Surface approx. (cm²) : 372
L'espace paraît moins digne d'attention parce
que, plus docile, il se laisse parcourir en tous
sens, permet les allers-retours, «protège»
même quand il est vital - alors que le temps
inexorable conduit tout à sa mort.
son radical indo-européen, sphay, dit que quel-
que chose grossit, «prend du volume», gonfle,
s'épanche («occupe» l'espace) Spotior signi-
fie aller de long en large, se promener, dessiner
donc un «espace», une distance, entre le heu
ou l'on était et le lieu ou l'on est D'où peut-
être les quèlques connotations négatives qui lui
sont assignées, du fait que, dessinant plusieurs
«voies », il devient équivoque, incertain, trop
étroit pour y tenir et ne pas suffoquer, ou trop
étendu pour ne point s'y perdre
Radiographie. S'ajoute la confusion de l'es-
pace avec lieu, et son éventail d'usages, de lieu
commun a milieu (alors que le milieu serait plu-
tôt l'espace), de non lieu a lieutenant Le latin
focus (qui, au pluriel, toc!, indique les parties
genitales ') correspond au grec topos, alors que
spacium renvoie a l'enigmatique notion de
chôra On découvre, en suivant Augustin Ber
que, qui radiographie le sens que lui donne
Platon dans le Tïmee, que chôra «signifie I''es-
pace ou le lieu attributifs d'un etre quelconque et
ce, en gênera!, c'est-à-dire que cet attribut peut
ètre physique (localisable dans l'étendue) ou so-
cial (localisable parmi les rôles personnels)»
Ainsi, on «a» une certaine chôra, «comme on
peut "avoir" un certain vetement, des cheveux
blancs ou un casque en cuir de chien sur la tête»
Maîs chôra a aussi un sens politique c'est la
contrée, le territoire (l'Attique, la Beetle) pro-
pre a une cite Etat (Athenes, Thebes), la «par
tie rurale» qui se trouve en dehors des remparts
de l'ostu (la ville proprement dite) Si on sim
plifie en disant qu'elle est la campagne qui
fournit sa subsistance a la polis, on entrevoit
les acceptions, «existentielles et vitales», que
prendra la chôra, de «matrice» ou de «mere
nourricière», non seulement de la communaute
politique, maîs de tous les êtres, de «l'exis-
tant», du «milieu ou se produit le devenir» Maîs
ce «milieu nourricier de l'existant», est il
«quelque chose» en lui même, qu'est ce qui
le nourrit, liu, et le fait advenir ? On laissera
decouvrir comment Anstote (Anne Cauque-
hn), Marc-Aurele (Pierre Dulau), Descartes
(Frederic de Buzon), Leibniz (David Rabouin),
Schelling (Christian Ruby), Condillac (Alienor
Bertrand) ou Hegel (Pierre François Noppen)
traitent de l'espace et du lieu
Maîs, au cours dè l'histoire, l'inflexion est in-
déniable de l'espace au lieu, de la chôra au to-
pos, de l'interrogation métaphysique a la re-
flexion mathématique, géométrique, et
physique, davantage appliquée a dire ou sont
les corps, quelles sont leurs relations, com-
ment les mesurer, qu'a savoir «ou est le ou»
et pourquoi il y a un ou On voit quel est l'es
pace des lieux, maîs le lieu de l'espace 7 Aussi
dira t on de ce dernier ce que Saint Augustin
disait du temps «Quandpersonne ne me le de-
mande, je sais ce que c'est, quand on me le de-
mande, je ne sais plus »
ROBERT MAGGIORI