.1. Lundi 18 octobre 2010 : « Au commencement était les dieux

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.1. Lundi 18 octobre 2010 : « Au commencement était les dieux… » : Petit voyage au pays des
religions antiques.
1. Au commencement était la tombe…
Le premier acte religieux de l’humanité remonte à la Préhistoire, il y a environ 100000 ans, et
est le fait d’un cousin de notre ancêtre, Homo sapiens sapiens : l’Homme de Néandertal. C’est en
effet de cette période que nous datons les premières sépultures « humaines ». Pour affirmer qu'il y a
sépulture, il faut prouver que le corps n'a pas été abandonné mais déposé volontairement, ce qui
est la cas pour les tombes remontant au Paléolithique moyen, il y a 100000 ans, trouvées dans les
grottes qui furent habitées par l'homme de Néandertal. Pour la première fois apparaît un sentiment
religieux puisque l'homme éprouve le besoin d'enterrer ses morts d'une manière rituelle dans des
fosses comblées de terre et recouvertes de monceaux de pierres ou de pierres plates. On trouve dans
ces fosses des os d'animaux et des outils de pierre en signe d'offrande.
La seconde étape de cette construction du « religieux », se situe il y a environ 30000 ans, avec la
naissance du symbolisme. Désormais, le maître d’œuvre, c’est notre ancêtre commun, Sapiens,
encore appelé Homme de Cro-Magnon. En effet, c’est à cette époque que va s’étendre, dans une
zone allant de la Loire au sud de l’Espagne, un « art » témoignant d’une réflexion des hommes sur
leurs rapports avec la Nature et ses secrets. L’utilisation massive d’ocre rouge, dans les sépultures et
la peinture, symbolise sans doute alors « le sang et la vie », assurant au défunt sa survie après la
mort. De même, les squelettes sont désormais placés en position fœtale, ce qui signifie le « retour »
de l’homme dans le sein de la «Terre-Mère ». On trouve aussi beaucoup d’armes et d’outils, ce qui
signifie que ces hommes croyaient en une vie future assez semblable à celle connue avant la mort.
C’est aussi de cette époque que datent les premières « peintures rupestres », représentant, de
manières imagées (animaux, mains…), des rites magiques ou de fécondité, avec la prédominance de
la dualité « mâle/femelle », comme à Lascaux. Enfin, la dernière étape, avant la « Naissance des
dieux », à lieu à l’époque de l’invention de l’agriculture et des débuts de la sédentarisation, il y a
10000 ans : Le culte de la « Mère-ancêtre ». « Vénus » du paléolithique, « Femme ancêtre » du
clan accompagnée d’animaux, notamment du « Père-cerf » : les deux réunis, représentant la
continuité de la race humaine.
2. Mésopotamie : vers - 3000 av-JC, Naissance des dieux.
Pour les anciens mésopotamiens, le monde était dirigé par des dieux pour qui les hommes devaient
travailler. Ils devaient donc organiser la société de manière à ce que les dieux puissent obtenir ce
qui allait leur permettre de vivre oisivement, par le biais du culte ; et quiconque enfreignait l'ordre
voulu par les dieux devait en subir les conséquences, tandis que ceux qui accomplissaient
correctement le culte devaient prospérer. La « Religion », au sens habituel du terme naît là.
Cependant, la Religion mésopotamienne n'a jamais fait l'objet d'une abstraction comme c'est le cas
dans les sociétés modernes. Les Mésopotamiens n'ont donc jamais cherché à en dresser un tableau.
Il faut donc combiner tout un ensemble de sources de façon à constituer ce tableau : vestiges des
temples dans lesquels on accomplissait le culte, objets dédiés aux dieux pour obtenir leurs faveurs,
textes décrivant des récits mythologiques, ou bien des rituels divers accomplis par des spécialistes
du culte, etc. Avec la Religion de l'Egypte antique, la religion mésopotamienne est celle sur laquelle
on est le mieux informé grâce à ce corpus documentaire, qui pourtant laisse encore bien des
mystères. La redécouverte de la religion de l'ancienne Mésopotamie reste, depuis le XIXème siècle,
marquée par la recherche des révélations que celle-ci pouvait faire sur les origines de la Bible.
