Les sociétés, la guerre et la paix de 1911 à 1946
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En Italie, où le gouvernement déclare la neutralité du pays le 2 août
1914 (Philippe Foro, « La société italienne, la guerre et la paix 1911-
1946 »), dans les grandes villes s'opposent interventionnistes (républi-
cains, radicaux, sociaux-démocrates, futuristes, nationalistes) et neu-
tralistes (majorité du monde catholique, Parti socialiste italien et
Union syndicale italienne, mais une minorité interventionniste se dé-
tache du PSI et de l'USI). Le gouvernement Salandra, ayant obtenu de
l'Entente le traité de Londres qui promet des acquisitions importantes
à l'Italie, déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie le 26 mai 1915.
La Grande Guerre
Chez tous les belligérants les mobilisés, sauf de rares exceptions, ac-
ceptent la guerre. Jean Lorcin cite le cas d'un ouvrier métallurgiste,
anarchiste, insoumis, qui se présente spontanément aux autorités mili-
taires. Selon F. Roth un certain nombre de mobilisables en Lorraine
annexée réussissent à franchir la frontière ; ceux qui sont mobilisés en
Lorraine allemande sont trop étroitement surveillés pour se rebeller.
Richard Ayoun (« Les Juifs face aux problèmes nés de la guerre et au
rétablissement de la paix de 1911 à 1946 ») montre que dans tous les
pays en guerre les Juifs font leur devoir et, parmi les Juifs des protec-
torats français du Maroc et de Tunisie, comme du Royaume-Uni, le
pourcentage de volontaires est supérieur à celui de la population juive
dans l'ensemble de la population. En Italie la discipline qu'impose le
général en chef Cadorna est extrêmement rigoureuse (Ph. Foro). Dans
l'armée française (J. Charles) ce n'est qu'en 1917, à la suite de la vaine
et coûteuse offensive du Chemin des Dames, qu'éclatent des mutine-
ries.
Lorsque, à l'automne 1914, les belligérants prennent conscience que
la guerre sera longue se met en place la mobilisation économique dans
le cadre de l'État. J. Lorcin étudie le cas de la région stéphanoise, deve-
nue le principal centre métallurgique français à la suite de l'occupation
du Nord et de l'Est par les Allemands. La nécessité d'accroître rapide-
ment la production exige le rappel du front des ouvriers qualifiés, un
début de taylorisation, l'appel à la main-d'œuvre féminine, à la main-
d'œuvre coloniale et immigrée (des Italiens aux Chinois), l'emploi des
prisonniers de guerre. Une politique de hausse des salaires et d'arbi-
trage, à laquelle participent des délégués d'atelier, est négociée entre le
ministre de l'Armement, Albert Thomas, et Jouhaux. Le réformisme
d'A. Thomas laisse aux industriels la liberté de fixation des prix, ce qui
explique les énormes profits patronaux (J. Charles). L'Italie (Ph. Foro)
crée en 1915 l'Institut de mobilisation industrielle ; hommes et femmes