GENÈSE 1. Traduction « résonante », par José-Willibald

GENÈSE 1.
Traduction « résonante »,
par José-Willibald Michaux
et Jean Giot-Verdonnet.
1, 1 En tête des temps Dieux décide l’altitude des cieux et
l’orbe de la terre.
2La terre était vastitude et vacuité, et la confusion des
ténèbres s’étendait sur la face du gouffre tourbillonnant. Mais la
Respiration de Dieux couvait la face des eaux menaçantes.
3Alors Dieux dit : « Surgisse Lumière ! » et Lumière surgit.
4 Et Dieux vit la lumière : « Comme c’est réjouissant ! ». Et il distin-
gua entre l’éclat de la lumière et la confusion des ténèbres.
5Et Dieux appela la lumière : Jour ”, et la ténèbre, Il l’ap-
pela : “ Nuit ”.
Il y eut l’apaisement du soir et il y eut la percée de l’aurore :
Jour Un.
6Et Dieux dit : « Qu’il y ait une voûte solide dans la mêlée des
eaux ! » Et il y eut séparation entre les eaux et les eaux :
7Dieux fit le firmament, et il démêla les eaux qui sont au-
dessous du firmament des eaux qui sont au-dessus du firma-
ment, et il en fut ainsi. 8 Et Dieux appela le firmament cieux ”.
Il y eut l’apaisement du soir et il y eut la percée de l’aurore : jour
deuxième.
9Et Dieux dit : « Que confluent les eaux de sous les cieux vers
un lieu unique, et le sol aride apparaîtra ! ». Et il en fut ainsi : 10 le
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sec, Dieux l’appela : terre ”, et le confluent des eaux, il l’appela :
mers ”. Et Dieux vit : « Comme c’est réjouissant ! ».
11 Et Dieux dit : « Que verdisse la terre d’une herbe nourris-
sante, semant sa semence, un arbre-fruit faisant fruit pour son
espèce, dont la semence soit en lui, sur la terre ! ». Et cela surgit
ainsi : 12 la terre fit germer l’herbe verte, le fourrage disséminant
sa semence pour son espèce, l’arbre donnant son fruit, qui porte
en soi sa semence pour son espèce. Et Dieux vit : « Comme c’est
réjouissant ! ». 13 Il se fit l’apaisement du soir et il y eut la percée
de l’aurore : jour troisième.
14 Et Dieux dit : « Qu’il y ait des luminaires dans la voûte des
cieux pour que se sépare le jour d’avec la nuit, et qu’ils servent de
signes et de repères saisonniers, et qu’ils marquent les jours et les
années, 15 et qu’ils soient des luminaires dans la voûte des cieux,
pour faire jaillir la lumière sur la terre ! ». Et il en fut ainsi.
16 Et Dieux fit les deux grands luminaires : le plus grand lumi-
naire pour la régie du jour ; et le petit luminaire pour la régie de
la nuit ; et les étoiles. 17 Et Dieux les plaça dans la voûte des cieux
pour donner de la lumière sur la terre, 18 et pour la régie du jour
et de la nuit, et pour la distinction entre la lumière et les ténèbres.
Et Dieux vit : « Comme cela était réjouissant ! ».
19 Et il y eut l’apaisement du soir et il y eut la percée de l’au-
rore : jour quatrième.
20 Et Dieux dit : « Que foisonnent les eaux d’un pullulement
d’êtres doués de souffle et de vie, et que les oiseaux volent au-
dessus de la terre, à la surface de la voûte céleste ! ». 21 Et Dieux
donna forme aux grands animaux marins et à tout être doué du
souffle de la vie et du mouvement, dont les eaux abondent
selon leurs espèces, et à tout volatile ailé selon son espèce. Et
Dieux vit : « Comme c’est réjouissant ! ». 22 Et Dieux les rendit
féconds en disant : « Donnez du fruit, abondez et remplissez les
eaux dans les mers, et que l’oiseau multiplie sur la terre ! ». 23
Et il y eut l’apaisement du soir et il y eut la percée de l’aurore :
jour cinquième.
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24 Et Dieux dit : « Que la terre produise le vivant doué de
souffle selon son espèce, les bêtes et les rampants, tout vivant de
la terre selon son espèce ! ». Et il en fut ainsi :
25 Dieux fit les êtres vivants de la terre selon leur espèce, et les
bêtes selon leur espèce et tout reptile du sol selon son espèce.
Dieux vit : « Comme c’était réjouissant ! »
26 Dieux dit : « Faisons l’homme — le terrien — à notre
ombre, selon notre ressemblance secrète, et qu’ils soumettent le
poisson de la mer, le volatile des cieux, et la bête, et toute la terre,
et tout ce qui rampe sur le sol ! »
27 Et Dieux décida l’homme — le terrien — à son ombre :
c’est à son ombre que Dieux le décidait : Homme-remembrance
et Femme-accueil il les décidait. 28 Et Dieux les rendit féconds et
il leur dit : « Portez du fruit, multipliez et remplissez la terre, et
dominez-la : soumettez les poissons de la mer, et le volatile des
cieux, et tout vivant qui se meut sur la terre ! »
29 Et Dieux dit : « Voici : je vous ai donné toute plante dissémi-
nant sa semence qui se trouve sur les surfaces de la terre, et tout
arbre qui se trouve sur elle, arbre-fruit disséminant sa semence :
cela vous servira de nourriture ; 30 et à tout ce qui vit sur terre, à
tout ce qui vole dans les cieux, à tout ce qui rampe sur le sol, qui a
en soi un souffle de vie, j’ai donné toute plante verte comme
nourriture ! » Et il en fut ainsi.