Les sources écrites
Les sources écrites, en majorité sur des tablettes cunéiformes, constituent la plus massive et la plus
diverse de nos sources sur la religion des anciens mésopotamiens. L'attention des chercheurs et du
public cultivé a porté en priorité sur les textes littéraires racontant des mythes, tels que l'Epopée de
Gilgamesh, ou l'Epopée de la Création, en raison de leurs évidents parallèles avec la Bible. Mais ils
ne constituent pas une source sur la religion quotidienne des habitants de la Mésopotamie antique.
Les hymnes, prières et poèmes de nature religieuse sont des documents importants pour connaître
l'expression du sentiment religieux. Néanmoins il est vraisemblable que la production écrite
retrouvée ne représente qu'une faible partie de ce qui devait circuler oralement, d'autant plus que les
textes connus datent essentiellement des périodes tardives de l'histoire mésopotamienne (la
première moitié du Ier millénaire). Les rituels et autres actes du culte étaient reportés dans des textes
de nature technique servant à aider
les spécialistes du culte (notamment les devins, astrologues,
exorcistes, etc…) Ils constituent la majorité des textes religieux retrouvés dans les bibliothèques
du Ier millénaire (comme à Ninive). Les textes du quotidien (correspondance, actes économiques…)
contiennent également de précieuses informations sur la religion mésopotamienne. Au final, ces
sources écrites proviennent du milieu des scribes lettrés, officiant pour le compte du temple ou du
palais, la religion populaire est donc laissée de côté. A partir du Ier millénaire, que cette civilisation
va s’étioler, surtout après la chute des Empires assyrien et babylonien aux VIIe et VIe siècles av-JC.
Il demeure néanmoins une religion reprenant l'héritage de cette ancienne religion, mais il n'en reste
que peu de traces, puis elle disparaît définitivement avec l'arrivée du christianisme, du mazdéisme
des Perses et plus tard de l'islam.
Les croyances religieuses et les dieux
Selon les croyances des anciens mésopotamiens, le Monde est gouverné par des êtres supérieurs de
par leur nature, « les dieux ». Les dieux ont beau être représentés sous une forme humaine, leur
supériorité sur l'être humain est évidente dans tous les domaines. Ils sont grands, puissants,
glorieux, parfaits, très sages et intelligents, etc… Ils ont comme attribut un sorte de « splendeur
divine », qui montre leur supériorité. L'exaltation de la grandeur divine est claire dans les nombreux
hymnes qu'ont laissé les scribes mésopotamiens. Les dieux vivent éternellement, même s'ils ne sont
pas immortels, puisqu'il arrive qu'ils se fassent tuer, mais très exceptionnellement. Les dieux sont
les administrateurs du Monde, ils assignent un « destin » à chacune des choses qui le constitue, et
qu'ils ont créé eux-mêmes à leur profit. Ils ont aussi les défauts des êtres humains.
Les Mésopotamiens vénéraient une multitude de dieux, qui ne furent jamais réellement organisé
sous la forme d'un « panthéon ». Ainsi, il n'y a jamais eu un système cohérent de divinités dont on
ait fixé clairement les rôles, les positions respectives et les relations familiales, même si on trouve
des constantes. La durée de l'histoire de la Mésopotamie empêche cela. La perception des dieux a
évolué au cours du temps, parfois selon les changements politiques, ou à cause du syncrétisme, avec
l'adoption de dieux extérieurs au Pays des deux fleuves. Ces divinités sont le plus souvent liées à
des fonctions, ou encore à des éléments naturels, et parfois même des éléments naturels sont
divinisés, comme des fleuves ou des montagnes. Les divinités peuvent avoir des attributs (des objets
ou bien des animaux) symbolisant certaines de leurs caractéristiques. La divinisation d'êtres
humains prestigieux de leur vivant ou après leur mort est rare : elle concerne des souverains semilégendaires (comme Gilgamesh d'Uruk).
