27 octobre 2015, 24heures, Becka : L`oeil du passé ici et aujourd`hui

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Mardi 27 octobre 2015 | 24 heures
24 heures | Mardi 27 octobre 2015
Culture&Société
Culture Société
Gastro Ciné Conso
Sortir Les gens
Scène
«La vie est une
fulgurance. Il
faut jouir, créer»
Elle chante son
rêve d’enfant
Maria Mettral est partout. Dès ce soir, la comédienne joue
dans «Néfertiti et Gominet», au TMR, avant de tourner avec
son spectacle musical. Confidences d’une touche-à-tout
Gérald Cordonier
S
ur scène, à la télévision et,
maintenant, derrière un micro. Maria Mettral est une
gourmande. Elle aime quand
ça bouge: «Je conçois la vie
comme une fulgurance, confie l’artiste entre deux répétitions. Il faut
jouir des choses et se faire plaisir. Créer,
c’est ce qui nous porte.»
Voilà plus de trente ans que la Genevoise écume les théâtres en osant mélanger les genres, s’invite avec légèreté dans
le salon des Romands à l’heure du bulletin
météo ou inscrit son nom aux génériques
des séries télévisées made in RTS. «Je
m’ennuie vite et j’adore changer d’univers, sauter d’un projet à un autre.» La
touche-à-tout aime surtout se lancer des
défis. Ajouter de nouvelles cordes à son
arc et venir là où on ne l’attend pas nécessairement. Tout un programme qui, cet
automne, remplit amplement son agenda.
Au Théâtre Montreux-Riviera, elle défend, dès ce soir, la nouvelle comédie
burlesque écrite par Jean-Pierre Althaus,
Néfertiti et Gominet, aux côtés de Michèle
Grand, de Jean-Marc Morel et de Mirko
Verdesca. Dans trois semaines, c’est avec
Malgré les apparences que la Genevoise
dévoilera une nouvelle facette de son travail. Elle arpentera le canton avec son
voyage musical concocté avec Alizé
Oswald et Xavier Michel, les deux complices du groupe Aliose qui lui ont composé,
il y a dix-huit mois, son premier disque
solo. Un grand saut vers la chanson intimiste qui, après une série de concerts l’an
dernier, débouche sur un spectacle
acoustique. Le trio vient de boucler la
première série de représentations à Genève et sera en novembre à Lutry, avant
Villeneuve et Payerne.
Sur scène dans un décor de grenier,
Maria Mettral ouvre sa «valise à souvenirs»
et raconte «tous les âges d’une femme». Il
y a des clins d’œil au parcours de la comédienne, mais cet opus n’est pas pour
autant autobiographique. Il est humain,
sincère. Avec des textes inspirés par la vie.
«La chanson est quelque chose de très fin.
C’est un peu comme travailler de la dentelle, et c’est cette ambiance qu’on a essayé de recréer dans le spectacle.»
Rien à voir avec la pièce montée à Montreux, qui ressuscite la momie de la reine
égyptienne à coups de projections, enchaîne les jeux de mots et quiproquos.
Sous la conduite de son mari, le comédien
Christian Gregori, qui assure la mise en
scène de ce conte fantastico-historique,
l’actrice incarne la femme d’un archéologue. «C’est un spectacle plein de surprises
et très rythmé.»
Une femme libre
A 55 ans, Maria Mettral s’amuse donc. Il
faut dire que la femme a toujours défendu
son indépendance. Evitant de s’enfermer
dans telle ou telle famille théâtrale. Choi-
sissant ses projets sans réel plan de carrière. Tâtant volontiers de la télévision
pour mettre du beurre dans les épinards
ou se lancer dans de nouvelles aventures
artistiques.
Aujourd’hui, on dit que son nom au
sommet d’une affiche suffit, souvent, à
remplir la salle. La concernée profite-
«Je suis comme
de la pâte à modeler.
On aime mettre
les gens dans des cases,
mais un comédien
doit rester quelque
chose de malléable,
savoir se transformer
en fonction du projet»
A l’affiche
Maria Mettral Comédienne
«Néfertiti et Gominet» Pièce de
théâtre de Jean-Pierre Althaus avec
une mise en scène de Christian Gregori.
Théâtre Montreux-Riviera, du 27 oct.
au 15 nov. Ma, me et jeu (19 h), ve et sa
(20 h), di (17 h).
Rés.: 021 961 11 31.
Infos: theatre-montreux-riviera.ch.
«Malgré les apparences» Concertspectacle à découvrir:
– les je 19 et ve 20 nov. (20 h) à L’Esprit
Frappeur, à Lutry. Rés.: 021 793 12 01.
