Qualité de l`accueil: l`UNICEF classe la Suisse en queue de peloton!

No22_SEPTEMBRE–OCTOBRE 2009
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ACTUALITÉSOCIALE | POINT FORT
Texte: Michela Bovolenta, secrétaire centrale, Syndicat des services publics (ssp)
Qualité de l’accueil: l’UNICEF classe
la Suisse en queue de peloton!
Alors que trois mères sur quatre sont
actives professionnellement, il est désor-
mais difficile de ne pas reconnaître que
l’accueil extrafamilial des enfants est une
nécessité. Même la droite et le patronat
semblent acquis à cette cause. Et le
monde politique semble prendre goût au
débat sur l’accueil de l’enfance. Pourtant,
il ne faut pas creuser beaucoup pour voir
que, derrière cette belle unanimité, les
avis divergent. Nombre d’acteurs poli-
tiques et économiques envisagent en ef-
fet de renforcer l’offre quantitative tout
en faisant pression sur les coûts, en parti-
culier sur les niveaux de formation, les
conditions salariales et de travail du per-
sonnel ainsi que sur les taux d’encadre-
ment. Pourtant, en Suisse, les structures
d’accueil ne sont de loin pas luxueuses.
Au contraire. Dans un récent rapport de
l’UNICEF1 qui fixe des «normes de base
minimales» au-dessous desquelles l’inté-
rêt de l’enfant n’est pas garanti, la Suisse
ne remplit que 3 critères sur 10, se clas-
sant à la 22e place sur 25 pays2!
Le mauvais classement de la Suisse de-
vrait susciter une prise de conscience en
faveur d’un investissement massif dans le
domaine de l’accueil. Or, la plupart des
initiatives et prises de position visent à
multiplier les places à moindre coût.
C’est faire fausse route, met en garde
l’UNICEF: «Il existe un réel danger que la
transition relative à la garde et à l’éduca-
tion de l’enfant suive un cours déterminé
par les besoins et les exigences du mo-
ment, sans critères de vision à long terme
ou de choix» (p. 5).
L’intérêt de l’enfant
Sur la base de récentes recherches en
neuroscience, l’importance de l’interac-
tion précoce entre l’enfant et l’adulte
ainsi que le lien très étroit entre soins et
éducation sont mis en évidence. «La tran-
sition en cours dans la garde et l’éduca-
tion de l’enfant (…) conduira à une avan-
cée ou à un revers» (p. 7) selon la qualité
offerte par la garde extrafamiliale. Et
d’avertir que «la garde d’enfants trop tôt
et durant trop de temps peut être nui-
sible» (p. 13). C’est une mise en garde né-
cessaire. A l’heure de la flexibilisation des
horaires de travail dans de nombreux sec-
teurs, dont la vente par exemple, tra-
vaillent essentiellement des femmes, la
tentation est grande d’élargir toujours da-
vantage les heures d’ouverture des struc-
tures d’accueil. Ce serait néfaste pour les
enfants et d’autant plus pour ceux vivant
dans des milieux modestes et disposant
déjà au départ de moins d’atouts pour
réussir dans la vie.
En tenant compte des besoins de l’enfant,
il est donc essentiel de développer aussi
bien un accueil collectif de qualité que
des mesures, notamment au niveau des
congés et des horaires de travail, qui per-
mettent aux parents de passer du temps
avec leur enfant.
Dès lors, l’UNICEF recommande une
prise en charge individualisée pour les
enfants de moins d’un an. La solution
préconisée est un congé parental d’au
moins un an, payé à au moins 50% du
salaire, dont deux semaines minimum se-
raient réservées au père. Avec un congé
maternité de quatorze semaines, la Suisse
se situe loin, très loin, en dessous!
Si le bébé de moins d’un an est toutefois
pris en charge dans une structure d’ac-
cueil collectif, la plupart des recomman-
dations internationalement reconnues
s’accordent sur un taux d’encadrement
élevé, le plus souvent d’un adulte pour
trois enfants3. Dans la majorité des can-
tons romands, ce ratio est supérieur, soit
de cinq bébés par adulte, alors qu’il n’est
que de trois bébés par adulte dans le can-
ton de Zurich.
Garderie: un atout pour l’enfant
La fréquentation d’une garderie devient
un atout pour le développement de l’en-
fant plus grand à condition que l’accueil
soit de qualité. Le rapport de l’UNICEF
met fortement l’accent sur l’importance
pour nos sociétés de ne pas rater ce tour-
nant: «La vision précédente et étriquée de
la garde d’enfants en tant que moyen de
libérer les parents pour l’emploi est donc
en train de céder le pas à une approche
davantage centrée sur l’enfant et qui met
l’accent sur la qualité des services dispo-
nibles» (p. 17).
