« Un islam qui accepte de relever le défi de la modernité »

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Pour le site « Chrétiens de la Méditerranée » / Aimé Savard / 7 octobre 2009
« Un islam qui accepte de relever le défi de la modernité »
A ma connaissance, la presse française n'en a guère parlé. Ce fut pourtant un événement : à la fin de
juillet, environ 5000 personnes venues de 25 pays, ont participé à Mostaganem en Algérie, à un
grand congrès pour le centenaire de la Tariqa Alawiya, une organisation internationale du soufisme.
Mon attention avait été attirtée sur ce rassemblement par un couple mixte ami qui y a participé. Lui
est un musulman français d'origine tunisienne, très engagé au plan religieux. Elle est une catholique
très active dans sa paroisse. Tous deux participent avec une vraie passion au dialogue interreligieux
au point d'avoir été interviewés à ce sujet par une grande chaîne de télévision.
« Au moment où l'on associe si volontiers l'islam à la violence, il aurait pourtant été utile de
montrer que des musulmans profondément croyants, soucieux d'une véritable intériorité, se
réunissent pour réfléchir aux problèmes actuels du monde (mondialisation, environnement, etc.)
avec le souci de contribuer à la paix, à la justice et à la fraternité entre les hommes, m'ont-ils dit.
Ce rassemblement avait d'ailleurs une dimension interreligieuse, puisque des invités chrétiens,
bouddhistes et même juifs, y ont participé. Il avait également une dimension festive et artistique. En
outre, après tout ce que ce pays a vécu depuis 20 ans, il est significatif que ce congrès ait eu lieu
dans une ville algérienne - ce qui impliquait l'accord du président et du gouvernement. D'ailleurs
en Algérie, mais aussi au Maroc, la presse a largement rendu compte de l'événement. Pour le
vérifier, il suffit d'aller sur le site de la Tariqa Alawiya : aisa-net.com. »
J 'ai suivi ce conseil et je m'en suis bien trouvé. J'ai découvert ainsi que « La Voie Soufie 'Alawiya
(Tarika Soufia Al-'Alawiya) s'est dotée d'une structure associative qui a été créée en France selon
les dispositions de la loi 1901. Sans but lucratif, cette Association est libre de toute attache
idéologique, politique ou syndicale. L’Association Internationale Soufie Alâwiya, c'est son nom, a
pour vocation première de faire mieux connaître le soufisme comme cœur de la révélation
mohammédienne, vecteur d’une spiritualité de paix tant intérieure qu’extérieure. » Nous pourrons
en apprendre plus sur cette organisation dimanche prochain 12 octobre, en regardant, à 8h45,
dans l'émission musulmane de France 2, un film de 29 minutes qui lui est consacré (et que je
n'ai pas encore vu).
Au-delà de la Tariqa Alawiya, le soufisme c'est un grand courant mystique qui irrigue l'islam. Il est
parfois regardé avec suspicion par les musulmans très orthodoxes, et certainement avec horreur par
les islamistes. Dans l'islam comme dans le christianisme, les théologiens les plus doctrinaires ont
tendance à se méfier des grands mystiques, plus soucieux de chercher Dieu dans la contemplation
que de l'enfermer dans des définitions, d'approfondir la spiritualité que de traquer l'hérésie.
Comment la Tariqa Alawiya ne serait-elle pas suspecte aux yeux des djihadistes quand elle se
donne
pour « vocation seconde de favoriser l’insertion des citoyens musulmans et de leurs enfants au sein
de la société plurielle actuelle, de susciter un dialogue constructif entre toutes les composantes,
religieuses ou non religieuses, d’une société devenue, de toute évidence, multiconfessionnelle,
multiculturelle et multiethnique. »?
« Les femmes ne sont pas l'image d'une faute,
mais d'un bonheur, don de Dieu »
Pour mieux percevoir ce que les audaces des soufistes de la Tariqa Alawiya peuvent avoir de
scandaleux pour les islamistes il faut lire ce que son principal dirigeant, le cheikh Khaled Bentounes
déclarait en juillet au journal Carrefour d'Algérie à propos des femmes :
« Des femmes qui circulent tête nue, cheveux en l’air, en jupes ou en robes, souriantes et l’air
détendu. Si le spectacle est étonnant, c’est parce que cela se passe dans l’enceinte, jugée stricte,
d’une zaouïa internationale, la zaouïa alâwiyya à Mostaganem, à l’occasion du centenaire de cette
confrérie. Dans l’imaginaire algérien, réduit à des fantasmes de Talibans, ce spectacle est presque
impossible dans des espaces religieux, en principe, mais là on est ailleurs.
On est pas dans l’Islam des Talibans, ni dans celui des Wahabites, ni dans celui du FIS (front
islamique du salut), ni dans celui des « Islams » importés selon l’expression du Cheikh des
Alouites. Là, on est dans l’enceinte d’une religion tolérante, ouverte sur le monde, touchant plus à
l’universel, qu’à la particularité, acceptant la raison et rejetant le mimétisme aveugle de l’Occident
ou des pseudo Moyen-Orient.
Là, il fallait voir ce spectacle d’un Islam qui accepte de relever le défi de la modernité sans se
renier, mais acceptant aussi de revenir vers la pureté, sans l’entâcher d’emprunts obligatoires. Les
femmes dans l’Islam ne sont pas ses cibles mais ses adhérentes. Elles ne sont pas l’image d’une
faute mais celui d’un bonheur don de Dieu. Elles ne provoquent pas la tentation mais le partage.
Elles ne sont pas lapidées mais acceptées. Si aujourd’hui, la femme est la première cible des
islamistes, c’est parce que l’Islam a été réduit à une question de Hijab et de jupe, au lieu d’être
haussé à une interrogation sur le sens et la responsabilité sur terre ».
Aimé SAVARD
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