MODÉLISATION NUMÉRIQUE
DE LIMPACT CLIMATIQUE
DUNE AUGMENTATION
DE LEFFET DE SERRE
M.DÉQUÉ
Rev.For.Fr.LII -nuro scial 2000
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Leclimat,quipeut êtredéfini comme la résultante statistiquedes phénomènes téorologiques sur
une longuepériode, s’établit en fonction des caractéristiques géographiques,de laquantité
d’énergie fournie par le soleil,et de lacomposition de l’atmosphère. Les deux premiers paratres
ne jouent que sur des riodes qui sechiffrent en milliers d’années.Encequiconcerne le troi-
sième,il y a une certitude mesurable :depuis un scle,on constate une croissancedelaconcen-
tration de certains gaz,dits àeffet de serre,quiont laproprtédabsorber le rayonnement de
bassefréquencequela terrmet pour maintenir l’équilibrnertiqueavecl’énergie reçuedu
soleil. Cetteaugmentation est essentiellement imputable aux activités humaines.Onpeut en
conclurequeleclimat est en train de changer.
Pour évaluer cechangement,il suffirait doncde regarder l’évolution des mesures téorologiques
depuis plus d’un scle. Cen’est pas si simple,car l’évolution des techniques de mesureet de l’en-
vironnement des sites de mesureinduit des changements qui sont localement surieurs àceux
prévus par des considérations théoriques simples.Dans les régions riches en observations téo-
rologiques,il existedes techniques d’homogénéisation temporelle. On trouvealors des tendances
statistiquement significatives d’un réchauffement de nombreuses zones,mais on rencontreaussi
des régions du globequi subissent un refroidissement.Quant aux précipitations,ladistribution
géographiquedes impacts est moins uniforme. Ceconstat n’est pas en contradiction avec une
évolution anthropogéniquedu climat.Les très nombreuses rétroactions du système atmosphère-
sol-océanfont quun réchauffement iciinduit un refroidissement làpar le biais de lamodification de
lacirculation des masses d’air.Demême, une augmentation des précipitations sur une zone sefera
souvent au triment de telle zone voisine. Pour saffranchir des effets locaux,on est doncamené
àévaluer le changement climatique sur de vastes régions.Onpeut direàl’heureactuelle quela
plate s’est réchauffée en surfacedunpeu moins de Cdepuis un scle. Onestime quelaug-
mentation de l’effet de serreaétéenpartie compensée par l’augmentation de l’interception du
rayonnement solairepar les aérosols atmosphériques.
L’observation météorologiquedisponible depuis le XIXescle en certains sites, systématisée à
partir du milieu du XXescle,complétée par les satellites au cours des vingt dernières années,
nous renseigne sur les évolutions locales récentes du climat.Mais rien ne prouvequune zone qui
est devenueplus chaude ou plus pluvieusedepuis trenteans va voir cette tendancepersister en
signe et en amplitude au cours des soixanteprochainesannées.Leclimat actuel n’est pas en équi-
libre,puisqueleforçage radiatif (1) agit àl’échelle temporelle de lacennie,alors quel’océanmet
plusieurs scles à s’équilibrer.Pour évaluer l’évolution possible,il faut faireappel ànos connais-
sances des lois physiques qui régissent le système atmosphère-sol-océan. Lenombrededegrés
de libertéenjeu exclut touteapproche analytique,et c’est à travers l’intégration des phénomènes
dans unprogramme informatique,appelé modèle nurique,qu’on peut esrer trouver une
réponse.
La communauté scientifique s’est intéressée àceproblème dès quelacapacitédes calculateurs a
permis de selancer dans des simulations nuriques suffisamment réalistes pour êtrecrédibles.Le
Groupe internationaldExperts sur l’Évolution du Climat (GIEC en français,IPCC en anglais)a
produit une syntsedes contributions des différents centres de recherche (IPCC, 1995). Dans le
présent article,nous nous attacherons à un scénario réaliséàMétéo-France. Par rapport aux scéna-
rios réalisés dans les autres centres de recherche,on ne peut direqu’il soit plus proche ou plus
éloigné de cequepourrait êtrela réalitédu milieu du scle prochain. Iloffre une vision assez
taillée géographiquement et compatible avecles lois de laphysique. Nous présentons successi-
vement par la suitelemodèle et les conditions de l’exrience,avant de donner quelques résultats
synttiques.Lelecteur plus scialistedu sujet trouveradans Déquéet al. (1998) une description
plus complètedel’exrience.
MODÈLE NUMÉRIQUE UTILISÉ
LeCentrenationaldeRecherches téorologiques (CNRM, Météo-France) travaille depuis plusieurs
années avec une version climatiquedu modèle de circulation atmosphériqueARPEGE (Action de
Recherche PetiteÉchelle Grande Échelle) utiliséorationnellement pour les prévisions téorolo-
giques quotidiennes à 72heures.Lemodèle ARPEGE-Climat (Déquéet al .,1994) est unoutil dérivé
du précédent pour simuler la réponseatmosphériqueaux changements des conditions aux limites.