L’UNICEF se positionne en faveur de ser-
vices universels qui «favorisent le bras-
sage d’enfants en provenance de divers
environnements (…)» alors que «trop
souvent des services destinés aux pauvres
sont synonymes de services médiocres».
Et d’avertir que «certains centres privés
sont tentés de réduire les dépenses les
moins apparentes comme celles relevant
de la formation, du salaire ou des condi-
tions de travail» (p. 18).
Comme de très nombreuses études le
montrent, l’inégalité dans la réussite sco-
laire est fortement liée au milieu social et
familial de l’enfant. La manière dont l’en-
fant vit ses premières années de vie est
essentielle pour son développement fu-
tur, en particulier au niveau scolaire. Ain-
si des pays comme la Finlande, qui arri-
vent régulièrement en tête de classement
en ce qui concerne les performances des
élèves plus âgés, ont développé un bon
système de prise en charge des enfants en
âge préscolaire, soit de 0 à 6 ans, puisque
l’école commence relativement tard chez
eux.
Qualité et personnel:
indissolublement liés
Garantir l’accès aux structures d’accueil
au détriment de la qualité est donc une
très mauvaise idée, qui peut même
constituer un revers et contribuer à dé-
favoriser encore davantage les enfants
pauvres. Il faut dès lors miser sur la qua-
lité.
Et la qualité «dépend avant tout de la ca-
pacité du personnel d’établir des rapports
avec les enfants et de contribuer à créer
un climat de sécurité, de continuité, de
sensibilité, stimulant et gratifiant» (p. 23).
Pour cela il est nécessaire d’avoir du per-
sonnel formé en nombre suffisant et bé-
néficiant de bonnes conditions de travail.
C’est rare d’entendre cela en Suisse. Et
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pour cause. En moyenne nationale, la
moitié du personnel qui travaille dans
une crèche ou garderie n’est pas formé.
Dans le canton de Zurich, 40% du per-
sonnel est constitué par des apprenant-
e-s, non encore diplômé-e-s, et par des
stagiaires! Le niveau moyen suisse ne
peut dès lors constituer un point de re-
père utile lorsqu’on mise sur la qualité et
non pas sur un service low cost! N’en dé-
plaise aux radicaux vaudois, qui considè-
rent les normes cantonales d’un «dange-
reux perfectionnisme vaudois»4!
Cela vaut la peine de prendre en considé-
ration le point de vue de l’UNICEF dans
les trois domaines qui concernent le per-
sonnel: le niveau de la formation, le taux
d’encadrement et les conditions de tra-
vail.
Le niveau de formation
Pour les services de la petite enfance, le
rapport préconise que la moitié au moins
du personnel puisse justifier de trois ans
de formation de niveau tertiaire. Au ni-
veau national, la Suisse ne répond pas à
ce critère. C’est le cas par contre du can-
ton de Vaud, le cadre de référence vau-
dois prévoyant que deux tiers du person-
nel ait une formation ES/HES5. Loin d’un
quelconque «perfectionnisme», cela cor-
respond tout juste au niveau minimal in-
diqué par l’UNICEF! Imposer un nivelle-
ment par le bas sous prétexte que le
niveau est inférieur ailleurs en Suisse,
notamment en Suisse alémanique, c’est
faire fausse route. Par ailleurs, dans plu-
sieurs pays, les éducateurs et éducatrices
qui s’occupent d’enfants en bas âge doi-
vent disposer d’une formation universi-
taire c’est le cas de la Suède et de la
Finlande – ou d’une formation profes-
sionnelle supérieure, comme au Dane-
mark et en Allemagne.
L’idée qu’il n’y a pas «pas besoin d’être
bardées de diplômes pour savoir torcher
des enfants»6 reste malheureusement fort
répandue. Le fait qu’il s’agisse d’un mé-
tier historiquement et quantitativement
féminin, de même que la comparaison
avec une mère qui n’a pas besoin d’un
diplôme pour s’occuper de ses enfants ne
sont pas étrangers à cette vision des
choses. Qui est pourtant passéiste et qu’il
est urgent de dépasser.
Le taux d’encadrement
Pour les enfants de 4 à 5 ans, le rapport
fixe comme minimum un adulte pour
quinze enfants. C’est un des trois petits
points que la Suisse récolte7. Il ne serait
donc pas très intelligent de péjorer la si-
tuation comme cela s’est par exemple fait
dans le canton de Neuchâtel au début de
2008 dans le cadre de mesures d’austéri-
té! Le ssp a rassemblé les principales re-
commandations internationales et les a
résumées dans une brochure (voir enca-
dré). Ce qui ressort très clairement de
toutes les études menées au niveau inter-
national, c’est que le jeune enfant a be-
soin d’une prise en charge individualisée,
de soins et d’attention. Dès lors, si un
seul adulte doit s’occuper de trop d’en-
fants, la qualité de l’accueil s’en trouve
remise en cause.
