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Unilet Informations n° 127 - Août 2007
Depuis 2001, les cultures de brocoli de Bretagne font régulièrement l’objet d’at-
taques de cécidomyie du chou-fleur. Face aux dégâts provoqués par ce ravageur, la
Chambre d’Agriculture du Finistère a conduit de nombreux essais visant à mieux
repérer les vols et à organiser la lutte. Le piégeage est aujourd’hui opérationnel et
des seuils d’intervention sont proposés. Reste désormais à étoffer les moyens de
protection chimique.
TTechnique
CÉCIDOMYIE DU CHOU-FLEUR
Un ravageur des brocolis
sous surveillance en Bretagne
En Bretagne, la présence de la
cécidomyie du chou-fleur a é
confirmée en 2001, dans plusieurs
parcelles de brocoli d'industrie du sud-
Finistère. Des observations récurrentes
ont ensuite été réalisées de 2002 à
2007, essentiellement dans des par-
celles de brocoli (très peu en chou-
fleur) du Finistère, des Côtes d'Armor
et du Morbihan.
Ce petit moucheron, connu depuis la
fin du XIXème siècle dans le marais de
St Omer (Pas-de-Calais), peut faire
des dégâts très graves. Il pond en
effet des œufs au cœur des plantes,
ce qui provoque, selon le stade de
développement du chou, la déforma-
tion ou l'avortement des têtes.
UNE PETITE MOUCHE
AUX EFFETS DURABLES
La cécidomyie du chou-fleur (Contari-
nia nasturtii) est un insecte de 2 mm
de long, muni de très longues
antennes garnies de soies et d'une
paire d'ailes avec deux nervures
caractéristiques (voir p.15). Elle pond
ses œufs au niveau de l'apex des
choux (= extrémité en croissance).
L'éclosion a lieu 1 à 3 jours plus tard,
et donne naissance à des larves trans-
parentes à jaunes, de 0,3 à 4 mm
selon leur âge (stade larvaire de 7 à 21
jours en fonction des températures).
En fin de développement larvaire, les
asticots tombent au sol et s’y « pupé-
fient » dans les premiers centimètres.
En été, l'émergence des adultes inter-
vient 12-15 jours après, alors qu'en fin
de saison, les pupes sont hivernantes.
Une partie de ces pupes hivernantes
peut rester « dormante » pendant plu-
sieurs années. Ainsi en Bretagne, nous
piégeons toujours des cécidomyies en
2007, avec des cages à émergence,
dans deux parcelles qui ont subi de
gros dégâts en 2003 et qui n'ont pas
été emblavées avec des crucifères
depuis.
La durée de vie des insectes adultes
est très brève, de l'ordre de 1 à 3
jours. Il y aurait 3 à 4 vols par an.
D'après la littérature, la cécidomyie du
chou-fleur peut faire son cycle sur
toutes les crucifères cultivées (chou,
colza, radis…) ou sauvages (tabouret
des champs, capselle…).
DES DÉGÂTS PARFOIS
SPECTACULAIRES
Les larves vivent dans un milieu liqui-
de, d'où leur localisation au niveau de
l'apex, à l'abri du dessèchement. En
se nourrissant, elles produisent une
sécrétion qui détruit la surface des
tissus et liquéfie le contenu des cel-
lules, ce qui provoque la réaction de
la plante : déformations, nécroses et
avortement de la tête si le méristème
est touché.
Les dégâts sont de deux ordres selon
la précocité et « l'intensité » d'at-
taque : avortement de l'apex (chou
borgne avec cicatrice brun clair ou
pourriture du cœur par colonisation
bactérienne) ou déformation de la
tête avec nécrose brun clair égale-
ment. S’y ajoutent d’autres symp-
tômes assez variables : pétioles ren-
flés, déformés, vrillés avec feuilles
chiffonnées ou froissées ; bourgeon
gonflé (jeunes plants).
Le niveau de perte peut atteindre 100 %
dans les parcelles très contaminées et
sur les cultures les plus sensibles, en
l’occurrence le brocoli (voir encadré
page suivante).
Pomme de brocoli déformée suite à une attaque
de cécidomyie.
Les larves de cécidomyies font parfois avorter le
bourgeon terminal des choux. L’inflorescence ne
se forme pas : c’est le plant borgne.
Photos : Chambre d’Agriculture du Finistère
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TTechnique
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OÙ TROUVE-T-ON LA CÉCIDOMYIE
EN BRETAGNE ?
La réponse est simple : sans doute partout. Grâce au
développement de pièges à phéromones spécifiques de
la cécidomyie du chou-fleur, des réseaux de surveillance
ont été mis en place à partir de 2005 dans différentes
zones légumières de Bretagne.
Dans les Côtes d'Armor, le Morbihan et le sud-Finistère,
les pièges ont été installés dans (ou à proximité) des par-
celles ayant eu des dégâts les années précédentes. Le
niveau de captures varie de quelques individus à
quelques centaines.
