BIED-CHARRETON.
DE LA TURBINE A L’ATOME.
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Nous venons de prononcer le mot d'énergie.
Depuis l'immense développement pris par l'activité industrielle, ce mot a franchi
les limites du sens presque exclusivement moral que lui attribuaient nos
ancêtres, pour trouver un emploi extrêmement étendu dans le vocabulaire
scientifique et industriel ; il a pris sa place jusque dans le nom de certaines
grandes firmes. Dans ce champ nouveau d'emploi, ce beau mot a conservé son
sens précis hérité des Grecs : c'est toujours la somme des efforts physiques et
moraux, des travaux de toutes sortes qu'est capable de fournir un homme, un
être vivant, un système physique quelconque. Laissons au-dessus de notre sujet
l'énergie vitale, et très au-dessus encore, dans le domaine des âmes, l'énergie
morale, l'énergie de la foi qui transporte les montagnes. Arrêtons-nous à leur
sueur inférieure, l'énergie du monde physique que contenait la nébuleuse
primitive et qui, d'après le principe de la conservation de l'énergie (rien ne se
perd, rien ne se crée), s'est transmise intégralement jusqu'à nous.
Cette énergie, qui se manifeste à nous sous la forme des forces physiques et
chimiques au sein desquelles nous vivons, les savants et les philosophes en
poursuivent depuis toujours le secret de leurs investigations acharnées, en même
temps que le secret de la matière.
La clé de ces grands secrets se trouve au sommet des sciences physiques,
sommet inaccessible peut-être, et dont les flancs s'escarpent terriblement vers les
hauts. Les grimpeurs qui escaladent cette cime ont progressé depuis quelques
années par bonds rapides et d'une rare audace. Bien haut déjà, nous les
apercevons dans les parages vertigineux de la physique mathématique,
s'aventurant hardiment sur des arêtes aériennes, quittant parfois une voie sans
issue pour une autre, mais avançant toujours en dépit des obstacles
grandissants, vers le mystérieux et peut-être encore bien lointain sommet.
Le dernier venu parmi ces chercheurs découvrira-t-il un jour, tout là-haut, l'unité
de la matière et de l'énergie sous la forme d'une vibration ?
Ascension difficile mais belle entre toutes ! Tenterons-nous un jour de partir sur
les traces de ces grimpeurs à la recherche du secret intime des objets familiers
qui nous entourent et des forces qui les animent ?
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La voix du torrent nous tire de la contemplation des hautes cimes et rappelle
notre attention sur la parcelle d'énergie dérobée au Soleil qu'il gaspille
splendidement à nos pieds.
En dehors de la houille noire, véritable concentré d'énergie solaire enfoui dans le
sein de la Terre, la nature ne recèle-t-elle pas mille autres parcelles de cette
même énergie qu'elle tient à notre disposition sous les formes les plus variées ?