Infos: www.espritfrappeur.ch
– les sa 21 (20 h 30) et di 22 nov.
(17 h 30) au Théâtre de l’Odéon, à
Villeneuve. Rés.: 021 960 22 86. Infos:
www.theatre-odeon.ch.
– le je 26 nov. (20 h 30) à HameauZ’Arts, Payerne, en version concert
uniquement. Rés.: 026 662 66 70. Infos:
www.hameau-z-arts.ch.
mariamettral.ch
t-elle de ce statut de «star romande»? La
vedette cathodique fuit les raccourcis.
«La télé, ça m’a plutôt desservie au sein
de la profession. Et, dans ce métier, rien
n’est jamais gagné. La scène reste un parcours du combattant. Indépendamment
de son talent, on est toujours tributaire
du désir d’un metteur en scène. Multiplier les projets me permet surtout d’éviter l’attente et de rester dans l’action.» Au
risque de brouiller, parfois, les cartes ou
de se rendre insaisissable? «En fait, je suis
comme de la pâte à modeler. On aime
mettre les gens dans des cases, mais un
comédien doit rester quelque chose de
malléable, savoir se transformer en fonction du projet dans lequel il se lance. Que
je chante ou que je joue la comédie, il n’y
a finalement pas une Maria qui serait plus
vraie que l’autre. Je montre une partie de
moi à chaque fois et me laisse guider par
les rencontres. Ce sont elles qui déclenchent mes envies.»
Vialatte peut enfin s’asseoir à la table des grands
Littérature
Reparution, 44 ans après
sa mort, d’un beau texte
autobiographique
de l’auteur des «Fruits
du Congo». Son humour
déroutant enchante
ses compatriotes!
L’ouvrage s’annonce comme un
roman, mais se faufile en jolis zigzags à la manière des contes et
porte un titre bucolique: La maison du joueur de flûte. Alexandre
Vialatte (1901-1971) l’a écrit durant
la Seconde Guerre mondiale, mais
il ne sera publié qu’en 1986,
quinze ans après sa mort par le
cancer à Paris.
VC2
Contrôle qualité
Alexandre Vialatte, dans les
années cinquante. AFP-PHOTO
Sa réédition est un des signes
de la pleine consécration d’un magicien du verbe, qui ne fut pas seulement le tout premier traducteur
de Kafka. Ou le chroniqueur savoureusement extravagant et surréaliste de La Montagne, le journal
de Clermont-Ferrand. Il fut aussi
l’auteur de proses romanesques,
incrustées de métaphores inaccoutumées, imprégnées de nostalgie amusée et d’autodérision. Mésestimées en France, elles furent
mieux accueillies à Lausanne où,
en 1949, il reçut le Prix CharlesVeillon pour Les fruits du Congo.
Plusieurs rééditions de ce roman, comme d’une petite dizaine
d’autres qu’il avait rédigés presque en cachette, tant il convenait
lui-même qu’il n’était qu’un
auteur de seconde zone («je suis
un auteur notablement méconnu»), lui confèrent désormais
une meilleure autorité dans
l’arène des lettres françaises. Le
voilà confirmé comme un des plus
grands stylistes du XXe siècle.
Le récit à tiroirs de La maison
du joueur de flûte, qui vient de
paraître, le met en scène en personne en une espèce de nébulosité intimiste, où la féerie le dispute au vaudeville. Le narrateur
s’échine à repérer le génie juvénile de son enfance dans une demeure qui fut la sienne et qui lui
est désormais fermée.
Gilbert Salem
La maison du
joueur de flûte
Alexandre Vialatte
Le Dilettante,
130 p.
Indépendante
A l’affiche du TMR et
en tournée avec son
concert-théâtre, Maria
Mettral multiplie les
projets. CHANTAL DERVEY
Repéré pour vous
Au temps pourri des colonies
U Critique «Mon rêve de petite fille
se réalise!» Debout entre les meubles
élimés d’une brocante hivernale, Maria
Mettral chante sa possible biographie.
En robe de soie, pieds nus, les bras
écartés comme une ballerine de papier,
la comédienne tourne et retourne dans
sa boîte à musique. La prime enfance,
les planches des théâtres, une vie
de saltimbanque, tant de textes appris
de tête pour amuser la galerie. Et, dès
lors que vient la chute tout au bout
de cette mélodie alanguie, l’évocation
de ce vieux rêve qui s’incarne pour
de bon: Maria Mettral voulait chanter?
Voici qu’elle s’y adonne corps et âme.
Avant de partir en tournée, elle a rodé
son spectacle au Crève-Cœur,
à Genève.
