René BIED-CHARRETON
DE
LA TURBINE
A L'ATOME
PFACE
de M. Charles FABRY
MEMBRE DE L’INSTITUT
Librairie-Imprimerie GAUTHIER-VILLARS
55, Quai des Grands-Augustins, 55 -- PARIS (6e)
1933
BIED-CHARRETON.
DE LA TURBINE A LATOME.
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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés pour tous pays.
BIED-CHARRETON.
DE LA TURBINE A LATOME.
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PRÉFACE.
Le livre de M. Bied-Charreton, où l'on trouvera un exposé clair et solide de
quelques-unes des grandes questions qui occupent les techniciens et les
physiciens, aurait pu s'intituler : Questions de physique vues par un ingénieur ;
le titre que l'auteur a choisi et l'ordre dans lequel il présente les questions
montrent assez que c'est par la technique, en suivant une pente naturelle, qu'il
arrive à la Physique. C'est en regardant l'inrieur d'une chaudière à vapeur qu'il
nous conduit à l'évidence de la théorie cinétique des gaz, à la réalité des
molécules et à la constitution de l'atome. Il faut lui savoir gré d'avoir montré au
lecteur le chemin parcouru et de lui servir de guide toujours sûr pour aller des
vérités tangibles de la technique aux lois cachées de la physique atomique.
Et cependant, avouerai-je que j'ai ouvert ce livre, pour la première fois, avec un
peu d'inquiétude. Les physiciens professionnels ont une tendance à sefier
quelque peu de la science vue par les ingénieurs, et ce sentiment est basé non
pas sur une idée préconçue mais sur une expérience maintes fois répétée.
Combien de fois n'a-t-on pas entendu un technicien, parfois éminent, annoncer
qu'il allait démontrer, en paroles ou par écrit, « l'erreur grossière de Newton » ou
« l'absurdité des idées d'Einstein » ou « l'ineptie de Maxwell », ou encore décrire
d'une manre définitive « la constitution de l'éther » ! Cette confiance en soi, faite
de beaucoup d'ignorance et de naïveté, cettegalomanie intellectuelle,
s'expliquent chez des hommes habitués à lutter contre la matière, c'est-à-dire
avec un adversaire qui se défend, parfois cruellement, si l'on se trompe.
Transportés dans le domaine des idées, ils ne trouvent plus devant eux aucune
des résistances passives qui les retiennent dans l'action, leur moteur intellectuel
privé de frein s'emballe et les conduit tout droit à l'absurde, parfois au grotesque.
De là, je pense, cette étrange explosion de bizarreries dans le domaine
scientifique, qui chagrine les esprits pondérés.
J'ai eu l'agréable surprise de trouver au contraire, dans le livre de
M. Bied-Charreton, un exposé correct, souvent original, de quelques-unes des
grandes questions auxquelles personne ne peut demeurer indifférent. L'industrie,
la science, certaines questions du domaine économique qui sont plus que jamais
d'actualité, s'y rencontrent d'une manière intéressante ; j'ai pris grand plaisir à
en lire l'exposé, et il en sera certainement de me pour plus d'une catégorie de
lecteurs.
Ch. FABRY.
BIED-CHARRETON.
DE LA TURBINE A LATOME.
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ÉNERGIE INDUSTRIELLE
HOUILLE BLANCHE
Soir d'une course en montagne. C'est l'heure de la halte dans les hauts alpages à
la limite des glaciers et des champs de neige dont les masses nous surplombent
en amphithéâtre. Le silence absolu des sommets n'est troublé que par la grande
rumeur des eaux qui s'échappent de la base des glaciers, des champs de neige, se
répandent en mille filets, courent suivant la plus grande pente, se rassemblent
deux à deux, puis se fondent dans le thalweg, en la masse dont nos yeux suivent
au loin la ligne blanche d'écume.
Laissons notre regard s'attarder sur cette eau qui descend en bondissant de
roche en roche pour se précipiter d'un saut dans la gorge le torrent gronde.
Cette eau travaille, comme travaille le poids de l'horloge qui descend en faisant
mouvoir les aiguilles. Depuis des milliers d'anes, elle accomplit, en descendant
des glaciers jusqu'à la mer, les travaux d'usure et d'entraînement des roches dont
le résultat final est le modelé de la vallée.