31 Et Dieux vit tout ce qu’il avait réalisé : et voici : cela était
intensément bon ! Il y eut l’apaisement du soir et il y eut la percée
de l’aurore : jour sixième.
II, 1 Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et tout leur
déploiement.
2Dieux délivra au septième jour l’œuvre qu’il avait réalisée.
Et Il se reposa en ce jour septième de toute son œuvre qu’Il avait
réalisée.
3Et Dieux bénit le jour septième et le déclara saint. Car en ce
jour il s’était reposé de toute son œuvre, celle que Dieux avait
décidée en œuvrant.
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La langue hébraïque suppose une perception du réel très physique,
sensorielle, existentielle. Le mouvement des choses y est très sensible. Le
mot DaM, par exemple, issu de la racine ’aDaM, évoque ce qui rou-
geoie, ce qui rutile, ce qui gicle en rougeoyant, comme le vin, « sang »de
la vigne. Et l’eau, Ma’iM, c’est la trombe d’eau menaçante, source de
terreur. Nous avons traduit :les eaux menaçantes, avec le souci d’intro-
duire à l’expérience primitive qui a donné naissance au mot, en retour-
nant à ses résonances étymologiques, quitte à préciser parfois son sens
par un adjectif.
Notre second souci dans cet essai, c’est de travailler à l’élaboration
d’une langue « sacrale », c’est-à-dire de laisser notre langue se transfor-
mer au contact de la langue hébraïque, de laisser sourdre le flux pri-
mordial du mot, depuis sa racine mise à nu, de l’enrichir d’une aura de
résonances profondes.
Le texte est d’abord consonantique. Dans certaines éditions, il n’est
d’ailleurs pas vocalisé. Le mot hébreu est dépendant d’une racine tou-
jours trilittère, autour de laquelle gravitent des préfixes ou des dési-
nences qui en nuancent le sens. Dans la transcription en caractères
latins d’un mot ou d’un texte hébreu, nous avons souligné le relief des
racines en écrivant les consonnes radicales en majuscules.
Nous indiquons en notes ce qui a motivé la traduction de tel ou tel
mot.
Nous avons gardé la répétition de certains termes ou de certaines
courtes phrases, pour laisser au récit son rythme de cantilène.
*
Pour amorcer notre exploration de l’hébreu, nous avons
choisi le début des débuts.
Dieu assiste et s’émerveille — s’étonne presque — devant le
surgissement de la création qui jaillit de sa Parole. Il s’en félicite.
Du Tohu-wa-Bohu ténébreux et confus des origines émerge un
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monde clarifié, pacifié, mis en ordre. Et cette organisation cul-
mine au 6ejour par la création du couple humain, image et res-
semblance de Dieu, parce que capable de relation. Mais cette
création n’est pas achevée : l’homme est désormais responsable
de son achèvement.Au 7ejour, Dieu se repose en lui.
Les 3 premiers mots de la Bible nous retiendront déjà
quelque temps : be-RêShith BaRa’ ’eloHim :
1, 1 :be-RêShiTh : littéralement, en tête, au début, au
principe. Nous avons choisi d’expliciter la nuance temporelle : en
tête des temps.
:BaRa’ : terme rare dans la Bible ; signifie d’abord :
couper, trancher ; puis : former, façonner, modeler ; enfin : créer.
Nous avons choisi de le rendre par : décider ”, en retournant au
sens étymologique — latin — de ce mot : decidere, détacher, cou-
per, trancher, régler, terminer : Dieu décide de « détacher » dans
l’être.
décide : en hébreu, le régime des temps est très différent du
nôtre. L’hébreu ne connaît que deux formes verbales pour évoquer
ce rapport au temps : l’accompli et l’inaccompli, chacune de ces
formes se référant tant au passé qu’au présent ou au futur. Dans
ce premier verset, on pouvait choisir le présent, parce que l’action
créatrice de Dieu déborde toute temporalité : Dieu crée, éternelle-
ment, Il n’a pas fini de créer. Toutefois, nous avons gardé ailleurs
le parfait, temps du récit.
:’eLoHim :dieux, forme plurielle à signification
particulière : le verbe au singulier — décide — indique bien
l’unité du sujet-créateur. ’eLoHim semble évoquer la totalité des
énergies créatrices. Nous proposons de le rendre par Dieux en
forme plurielle, tout en laissant le verbe au singulier. Dans la
Bible, Dieu sera désigné par d’autres noms encore : El, Elohah,
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