Licence de Géographie (L3)- 43HU09GO
TD- 5 Les réfugiés climatiques
Nathalie Fau/Claude Grasland/Renaud Le Goix
Partie 1. Une définition et une mesure difficiles.
a) Réfugiés, migrants ou déplacés ?
La catégorisation a son importance. L’un des points de controverse qui surgit aussitôt est celui de savoir s’il faut
qualifier les personnes déplacées par les changements du climat de «réfugiés climatiques » ou de « migrants
climatiques ». Ce n’est pas seulement affaire de mantique car selon que l’on acceptera l’une ou l’autre
définition, les implications au regard du droit international se traduiront par des obligations bien réelles pour la
communauté internationale. ()Cependant, au regard du droit international, le mot « réfugié » appliqué aux
personnes qui tentent d’échapper aux dérèglements de l’environnement, n’est pas tout à fait correct. La
Convention des Nations Unies de 1951 et son Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés indiquent
clairement que cette expression doit être réservée aux personnes qui fuient les persécutions : « Un réfugié est
une personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité,
de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle
a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».
L’utilisation du mot « réfugié » pose en outre d’autres problèmes. A proprement parler, pour qu’une personne
puisse être qualifiée de réfugié, il faut qu’elle ait traversé une frontière internationalement reconnue : une
personne qui est déplacée à l’intérieur des frontières de son pays est un « déplacé interne ». Etant donné que
la majorité des personnes déplacées par les changements climatiques sont susceptibles de rester à l’intérieur
des frontières de leur pays, restreindre la définition du mot « réfugié » à ceux qui traversent une frontière
internationale peut entraîner une grave sous-estimation du problème. Deuxièmement, le concept de « réfugié
» tend à sous-entendre un droit au retour lorsque la persécution a pris fin. Il n’en va évidemment pas de même
lorsqu’il s’agit de l’élévation du niveau de la mer. aussi, cette expression modifie la nature du problème.
Troisièmement, il faut craindre qu’en élargissant le concept de réfugié aux victimes de l’environnement, on
n’aboutisse à une dilution des mécanismes internationaux existants et de la volonté de prendre en charge les
réfugiés. Cette question de la définition suscite de vives controverses parmi les experts internationaux des
droits de l’homme. Dans la pratique, cependant, on constate une résistance considérable au sein de la
communauté internationale face à tout élargissement de la définition de « réfugié ». Les pays industrialisés
craignent que si cette définition devait être élargie, ils ne se voient contraints à offrir les mêmes protections
qu’aux réfugiés politiques, un pas qu’aucun pays ne s’est encore déclaré prêt à franchir. En attendant, les
institutions internationales actuellement chargées de s’occuper des réfugiés, et en tout premier lieu le Haut-
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sont déjà débordées et incapables de faire face à la «
population » existante des réfugiés.17 Le HCR lui-même joue déjà un rôle élargi dans la mesure où il vient en
aide aux déplacés internes, et est donc réticent à tout élargissement supplémentaire de son mandat.
Si l’expression « réfugiés climatiques » pose problème, on continue de l’utiliser en partie parce qu’il n’existe
pas d’autre expression satisfaisante. () Mais comme il n’existe pas de définition adéquate dans le droit
international, ces migrants sont pratiquement invisibles dans le système international : aucune institution n’est
chargée de recueillir des données sur leur nombre, sans parler de leur assurer des services de base. Dans
l’incapacité de faire état de persécutions politiques dans leur pays d’origine, ils ne peuvent se réclamer du droit
d’asile.
Comment dès lors catégoriser ces personnes ? L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) propose
la définition suivante : « On appelle migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui,
pour des raisons impérieuses liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant
gativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le
quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à
l’intérieur de leur pays ou en sortent ». Pour les besoins de la présente étude, nous utilisons l’expression «
migrants forcés du climat», tout en sachant qu’elle n’est pas universellement reconnue, mais dans l’espoir
qu’elle rende compte de façon raisonnablement précise du phénomène des déplacements non volontaires de
populations dont on peut craindre qu’ils augmenteront à mesure que s’accumuleront les conséquences des
changements climatiques.
Source : Organisation internationale pour les migrations (OIM), Migrations et changement
climatiques, 2008. http://publications.iom.int/system/files/pdf/mrs-31_fr.pdf
b) Des réfugiés uniquement dans les pays en développement ?