Dans le travail présentéici,on utiliselapossibilitéoffertepar le modèle ARPEGE de faire varier
dans l’espacela résolution horizontale,cequipermet d’étudier les impacts locaux avec suffisam-
ment de précision, sans avoir à utiliser une version àhaute résolution uniforme, trop coûteusepour
être utilisable dans des intégrations cennales.
L’idée d’utiliser une résolution élevée dans une région d’intérêt,quitteàlachoisir plus faible làoù
on ne regarderapas les résultats,est assez naturelle et est miseàprofit avec succès depuis
quelques années àMétéo-Francepour laprévision àcourtcance. Leprincipe de lamaille
variable consisteà représenter les champs dans un système latitude-longitude transformé. Lepôle
est positionné dans la zone d’intérêt,et les cercles de latitudes sont de plus en plus espacés au fur
et àmesurequ’on s’éloigne de cenouveau pôle. Onmontredans Déquéet Piedelievre(1995) que
cetteméthode améliorela simulation du climat dans la zone de haute résolution sans ladégrader
ailleurs.
Nous avons donc utilisé une version à résolution variable,dont lamaille varie continûment de 60km
dans lamer Tyrrhénienne (position du nouveau pôle) à 600 km dans le Pacifique. Lecoefficient
d’étirement au pôle vaut 3,5. Cette version utilise undéveloppement en harmoniques sphériques
sur la sphèreainsibasculée et étirée jusquau nombred’onde 63.Lemasque terre-mer,c’est-à-dire
ladistribution des points qui sont considérés comme continentaux sur lagrille du modèle,permet
de distinguer les Baares (par un uniquepoint de grille de terreau milieu de lamer),alors quela
Nouvelle-Zélande n’est pas recoupée par cettegrille.
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(1) Onappelle forçage radiatif l’augmentation de l’effet de serredueaux activités humaines.
EXPÉRIENCE DE SCÉNARIO
Cemodèle afait l’objet d’une étude d’impact de l’augmentation de laconcentration en dioxyde de
carbone (CO2). Pour cela, on part d’une simulation réalisée par le servicemétéorologiquebritan-
nique(UKMO)avec unmodèle globalcouplé océan-atmosphèrede résolution horizontale d’environ
300 km (Johns et al .,1997). Cette simulation débuteavecle taux de CO2observéaux alentours de
l’année 1860, utiliseles taux annuels observés jusqu’en 1990,puis seprolonge jusqu’en 2080 en
augmentant annuellement de 1%laconcentration en CO2(voir Jones et al.,1997). Notreexpé-
rienceconsisteà simuler 10ans avecle modèle à résolution variable utilisant les températures de
surfacedelamer simulées de 1987 à1996 et le taux actuel de CO2 savoir 354 ppm volu-
miques(2),et 10ans en utilisant les températures de surfacedelamer simulées de 2057 à 2066 et
un taux de CO2doublé (708ppm). Une simulation préalable de 6 mois avecdes températures de
surfacedelamer climatologiques et un taux nominaldeCO2aété réalisée pour assurer grossre-
ment l’équilibredynamiquedu modèle et éviter les rives initiales inévitables lorsqu’on démarre
l’intégration avecdes conditions initiales issues d’observations téorologiques.
IMPACT SUR LE CLIMAT DE LEUROPE
Le réchauffement sur l’Europe est alors en moyenne de 2,0°Cen hiver et de 2,Cen été. En
hiver,le réchauffement est modéré sur les régions àclimat océanique. Ilest plus intense sur les
régions méditerranéennes.Eté,on assisteplutôt à uncontrastelatitudinal,le réchauffement
étant surieur à 2 °Cau sudde50°Net dans une plage de 1-2°Cau norddecelui-ci. Au prin-
temps et en automne,on obtient un réchauffement de l’ordrede 2 °C.Ce réchauffement est statis-
tiquement significatif en toute saison. C’est sur les régions au sud-ouest de l’Europe quela
différenced’impact entrel’hiver et l’étéest laplus marquée. La températuremoyenne quotidienne
est calculée comme lademi-somme de la températureminimale et maximale. Enfait,l’impact sur
ces deux températures n’est pas identique. Enhiver,on constatequele réchauffement porteplus
sur la températureminimale (impact de l’effet de serre sur le refroidissement nocturne dans une
atmosphère stable). Eté,c’est sur la températuremaximale quele réchauffement est le plus
grand (àcausedelassèchement du sol qui réduit la régulation par évaporation).
Contrairement àl’impact sur la température,le comportement des précipitations en hiver est l’in-
versedu comportement en été. Enhiver,les précipitations augmentent de 10% sur lapartie Nord
de l’Europe et de 30% sur lapartie Sud. Cet impact est statistiquement significatif. Eté,on
observe une diminution de 10% sur le Nord,et de 30% sur lapartie Suddu continent.L’évapo-
ration augmentgalement en hiver,mais dans une moindremesure; elle diminueetéde10%,
cequiconduit à unbilanexcédentairedelanomalie de l’ordrede40mm/an.