Dans le nord-Finistère, un réseau aléatoire de plus gran-
de importance a été mis en œuvre en 2005 et 2006. Sur
les 61 parcelles de ce réseau (réparties dans 27 com-
munes), la présence de cécidomyies a été confirmée
dans 57 d’entre-elles (soit 93 % des parcelles réparties
dans 25 communes). En général, le niveau des captures
est faible :
- moins de 10 cécidomyies piégées dans 30 parcelles
(soit 49 % des parcelles du réseau) ;
- 10 à 100 cécidomyies dans 23 parcelles (38 %) ;
- plus d’une centaine d'insectes capturés dans 3 par-
celles (5 %).
Les piégeages débutent à partir de la mi-mai et se pour-
suivent jusqu'à fin octobre. Contrairement à certains
ravageurs (exemple : mouche du chou), il n'y a aucune
synchronisation des vols entre les parcelles. Cette carac-
téristique empêche tout avertissement collectif, le suivi et
le conseil ne pouvant se faire qu'à la parcelle.
UN PIÉGEAGE OPTIMISÉ
Les cages-éclosoirs ont été utilisées pour le suivi des
populations de 2002 à 2004, avec plus ou moins (et plutôt
moins !) de satisfaction : mauvaise corrélation piégeage /
niveau de dégâts, travail d'identification extrêmement
laborieux. A partir de 2005, la commercialisation d'une
phéromone sexuelle (suite à la validation en 2004 de la
phéromone expérimentale, issue de la recherche publique
Suisse, par l'équipe de l'UNILET de Quimperlé) a permis
un suivi des vols de cécidomyies à plus grande échelle et
de manière beaucoup plus rapide. En 2005 et 2006, la
Chambre d'Agriculture du Finistère a réalisé plusieurs
essais pour optimiser l'utilisation de ces pièges à phéro-
mones, dont voici les principaux enseignements :
Le piège commercialisé par Andermatt Biocontrol est en
carton paraffiné de couleur beige. D’après nos expéri-
mentations de 2005, il présente 2 inconvénients : une fra-
gilité à l'eau (durée de vie de quelques semaines) et une
moins bonne spécificité de piégeage due à la couleur
beige (si le nombre de cécidomyies piégées est le même
statistiquement entre les 2 couleurs, le nombre d'autres
insectes piégés est plus élevé dans les pièges beiges).
C’est pourquoi nous utilisons des pièges en plastique
alvéolaire peints en vert.
Deux pièges sont nécessaires pour apprécier la popula-
tion de cécidomyies dans une parcelle : un en bordure, si
possible le long d'une zone abritée (haie, talus) où seront
en général piégés les premiers insectes, et un autre au
centre de la parcelle.
Le fond du piège doit être positionné précisément à 20
cm du sol. Cette hauteur correspond aux préconisations
Constatant que l'essentiel des dégâts observés depuis 2001 concerne le brocoli, des essais de comparaison des 4
culti-groupes de chou (chou-fleur, brocoli, romanesco, chou de Milan) ont été mis en place en 2005 et 2006 dans le
nord-Finistère, dans des parcelles fortement contaminées les années précédentes. Ces trois essais ont confirmé l'ex-
trême sensibilité du brocoli par rapport au romanesco, le comportement intermédiaire du chou-fleur et la tolérance
élevée du chou de Milan.
Importance des dégâts de cécidomyie suivant le type de chou
Essais Chambre d'Agriculture du Finistère
Dégâts (exprimés en %) = chou borgne ou pomme déformée non commercialisable
Dans le groupe le plus sensible (brocoli), nous avons également observé une différence de sensibilité selon les varié-
tés. La tolérance partielle de la variété IRONMAN (Seminis) a été confirmée sur 4 essais : elle s'élève à environ 25 %
par rapport aux 2 autres variétés testées. IRONMAN est donc recommandée en présence de cécidomyie.
Importance des dégâts de cécidomyie selon la variété de brocoli
Moyenne de 4 essais réalisés en 2005 et 2006 par la Chambre d'Agriculture du Finistère
Dans les 2 essais réalisés en 2005, d'autres variétés ont été comparées : MONOPOLY, PARTHENON, MARATHON.
Elles expriment le même niveau de dégâts que les variétés CHEVALIER et MONACO.
Dégâts (en %) 89 % 86 % 66 %
Brocoli Romanesco Chou-fleur Chou de Milan
Variétés MONACO (S & G) WHITE GOLD (Béjo) MARINE (S & G) ATLANTA (S & G)
Ploudalmézeau 2005
(moyenne plantation :
semaines 22 et 25) 33 % 24 % 7 % 0 %
Lanmeur 2005
(plantation : semaine 22) 65 % 29 % 12 % 1 %
Variétés MONACO (S & G) WHITE GOLD (Béjo) CORTES (S & G) MILAN (S & G)
St Martin des Champs
(moyenne plantation : 98 % 48 % 47 % 2 %
semaines 18, 20 et 22)
Des types de choux et des variétés aux sensibilités différentes
Variétés CHEVALIER (Seminis) MONACO (S & G) IRONMAN (Seminis)
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du fabricant et à notre pratique, l'ensemble des essais
sur les seuils de nuisibilité ayant été réalisés avec des
pièges placés à cette hauteur. Or, le niveau de piégeage
varie énormément en fonction de cette hauteur :
En 2006, nous avons défini un premier seuil d’interven-
tion de 15 cécidomyies / semaine / piège, qui est
valable uniquement pour les variétés MONACO, MONO-
POLY, CHEVALIER, PARTHENON et MARATHON. De
plus, nous avons démontré que le brocoli n'est sensible
à la cécidomyie que durant les 7 premières semaines de
culture, soit jusqu’à 1 à 2 semaines avant l’apparition de
la pomme.
