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Dossier Digitalisation
Frédéric Burband :
« Le data mining : la technologie au
service de la détection de fraudes. »
L’organisation actuelle du travail et le
recours accru à des prestataires externes
contraint les entreprises à ouvrir l’accès
aux données à de plus en plus d’acteurs.
En conséquence, le contrôle sur ces
données devient de plus en plus difficile
et les risques associés de fraudes liés aux
systèmes d’information sont nombreux
et variés et vont grandissant. En janvier
2016, 68 % des entreprises françaises
déclaraient avoir subi au moins un cas de
fraude sur les deux dernières années
(+13 points par rapport à 2014), du fait
notamment de l’explosion de la cybercriminalité (étude PWC, 2016).
De son côté, Bercy a récemment créé
une cellule de data mining, révolution
technologique pour détecter les fraudes
fiscales des entreprises.
Ces logiciels dits « d’exploration et
d’analyse des données » donnent une
nouvelle utilité à la maîtrise du big data.
Et ce particulièrement pour certains
métiers, comme celui des commissaires
aux comptes dans le cadre d’audits
financiers, pour repérer des anomalies
dans les transactions financières et
comptables.
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La CRCC de Paris a organisé le 14 avril
dernier une conférence sur ce thème du
data mining au service de la profession.
Frédéric Burband, vice-président
délégué, répond à nos questions.
La Profession Comptable : Quelle est
l’origine de la réflexion de la CRCC sur
ce sujet ?
Frédéric Burband : Depuis 2015, la CRCC
travaille sur ce thème du développement
des fraudes au sein des entreprises et
sur les incidences que cette évolution
peut avoir sur le rôle du commissaire
aux comptes. Nous avons, l’été dernier,
organisé une conférence sur ce thème,
animée par des magistrats, des avocats,
et des entreprises ; la conférence avait
réuni 400 confrères, ce qui témoigne
d’une réelle prise de conscience de la
profession sur ce sujet.
Premier constat : le besoin réel de la
profession de savoir comment se positionner par rapport aux fraudes et
comment améliorer ses processus de
contrôle pour y faire face.
L a P r o f e s s i o n C o m p t a b l e N ° 3 9 8 - Av r i l 2 0 1 6
Vice-Président délégué
de la CRCC de Paris
LPC : Quelles actions la CRCC de Paris
a-t-elle engagées ?
F. Burband : La CRCC souhaite sensibiliser les professionnels à cette problématique et ensuite engager un processus plus complet de formation : notre
programme de 2016 est de développer
des conférences de 2 heures sur
l’ensemble de ces thèmes ; celle du
14 avril a porté sur le data mining au
service de la détection de fraudes.
Nous organisons également une
formation d’une journée, le 7 juillet, sur
le thème » le commissaire aux comptes
et la fraude », animée par deux
spécialistes de l’investigation financière et un commissaire aux comptes
expert-judiciaire.
LPC : Concernant le data mining, quel
enseignement pour les confrères ?
F. Burband : Notre volonté est de
montrer aux confrères que le data mining
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Dossier Digitalisation
est un outil pour valoriser le métier en
permettant d’aller vers des contrôles
pertinents.
Il n’est pas question d’imposer un outil
de data mining aux confrères mais de
montrer en quoi tel ou tel outil peut
servir dans la mission de commissaire
aux comptes, dont l’une des composantes est la recherche de fraudes (NEP
240).
Mais ils peuvent aussi lui servir dans
l’appréciation du contrôle interne
ou dans la réalisation de contrôles
substantifs. Les outils de data mining
permettent d’aller plus loin que les seuls
entretiens avec la direction ou les tests
de détail sur les processus.
LPC : Comment le data mining peut-il
aider les professionnels ?