L’impact sur l’humiditéest assez faible. Encequiconcerne l’humidité relativedelair,on passede
83%à81 %endoublant le taux de CO2.Cet écart est très faible sionlecompareàl’écart entre
l’hiver et l’étéquiest 10fois plus élevé. Enfait,le réchauffement de l’air conduit à une augmenta-
tion de l’humidité saturante,conformément àla relation de Clausius-Clapeyron,et l’humidité sci-
fiqueaugmente,de manièreàmaintenir un taux presqueconstant.Ainsi,lacolonne atmosphérique
voit saquantitéd’eau augmenter en moyenne de 2,5kg/m2.Laugmentation des précipitations
d’hiver n’apas d’impact sur l’humiditédes sols.Eté,on assisteà unassèchement dans l’ex-
trême SuddelEurope (Sud-Est de l’Espagne,Grèce,Italie du Sud). La zone d’interception racinaire
voit saquantitéd’eau diminuer de 10kg/m2 en étéet en hiver,et de 24kg/m2en automne,cequi
restemodéré,comparéàlacapacitémoyenne de l’ordrede400 kg/m 2.Au printemps,le contenu
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Les changements climatiques et la situation de laforêt française
(2)354 millionièmes du volume atmosphérique.
en eau est pratiquement inchangé. Laugmentation nettedu bilanhydriqueen surfacede40kg/m2
sur une année se traduit essentiellement par une augmentation du ruissellement et les réserves du
sol se retrouvent plus faibles avec undoublement du CO2.
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M.DÉQUÉ
Figure1
MOYENNES MENSUELLES SUR LEUROPE
DES TEMPÉRATURES MINIMALES
(en hautgauche),
DES TEMPÉRATURES MAXIMALES
(en hautdroite),
ET DES PRÉCIPITATIONS
(ci-contre)
20
Températuresminimales(°C)
10
0
–10
DJ FM AM JJ ASON DJ
4
3
2
1
0
DJ FMAMJJ AS ONDJ
Précipitations(mm/jour)
30
20
10
0DJ FMAMJJ AS ON DJ
Températuresmaximales( ° C)
observation
simulation de référence
simulation de scénario
Afin d’illustrer ces changements,lafigure1(p. 24) montre,pour chaquemois de l’année (il sagit
d’une moyenne sur 10ans),lamoyenne sur l’Europe des températures maximales et minimales
quotidiennes et des précipitations pour l’exriencedecontrôle et l’exriencede scénario. On
trouveenoutreles valeurs de laclimatologie observée (Hulme et al .,1995),afin de juger du degré
de réalisme des simulations: unmodèle de climat représentera toujours une approximation gros-
sredela réalitéet il serait vain d’esrer reproduirecelle-ciavecprécision.
CONCLUSIONS
Lutilisation d’unmodèle reproduisant l’évolution atmosphérique sur le globe,avec une représenta-
tion plus taillée des phénomènes sur l’Europe permet de fournir des données quotidiennes à une
résolution horizontale de 70km environ sur laFrance. Ces données ont l’avantage d’êtrephysi-
quement cohérentes.Mais cene sont pas des prévisions.Lebut de cette techniqueest de fournir
des données nuriques pour évaluer l’impact d’unchangement climatique sur un système qui
dépend des paratres atmosphériques,par exemple ucosystème forestier.Ainsi,on peut
passer de l’approche qualitative“il vafaireplus chaudquand le taux de dioxyde de carbone aura
doub,donccertaines esces végétales vont êtrefavorisées et d’autres régresser vers une
approche plus quantitative. Ilfaut toutefois garder deux choses àl’esprit.Unmodèle de climat ne
peut donner exactement le climat observé; il faut donc utiliser àlafois une simulation de référence
et une simulation perturbée,et travailler en mode différentiel. Un scénario est une solution possible
et plausible au problème posé:cen’est pas laprévision de cequi va sepasser.Dans le domaine
scientifique,il n’y apas de prévision sans possibilitéde vérification. Une étude de scénario apour
but d’évaluer l’ampleur des risques afin de décider du degrédeprioritéàdonner aux mesures
destinées àcontrer le phénomène ou à sy adapter.Encequiconcerne laforêt,les mesures
d’adaptation à unchangement possible àl’horizon de 50ans sont àprendredans les années qui
viennent,compte tenu de lalonguedurée de vie des esces.
Rev.For.Fr.LII -nuro scial 2000
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Les changements climatiques et la situation de laforêt française
Michel DÉQUÉ
MÉTÉO-FRANCE
CentrenationaldeRecherches téorologiques
42,avenueCoriolis
F-31057 TOULOUSE CEDEX 01
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