UNE LUTTE FORCÉMENT INTÉGRÉE
La lutte contre la cécidomyie du chou-fleur nécessite de
combiner différents moyens. Elle implique notamment le
choix des parcelles et des variétés, et l'utilisation de pièges
à phéromones.
Choix des parcelles : Les pupes restent viables plusieurs
années (4 ans au minimum dans nos essais). Une parcelle
ayant subi des dégâts risque donc d'en avoir pendant plu-
sieurs années si des cultures sensibles sont implantées.
Une rotation sans crucifères de plusieurs années est alors
souhaitable.
Travail du sol : Seules les pupes situées dans les premiers
centimètres du sol peuvent émerger. L'option de réaliser
un labour plutôt qu'un travail superficiel du sol (TCS) est
efficace en cas de premiers dégâts. Dans un essai réalisé
en 2005 comparant les 2 techniques, nous avons démon-
tré que les émergences sont 24 fois plus importantes après
un TCS par rapport à un labour (31 cécidomyies capturées
/ m2en TCS contre 1,3 / m2sur labour). Le même essai
reconduit dans une parcelle subissant des dégâts depuis 3
ans, n'a donné aucun résultat : la zone travaillée (25 cm)
était sans doute totalement « imprégnée » de pupes.
Choix des variétés :
En cas d'impossibili-
té de rotation, privilé-
gier dans les par-
celles à risque (= par-
celles ayant déjà subi
des dégâts) les culti-
groupes les moins
sensibles : un chou-
fleur plutôt qu'un
brocoli. Parmi les
brocolis, la variété
IRONMAN (Seminis)
présente en moyen-
ne 25 % de dégâts
en moins par rapport
aux autres variétés
(voir encadré p.14).
Bâchage : Le bâchage (non tissé) est très efficace pour pro-
téger les cultures de parcelles mitoyennes contaminées. Par
contre, si la parcelle bâchée est elle-même infestée de pupes,
le niveau de dégâts est le même qu'il y ait ou non une bâche.
Lutte chimique : En 2007, la panoplie insecticide (environ
45 produits homologués) repose sur 3 pyréthrinoïdes. Ces
produits sont uniquement adulticides et à faible rémanen-
ce (quelques jours). Aussi leur efficacité atteint environ 60 %
en traitement hebdomadaire à haut volume (500 l/ha).
PERSPECTIVES D’AVENIR
Des travaux sont prévus en 2007 pour établir d'autres seuils
de nuisibilité, en particulier pour la variété de brocoli IRON-
MAN et le chou-fleur d'été CORTES.
L'utilisation d’une matière active systémique plus rémanente
(en cours d'expérimentation) permettrait dans les années à
venir de réduire la cadence des traitements (actuellement heb-
domadaire dès que le seuil de nuisibilité est dépassé) et
d'améliorer, nous l'espérons, l'efficacité. Un travail est égale-
ment en cours sur l'optimisation des applications avec, en par-
ticulier, l'étude de l'impact du volume de la bouillie et l'adjonc-
tion de certains mouillants.
Vianney ESTORGUES
Chambre d'Agriculture du Finistère
Hauteur des pièges 40 cm 20 cm 10 cm
(4 répétitions)
Nombre moyen de
43656cécidomyies piégées par
semaine (pendant 6 semaines)
• Le piège utilisé est un piège delta dont le fond mesure environ 20 x 10 cm.
• Les fonds (feuille de PVC blanc + glu ou papier autocollant) sont relevés une fois par semaine.
• Les phéromones ont une durée d'action de 6 semaines (essai 2006) sans perte d'efficacité (le fabricant annonce une
durée de 4 à 6 semaines).
• L'identification des insectes piégés nécessite au minimum une loupe (grossissement 10 fois) ou une binoculaire.
Environ 30 % des insectes piégés sur les fonds ne sont pas des cécidomyies (moyenne de l'année 2005).
• 4 critères de reconnaissance sont utilisés :
- une taille de 2 mm (distance tête-abdomen = 1,4 mm)
- une couleur grise à jaunâtre (ni noire, ni orange, ni brune)
- des ailes et antennes caractéristiques. La nervure radiale atteint
l'extrémité de l'aile Uniquement
2 nervures
Nervure anale en fourche
Antennes très longues
portant de longues soies
Piége utilisé pour repérer les vols de cécidomyie. Cécidomyies piégées sur une plaque engluée.
}
Larve de cécidomyie du chou-fleur.
Les pièges à phéromone : mode d’emploi
Photos : Chambre d’Agriculture du Finistère
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