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Analyse macroéconomique
Département Recherches & Etudes
25 Juin 2015
Analyste chargée de l’étude : Lilia Kamoun Turki
La sortie de crise passe par l’investissement
L’économie tunisienne en chiffres
Après avoir finalisé la transition politique, la Tunisie doit désormais s’attaquer aux
problèmes socio-économiques qui n’ont pu être affrontés par les gouvernements
qui se sont succédés depuis la Révolution.
 3% : Taux de croissance en 2015
 5.3% : taux d’inflation
Les défis sont multiples : relance de l’économie, résorption du chômage, rétablissement
des finances publiques et de la situation extérieure… Autant de maux qui ne peuvent être
rétablis que par l’impulsion de l’investissement, seule voie pour entériner une
reprise durable.
 5% du PIB : déficit budgétaire
Les autorités ne peuvent activer la baisse des taux d’intérêt pour relancer l’investissement
au risque de voir ressurgir l’inflation. Elles devront alors mettre le cap sur les réformes et
les annonces ’fortes’ en vue de ranimer la confiance et le moral des entreprises.
La refonte du Code d’investissement abonde dans le bon sens mais devrait s’accélérer,
pour plus d’efficacité.
 15% : taux de chômage
■ Situation générale de l’économie tunisienne
Déjà difficile, la situation économique du pays s’est davantage aggravée en ce début
d’année : Croissance en deçà des attentes, chômage persistant, effondrement de
l’investissement, finances publiques malmenées, détérioration de la situation extérieure…
Retour sur les principaux maux qui rongent la Tunisie.
 40 Milliards de DT : encours de la
dette publique
Structure du PIB tunisien
2010
8%
9%
▲
Industries manufacturières
18%
16%
▼
5%
5%
Dont Industrie mécanique & Electrique
Dont Textile
Industries non manufacturières
Dont Mines & Hydrocarbures
Services marchands
1– Une croissance en berne :
3% : telles sont les dernières estimations du Gouvernement - appuyées par le FMI - du
taux de croissance pour l’année en cours. La Tunisie traverse ainsi son ralentissement
le plus prolongé depuis plusieurs décennies.
Tout comme 2011, année de la Révolution, cette année 2015 sera sauvée par une bonne
saison agricole (d’huile d’olive en l’occurrence).
Hormis ce secteur primaire, toutes les autres activités décélèrent ou reculent, avec à leur
tête : l’activité minière (arrêt quasi-total de la compagnie de phosphates) et électromécanique (qui subit les séquelles de la baisse de la demande européenne).
De manière plus rétrospective, il est intéressant de noter que depuis quatre ans, le secteur
des services non marchands (càd, les services fournis par l’administration) apparaît
comme un nouveau catalyseur de la croissance économique.
Ce basculement - qui s’explique par l’augmentation des salaires dans la fonction publique*
- est loin d’être réjouissant surtout dans le contexte actuel où le secteur public est peu habilité à améliorer sa productivité, et donc, à créer de la richesse à moyen terme.
2– Un chômage persistant :
La grave crise que traverse la Tunisie n’a évidemment pas pu résoudre les problèmes du
marché du travail. Selon les derniers chiffres publiés par l’INS, le nombre de chômeurs
dépasse aujourd’hui les 600.000 personnes, soit 15% de la population active et serait
même deux fois plus élevé (30%) dans la famille des jeunes diplômés du supérieur.
Le taux de chômage a décliné comparativement au lendemain de la Révolution (fin 2011–
début 2012) où il effleurait les 20%; une baisse en grande partie absorbée par
l’administration qui a été un important gisement d’emplois. Sans les 70.000 recrutements
nets dans le secteur public, ce taux aurait persisté à 18%.
2014
Agriculture et Pêche
4%
3%
13%
11%
8%
6%
44%
45%
Dont Transport
9%
8%
Dont Commerce
8%
8%
Dont Tourisme
5%
4%
Services non marchands
17%
19%
Total
100%
100%
▼
▲
▲
Source : INS
TCAM 2011-2014 de la valeur ajoutée
Services non marchands
5,5%
Agriculture et Pêche
3,6%
Services marchands
2,3%
Ind. Manufacturières
-0,1%
Ind. non manufaturrières
-3,6%
Création nette d'emplois sur la période 2011 - T1 2014
(en milliers de personnes)
Services marchands
72
Services non marchands
(Administration)
70
Industrie manufacturière
Industrie non manufacturière
39
25
Source : INS
* La valeur ajoutée retenue pour le secteur des services marchands est la masse salariale
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Analyse macroéconomique
2– Un investissement en panne:
A première vue, et comme le démontre le graphique ci-dessous, l’investissement a fait du surplace depuis 2010. Une
’résistance’ qui retomberait d’un cran (-15%) si l’on tenait compte de l’effet de l’inflation pour les investissements locaux et de
l’effet change pour les IDE.