Le chant, ça avait commencé avec
son premier album, Malgré les apparences, paru en 2013. Ça se poursuit
désormais avec une version spectacle
de cet opus. Où Maria Mettral retrouve
les maîtres de son disque: Alizé Oswald
et Xavier Michel, alias Aliose, duo
de la chanson francophone bien
connu de nos régions. Ils ont composé,
écrit, arrangé le répertoire; sur scène,
ils jouent et chantent également. Plus
musiciens qu’acteurs. Maria Mettral
un peu des deux.
Histoire de vie, histoire de
femme(s). De gamine, de prostituée,
de jeune, de vieille, trajet global
menant des poupées à l’amante, puis
à la mère, et vice versa. Ça n’en finit
jamais, il y a tant à raconter. Et les
mélodies coulent, invariablement, dans
la même direction, harmonies simples,
trois accords au piano électrique,
des arpèges sur la guitare, trois notes
feutrées sur ce fameux steel-drum
à l’envers, le hang, conception suisse,
du solide. Au total, voilà une bonne
dizaine d’instruments qui reposent
cachés dans des valises, calés contre
les fauteuils. Contrebasse, ukulélé,
harmonium, harmonica, glockenspiel…
Confection Aliose pur jus, plus souvent
mélancolique que bucolique, épris de
tendresse, parfois un peu d’ivresse. Et
lorsque, dans le cadre tranquillement
feutré du déroulé, s’immisce le refrain
de Comment te dire adieu – au souvenir
de Françoise Hardy interprétant
Gainsbourg –, surprise, le show
se colore d’un humour salvateur.
Etait-ce un concert? Un spectacle?
Plutôt le premier que le second, quand
bien même il y a là matière à dériver
doucement du simple tour de chant
vers une formule hybride. Un peu
de théâtre fait toujours du bien, même
en doses extra-allégées en guise
d’allusions passagères. «Le petit chat
est mort», périphrasait Molière. Maria
Mettral et Aliose, pour leur part,
caressent dans le sens du poil…
Fabrice Gottraux
pondance d’un instituteur, Roger Arvenel, de
1945 à 1957. Flanqué de
photos et de dessins
édifiants, le texte montre l’archaïsme de l’enseignement dispensé
par la France autour du
monde. Le prof s’enthousiasme
pour Léopold Senghor, «qui veut
arracher tous les rires Banania des
murs de la France», il sait la force
des préjugés. Un manuel d’utilité
publique. Cécile Lecoultre
L’école des colonies
Didier Daeninckx
Ed. Hoëbeke, 135 p.
Sur ses papiers fortement tramés, Martin Becka
donne à voir des lieux bien connus des Vaudois mais
transfigurés par des contrastes et des cadrages
saisissants. Le bâtiment Nestlé de Vevey (en haut,
à g.), la route de contournement de la Sallaz
à Lausanne (en haut, à dr.), les Grands Moulins
de Cossonay (en bas, à g.) ou le barrage
des Marécottes (en bas, à dr.) prennent des allures
de géométries ombrées au fusain.
L’œil du passé ici et aujourd’hui
Photographie
A la suite de son expo sur Dubaï
à Vevey, le photographe Martin
Becka a appliqué à la région
ses procédés anciens
Sa série «Dubai Transmutation», présentée depuis le début de l’année à Vevey, au
Musée suisse de l’appareil photographique, transformait les gratte-ciel du Golfe
en géants assombris sortis d’un épisode
inédit du Metropolis de Fritz Lang. Avec
«Territoire», nouveau volet qui vient
s’ajouter à son exposition, Martin Becka
donne désormais à voir des paysages de
la région comme vous ne les avez (presque) jamais vus.
Le photographe tchèque installé à Paris maîtrise en effet à la perfection toutes
les étapes des anciennes techniques pho-
tographiques, de la prise de vue jusqu’au
tirage. Son utilisation d’anciennes chambres, du début du XXe dans son cas, ainsi
que son procédé d’impression du négatif
sur papier ciré, déjà d’usage au milieu du
XIXe, lui permettent de produire des images aux contrastes saisissants, profitant
d’un grain très typé s’épanouissant sur les
trames apparentes des papiers qu’il affectionne.
Sa pratique surannée lui permet de
capturer le monde contemporain avec un
regard issu du passé, de croiser les temporalités pour générer un trouble esthétique très efficace. Lors de ses visites à
Vevey, le photographe a donné un nouveau chapitre à ses expérimentations en
les appliquant aux paysages de la région.
