COLLOQUE SCIENCE ET PHILOSOPHIE 2012
L’ÉVOLUTION EN QUESTION
SAMEDI 26 MAI, 17H30
L'ÉVOLUTION, UNE SCIENCE… TOUJOURS EN ÉVOLUTION
Conférence par Damien Jayat, médiateur et journaliste scientifique,
auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique
Si l’idée de mouvement dans la Nature faisait partie du bagage philosophique des
penseurs de l’Antiquité, c’est la conception fixiste, essentialiste de Platon qui s’est
imposée pendant des siècles en Europe. Soutenue par l’idéologie créationniste des
mythologies et des religions. Mais au cours du 18ème siècle, plusieurs observations
menées par des naturalistes ou des géologues ont fourni des indices d’une histoire
de la Terre bien plus mouvementée qu’on l’imaginait. Observations auxquelles il
manquait encore un cadre d’interprétation. Jusqu’à ce que Lamarck propose, en
1809, une première théorie sur la transformation des espèces. Mais c’est Charles
Darwin qui, 50 ans plus tard, apporte une véritable révolution de la pensée en
biologie avec sa théorie sur l’origine des espèces. A partir d’une diversité d’êtres
vivants produits par… des mécanismes à l’époque inconnus, la sélection naturelle
met en avant, sans aucune finalité, les plus adaptés à leur environnement. Au fil des
générations, des espèces voient le jour puis disparaissent au gré de leurs
adaptations successives. Enfin une théorie qui explique tout ! Tout ? Non.
Depuis 150 ans, la théorie darwinienne s’est révélée un puissant cadre
d’interprétation pour des milliers d’observations et d’expériences, en laboratoire
comme sur le terrain.
Mais comme toute théorie, elle reste confrontée à de nombreuses inconnues. Quoi
de plus normal dans un monde, le monde vivant, où il n’existe pas deux individus, ni
même deux cellules, rigoureusement identiques ? Comment tirer des lois générales
d’un tel capharnaüm apparent ? C’est pourtant la tâche à laquelle se consacrent,
depuis 150 ans, les successeurs de Darwin. Mendel ou Morgan pour les lois de la
génétique, Mayr et ses collègues élaborant une théorie synthétique de l’évolution,
Watson et Crick initiateurs du dogme de la biologie moléculaire, Kimura favorable au
neutralisme, Jay Gould et Eldredge en équilibres ponctués, sans oublier les gènes
égoïstes de Dawkins ou le retour de l’hérédité des caractères acquis. Lequel a
raison ? Qui a tort ? Et si personne n’avait raison ni tort ? Et si le monde vivant
nécessitait tous ces points de vue à la fois, en attendant, peut-être, une nouvelle
théorie qui mette tout le monde d’accord ? Nous verrons, au fil d’un parcours dans
l’histoire des sciences et des résultats les plus récents de la recherche en sciences
du vivant, que la théorie de l’évolution reste aujourd’hui une théorie… en pleine
évolution. Signe, non pas de l’échec d’un cadre de pensée, mais de la vitalité d’une
science qui, comme toute science, ne prétend pas à la vérité absolue mais cherche
simplement à comprendre le monde. Quitte à ne pas toujours y arriver !