Le IIIe millénaire, première période pour laquelle on dispose de connaissances étoffées sur les
divinités mésopotamiennes, est la période des panthéons locaux : chaque Cité-Etat a son propre
système de dieux, différents de ces voisines. Mais cela n'empêche par l'émergence d'une « triade »
de dieux supérieurs et communs à tous : An/Anu, le Ciel, et Enlil, le dieu de l'Air, et Enki/Ea, dieu
de l'Abîme, considérés comme ses fils ou bien ses frères cadets. On trouve Shamash, le Dieu-
Soleil, et Inanna/Ishtar, déesse de l'Amour et de la Guerre. Enlil est considéré comme le roi des
dieux, avant que la suprématie politique et culturelle de Babylone ne s'affirme durant la seconde
moitié du IIe millénaire et ne tende à faire de son dieu tutélaire Marduk le nouveau chef de tous les
dieux.
L’être humain et sa raison d’être
Les mythes traitant de la création de l'être humain (anthropogonie) sont relativement homogènes : il
est créé par les dieux, souvent à partir d'argile, et du sang d'un dieu sacrifié. L'argile est la matière
première essentielle de la basse Mésopotamie, qui sert à façonner les constructions, les poteries et
d'autres objets quotidiens, ainsi que les tablettes sur lesquelles on écrit. Le sang divin apporte quant
à lui la vie à l'être façonné dans l'argile. A chaque fois, le but de cette création est le même : il s'agit
de permettre aux dieux de recevoir les biens nécessaires à leur survie quotidienne. Les hommes
viennent au monde pour travailler pour les dieux, entretenir leurs temples avec des sacrifices
permanents. C'est donc la raison de vivre des humains. Les dieux choisissent parmi les hommes des
souverains qui les dirigent, et supervisent la bonne marche de la société qui aboutit dans le culte des
dieux : selon les termes de la Liste royale sumérienne, la royauté est « descendue du Ciel » à
l'origine de l'humanité. Si le service des dieux n'est pas bien effectué, les êtres humains peuvent
alors être alors en faute, et subir la vengeance des dieux. Les dieux s'assurent que les humains ne
puissent être immortels, la mort symbolisant l'infériorité de leur condition. Ils fixent le « Destin » de
chaque être humain, ainsi que celui de chaque chose qui se trouve sur Terre. Ce destin, peut être lu
par des astrologues, ces « mages » dont nous parle l’Evangile de Matthieu (nous devons ainsi aux
mésopotamiens l’Astrologie et ses 12 signes du Zodiaque). En effet, pour les hommes de ce
temps, toute chose qui compose le Monde peut être vue et lue comme une manifestation de la
puissance divine. Ceux qui suivaient bien les volontés divines devaient donc vivre une existence
paisible, mais on remarquait que ce n'était pas toujours le cas, et cela a posé des questions ardues à
certains lettrés. En tout cas, la réussite ne peut être due qu'à la faveur divine : l'expression « avoir un
dieu » est l'équivalent mésopotamien d'« avoir de la chance ».
3. La Grèce : Origine des mythes, rites et croyances de l’Occident.
La société grecque antique est radicalement différente de la nôtre. Notre mot « religion » n'existe
pas en grec ancien. Les concepts qui nous servent à décrire les phénomènes religieux contemporains
ne sont pas forcément adaptés à l'analyse de ce qu'étaient pour les Grecs le divin. Dans la religion
grecque, l'essentiel des croyances et des rites se structurent au moment où naît, à l'époque archaïque
(VIIIe-VIe), une forme d'organisation politique particulière : « la cité »/polis, avec pour corollaire
la diffusion de l'écriture (vers 800 av-JC). On en trouve les prémices dans les œuvres d’Homère et
d’Hésiode.
