aux besoins et aux plaisirs d’une société civilisée1. Ces marchandises, elle en
consommait une partie, elle en distribuait le reste aux pays voisins. C’est ainsi
que, vers le milieu du cinquième siècle, le Pirée, rival de Milet et de Corinthe, de
Tyr et de Carthage, devint un des plus riches entrepôts que le monde ancien ait
connus.
L’empire maritime d’Athènes fut détruit et la ligue dissoute par les catastrophes
qui terminèrent la guerre du Péloponnèse ; mais, dès que l’indépendance et la
démocratie sont rétablies, c’est vers la mer que se tournent aussitôt les regards
et l’ambition de la cité renaissante. Dés que Conon, avec les vaisseaux du grand
roi, a dispersé la flotte lacédémonienne, son premier soin, c’est de rétablir en
toute hâte les longs murs et de remettre le Pirée en état de défense. Aussitôt
chantiers et arsenaux se réveillent et retentissent de bruits joyeux. On équipe
des galères, les escadres athéniennes parcourent les côtes de l’Asie-Mineure et
de la Thrace, franchissent les détroits et se montrent de nouveau dans l’Euxin.
On rentre en possession de ces îles, Lemnos, Imbros et Skyros, de cette
Chersonèse de Thrace, qui, depuis plus d’un siècle, appartenaient à Athènes. Un
peu plus tard, sous l’empire des défiances et des craintes qu’inspire la politique
de Sparte après la paix d’Antalcidas, soixante-six des villes soumises jadis à la
suprématie d’Athènes viennent volontairement déférer à cette cité la présidence
d’une nouvelle ligue maritime (377).
On ne vit plus sortir du Pirée de flottes comme celles que Thémistocle, Périclès et
Nicias avaient commandées ; mais la rivalité de Thèbes et de Sparte, mais
l’affaiblissement général qui commençait à se faire sentir, permirent à Athènes
de se maintenir dans une position prépondérante avec des forces bien inférieures
à ses armements d’autrefois. Quant au commerce d’Athènes, il se relève aussi
florissant, plus florissant peut-être que jamais. La ligue nouvelle est fondée sur le
principe d’une égalité, d’une réciprocité parfaite entre les confédérés ; mais par
sa position centrale entre la Grèce asiatique et la Grèce d’Italie et de Sicile, parle
nombre plus considérable de ses négociants et la supériorité de leurs capitaux,
c’est Athènes qui profite le plus de l’alliance2. En même temps elle conclut avec
certains états, par exemple avec les rois du Bosphore cimmérien, des
conventions qui lui garantissent un traitement plus favorable qu’à tous les autres
acheteurs. Athènes devait donc, vers le milieu du quatrième siècle, arriver à un
chiffre d’affaires plus élevé qu’au temps même de Périclès. C’est que l’amour du
luxe, le goÛt des jouissances matérielles, avaient singulièrement gagné, depuis
lors, dans la société grecque. Dans chaque ville les gens riches se contentaient
moins aisément des denrées que leur fournissait le territoire même de leur
patrie. D’autre part, ils trouvaient d’autant plus aisément à satisfaire leurs
fantaisies que, vers cette époque, partout s’étaient créées des institutions
1 Xénophon, De la république des Athéniens, II, 7 : Grâce à la suprématie qu’Athènes exerçait sur la nier, elle
a pu faire converger sur un seul point tout ce que produisent d’agréable la Sicile, l’Italie, Chypre, l’Égypte, la
Lydie, le Pont, le Péloponnèse et tous les autres pays.
2 Sur cette nouvelle confédération, voir l’étude récemment publiée sous ce titre : Der zweite Athenische Bund
und die auf der Autonomie beruhende Hellenische Politik von der Schlacht bei Knidos bis zum Frieden des
Euboulos, mit einer Einleitung zur Bedeutung der Autonomie in Hellenischen Bundesverfassungen, von Georg
Busolt, in-8°, 1874, Teubner. On a retrouvé en 1851 le texte même du décret par lequel, dans la seconde
moitié de l’armée de Nausinicos (378-377), sur la proposition d’un certain Aristote, le peuple athénien, prenant
des précautions contre lui-même, s’engage solennellement à éviter les anciens abus, à ne point changer en une
domination odieuse cette présidence de la ligue qui lui est déférée ; l’acte énumère toutes les garanties qui sont
offertes aux membres de la confédération et à ceux qui voudront s’y joindre. Cette pièce, dont Diodore nous
avait laissé une très courte analyse (XV, 29), est un des documents les plus précieux que nous ait conservés
l’épigraphie attique ; M. Foucart y a consacré plusieurs leçons de son cours (décembre 1875 et janvier 1876).
On en trouvera le texte, en attendant le second fascicule du Corpus inscriptionum atticarum, dans Rangabé,
Antiquités helléniques, t. II, n. 381 et 381 bis, et dans Meyer, Commentatio epigraphica, 1 et 2.