d’abandonner l’Anatolie. Un traité de paix entre le Gouvernement natio-
naliste turc d’Ankara et les puissances victorieuses de la Première Guerre
mondiale, y compris la Grèce, a été négocié avec succès et a été signé le
24 juillet 1923 à Lausanne, en Suisse. Peu de temps après, le 29 octobre
de cette même année 1923, la République turque est établie et le gouver-
nement grec reconnaît le nouvel Etat. Par la suite les Gouvernements grec
et turc ont négocié une série de traités destinés à résoudre différentes
questions conflictuelles, allant parfois jusqu’à prendre des mesures aussi
radicales –encore aujourd’hui débattues– que l’échange de populations1.
La Grèce et la Turquie paraissaient pour un moment avoir enterré leurs
armes de guerre.
Toutefois, en 1931, en déclarant un espace aérien de 10 miles au-dessus
des îles grecques, le gouvernement grec défie le statu quo dans la mer
Egée. Précédemment, le Traité de Lausanne avait fixé à trois miles les
eaux territoriales de la Grèce et de la Turquie, et un espace national
aérien en correspondance avec celles-ci. La déclaration grecque crée un
espace aérien conique sur une base de trois miles sur ses eaux territo-
riales, et un sommet de 10 miles au-dessus de celles-ci. Le Traité de
Lausanne avait seulement laissé les deux îles de Bozcaada (Ténédos) et
de Gökçeada (Imvroz), stratégiquement situées à l’entrée sud du Détroit
des Dardanelles sous la souveraineté turque. Ce même traité avait par
ailleurs attribué la possession des îles de la Dodécanèse, dans la zone du
sud-est de la mer Egée, aux Italiens, qui les avaient auparavant occupées
et annexées par le Traité d’Ouchy de 1912. A la fin de la Deuxième
Guerre mondiale, la souveraineté de l’Italie sur les îles de la Dodécanèse
a été transférée au Gouvernement grec, ce qui a été reconnu à l’époque
par la Turquie. La revendication grecque concernant l’espace aérien
conique a été étendue à la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour y
inclure les îles de la Dodécanèse. Pendant ce temps, dans les années
soixante, la Grèce et la Turquie ont mené à bien des négociations pour
réviser la clause du Traité de Lausanne afin d’étendre leurs eaux territo-
riales de trois à six miles en mer Egée (Akiman, 1999: 583-584). La
requête grecque pour un espace national aérien de 10 miles a toujours
été rejetée par la Turquie, et, jusqu’à aujourd’hui, aucun état, y compris
les alliés de la Grèce au sein de l’OTAN, ne l’a acceptée.
Plus récemment, dans les années soixante, la Grèce a sollicité une autre
révision de l’étendue de ses eaux territoriales de six à 12 miles, ce qui a
été à nouveau rejeté par la Turquie. Les objections turques se basent sur
un argument simple: « Les six miles d’eaux territoriales actuels établis-
sent approximativement 44% de la mer Égée en tant qu’eaux
territoriales grecques, 8% en tant que turques, et les 48% restants
constituent les eaux internationales de la mer Egée. Si les eaux territo-
riales de la Grèce sont étendues à 12 miles, les eaux territoriales
grecques couvriront 72% de la mer Égée, alors que les eaux turques se
composeront seulement de 9%, tandis que seuls 19% des eaux de la
mer Egée seraient encore désignés comme eaux internationales »
(Akiman, 2005: 221).Une telle révision de la souveraineté nationale de
la Grèce sur les eaux de la mer Egée supposerait une nationalisation vir-
50 LA CONSTRUCTION DE LA CONFIANCE EN MÉDITERRANÉE ORIENTALE: UNE PERSPECTIVE TURQUE
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1. Pour une analyse sur l’échange de populations entre la Grèce et la Turquie, voir Hirschon (2003).