatoire (VS: 30 mmIlère heure; CRP: Ilmg/I);
une hyperéosinophilie à 1000/mm3, une augmentation des
enzymes musculaires (CPK: 1000/ml; LDH normales et
Aldolases à 4 UI/ml). Les radiographies du rachis montrent
une discopathie L5-S 1.
Les explorations suivantes sont alors réalisées:
- l'hyperéosinophilie
est due à une anguillulose (mise en
évidence à l'examen des selles de Strongyloïdes stercoraris), traitée par Tiabendazole (Mintezol*).
- La sérologie HTL V -1 (Test ELISA puis confirmation par
Western blot) est positive; La PCR HTL V-1 sur les lymphocytes sanguins est elle aussi positive. Les sérologies
HIV-l et HIV-2, hépatite B et C sont négatives.
- Les IRM lombaire et cérébrale sont normales, La ponction
lombaire est normale avec PCR HTL V -1 négative, L'électromyogramme est normal.
- Un lymphome à cellules T est éliminé (scanner thoracoabdominai et biopsie ganglionnaire normaux),
- Le bilan immunologique
est négatif (Facteurs antinucléaires, Ac anti-JO 1, cryoglobulinémie).
Aucune amélioration clinique n'est obtenue par un traitement classique des lombalgies (antalgiques, AINS, kinésithérapie), Après traitement de l'anguillulose, les lombalgies
et l'augmentation des CPK persistent. Une biopsie musculaire deltoïdienne est réalisée; elle ne montre pas d'anomalie en faveur d'un processus myositique. Une hypotrophie
des fibres musculaires de tvpe 1 est retrouvée. La PCR
HTL VI musculaire est, par contre, positive. Seuls les traitements antalgiques sont poursuivis. Au cours des 2 années
de suivi, aucune manifestation clinique de paraplégie spastique n'est apparue.
Conclusion: patient porteur du virus HTL VI, atteint de lombalgies liées à une myosite due au virus HTL V-1.
DISCUSSION
Découvert en 1980, le virus HTLV-I est un rétrovirus qui
possède un tropisme particulier pour les lymphocytes T
qu'il immortalise. En zones endémiques (Japon, Caraïbes),
sa prévalence est en moyenne de 1,5%, pouvant atteindre
30 % dans certains foyers (1).
Le dépistage de la séropositivité fait appel à un test ELISA,
confirmé par Western Blot. Une amplification génomique
(Polymerase Chain Reaction ou PCR) permet de distinguer
entre (-l'TLV -1 et 2.
En dehors de son tropisme hématologique, le neurotropisme de ce virus est maintenant bien établi. Le virus HTL V-l
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BIBLIOGRAPHIE
a d'abord été reconnu comme responsable de paraplégie
spastique (ou paraplégie associée au HTLV-l),
L'atteinte neurologique n'est pas exclusivement limitée au
système nerveux central; une atteinte radiculaire peut être
associée à l'atteinte centrale, ou même être isolée durant
une période plus ou moins longue, Comme J'a montré JeanBaptiste (2), une lomboradiculalgie peut être révélatrice de
l'infection par HTL V-1. Les auteurs ont été frappés par la
rareté des signes rachidiens, par la présence de signes neurologiques traduisant une atteinte centrale (signes pyramidaux ou syndrôme de la queue de cheval). Dans 2 cas, une
paraplégie spastique s'est ensuite installée.
L'atteinte du système nerveux périphérique peut être aussi
pauci-symptômatique,
associée à la paraplégie spastique:
dysesthésies, fréquente abolition des réflexes achiléens.
Elle peut être aussi au premier plan du syndrôme clinique,
réalisant
une
pseudo-SLA
(Sclérose
Latérale
Amyotrophique) (3).
Enfin, les muscles striés peuvent être atteints. Pour Vernant
(4), une atteinte
musculaire
peut être retrouvée
une
fois/deux; elle accompagne le plus souvent les signes neurologiques, se traduisant par une polymyosite à prédominance proximale sans atrophie musculaire majeure, et élévation des CPK. Le syndrôme myalgique est parfois masqué par l'atteinte neurologique centrale et/ou périphérique.
L'atteinte myogène est confirmée le plus souvent par la
biopsie musculaire, révélant des infiltrats lymphocytaires le
plus souvent modérés, souvent associées à des lésions de
nécrose des fibres musculaires et à une phagocytose (5).
Beaucoup plus rarement, le tableau de polymyosite peut
être au premier plan. Mais, il s'y associe presque toujours
des signes neurologiques inhabituels au cours des polymyosites (exagération des reflexes ostéo-tendineux, signe de
Babinski ..).
La pathogénie de ces polymyosites n'est pas encore clairement établie. Une réponse immune à médiation cellulaire
dirigée contre les fibres musculaires et les lymphocytes T
contenant l'antigène viral est très probable. Le provirus
HTL V -1 a été ainsi mis en évidence dans les cellules T
CD4+ infiltrant le muscle (6).
Certaines observations suggèrent une infection directe du
muscle par le virus: mise en évidence par hybridation de
protéines rétrovirales (7) ou de gènes de rétrovirus dans les
fibres musculaires atrophiques. Par contre, d'autres auteurs
(6,8) n'ont pu détecter d'infection
musculaire par HTL V -1.
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