Dans le défilé des images charbonneuses
et aux cadrages inventifs de «Territoire»,
on trouve ainsi le bord du lac, noirci de
nostalgie, vaguement inquiétant, mais
aussi des sites industriels comme les
Grands Moulins de Cossonay ou la Satom
à Monthey, qui renouent avec un rétrofuturisme fascinant. La planète noire de
l’usine à gaz de Malley semble enténébrée
au fusain, tandis que le viaduc de Chillon
mord le ciel – et l’œil du visiteur! – de ses
crocs d’encre. B.S.
Vevey, Musée suisse de l’appareil
photographique
Jusqu’au 10 janvier 2016
Rens.: 021 925 34 80
www.cameramuseum.ch
Revenu de la drogue, Antoine Jaquier traîne «Avec les chiens»
Littérature
Daeninckx, militant pur
et dur du polar engagé,
s’était déjà aventuré sur
le terrain de l’héritage
colonialiste. Selon lui, il
véhicule toujours de
puantes idées. Dès 1998,
avec Cannibale, le romancier rappelait les pratiques
barbares des organisateurs de l’Exposition coloniale de 1931 à Paris.
Les populations kanakes y furent
traitées comme des animaux parqués entre la cage des lions et le
marigot des crocodiles.
Dans L’école des colonies, plus
subtil qu’à l’ordinaire, Daeninckx
reconstitue le journal et la corres-
Contrastes tramés
L’auteur vaudois poursuit
dans le glauque avec
un deuxième roman qui
traite de la sortie de prison
d’un pédophile meurtrier
Après Ils sont morts, qui traitait
d’une jeunesse droguée, le Vaudois Antoine Jaquier persiste dans
les marges et les personnages
«borderline» dans son deuxième
roman, Avec les chiens, qui opère
une gradation sur l’échelle du
crime. La délinquance stupéfiante
laisse la place au sommet de l’opprobre contemporain: la pédophilie meurtrière. Il y a du courage à
s’attaquer au tabou ultime de noVC2
Contrôle qualité
Antoine Jaquier. ODILE MEYLAN
tre société qui, au-delà des condamnations d’usage, peine à dépasser le silence outragé ou
l’épouvantable caricature. C’est
d’ailleurs l’une des qualités du récit de contenir la complaisance
dans l’horreur à des limites maîtrisées. Quant à la condamnation
morale, elle n’est pas du ressort
du roman et Antoine Jaquier ne
fait pas l’erreur d’y céder.
Gilbert Streum a séquestré
quatre enfants, il en a tué trois, le
dernier a survécu. Après un séjour à l’ombre de treize ans, celui
que l’on surnomme l’«ogre de
Rambouillet» sort de prison et
suscite l’émoi, surtout du côté des
parents des victimes. Avec les
chiens se focalise sur l’un d’entre
eux, Michel, journaliste à l’AFP à
Paris, qui avait à l’époque noué un
pacte avec les deux autres pères
inconsolables: à la libération du
tortionnaire, il serait responsable
de son élimination. Michel contacte le meurtrier, arguant vouloir
écrire un livre sur son cas exceptionnel. Mais, face à ce pervers
polymorphe et manipulateur,
rien ne se passera comme prévu…
L’écriture neutre comme un os
de supermarché – en dépit d’un
épisodique sens de la formule –
convient à cette descente aux enfers parallèles du passé et du présent, même si la surabondance de
dialogues nuit parfois à la direction narrative. Toutefois, en se
cantonnant au squelette de l’his-
toire, certains épisodes la poussent dans les parages de l’invraisemblable. Si le «monstre» est décortiqué au scalpel, soulignant ses
accointances avec la norme, ce
n’est pas le cas des autres protagonistes. Le livre gagne son pari de
traiter la répulsion suprême,
mais, trop ténu dans ses développements, se perd dans les excès
de ses personnages. Boris Senff
Avec les chiens
Antoine Jaquier
Ed. L’Age
d’Homme,
186 p.
Découvrez notre
galerie photos sur
becka.24heures.ch
En diagonale
Décès
de Wojciech Fangor
Peinture Le peintre polonais
Wojciech Fangor est mort samedi à
Varsovie à l’âge de 92 ans. Egalement
sculpteur et graphiste, il était l’un
des créateurs de l’école polonaise
de l’affiche. Il est devenu célèbre grâce
à ses tableaux abstraits créant l’illusion
de mouvement et de lumière. Il est
considéré comme un des précurseurs
de l’op art, ou art optique. ATS
Soirée spéciale
Georges Schwizgebel
Cinéma Pour la Journée mondiale du patrimoine audiovisuel,
la Cinémathèque suisse reçoit ce soir
à 18 h 30 Georges Schwizgebel pour
présenter son nouveau film, ainsi que
onze de ses courts métrages. 24
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