Répartition des investissements en Milliards de DT
TCAM 2014-2010 : + 0,2%
TCAM 2007-2010 : + 16%
15,6
13,0
14,2
15,3
15,4
15,8
2012
2013
2014
14,0
L’investissement c’est avant
tout une question de confiance
9,9
IDE
Privé local
Public
2007
2008
2009
2010
2011
Avec une enveloppe d’à peine 16 milliards de DT, ne dépassant pas 20% du PIB et qui stagne
depuis trois ans, la Tunisie est bien à la traine en matière d’investissement. Sans doute accentuée par la Révolution, cette carence ne date pas d’hier; car même dans ses années ‘phare’,
notre économie affichait un taux d’investissement de seulement 25% du PIB.
Investissement en % du PIB
27%
La relance de l’investissement ne pourrait se faire - comme le voudrait une situation ordinaire par la baisse des taux d’intérêt, au risque de voir l’inflation ressurgir de plus belle. La seule
manœuvre possible pour le Gouvernement est donc de restaurer le moral des investisseurs,
car l’investissement, c’est avant tout une question de confiance.
Grèves à outrance, bureaucratie, administration léthargique, non respect de la loi… sont
autant de facteurs dissuasifs pour les investisseurs qui restent frileux et hésitants en attendant
des jours meilleurs. Les étrangers, de leur côté, ressentent peut être une certaine sympathie
vis-à-vis de la Tunisie pour avoir achevé avec succès sa transition politique mais n’ont pas
encore franchi de manière franche le pas vers l’investissement.
Et puis le secteur public ne donne pas l’exemple. Freiné par sa machine administrative, le
gouvernement n’arrive pas à déployer l’enveloppe d’investissement promise. Sur une enveloppe annuelle de 5 milliards de dinars, l’Etat n’en décaisse réellement que la moitié chaque année. Du coup, les fonds qui ne sont pas mis à contribution dans les projets de développement
sont détournés vers les dépenses courantes - et non productives - notamment les salaires.
Une orientation pour le moins court-termiste cherchant à étouffer les tensions sociales au
détriment de l’investissement, seul créateur de richesse à long terme et dont les séquelles sur
les finances publiques sont sans appel.
Tunisie
28%
23%
21%
19%
35%
30%
Turquie Roumanie Malaisie Jordanie
Maroc
Algérie
Un secteur public qui ne donne
pas l’exemple
Evolution des dépenses publiques entre 2010 et 2014
+12% par an
10,5
+5% par an
6,8
5,3
4,3
Salaires
Investissement
2010
2014
4– Des finances publiques malmenées:
Les finances publiques s’essoufflent par un effet ciseau : tassement des revenus d’un côté (difficultés à récolter les impôts, manque
à gagner du Groupe Chimique, tarissement des privatisations …) et une explosion des dépenses, avec à leur tête, les salaires. Le
déficit budgétaire excède aujourd’hui les 4 milliards de dinars alors qu’il ne dépassait pas le milliard de dinars en 2010.
Pour financer ce creusement, il y a eu inévitablement un recours à la dette, qui s’élève désormais à 40 milliards de DT, soit 50% du
PIB (contre 40% en 2010).
Avec les nouvelles donnes internes (croissance économique en deçà des objectifs) et externes (baisse du prix du pétrole), le
Gouvernement devra réviser son budget. Une version actualisée qui soulagera sans doute l’enveloppe de la compensation mais
avec peu d’impact sur le déficit budgétaire, qui continue à subir les revendications sociales.
En tout état de cause, nous espérons que ce soulagement ’conjoncturel’ n’amènera pas les autorités à renoncer - ou reporter - les
réformes structurelles annoncées, aussi douloureuses soient-elles (fiscalité, compensation, douanes…).