A partir de l'époque archaïque, les caractères dominants de la religion grecque apparaissent : un
polythéisme de nouvelles divinités, des dieux anthropomorphes munis d'attributs (foudre, trident,
arc et flèches, égides, etc…), jouissant de pouvoirs pléthoriques, ayant des secteurs d'intervention,
des modes d'actions propres, et dotés de mythes. Mais chacune de ces divinités n'existe que par
les liens qui l'unissent au système divin global. Les Grecs sont polythéistes : ils rendent des cultes
à plusieurs dieux (theoi) et des héros. Chacun d'eux peut être invoqué sous divers aspects en
fonction du lieu, du culte et de la fonction qu'il remplit. Ces puissances dotées de pouvoirs
surnaturels, sous le même nom, peuvent présenter une multiplicité d'aspects. Des épithètes
culturelles signalent alors leur nature et leur domaine d'intervention. Il y a ainsi, par exemple, Zeus
Kéraunos (du tonnerre). Les autres figures du panthéon grec suivent ce schéma.
Pour les Grecs, les dieux ne sont pas extérieurs au monde, ils n'ont pas créé l'univers ni les hommes,
mais ont été eux-mêmes créés. Ils n'ont pas toujours existé ; ils ne sont pas éternels (sans
commencement ni fin), mais seulement immortels (naissance sans mort). Cette immortalité se
traduit par un mode de vie particulier. Ils se nourrissent d'ambroisie (substance délicieuse, neuf fois
plus douce que le miel, disait-on), de nectar (breuvage) et de la fumée des sacrifices (voir à cet effet
l'article Sacrifice dans la religion grecque antique). Dans leurs veines ne coule pas le sang des
mortels mais un autre liquide, l'ichor. Ils sont soumis au destin et interviennent constamment dans
les affaires humaines. Nés les uns des autres et fort nombreux, les dieux forment une famille, une
société même, fortement hiérarchisée. Le nom de la plupart des divinités apparaît déjà sur les
tablettes mycéniennes, puis dans les textes d'Homère et d'Hésiode. Leur place et leur fonction y
sont déjà en partie fixées. Le panthéon se constitue au VIIIe siècle av-JC. En effet, à la fin de ce
siècle, Hésiode, un poète béotien, dans sa Théogonie, présente une mise en ordre des rites et des
mythes relatifs à la naissance du monde divin. Il dresse une histoire des générations divines, qui au
terme de multiples conflits pour la souveraineté aboutit à la mise en place des dieux de l'Olympe
autour de la figure de Zeus. Ces récits mythiques, expliquent les pratiques culturelles (sacrifices,
fêtes…) et tous les rites qui accompagnent la vie sociale et politique. Ils justifient les règles
fondamentales qui régissent la collectivité, les rendent intelligibles aux hommes et en assurent la
pérennité.
La piété grecque : une Religion sans dogme et sans église (communauté)
Dans la société grecque, la religion est complètement imbriquée dans tous les domaines de la vie
(familiale, publique et sociale). L'opposition entre le profane et le sacré, les limites que nous
établissons entre le laïque et le religieux sont incertaines, voire non pertinentes. Les gestes, les
comportements, les cérémonies de la vie familiale, sociale et politique comportent presque toujours
un aspect religieux. La religion grecque ne s'appuie sur aucune révélation. La cité grecque ne
connaît ni église ni dogme. Les conduites religieuses, « piété » (eusébeia : respect des obligations
envers les dieux) et « impiété » (asébeia : absence de respect des croyances et des rituels communs
aux habitants d'une cité), n'ont pas un caractère défini et rigide. La piété semble avoir été le
sentiment qu'avaient le groupe ou l'individu de certaines obligations. Les obligations de la
communauté concernent d'abord le respect de la tradition ancestrale. Celles de l'individu sont
multiformes. La participation aux cultes de la cité, les offrandes dans les divers sanctuaires, la
dévotion envers les morts de la parenté et les divinités protectrices de la famille… sont des
exemples de manifestations de piété. En revanche, est généralement considéré comme impie tout ce
qui va à l'encontre de la tradition, en matière de religion, toute innovation : l'introduction dans la
cité de dieux qui ne sont pas encore officiellement acceptés, des conceptions qui mettent en cause
des croyances traditionnelles, la modification de rites ancestraux. De même, toute atteinte à
l'intégrité du patrimoine divin (vol dans un temple, mutilation d'arbres sacrés), toute profanation,
contrefaçon d'une cérémonie religieuse, toute violence commise contre les desservants d'un culte…
sont des actes impies. Enfin, cette piété n'est pas l'expression d'un sentiment de relation intime avec
une divinité, ni l'observation scrupuleuse et stricte des rites : être pieux, c'est d’abord croire en
l'efficacité du système de représentations mis en place par la cité pour organiser les rapports entre
les hommes et les dieux, et surtout, y participer activement.