Source : Christel Cournil, Benoît Mayer, Les migrations environnementales. Enjeux et
gouvernance. Presses de Sciences-Po, 2014, p. 50.
c) La diversité des phénomènes migratoires
Source : Christel Cournil, Benoît Mayer, Les migrations environnementales. Enjeux et
gouvernance. Presses de Sciences-Po, 2014, p. 40-41. .
Voir aussi : Piguet Étienne, Pécoud Antoine, de Guchteneire Paul, « Changements climatiques
et migrations : quels risques, quelles politiques ? », L'Information géographique, 4/2011 (Vol.
75), p. 86-109.http://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2011-4-page86.htm
Extraits : « Les discussions gagneraient en clarté si la distinction opérée par l’ONU entre
déplacements temporaires (moins de trois mois), migration à court terme (trois mois à un
an) et migration à long terme (plus d’un an) était utilisée de manière plus systématique. La
plupart des auteurs font valoir qu’à l’heure actuelle, les changements environnementaux
débouchent principalement sur des migrations temporaires, alors que les médias et le public
tendent à les percevoir comme de longue durée. La temporalité de la migration a aussi à voir
avec la nature des processus environnementaux : des phénomènes à évolution lente comme
la désertification ou l’élévation du niveau de la mer sont susceptibles d’être associés à des
migrations de long terme, alors que des catastrophes soudaines telles que les cyclones
tropicaux vont susciter des déplacements temporaires. Deuxièmement, il est essentiel de
distinguer entre migrations de courte ou longue distance, ou encore entre mouvements
internes et internationaux. Les débats sur les relations entre changement climatique et
migrations semblent se concentrer presque exclusivement sur les migrations internationales,
et en particulier sur lesflux du « Sud » vers le « Nord ». Mais ce parti pris en dit plus sur les
craintes de l’Occident que sur les véritables tendances, car la plupart des migrations
déclenchées par des facteurs environnementaux sont des migrations internes aux pays du
« Sud ».»
d) Des mesures et des prévisions difficiles
Source : Dina Inonesco, Daria Mokhnacheva, François Gemenne, Atlas des migrations
environnementales, SciencesPo Les Presses, 2016, p. 24.
« Toute prédiction se heurte à une incertitude politique : le nombre des déplacés futurs dépendra
très largement des politiques qui seront mises en œuvre à la fois pour réduire nos émissions de gaz à
effet de serre, mais également pour aider les populations touchées à s’adapter aux impacts du
changement climatique. Ces incertitudes n’empêchent pas nombre d’estimations fantaisistes de
circuler. Le rapport Stern sur les conséquences économiques du changement climatique reprend
ainsi le chiffre de 200 millions de réfugiés potentiels d’ici 2050, chiffre avancé par l’écologiste
Norman Myers en 1995. L’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine de l’université des
Nations Unies, établi à Bonn, s’en tient au chiffre de 150 millions. En mai 2007, l’organisation non
gouvernementale Christian Aid annonce un milliard de « réfugiés environnementaux » à l’horizon
2050. Ces chiffres, en réalité, reflètent simplement le nombre de personnes habitant dans les régions
les plus exposées aux effets du changement climatique, et particulièrement à la montée des eaux :
régions deltaïques et côtières, petits états insulaires, etc. Ils ne tiennent pas compte des politiques
d’atténuation qui seront mises en place d’ici 2050 pour limiter l’ampleur du changement climatique,
ni des stratégies d’adaptation élaborées pour faire face à ces situations nouvelles. En ce sens, sans
doute servent-ils davantage à attirer l’attention du public sur les effets dévastateurs du
réchauffement global qu’à produire une mesure effective des déplacements de populations
engendrés par ceux-ci.
Source : Gemenne François, Cavicchioli Agathe, « Migrations et environnement : prévisions,
enjeux, gouvernance », Regards croisés sur l'économie, 2/2010 (n° 8), p. 84-91.
http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2010-2-page-84.htm
Source : Dina Inonesco, Daria Mokhnacheva, François Gemenne, Atlas des migrations
environnementales, SciencesPo Les Presses, 2016, p. 27.
Source : Dina Inonesco, Daria Mokhnacheva, François Gemenne, Atlas des migrations
environnementales, SciencesPo Les Presses, 2016, p. 26.
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