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A ctualités sur les pathologies de l’automne
Actualités sur les pathologies de l’automne
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 306-307 - septembre-décembre 2006
Maladie de Lyme et paralysie faciale
Lyme disease and facial paralysis
IPY. Manac’h, S. Pierrot*
* Service ORL, hôpital Necker-Enfants malades, Paris.
RÉSUMÉ
La borréliose de Lyme est une arthropozoonose bac-
rienne transmise par une morsure de tique. Elle peut in-
duire, dans sa phase de dissémination de l’infection, une
paralysie faciale simulant une paralysie de Bell. La pratique
d’examens sérologiques ne se justifi e que sur des bases
cliniques : antécédent de morsure de tique, érythème mi-
grant, méningisme, arthralgie associée, bilatéralisation de
la paralysie faciale… En dépit de son évolution spontané-
ment favorable, cette paralysie faciale, dans le cadre de
cette maladie infectieuse, nécessite une antibiothérapie.
Mots-clés : Maladie de Lyme - Borréliose - Paralysie faciale.
Summary. Lyme disease is a bacterial arthropozoonosis
secondary to a tick bite. It may induce a facial paralysis
during its disseminating stage. Serological tests have to
be performed on clinical associated symptoms: tick bite,
erythema migrans, headache, arthralgia, bilateral para-
lysis… Despite its good natural course, the facial paralysis
needs antibiotherapy.
Keywords: Lyme disease - Borreliosis - Facial paralysis.
La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est une arthro-
pozoonose bactérienne transmise par morsure de tique. Le
vecteur en est une tique forestière, l’homme en
étant un hôte accidentel. La morsure peut
intervenir à n’importe quelle phase du
développement de la tique, y compris à
son stade de lymphe – celle-ci na alors
que quelques millimètres de diamètre
et peut donc échapper à la vigilance du
sujet. Seules 3 % des morsures de tiques
donneront une borréliose.
Un élément saisonnier : les morsures
de tiques surviennent lors de la période
d’activité de ces dernières, du but du prin-
temps à la fi n de l’automne.
Un élément géographique à base climatique : en France, la
borréliose, dont l’incidence moyenne est estimée à 9,5 cas pour
100 000 habitants (1), est quasiment absente en région di-
terranéenne chaude et sèche, mais son incidence est 10 fois
supérieure à la moyenne nationale dans le nord-est du pays. La
maladie est plus fréquente chez les
jeunes enfants et chez les adultes
après 45 à 50 ans.
La Borrelia responsable (Borrelia burg-
dorferi sensu lato, ou B. burgdorferi sl)
appartient comme les Leptospirosa et
les Treponema à la famille des spiro-
ctes ; ce rappel nest pas inutile pour
mémoriser la présentation clinique
de la borréliose.
LA CLINIQUE
La maladie peut être divisée en trois phases cliniques dont la
connaissance est essentielle, puisque, comme nous le verrons,
l’évocation d’une maladie de Lyme pour expliquer une paralysie
faciale (PF) repose avant toute prescription d’examens sérolo-
giques sur des éléments cliniques. Des chevauchements sont
possibles entre ces trois phases.
La phase précoce est celle de l’infection initiale cutanée de
B. burgdorferi sl sous la forme d’un érythème migrant (EM).
Cet érythème est centré par le point de morsure qui a pu être
méconnu et apparaît 2 à 45 jours après la morsure. Il bute
par une macule érythémateuse qui évolue de façon centrifuge
pendant plusieurs semaines et prend typiquement un aspect
en cocarde à centre clair et à
bord érythémateux net pou-
vant atteindre plusieurs dizai-
nes de centimètres de diamètre.
Il est spécifi que du diagnostic
de borréliose de Lyme. Bien
que survenant dans la majorité
des cas de borréliose de Lyme
(85 %), l’EM nest pas constant.
En l’absence de traitement,
environ 10 % des EM seront
suivis d’une phase d’infections
disséminées.
Figure.
Érythème migrant de la
maladie de Lyme (photographie
par le Dr D. Hamel-Teillac).
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La phase intermédiaire correspond à la dissémination de
l’infection et peut s’exprimer en plusieurs tableaux :
Les tableaux neurologiques, qui apparaissent 2 à 4 semaines
après l’inoculation. Ce sont des atteintes radiculaires à prédo-
minance sensitive faites de dysesthésies systématisées dans le
territoire de la morsure, de méningites lymphocytaires pauci-
symptomatiques à type de céphaes sans raideur ningée. Chez
lenfant, la manifestation la plus fréquente de ces neuroborrélioses
est la paralysie faciale, qui se totalise en 1 à 2 jours, fréquemment
bilarale, mais alors souvent décalée dans le temps, dévolution
spontanément favorable, comme le serait une paralysie de Bell
(2, 3). En Finlande, zone de forte endémie, environ 2 % des PF
seraient secondaires à une borréliose de Lyme (4).