4. Rome : universalisme et syncrétisme.
La religion de la Rome antique se distingue de beaucoup d'autres religions même polythéistes par
l'absence de mythes. Certes autrefois les ancêtres des romains ont eu des mythes. On peut les
reconstituer en partie. Ils expliquent les rites (ces rites si impérieux pour les romains mais dont ils
ne comprenaient bien souvent pas le sens et la portée faute de mythes explicatifs !), et on les
retrouve en grande partie réutilisés (du moins les motifs mythiques) dans l'écriture des origines de
Rome. De ce fait les dieux romains présentent un visage à bien des égards étrange : d'un côté
l'attention se focalise sur leur puissance d'action (numen) et leur intervention dans l'histoire car ils
ne possèdent pas de « sur-histoire » métaphysique ; de l'autre, comme conséquence, ils ne sont que
de pâles figures mal personnalisées. Ils sont d'abord des puissances. Et les romains, faute de mythes
propres, adopteront ensuite les mythes grecs. A part quelques témoignages archéologiques et
épigraphiques, notre connaissance de la Religion romaine ne remonte pas au-delà du IIIe siècle
avant notre ère. Les plus anciens documents écrits en notre possession ne sont pas antérieurs. De
fait, rechercher le « purement » romain dans la religion romaine relève d'un fantasme malheureux.
Outre les antécédences indo-européennes, la religion romaine nous apparaît, aussi loin qu'on peut
remonter, influencée par les Etrusques et les Grecs (les premiers étant eux-mêmes déjà largement
influencés par les seconds sur le plan religieux!). Ainsi, comme eux, les romains croient en un
certain nombre de puissances divines (c'est-à-dire surhumaines), « les dieux ». Ces dieux sont
« spécialisés » : ils peuvent avoir une puissance topique (par rapport à un lieu) comme Jupiter
Capitolin (de la colline du Capitole à Rome) ou Zeus Olympien (Grèce). Mais ils peuvent avoir
également une spécialité dite fonctionnelle, comme Mars qui est le « dieu de la Guerre » (défense
aussi bien militaire que défense des récoltes contre les insectes). Pour les romains, les dieux sont
dans le monde (le cosmos), ils sont avec eux : ils sont soit aériens (dans l'air), soit astres (aux yeux
des Anciens, le mouvement circulaire des astres est éternel et donc divin, ce qui explique aussi la
forte importance de l'astrologie à l'époque antique). La puissance des dieux inquiète toujours, il faut
donc vivre en bonne entente avec eux, en reconnaissant leur supériorité, et donc en leur rendant un
culte par les rites. La religion est simplement de la « diplomatie » avec les dieux : on recherche la
paix des dieux. La finalité du culte n'est ni personnelle, ni dans un au-delà, mais elle est collective
et terrestre. La religio est ainsi l'ensemble des pratiques rituelles civiques qui ne vise que le
bien-être de la Cité.