Les conditions de travail
Pour l’UNICEF, l’enfant a besoin non seu-
lement d’un personnel qualifié, mais aus-
si d’un personnel stable. Pour stabiliser le
personnel, rien ne vaut d’avoir de bonnes
conditions de travail. Le rapport consi-
dère que les salaires et les conditions
d’emploi des éducateurs et éducatrices de
l’enfance doivent s’aligner sur ceux des
enseignant-e-s et des éducateurs-trices
sociaux-ales. Cette position vient appor-
ter de l’eau à notre moulin. Ce qui est
suffisamment rare pour être précieux. La
position défendue par l’UNICEF montre
bien que de bonnes conditions de travail
sont un élément essentiel d’un accueil de
qualité axé sur l’enfant. Et de conclure:
«De meilleurs salaires et conditions de
travail constitueraient un progrès évident
vers un changement des mentalités et
une valorisation de la profession» (p. 26).
Economiser c’est faire fausse route
Alors que les trois quarts du budget d’une
structure d’accueil pour les enfants sont
constitués de frais de personnel, écono-
miser sur ce point c’est faire fausse route.
Le rapport recommande aux Etats de
consacrer au minimum 1% du produit
intérieur brut (PIB) à l’accueil des enfants
en âge préscolaire. La Suisse ne consacre,
en moyenne nationale, qu’environ 0,2%
du PIB, soit cinq fois moins que le niveau
minimal proposé! Etrange comme le petit
enfant semble peu digne de l’intérêt de
notre société lorsqu’il s’agit d’investir des
moyens financiers pour garantir son dé-
veloppement et son épanouissement en
tant qu’être humain en devenir. A se de-
mander si, dans notre société marchande,
l’enfant n’est roi que lorsqu’il s’agit d’en
faire un consommateur précoce et vo-
race! |
Vers un service public de
l’enfance!
Le Syndicat des services publics (ssp) a publié
récemment deux brochures sur le thème de l’ac-
cueil des enfants. La première, parue en 2008 et
intitulée
Pour un service public de l’enfance! Ana-
lyse, thèses et revendications du ssp,
est née de la
réflexion de la Commission fédérative des
femmes: pour réaliser l’égalité, il faut que les
femmes puissent avoir droit à l’emploi et dès lors
que les enfants soient pris en charge pendant les
heures de travail des parents. Parallèlement, il
faut davantage de droits pour les parents qui
travaillent, notamment des congés, par exemple
lors de la naissance ou d’une maladie. Mais cela
ne suffit pas. Rapidement la question de la qua-
lité de l’accueil s’est aussi posée. L’enfant n’est
pas un paquet dont on se débarrasse pendant
quelques heures. Une deuxième brochure a donc
été publiée en 2009:
Lignes directrices du ssp:
pour un accueil de jour de qualité.
Les deux textes sont disponibles gratuitement
au secrétariat du ssp, 021 340 00 00 ou
[email protected], ou peuvent être
téléchargés sur le site www.ssp-vpod.ch.
Note
1 UNICEF,
La transition en cours dans la garde et l’éducation de
l’enfant,
Bilan Innocenti 8, 2008, www.unicef-irc.org
2 Pays pris en compte dans l’ordre du classement: Suède,
Islande, Danemark, Finlande, France, Norvège, Belgique, Hon-
grie, Nouvelle-Zélande, Slovénie, Autriche, Pays-Bas, Royaume-
Uni, Allemagne, Italie, Japon, Portugal, République de Corée,
Espagne, Etats-Unis, Mexique, Suisse, Australie, Canada,
Irlande
3 Voir la brochure du ssp
Lignes directrices du ssp pour un
accueil de jour de qualité,
www.ssp-vpod.ch
4 Frédéric Borloz, député radical,
PRD,
no 6/2009
5 Le cadre de référence vaudois prévoit 80% de personnel
formé, dont les deux tiers doivent avoir une formation de
niveau ES/HES et un tiers une formation de niveau CFC.
6 Luc Barthassat, conseiller national PDC, in
La Tribune de
Genève,
3.11. 2006
7 Les deux autres critères sont: une formation initiale pour
80% de toutes les personnes s’occupant de petits enfants, y
compris nourrices et voisinage et un taux de pauvreté des en-
fants inférieur à 10%.
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