Les tableaux rhumatologiques, qui apparaissent 1 à 6 mois
après l’inoculation. Ce sont typiquement des monoarthrites
ou oligoarthrites des grosses articulations, peu douloureuses,
évoluant par poussées récidivantes brèves.
Les autres tableaux sont moins fréquents : le lymphocytome
cutané bénin, brun jaune à violacé du lobule de l’oreille, du
mamelon ou du scrotum, des troubles de la conduction cardia-
que, des péricardites ou myocardites, des atteintes de l’œil au
niveau de nimporte lequel de ses segments.
La phase tardive ou chronique appart en labsence de traite-
ment des phases précédentes et comporte des arthrites chroniques,
des neuropathies axonales (mais il ny a géralement pas à ce sta-
de datteinte des nerfs crâniens), des manifestations neurologiques
centrales (troubles de lattention, troubles msiques…) en n, une
dermatite particulre, l’acrodermatite chronique atrophiante de
Pick-Herxheimer. Ces manifestations tardives ou chroniques sont
sans alioration spontanée en labsence de traitement.
LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
La stratégie diagnostique sérologique actuelle d’une infection à
B. burgdorferi sl s’établit en deux temps (1). Un premier test immuno-
enzymatique de pistage (Elisa) des anticorps anti-B. burgdorferi sl
est réalisé à la recherche d’IgG et/ou dIgM, puis, en cas de positivité,
un test par immunoempreintes (Western Blot) vient con rmer ou
infi rmer la sci cité des anticorps initialement tectés.
En cas de forte suspicion clinique, et si une premre sérologie est
négative, il faut aliser une deuxme rologie trois semaines plus
tard pour objectiver une roconversion ; en e et, les IgM ont un
délai dapparition de deux à trois semaines et les IgG de deux à trois
mois aps le but de linfection locale. La présence dIgM non suivie
de séroconversion dIgG peut être le fait de réactions croisées (virus
dEpstein-Barr, virus Herpès simplex, virus de limmunodé cience
humaine, tponématose…) ou dun traitement précoce. Au stade
de l’infection chronique, les IgG sont souvent très élevées.
Le caractère mal standardisé de ces examens biologiques expli-
que la pratique de l’étude du liquide céphalorachidien par ponc-
tion lombaire dans les neuroborrélioses, à la recherche d’une
lymphocytose et d’IgG spécifi ques.
FACE À UNE PARALYSIE FACIALE
APPAREMMENT A FRIGORE, QUE FAIRE ?
Une étude multicentrique française, réalisée entre 1990 et 1992,
exclut de réaliser systématiquement une sérologie de borréliose
face à une PF qui se présenterait comme une paralysie a frigore
en l’absence d’une symptomatologie associée évocatrice d’une
possible borréliose (5, 6). En eff et, dans cette étude, la positivité
de ces examens, de 2 % en immunofl uorescence et de 1,3 % en
immunoempreintes, était identique à celle obsere dans la
population témoin (série de 293 PF apparemment a frigore,
244 sujets témoins), exprimant des réactions croisées ou une
infection antérieure guérie.
Toutefois, il paraît utile face à toute PF a frigore de penser à
cette rare éventualiet de rechercher par l’interrogatoire, à
titre systématique :
– une morsure de tique en zone d’endémie ;
– un érythème migrant ;
– un méningisme ou des arthralgies ;
– et, bien sûr, une bilatéralisation de la PF.
Cest dans ce contexte clinique qu’une sérologie sanguine sera
demane : sa négativi conduira à son renouvellement trois mois
plus tard ; sa positivité conduira à une ponction lombaire.
LE TRAITEMENT
Une morsure de tique ne nécessite aucun traitement (en dehors
du cas de la femme enceinte), mais une simple surveillance
clinique.
Un érythème migrant conduit à un traitement antibiotique
per os par amoxicilline, céfuroxime axétil ou érythromycine
pendant une à deux semaines.
Une paralysie faciale conduit à un traitement intraveineux par
ceftriaxone ou céfotaxime pendant 2 à 4 semaines.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. De Martino S, Jaulhac B. La borréliose de Lyme. Rev Prat 2005;55:471-7.
2. Kuntzer T, Bogousslavsky J, Peter O. Maladie de Lyme et neuroborréliose.
EMC Traité de neurologie 1998:17-051-B-40.
3. Smith V, Traquina DN. Pediatric bilateral facial paralysis. Laryngoscope
1998;108:519-23.
4. Peltomaa M, Pyykko I, Seppala I, Viljanen M. Lyme borreliosis and facial
paralysis: A prospective analysis of risk factors and outcome. Am J Otolaryngol
2002;23:125-32.
5. Ruel M. Borréliose de Lyme. Ann Med Interne 1998;144:117-26.
6. Rogeaux O, Bourrel M. Maladie de Lyme. EMC Traité de Maladies infectieu-
ses 1997:8-037-E-10.
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