l'attention se focalise sur leur puissance d'action (numen) et leur intervention dans l'histoire car ils
ne possèdent pas de « sur-histoire » métaphysique ; de l'autre, comme conséquence, ils ne sont que
de pâles figures mal personnalisées. Ils sont d'abord des puissances. Et les romains, faute de mythes
propres, adopteront ensuite les mythes grecs. A part quelques témoignages archéologiques et
épigraphiques, notre connaissance de la Religion romaine ne remonte pas au-delà du IIIe siècle
avant notre ère. Les plus anciens documents écrits en notre possession ne sont pas antérieurs. De
fait, rechercher le « purement » romain dans la religion romaine relève d'un fantasme malheureux.
Outre les antécédences indo-européennes, la religion romaine nous apparaît, aussi loin qu'on peut
remonter, influencée par les Etrusques et les Grecs (les premiers étant eux-mêmes déjà largement
influencés par les seconds sur le plan religieux!). Ainsi, comme eux, les romains croient en un
certain nombre de puissances divines (c'est-à-dire surhumaines), « les dieux ». Ces dieux sont
« spécialisés » : ils peuvent avoir une puissance topique (par rapport à un lieu) comme Jupiter
Capitolin (de la colline du Capitole à Rome) ou Zeus Olympien (Grèce). Mais ils peuvent avoir
également une spécialité dite fonctionnelle, comme Mars qui est le « dieu de la Guerre » (défense
aussi bien militaire que défense des récoltes contre les insectes). Pour les romains, les dieux sont
dans le monde (le cosmos), ils sont avec eux : ils sont soit aériens (dans l'air), soit astres (aux yeux
des Anciens, le mouvement circulaire des astres est éternel et donc divin, ce qui explique aussi la
forte importance de l'astrologie à l'époque antique). La puissance des dieux inquiète toujours, il faut
donc vivre en bonne entente avec eux, en reconnaissant leur supériorité, et donc en leur rendant un
culte par les rites. La religion est simplement de la « diplomatie » avec les dieux : on recherche la
paix des dieux. La finalité du culte n'est ni personnelle, ni dans un au-delà, mais elle est collective
et terrestre. La religio est ainsi l'ensemble des pratiques rituelles civiques qui ne vise que le
bien-être de la Cité.
La religion officielle de la Cité
A Rome, la Religion est ce qui concerne les Romains et leurs dieux. Cicéron disait « chaque cité a
ses dieux, et nous, les nôtres ». Il s'agit là d'un culte officiel : la pratique cultuelle dépend du statut
juridique et seule la cité peut autoriser ou interdire un dieu (les Romains ont repris comme dieux
civiques un certain nombre de dieux grecs ou orientaux). La religion romaine est une religion
civique et ritualiste. Organisée par l'Etat romain, et pour le bien de l'Etat romain, elle est centrée sur
la préservation de la pax deorum, « la paix des dieux » qui garantit le bon fonctionnement de la
société et des institutions romaines ainsi que la prospérité de la cité et le caractère victorieux de ses
guerres. Issue de l'ancienne religion tribale des Indo-européens et des Italiques, il ne faut pas lui
chercher quelques caractères mystiques ou même sentimentaux. Les Romains, aux dires de
Cicéron, se considéraient comme les plus religieux des hommes : cela signifiait les plus exacts dans
l'exécution des rituels, les plus attentifs à satisfaire à leurs obligations religieuses ce qui leur
garantissait la faveur des divinités. Ainsi comme pour autres les autres religions polythéistes de
l'Antiquité, si diverses fussent-elles, nous devons les aborder ces divinités en suivant la règle qui
nous oblige, pour les comprendre, à oublier tout ce que des siècles de judéo-christianisme nous
ont inculqués au sujet du concept « authentique » de « religion ». D'abord, les dieux indo-européens
ne sont jamais, à la différence des dieux du Proche-Orient, et donc du Dieu biblique, des Maîtres
tout-puissants servis par une foule d'esclaves tremblants. Le despotisme oriental s'oriente sur une
dichotomie totale dieu/homme à l'image de la dichotomie roi (absolu)/sujet (esclave). La tribu indo-
europénne est articulée de manières différentiées, en ordres et fonctions. Il n'y existe pas
d'opposition mais des différentiations et elle évolue, dans le monde italique comme dans le monde
grec, vers le concept de cité délibérative et participative. Les dieux de ces peuples, donc de Rome,
sont des citoyens d'un rang très élevé, particulièrement puissants, honorables et respectables… ce ne
sont en rien des tyrans qui devraient être craints ! En effet, le romain ne craint pas ses dieux. Cela
relèverait de la superstition. Ils sont les « patrons » (au sens romains) de la cité, engagés dans un