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Estimation des risques de cancers « hors spectre tumoral commun » associés aux
mutations germinales des gènes MMR.
(Valérie Bonadona)
Valérie Bonadonaa,b, Youenn Droueta,b, Christine Lasseta,b
aUniversité Lyon 1, CNRS UMR 5558, Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive, Bâtiment Mendel,
43 bd du 11 novembre 1918, 69622 Villeurbanne cedex
bUnité de Prévention et Epidémiologie Génétique, Département de Santé Publique, Centre Léon Bérard,
28 rue Laënnec, 69373 Lyon cedex 08
Le syndrome de Lynch (SL) est une prédisposition héréditaire au cancer colorectal, liée à la transmission
autosomique dominante d’une mutation germinale d’un gène MMR (principalement MLH1, MSH2 et
MSH6). Les porteurs de mutations MMR sont à risque élevé de cancer colorectal et de cancer de
l’endomètre. Le spectre tumoral du SL inclut également les cancers de l’ovaire, de l’intestin grêle, de
l’urothélium, des voies biliaires et de l’estomac. Beaucoup de questions persistent sur le SL, notamment
sur la pénétrance des mutations ou risques cumulés (RC) de cancer selon l’âge, dont la connaissance
précise est essentielle pour la prise en charge. L’étude française multicentrique ERISCAM, réalisée sous
l’égide de l’«Unicancer Genetic Group», a estimé les risques de cancer du spectre chez les porteurs de
mutation parmi 537 familles de Lynch1,2.
A partir des données de cette étude et en utilisant la méthode GRL (Genotype Restricted Likelihood) qui
permet le calcul d’estimations s’affranchissant des biais de sélection des familles3, le projet ERISCAM2 a
estimé les pénétrances de 3 localisations tumorales, le pancréas, le sein et la prostate, dont
l’appartenance au spectre du SL est discutée. Les RC à 70 ans de cancer du pancréas sont de 3,8 % (IC
95% 0,1-33,7) chez l’homme et de 0,1 % (0-27,6) chez la femme, et les risques relatifs (RR) sont
respectivement de 8,3 (0,2-72,8) et de 0,3 (0-146,2). Le RC à 70 ans de cancer de la prostate est de 0,7
% (0,1-4,9) et le RR de 0,3 (0,1-2,3). Le RC à 70 ans de cancer du sein (chez la femme) est de 20,4 %
(3,3-45,0) et le RR de 3,4 (0,5-7,5). Aucune différence significative n’est retrouvée selon le gène muté,
mais les porteurs de mutation MLH1 pourraient avoir un risque plus élevé de développer un cancer du
pancréas (RC à 70 ans de 6,1% ; IC 0,1-35,3) et un cancer du sein (RC à 70 ans de 29,1 % ; IC 9,1-
60,2), en comparaison des porteurs de mutation des gènes MSH2 et MSH6 (0,3 % (0-32,2) et 1,4 % (0-
5,5) respectivement, pour le cancer du pancréas ; 13,9% (1,9-72,7) et 12,8% (0-30,7) respectivement,
pour le cancer du sein chez la femme).
Il sera essentiel de confirmer ces résultats préliminaires sur des études de plus grande envergure avant
d’envisager d’intégrer des pratiques de dépistage spécifique pour le cancer du pancréas et du sein dans
la prise en charge du SL (qui ne pourraient concerner d’ailleurs que les porteurs de mutation MLH1).
L’étude ERISCAM2 a été réalisée au sein d’un projet plus global, le projet OFELY (Observatoire
Français pour l’étude du SL), qui vise à constituer une base de données clinico-biologique nationale sur
le SL, ressource majeure pour promouvoir et contribuer à des projets de recherche. De nouvelles
pénétrances pour les 3 localisations étudiées, ainsi que les pénétrances d’autres localisations rares hors
spectre, seront estimées sur un échantillon plus large et plus informatif de familles.
1Bonadona V, Bonaïti B, Olschwang S et al. Cancer risks associated with germline mutations in MLH1, MSH2, and MSH6 genes in
Lynch syndrome. JAMA 2011; 305:1-7
2Bonadona V, Fricker JP, Bonaïti-Pellié C, Lasset C. Estimating cancer risks from a retrospective cohort of patients with MMR
genes mutations. J Clin Oncol 2013; 31:2229-30
3Bonaïti B, Bonadona V, Perdry H et al. Estimating penetrance from multiple case families with predisposing mutations: extension
of the GRL method. Eur J Hum Genet 2011; 19:173-9