DÉCOUVRIR LE PRINCIPE D’INERTIE 451
aurait donc une solidarité conceptuelle entre la découverte du
principe d’inertie et le passage du géocentrisme à l’héliocentrisme 6.
Rapidement, un certain nombre d’historiens, à commencer
par Meyerson, remarquèrent que, Copernic et Kepler n’ayant en
réalité rien formulé qui ressemble au principe d’inertie, cette recon-
struction rationnelle était une vue de l’esprit 7. Cette reconstruction a
néanmoins déterminé un schème interprétatif qu’on trouve dans
une grande partie de la littérature sur la Révolution Scientifique : la
révolution commencée dans les cieux par Copernic aurait appelé
une révolution terrestre ; cette dernière aurait supposé l’avènement
d’une nouvelle mécanique fondée sur le principe d’inertie et ame-
nant à sa suite l’idée que la matière est passive, le mouvement relatif,
ou qu’il s’agit d’un état et non d’un processus. En somme et en sim-
plifiant, le principe d’inertie serait un complément logiquement
nécessaire du geste copernicien, même s’il n’a pas été historique-
ment formulé par les premiers coperniciens 8.
Qu’on adopte ou non ce schème interprétatif général, Galilée et
Descartes sont les principaux champions en lice pour la découverte
du principe d’inertie. Un certain nombre de travaux, désormais
classiques, permettent d’évaluer ce que chacun a accompli 9. En ce
6. F. Rosenberger, Die Geschichte der Physik in Grundzügen mit synchronistischen
Tabellen der Mathematik, der Chemie und beschreibenden Naturwissenschaften sowie der
allgemeinen Geschichte, Hildesheim, G. Olms, 1965, I, p. 47 ; P. Tannery, « Galilée et
les principes de la dynamique », Revue générale des sciences, 13, 1901, p. 332, p. 335-
337 ; P. Painlevé, « Les axiomes de la mécanique et le principe de la causalité »,
Bulletin de la Société française de philosophie, p. 32-37.
7. Meyerson, Identité et réalité, p. 528-540.
8. Pour quelques textes illustrant ce schème dans le cas déterminant de Galilée,
voir E. Wohlwill, « Die Entdeckung der Beharrungsgesetzes », Zeitschrift für Völker-
psychologie und Sprachwissenschaft, 1884, bd. 15, p. 81-87 ; Tannery, « Galilée et les
principes de la dynamique », p. 332 et p. 338 ; A. Koyré, Études galiléennes, Paris,
Hermann, 1966, p. 75, p. 165-166, p. 205, p. 211 ; M. Clavelin, « Le copernicia-
nisme padouan de Galilée », in Tribute to Galileo in Padua. Atti delle celebrazioni
galileiane (1592-1992), Trieste, Lint, 1995, p. 149-166 ; M. Bucciantini, Galileo e
Keplero, Torino, Einaudi, 2003, p. 62-66.
9. Les travaux les plus marquants ont été pour nous Meyerson, Identité et réalité ;
Koyré, Études galiléennes ; M. Clavelin, La Philosophie naturelle de Galilée, 1 re éd., 1968 ;
2 e éd., Paris, Albin Michel, 1996 ; A. Gabbey, « Force and Inertia in the
Seventeenth Century : Descartes and Newton », in Descartes : Philosophy, Mathematics