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Analyse macroéconomique
5– Détérioration de la situation extérieure
La détérioration de la situation extérieure est due principalement à
l’aggravation du déficit commercial (export - import) qui a dépassé en 2014
les 13 milliards de dinars. En d’autres termes, la Tunisie achète, chaque
mois, de l’étranger 1 milliard de DT de plus que ce qu’elle ne vend !
Evolution de la balance commerciale entre 2010 et 2014
(en Milliards de DT)
TCAM : +13%
28
Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette baisse de régime :
 des
24
26
exportations en berne face au ralentissement économique en Europe
qui accapare 70% des exportations tunisiennes, de la fermeture régulière
des frontières libyennes et des difficultés logistiques récurrentes (ports,
douanes…);
 Une
42
TCAM : +5%
13,6
2,4
Exportations
augmentation plus rapide des importations sous accentuée par la
Importations
2010
Solde commercial
2014
dépréciation du dinar.
Le secteur off shore, encadré par la fameuse « loi 72 », joue un rôle incontestable dans le dynamisme des exportations où il
contribue à hauteur de 65%. Ce régime a par ailleurs permis de « limiter les dégâts » et de neutraliser la baisse du taux de
couverture* qui a résisté autour de la barre de 70% (puisque les sociétés offshore affichent un taux de couverture de plus de
150%).
Les sociétés off shore ont bénéficié pendant quatre décennies d’un cadre fiscal avantageux (exonération totale de l’impôt),
qui explique en même temps la réussite - manifeste - de ce créneau. La récente loi, entrée en vigueur en 2014, d’imposer
une fiscalité sur l’export risque d’avoir des conséquences dommageables à moyen terme. Ce n’est pas tant le niveau de taux
qui dissuade (qui reste relativement faible, à 10%) mais plutôt l’effet de signal vis-à-vis des investisseurs étrangers. Un effet
collatéral qui n’est pas de nature à encourager l’attraction d’IDE dans notre pays.
Si le déficit commercial n’est pas en soi un signe de mauvaise santé, il pose des problèmes s’il perdure et se creuse; et c’est
bien le cas de la Tunisie. Car un déficit extérieur, à l’instar de tous les déficits, doit être financé. Et c’est pour cette raison que
la Tunisie a fait son come back sur les marchés internationaux en janvier dernier pour l’émission de l’eurobond et que les
institutions internationales ont été sollicitées.
■ A quand une sortie de crise ?
Les questions d’ordre politique étant désormais derrière nous, il est grand temps de s’attaquer - sérieusement - aux chantiers
économiques et sociaux, exposés plus haut. Et le mot d’ordre pour la sortie de crise tient dans la relance de
l’investissement, car sans investissement, il n’y aura pas de reprise durable à moyen terme.
Il serait innocent de prétendre que cette problématique pourrait être réglée sur les deux prochaines années mais ses graines
doivent être semées aujourd’hui.
A notre sens, il faudrait un véritable « Big Bang » pour mettre fin à l’attentisme persistant des entreprises, en annonçant des
mesures fortes pour restaurer l’Etat de droit, instaurer la sécurité, moderniser l’administration, accélérer les réformes…
Priorité du gouvernement, la réforme du Code d’incitation aux investissements abonde dans ce sens. Au bout de 22 ans, la
réglementation en vigueur s’est essoufflée et montré ses limites face à une nouvelle réalité socio-économique.
La nouvelle version - bien plus compacte et compréhensible - s’est voulue une refonte totale et a brassé très large :
allègement des autorisations préalables, réduction - quoique timide - du champ d’intervention de la CSI, nouvelle gouvernance institutionnelle visant à regrouper l’arsenal de structures et mécanismes d’appui, création d’un Fonds de fonds,
protection des investisseurs…Des idées séduisantes qui risquent de mettre du temps pour s’officialiser, en attendant de
passer par l’Assemblée des Représentants du Peuple, mais a-t-on vraiment le temps?
*Le taux de couverture est le rapport entre les exportations et les importations.
Département Recherches & Etudes
Rym GARGOURI BEN HAMADOU
Lilia KAMOUN TURKI
Aicha MOKADDEM
Hamza BEN TAARIT
www.tunisievaleurs.com
Tel : 71 189 600
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Il n’est néanmoins donné aucune garantie quant à l’exactitude de ces informations.
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