La religion officielle de la Cité
A Rome, la Religion est ce qui concerne les Romains et leurs dieux. Cicéron disait « chaque cité a
ses dieux, et nous, les nôtres ». Il s'agit là d'un culte officiel : la pratique cultuelle dépend du statut
juridique et seule la cité peut autoriser ou interdire un dieu (les Romains ont repris comme dieux
civiques un certain nombre de dieux grecs ou orientaux). La religion romaine est une religion
civique et ritualiste. Organisée par l'Etat romain, et pour le bien de l'Etat romain, elle est centrée sur
la préservation de la pax deorum, « la paix des dieux » qui garantit le bon fonctionnement de la
société et des institutions romaines ainsi que la prospérité de la cité et le caractère victorieux de ses
guerres. Issue de l'ancienne religion tribale des Indo-européens et des Italiques, il ne faut pas lui
chercher quelques caractères mystiques ou même sentimentaux. Les Romains, aux dires de
Cicéron, se considéraient comme les plus religieux des hommes : cela signifiait les plus exacts dans
l'exécution des rituels, les plus attentifs à satisfaire à leurs obligations religieuses ce qui leur
garantissait la faveur des divinités. Ainsi comme pour autres les autres religions polythéistes de
l'Antiquité, si diverses fussent-elles, nous devons les aborder ces divinités en suivant la règle qui
nous oblige, pour les comprendre, à oublier tout ce que des siècles de judéo-christianisme nous
ont inculqués au sujet du concept « authentique » de « religion ». D'abord, les dieux indo-européens
ne sont jamais, à la différence des dieux du Proche-Orient, et donc du Dieu biblique, des Maîtres
tout-puissants servis par une foule d'esclaves tremblants. Le despotisme oriental s'oriente sur une
dichotomie totale dieu/homme à l'image de la dichotomie roi (absolu)/sujet (esclave). La tribu indoeuropénne est articulée de manières différentiées, en ordres et fonctions. Il n'y existe pas
d'opposition mais des différentiations et elle évolue, dans le monde italique comme dans le monde
grec, vers le concept de cité délibérative et participative. Les dieux de ces peuples, donc de Rome,
sont des citoyens d'un rang très élevé, particulièrement puissants, honorables et respectables… ce ne
sont en rien des tyrans qui devraient être craints ! En effet, le romain ne craint pas ses dieux. Cela
relèverait de la superstition. Ils sont les « patrons » (au sens romains) de la cité, engagés dans un
rapport de réciprocité bienveillante avec les citoyens. Normalement, si la piété est respectée,
si les citoyens s'acquittent de leurs obligations envers les dieux (ce que, plus tard, les chrétiens ne
feront plus, amenant à leur persécution), ceux-ci se montreront favorables et bienfaisants, d'autant
plus que l'accroissement de prestige de
leur cité rejaillit sur eux comme une auréole de gloire.
« La religio c'est aussi la justice envers les dieux et envers les morts » : par ces mots, Cicéron
comprend le mot « justice » (jus/« devoir moral »), comme un « devoir moral » pour que la paix
des dieux soit maintenue. Jupiter Capitolin fait partie de la triade romaine avec Junon et Minerve :
c'est à eux qu'on rend le plus de cultes.
A Rome, ou l'athéisme n'existe pas, la Superstitio (ce qui concerne le domaine privé) s’oppose à la
religio (ce qui concerne le domaine public). Les citoyens n'ont pas le droit de rendre sans
convocation un culte à un dieu public. Crainte et amour des dieux n'est que pure superstitio, ce n'est
pas un comportement civique. Les romains se croient les plus pieux des humains et c'est pourquoi
ils sont aidés par les dieux. Ils invitent également les dieux des adversaires vaincus à venir à Rome
pour être bien honorés. La pieta signifie aussi le respect dû aux parents, le respect de la patrie.
Dans ces deux cas, elle a également un sens religieux : le romain voue ainsi un culte aux dieux
Manes (de ses ancêtres) et aux Lares (de l’étrusque Lars/Seigneur). Ils correspondent à l’esprit
des ancêtres et sont des divinités particulières à chaque famille. Pour obtenir leur protection, on leur
consacre une place dans la maison et on leur offre des aliments sur le Lararium, le temple
domestique. Le Lar familiaris est le dieu de la maisonnée qui protège toute la famille. Le Lare, qui
« a le souci de tout ce qui touche à la maison » (Ennius), formait avec les Pénates une trilogie
tutélaire, subordonnée à Vesta.