Poursuivons le rapprochement entre la masse d'eau du torrent et le poids de
notre horloge. De me que nous remontons celui-ci parvenu en fin de course,
en lui communiquant une certaine quantité d'énergie qu'il dépensera ensuite
pour faire marcher l'horloge, de me l'eau du torrent, parvenue à la mer, y est
reprise par le Soleil qui l'évapore et la remonte dans les gions supérieures de
l'atmosphère. Précipitée ensuite partiellement sur les hautes montagnes, cette
eau s'y fixera à nouveau en réserve sous forme de neige et de glace.
L'énergie que dépense le torrent dans son travail d'érosion, c'est donc une
parcelle de l'énergie calorifique du Soleil, mise en réserve dans les glaciers et les
neiges éternelles de nos montagnes. Nous saisissons ainsi le nom de « Houille
blanche » que l'homme a donné à ces éblouissantes réserves d'énergie solaire, le
jour où il a entrepris de les asservir directement à ses fins, par analogie avec les
noires réserves de cette même énergie qu'il puise sous le nom de houille dans le
sein de la terre dorment, depuis des millions d'années, les débris carbonisés
des forêts englouties dans les marécages de l'époque primaire.
BIED-CHARRETON.
DE LA TURBINE A LATOME.
5
Nous venons de prononcer le mot d'énergie.
Depuis l'immense développement pris par l'activité industrielle, ce mot a franchi
les limites du sens presque exclusivement moral que lui attribuaient nos
ancêtres, pour trouver un emploi extrêmement étendu dans le vocabulaire
scientifique et industriel ; il a pris sa place jusque dans le nom de certaines
grandes firmes. Dans ce champ nouveau d'emploi, ce beau mot a conserson
sens précis hérité des Grecs : c'est toujours la somme des efforts physiques et
moraux, des travaux de toutes sortes qu'est capable de fournir un homme, un
être vivant, un système physique quelconque. Laissons au-dessus de notre sujet
l'énergie vitale, et très au-dessus encore, dans le domaine des âmes, l'énergie
morale, l'énergie de la foi qui transporte les montagnes. Arrêtons-nous à leur
sueur inférieure, l'énergie du monde physique que contenait la nébuleuse
primitive et qui, d'après le principe de la conservation de l'énergie (rien ne se
perd, rien ne se crée), s'est transmise intégralement jusqu'à nous.
Cette énergie, qui se manifeste à nous sous la forme des forces physiques et
chimiques au sein desquelles nous vivons, les savants et les philosophes en
poursuivent depuis toujours le secret de leurs investigations acharnées, en me
temps que le secret de la matière.
La clé de ces grands secrets se trouve au sommet des sciences physiques,
sommet inaccessible peut-être, et dont les flancs s'escarpent terriblement vers les
hauts. Les grimpeurs qui escaladent cette cime ont progressé depuis quelques
années par bonds rapides et d'une rare audace. Bien haut déjà, nous les
apercevons dans les parages vertigineux de la physique mathématique,
s'aventurant hardiment sur des arêtes aériennes, quittant parfois une voie sans
issue pour une autre, mais avançant toujours en dépit des obstacles
grandissants, vers le mystérieux et peut-être encore bien lointain sommet.
Le dernier venu parmi ces chercheurs découvrira-t-il un jour, tout-haut, l'unité
de la matre et de l'énergie sous la forme d'une vibration ?
Ascension difficile mais belle entre toutes ! Tenterons-nous un jour de partir sur
les traces de ces grimpeurs à la recherche du secret intime des objets familiers
qui nous entourent et des forces qui les animent ?
La voix du torrent nous tire de la contemplation des hautes cimes et rappelle
notre attention sur la parcelle d'énergie dérobée au Soleil qu'il gaspille
splendidement à nos pieds.
En dehors de la houille noire, véritable concentré d'énergie solaire enfoui dans le
sein de la Terre, la nature ne recèle-t-elle pas mille autres parcelles de cette
me énergie qu'elle tient à notre disposition sous les formes les plus variées ?
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