No22_SEPTEMBRE–OCTOBRE 2009
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POINT FORT | ACTUALITÉSOCIALE
pour cause. En moyenne nationale, la
moitié du personnel qui travaille dans
une crèche ou garderie n’est pas formé.
Dans le canton de Zurich, 40% du per-
sonnel est constitué par des apprenant-
e-s, non encore diplômé-e-s, et par des
stagiaires! Le niveau moyen suisse ne
peut dès lors constituer un point de re-
père utile lorsqu’on mise sur la qualité et
non pas sur un service low cost! N’en dé-
plaise aux radicaux vaudois, qui considè-
rent les normes cantonales d’un «dange-
reux perfectionnisme vaudois»4!
Cela vaut la peine de prendre en considé-
ration le point de vue de l’UNICEF dans
les trois domaines qui concernent le per-
sonnel: le niveau de la formation, le taux
d’encadrement et les conditions de tra-
vail.
Le niveau de formation
Pour les services de la petite enfance, le
rapport préconise que la moitié au moins
du personnel puisse justifier de trois ans
de formation de niveau tertiaire. Au ni-
veau national, la Suisse ne répond pas à
ce critère. C’est le cas par contre du can-
ton de Vaud, le cadre de référence vau-
dois prévoyant que deux tiers du person-
nel ait une formation ES/HES5. Loin d’un
quelconque «perfectionnisme», cela cor-
respond tout juste au niveau minimal in-
diqué par l’UNICEF! Imposer un nivelle-
ment par le bas sous prétexte que le
niveau est inférieur ailleurs en Suisse,
notamment en Suisse alémanique, c’est
faire fausse route. Par ailleurs, dans plu-
sieurs pays, les éducateurs et éducatrices
qui s’occupent d’enfants en bas âge doi-
vent disposer d’une formation universi-
taire – c’est le cas de la Suède et de la
Finlande – ou d’une formation profes-
sionnelle supérieure, comme au Dane-
mark et en Allemagne.
L’idée qu’il n’y a pas «pas besoin d’être
bardées de diplômes pour savoir torcher
des enfants»6 reste malheureusement fort
répandue. Le fait qu’il s’agisse d’un mé-
tier historiquement et quantitativement
féminin, de même que la comparaison
avec une mère qui n’a pas besoin d’un
diplôme pour s’occuper de ses enfants ne
sont pas étrangers à cette vision des
choses. Qui est pourtant passéiste et qu’il
est urgent de dépasser.
Le taux d’encadrement
Pour les enfants de 4 à 5 ans, le rapport
fixe comme minimum un adulte pour
quinze enfants. C’est un des trois petits
points que la Suisse récolte7. Il ne serait
donc pas très intelligent de péjorer la si-
tuation comme cela s’est par exemple fait
dans le canton de Neuchâtel au début de
2008 dans le cadre de mesures d’austéri-
té! Le ssp a rassemblé les principales re-
commandations internationales et les a
résumées dans une brochure (voir enca-
dré). Ce qui ressort très clairement de
toutes les études menées au niveau inter-
national, c’est que le jeune enfant a be-
soin d’une prise en charge individualisée,
de soins et d’attention. Dès lors, si un
seul adulte doit s’occuper de trop d’en-
fants, la qualité de l’accueil s’en trouve
remise en cause.
Les conditions de travail
Pour l’UNICEF, l’enfant a besoin non seu-
lement d’un personnel qualifié, mais aus-
si d’un personnel stable. Pour stabiliser le
personnel, rien ne vaut d’avoir de bonnes
conditions de travail. Le rapport consi-
dère que les salaires et les conditions
d’emploi des éducateurs et éducatrices de
l’enfance doivent s’aligner sur ceux des
enseignant-e-s et des éducateurs-trices
sociaux-ales. Cette position vient appor-
ter de l’eau à notre moulin. Ce qui est
suffisamment rare pour être précieux. La
position défendue par l’UNICEF montre
bien que de bonnes conditions de travail
sont un élément essentiel d’un accueil de
qualité axé sur l’enfant. Et de conclure:
«De meilleurs salaires et conditions de
travail constitueraient un progrès évident
vers un changement des mentalités et
une valorisation de la profession» (p. 26).
Economiser c’est faire fausse route
Alors que les trois quarts du budget d’une
structure d’accueil pour les enfants sont
constitués de frais de personnel, écono-
miser sur ce point c’est faire fausse route.
Le rapport recommande aux Etats de
consacrer au minimum 1% du produit
intérieur brut (PIB) à l’accueil des enfants
en âge préscolaire. La Suisse ne consacre,
en moyenne nationale, qu’environ 0,2%
du PIB, soit cinq fois moins que le niveau
minimal proposé! Etrange comme le petit
enfant semble peu digne de l’intérêt de
notre société lorsqu’il s’agit d’investir des
moyens financiers pour garantir son dé-
veloppement et son épanouissement en
tant qu’être humain en devenir. A se de-
mander si, dans notre société marchande,
l’enfant n’est roi que lorsqu’il s’agit d’en
faire un consommateur précoce et vo-
race! |
Vers un service public de
l’enfance!
Le Syndicat des services publics (ssp) a publié
récemment deux brochures sur le thème de l’ac-
cueil des enfants. La première, parue en 2008 et
intitulée
Pour un service public de l’enfance! Ana-
lyse, thèses et revendications du ssp,
est née de la
réflexion de la Commission fédérative des
femmes: pour réaliser l’égalité, il faut que les
femmes puissent avoir droit à l’emploi et dès lors
que les enfants soient pris en charge pendant les
heures de travail des parents. Parallèlement, il
faut davantage de droits pour les parents qui
travaillent, notamment des congés, par exemple
lors de la naissance ou d’une maladie. Mais cela
ne suffit pas. Rapidement la question de la qua-
lité de l’accueil s’est aussi posée. L’enfant n’est
pas un paquet dont on se débarrasse pendant
quelques heures. Une deuxième brochure a donc
été publiée en 2009:
Lignes directrices du ssp:
pour un accueil de jour de qualité.
Les deux textes sont disponibles gratuitement
au secrétariat du ssp, 021 340 00 00 ou
téléchargés sur le site www.ssp-vpod.ch.
Note
1 UNICEF,
La transition en cours dans la garde et l’éducation de
l’enfant,
Bilan Innocenti 8, 2008, www.unicef-irc.org
2 Pays pris en compte dans l’ordre du classement: Suède,
Islande, Danemark, Finlande, France, Norvège, Belgique, Hon-
grie, Nouvelle-Zélande, Slovénie, Autriche, Pays-Bas, Royaume-
Uni, Allemagne, Italie, Japon, Portugal, République de Corée,
Espagne, Etats-Unis, Mexique, Suisse, Australie, Canada,
Irlande
3 Voir la brochure du ssp
Lignes directrices du ssp pour un
accueil de jour de qualité,
www.ssp-vpod.ch
4 Frédéric Borloz, député radical,
PRD,
no 6/2009
5 Le cadre de référence vaudois prévoit 80% de personnel
formé, dont les deux tiers doivent avoir une formation de
niveau ES/HES et un tiers une formation de niveau CFC.
6 Luc Barthassat, conseiller national PDC, in
La Tribune de
Genève,
3.11. 2006
7 Les deux autres critères sont: une formation initiale pour
80% de toutes les personnes s’occupant de petits enfants, y
compris nourrices et voisinage et un taux de pauvreté des en-
fants inférieur à 10%.