Découverte fondamentale à Sion

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Le Nouvelliste
SANTÉ
Samedi 19 avril 2008
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jfa - bru
Découverte fondamentale à Sion
GÉNÉTIQUE Une équipe de chercheurs emmenée par le Prof. Daniel Schorderet, directeur de l’IRO,
a mis au jour un nouveau gène impliqué dans la «construction» normale ou pathologique de l’œil.
Une équipe internationale de
chercheurs placée sous la houlette du Prof. Daniel Schorderet, directeur de l’Institut de recherche en opthalmologie
(IRO) à Sion, a annoncé hier la
découverte du gène responsable d’une nouvelle maladie
ophtalmique associant un développement anormal des yeux
et du pavillon de l’oreille.
Cette découverte, qui sera
rapportée dans la prestigieuse
revue médicale
«American
Journal of Human Genetics» du
mois de mai (*), permet de
mieux comprendre le développement normal et anormal de
l’œil et de mieux appréhender
diverses
malformations
–
comme la microphtalmie (œil
de petite taille) et le colobome
(non-fermeture de la fissure
choroïdienne).
Sous la direction du Prof.
Schorderet, trois groupes de
chercheurs de l’IRO à Sion, de
l’hôpital Jules Gonin à Lausanne et du Centre de recherche et de thérapie oculaire
(CERTO) de l’hôpital NeckerEnfants Malades à Paris ont travaillé plus de trois ans pour
identifier ce gène et étudier son
expression embryonnaire. Ils
ont en particulier pu démontrer qu’un même gène existait
chez le zebrafish, un poisson
fréquemment utilisé en laboratoire, notamment à l’IRO, et que
son invalidation génique reproduisait certaines des manifestations retrouvées chez les patients.
L’Institut de recherche en ophtalmologie de Sion va bénéficer d’une visibilité accrue suite à ses découvertes. MAMIN
Une plongée au cœur du secret de l’œil
Professeur Schorderet
(photo), la nouvelle maladie ophtalmique que
vous avez identifiée
porte-t-elle déjà un
nom?
Collaborations
Selon ses auteurs, «cette
étude démontre une fois encore
l’importance des collaborations
nationale et internationale,
surtout dans les maladies rares».
Rappel... L’IRO est un institut privé affilié à l’Université de
Lausanne qui mène une recherche très active sur la génétique des maladies ophtalmiques. Il est soutenu par le canton de Valais, la ville de Sion, la
Confédération suisse et des donations de nombreuses personnes privées. BOS/C
Pas encore. Pour le moment, nous l’appelons
syndrome oculo-auriculaire. Pour l’essentiel, il se
caractérise par le développement, déjà au stade
embryonnaire, de diverses malformations oculaires, notamment de la rétine. Au final, la maladie se
traduit par la cécité. Nous avons pu la mettre en lumière grâce à une famille romande dont nous
avons étudié l’arbre généalogique sur huit générations. Il s’agit maintenant de voir si d’autres personnes atteintes dans le monde se reconnaîtraient
dans cette maladie rare. Je n’en serais pas étonné.
(*) Référence: Schorderet DF, Nichini O,
Boisset G, Polok B, Tiab L, Mayeur H, Raji
B, de la Houssaye G, Abitbol MM, Munier
FL. «Mutation in the human homeobox
gene NKX5-3 causes an oculo-auricular
syndrome». «American Journal of Human Genetics», 2008.
Pourquoi cette recherche sur une maladie rare
revêt-elle un caractère fondamental?
En fait, au travers de cette recherche, ce que nous
avons mis au jour est un nouveau gène impliqué
dans le développement de l’œil de tout un chacun.
Concrètement, nous n’allons pas pouvoir traiter la
maladie. Pour cela, il faudrait pouvoir «refaire» un
œil. La médecine n’en est pas encore là. En revanche, l’identification du nouveau gène, jamais étudié
jusqu’alors, nous permet de mieux comprendre
comment se fabrique l’œil au stade embryonnaire.
Combien de gènes participent à la création de
l’œil?
Le développement embryonnaire de l’œil est un
phénomène formidablement complexe. Chez l’être
humain, il démarre environ au vingt-huitième jour
après la fécondation. Les différentes structures de
l’œil – la rétine, la cornée, le cristallin, la macula,
etc.– se mettent ensuite progressivement en place.
De nombreux gènes commandant ce développement demeurent encore mystérieux. Celui que
nous venons d’identifier pilote le développement
des cellules nerveuses de la rétine, qui «poussent»
jusqu’à former le nerf optique (ndr: celui qui, à
l’âge adulte, relie l’œil au cerveau, donc permet la
vision). Je compare souvent le développement em-
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bryonnaire de l’œil à la construction d’un centre
multimédia: il faut en bâtir les murs et la toiture,
ensuite équiper l’intérieur en ordinateurs, puis
créer les connexions télécom vers le monde extérieur. Alors, pour répondre grosso modo, très schématiquement à votre question, on dira que plusieurs dizaines de gènes sont impliqués dans la
réalisation des structures de l’œil, deux ou trois
mille pour les PC et une vingtaine pour les
connexions.
Que signifie cette découverte pour l’Institut de
recherche ophtalmique à Sion?
Nous pouvons montrer que nos travaux sont sur la
bonne voie, que nos chercheurs sont hypermotivés, que nous progressons sans arrêt. A Sion, nous
ne recevons aucun patient, c’est l’hôpital Jules Gonin à Lausanne qui se charge de cette partie, mais
nous y menons la recherche en labo. J’espère que
la publicité que nous vaudra cette découverte incitera la commune à injecter très vite des fonds pour
agrandir notre laboratoire car nous devenons vraiment très à l’étroit.
ENTRETIEN: BERNARD-OLIVIER SCHNEIDER
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