Du culte rendu à d’autres religions au syncrétisme
Quoiqu'on connaisse mal la Religion de la Rome archaïque, sous la République, le culte se
confond avec celui de la ville, puis de l'empereur à partir d'Auguste. Il est vrai également que le
polythéisme des romains était relativement tolérant. En effet, les romains ne s'imaginent pas leurs
dieux supérieurs aux autres, mais ils s'enorgueillissaient d'être « les meilleurs » pour les rites. La
pieta c'est réussir le rite (ou sacrifice) parfait ; pour cela il faut souvent recommencer le rite pour
qu'il soit « administré » de manière parfaite pour ne pas froisser le dieu. Vis-à-vis des cultes
étrangers, les romains se montrent assez tolérants, et de façon générale toutes les religions étaient
tolérées (religio licita). Ainsi, au cours des siècles, le panthéon romain s'est enrichi de nouveaux
dieux et s'est nourri de différentes influences religieuses : au IIIe siècle av-JC, par exemple, a été
introduit le culte grec d'Esculape. Puis, à la fin du IIIe siècle av-JC, c’est le culte phrygien de
Cybèle qui se diffuse, importé à Rome lors de la seconde guerre punique. Ultérieurement, le
judaïsme sera toléré, en restant étranger et peu apprécié de l'esprit romain. Avec la conquête de
l'Egypte, l'empereur porte le titre de pharaon, mais uniquement en Egypte. Les influences
orientales ont mis à l'honneur des pratiques individuelles et les cultes à mystères, dans un souci de
rapport direct avec la divinité. Au Ier siècle, l'empereur Caligula s'intéresse ainsi au culte d'Isis.
Mais le dieu qui eut le plus de succès en territoire romain fut Mithra, un dieu indo-iranien. Ce
dieu, arrivé le plus tardivement parmi les divinités orientales, était vénéré dans les mithraea. Son
culte était uniquement réservé aux hommes et
il eut surtout beaucoup de succès dans l'armée. Le
dieu était une chance de salut, et on le représentait souvent dans la scène de la tauroctonie. Au IIIe
siècle, on va lui associer des aspects de la mythologie solaire d’Apollon dans le culte très populaire
de Sol Invictus/« Soleil invaincu ». En effet, l’empereur Aurélien (270-275) lui assure une place
officielle à Rome en proclamant que le Soleil invaincu est le patron principal de l’Empire romain,
faisant du 25 décembre (jour suivant le solstice d'hiver) une fête officielle : dies natalis solis inuicti
(placé autour du solstice d’hiver, cette fête dédiée à Sol Invictus, remplace d’abord la vieille fête
républicaine des Saturnales). Un temple est dédié au Soleil au Champ de Mars. A la suite
d’Aurélien et de Dioclétien, Constantin fut aussi, au début de son règne, adepte de ce culte. La
religion chrétienne récupéra et absorbera ensuite ce culte en faisant du 25 décembre la fête de la
Nativité du Fils de Dieu, Jésus-Christ.
Si à partir du IIe siècle on se tournent vers ces dieux c’est parce qu'ils semblent plus proches ou
promettent une immortalité bienheureuse, mais fondamentalement la Religion romaine était
syncrétique et ces nouveaux cultes n'entraient guère en conflit avec les anciens. Toutes les religions
n'ont cependant pas connu cette forme de tolérance et cette assimilation romaine, et les rites
clandestins resteront suspects aux yeux des romains, ainsi le christianisme sera persécuté jusqu'au
IVe siècle. Il finira cependant par s'imposer comme culte officiel au IVe siècle, par la volonté des
empereurs Constantin (272-337) et Théodose (347-395). Cette victoire finale du
monothéisme sonne le glas du « monde des dieux », mais ouvre aussi l’ère des « guerres de
religions », des guerres à cause des religions.
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