Le rôle de l`océan Austral dans le couplage CO2 / climat

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LES RECHERCHES FRANÇAISES
SUR LE CLIMAT
Le rôle de l’océan austral
dans le couplage CO 2 /climat
V
Principal réservoir de carbone de la planète, l’océan est l’objet
de toutes les attentions. Comment réagit-t-il face au réchauffement
climatique ? De nouvelles recherches menées sur l'océan Austral
illustrent le couplage du cycle du carbone avec le climat.
DEPUIS UN MILLION D’ANNÉES
Évolution de la concentration atmosphérique du CO2 (en vert) et du deutérium
(en orange, indice de la température) au cours des 800 000 dernières années.
Ces mesures ont été réalisées dans les glaces antarctiques qui, en s’accumulant au cours
du temps, ont piégé des bulles d’air. Les cycles glaciaires/interglaciaires sont bien visibles.
© Vostok et Epica
DEPUIS UN PEU PLUS
DE 100 ANS
L’observation des glaces antarctiques a permis de montrer
qu’au cours du dernier million d'années, les variations
de la température et de la concentration en dioxyde
de carbone (CO2) atmosphérique étaient étroitement
associées : durant les périodes glaciaires froides,
les concentrations de CO2 étaient faibles (~180 ppmv),
tandis que durant les périodes interglaciaires plus chaudes
elles étaient nettement plus élevées (~270 ppmv).
Les paléoclimatologues ont montré qu'une grande partie
de ces variations de CO2 pouvait s’expliquer par
des changements dans la circulation de l’océan Austral
et notamment, en périodes interglaciaires, par un apport
vers la surface d'eaux profondes riches en CO2, lequel était
alors libéré dans l’atmosphère.
Depuis la révolution industrielle, les émissions de CO2
liées aux activités humaines n'ont cessé d'augmenter.
Il en résulte un accroissement très rapide
de la concentration du CO2 atmosphérique, à l’origine
du changement climatique prédit par les scientifiques
et que l’on commence à observer. Cette concentration
atteint aujourd’hui plus de 380 ppmv, soit 100 ppmv
de plus que ce qu'a connu notre planète depuis
un million d'années.
Heureusement, cet accroissement est limité par
les échanges se produisant avec les réservoirs
de carbone que sont les océans et les continents
(fabrication de biomasse et dissolution du CO2
dans l’eau). Les réseaux de mesure maintenus par
les scientifiques depuis bientôt 50 ans leur ont permis
d’évaluer qu’environ la moitié des émissions
anthropiques de CO2 serait ainsi soustraite
à l’atmosphère, un tiers par les océans, dont
une grande partie serait stockée dans les eaux froides
de l'océan Austral, et le reste par les continents.
Une concentration de 100 ppmv (partie par million
en volume) de CO2 correspond à 0,01 % en volume de CO2 dans l’air.
Vagues à la surface des eaux antarctiques,
au sud de l’océan Indien.
© OISO, Nicolas Metzl
Évolution de la vitesse du vent dans l’océan
Austral : depuis 50 ans, elle augmente.
© NCEP
Concentration en CO2 anthropique dans l’océan Austral (évaluée à partir des observations
de la campagne océanographique Civa-Woce) : le CO2 est entraîné vers le fond le long de l’Antarctique
par les eaux froides et salées de surface, plus denses que les eaux profondes. © LOCEAN/IPSL
MAIS DEPUIS 20 ANS...
Ce phénomène va-t-il se poursuivre ? Il ne semble
pas car les scientifiques constatent que les échanges
de CO2 à l'interface air-mer diminuent dans l'océan
Austral depuis une vingtaine d'années. En effet,
les bouleversements atmosphériques dus à l'homme,
addition de CO2 et diminution d'ozone stratosphérique,
conduisent notamment à un changement dans
la répartition des vents. Dans l'hémisphère sud, les
vents plus forts qu’auparavant intensifient les apports
d'eaux profondes à la surface de l'océan. Ainsi, l'océan
Austral répond au
changement climatique
en injectant plus de CO2
dans l'atmosphère,
c’est-à-dire en
accélérant le
réchauffement
(rétroaction positive).
Distribution des vents
de l’océan mondial au mois de juillet 2007 :
Le scénario proposé pour au-dessus
les vents sont très intenses dans l'océan Austral,
en particulier dans l'océan Indien Sud.
expliquer les cycles
© Cersat/Ifremer
glaciaires interglaciaires
est donc peut-être en
train de se reproduire
aujourd'hui, mais à une vitesse 100 fois
plus grande.
Concentration en CO2 total
dans l’océan Austral (mesures réalisées durant
la campagne océanographique Civa-Woce) :
sous l’effet des vents, les eaux profondes
remontent, entraînant le CO2 vers la surface.
© LOCEAN/IPSL
Il est important de poursuivre les observations
océaniques aux hautes latitudes afin d’évaluer
si l’évolution récente et inquiétante de ce puits
de carbone est un dérèglement irréversible.
CENTRE NATIONAL
DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
Icebergs dérivant dans les eaux antarctiques,
au sud de l’océan Indien. © OISO, Nicolas Metzl
Institut National des Sciences de l’Univers du CNRS
illustrations tous droits réservés
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