F. Burband : Le data mining permet
l’analyse de données sur de très grandes
populations. Il permet de trier, de
comparer les données, de rapprocher des
informations pour mettre en évidence
des incohérences ; il peut intégrer des
règles statistiques. Il permet de travailler
de manière exhaustive pour rechercher
des anomalies ou des fraudes. Il assure
la fiabilité et la traçabilité des contrôles
et de leur restitution.
LPC : Comment ce data mining peut-il se
mettre en place pour les professionnels ?
F. Burband : Le FEC constitue un virage très
important pour la profession car il conduit
à une standardisation des formats de
fichiers des données comptables. Avec cette
standardisation, le data mining devient
particulièrement accessible.
LPC : Le FEC pose encore beaucoup de
problèmes, quel est le rôle du commissaire aux comptes par rapport à ces
dispositions fiscales ?
F. Burband : La première action du
commissaire aux comptes peut être de
s’assurer de la conformité du FEC aux
exigences de l’administration fiscale. A
l’heure actuelle, on sait que même les
ERP de certaines grandes entreprises ne
sont pas conformes.
Le commissaire aux comptes et
l’expert-comptable peuvent utiliser
l’outil de contrôle du FEC mis gratuitement à leur disposition par l’administration, outil qui lui sera donc opposable.
Si le contrôle s’avère négatif, le
professionnel va rechercher les causes
et attirer l’attention de la direction sur
cette anomalie.
« Le data mining permet
l’analyse de données sur de
très grandes populations. Il
permet de trier, de comparer
les données, de rapprocher
des informations pour mettre
en évidence des incohérences. »
Cela n’empêche pas nécessairement
la comptabilité d’être régulière et sincère par ailleurs, mais le professionnel se doit d’informer sur les sanctions
éventuelles qui, pour l’instant, se limitent
à une amende mais pourraient aller
jusqu’à un rejet de comptabilité et une
taxation d’office (article L.74 du LPF). On
peut penser que l’administration accordera une période d’adaptation aux entreprises avant d’aller jusqu’à ces sanctions.
LPC : Quel est l’apport essentiel du FEC
couplé au data mining ?
F. Burband : Jusqu’ici on intégrait
souvent uniquement la balance dans
les logiciels d’audit ; avec le FEC ce sont
toutes les données de la comptabilité
que l’on va pouvoir utiliser. En intégrant
le FEC dans un logiciel de data mining,
on enrichit les contrôles, les revues
analytiques, les investigations ; on peut
aller jusqu’à une reconstitution de la
comptabilité.
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LPC : Le data mining va permettre le
full audit ?
F. Burband : A terme pourquoi pas ?
Cette technologie permet de revenir en
profondeur dans la matière comptable,
le cas échéant de façon continue.
Mais il faut constater que ces outils sont
également utilisés par les entreprises
elles-mêmes pour contrôler leurs propres
données ou les données dans certaines
zones de risque.
Le côté positif du data mining est qu’il
n’est pas qu’un outil de contrôle, c’est
aussi un outil d’analyse des comptes, des
données financières mais également non
financières. Car les entreprises investissent dans la collecte et la production
de données de toutes sortes, financières
et non financières et vont de plus en plus
chercher à les agréger et à les valoriser.
C’est le Big data.
Ces informations devront elles-mêmes
être contrôlées pour être « publiées »
et utilisées en confiance par l’environnement. Le data mining va permettre de
développer le Big data des entreprises et
de le valider.
LPC : Quels sont les principaux utilisateurs de ces outils ?
F. Burband : Les outils de data mining
sont utilisés à la fois par les auditeurs
et les audités. Les entreprises y voient
un moyen d’améliorer l’efficacité de
leur contrôle interne en détectant les
anomalies dans leurs propres flux de
données et d’enrichir leur data.
Les auditeurs vont y trouver un outil
d’amélioration de leurs processus de
contrôle. Le data mining est également
utilisé par les administrations fiscales et
sociales pour détecter des anomalies et
faire les recoupements qu’elles estiment
nécessaires à leurs contrôles.
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