changement du climat et evolution de la viticulture

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CHANGEMENT DU CLIMAT
ET EVOLUTION DE LA VITICULTURE
En cette période d’élection où l’environnement est un peu plus au cœur des débats, il paraît important de
faire un point sur la tendance du réchauffement climatique et ses conséquences en viticulture. C’est un fait
aujourd’hui avéré par toute la communauté scientique : la planète connaît une période de réchauffement climatique qui devrait s’accélérer dans les prochaines années et décennies. Comme pour d’autres activités agricoles, ce réchauffement climatique ne sera pas sans effet sur la viticulture mondiale.
Pourquoi parle-t-on
de réchauffement climatique ?
La température moyenne de notre
planète résulte de l’équilibre entre le
ux de rayonnement qui lui parvient
du soleil et le ux de rayonnement
infrarouge renvoyé vers l’espace. La
répartition de la température au niveau du sol dépend de la quantité de
gaz à effet de serre (GES) présents
dans l’atmosphère. Sans eux, la température moyenne serait de - 18°C et
la terre serait inhabitable. Leur présence amène cette température à
15°C.
Les gaz à effet de serre (GES) sont
naturellement très peu abondants.
Mais la consommation croissante
de combustibles fossiles tels que le
pétrole, le gaz et le charbon pour satisfaire les besoins humains, entraînent l’émission de grandes quantités
de CO2 dans l’atmosphère. De plus
les activités agricoles et industrielles
ajoutent aussi des quantités considérables de méthane, d’oxydes nitreux et de chlorouorocarbure dans
l’atmosphère.
Ensemble, tous ces gaz conduisent à ce que l’on appelle l’effet de
serre élargi parce qu’ils absorbent
tout le rayonnement infrarouge, entraînant ainsi une hausse des températures et une modication de la
répartition des précipitations.
Quelles incidences
sur la répartition
du vignoble français ?
La température moyenne de la
surface de la terre a augmenté entre
0.6 et 0.9 °C depuis 1860. Le meilleur
calcul indique qu’elle pourrait augmenter d’1.8 à 2.5°C d’ici le milieu
du siècle en fonction des émissions
industrielles futures.
On estime aujourd’hui qu’une
augmentation de 1°C de la température moyenne correspondrait à un déplacement relatif du climat d’environ
200 km vers le Nord. Le réchauffement devrait profondément modier
le monde viticole. La présence de la
vigne pourrait s’étendre de manière
plus signicative au-delà du 50ième
parallèle Nord, limite de la culture de
la vigne en France. La Grande Bretagne pourrait ainsi renouer avec son
passé historique viticole.
Les cépages ont des exigences
climatiques et sont adaptés aux régions où ils sont produits. En Alsace, par exemple, le riesling, le pinot
gris et le gewurztraminer, cépages
«froids» par excellence, se développent parfaitement sous le climat plus
continental de l’est de la France alors
8 – Chambre Infos-16 - Viticulture-Oenologie - Dossier technique n° 7 - Avril 2007
que le grenache et la syrah, sont
adaptés à des conditions météorologiques du sud du pays. La température est donc le facteur qui détermine
la répartition des cépages à l’échelle
du vignoble français.
Des chercheurs américains des
universités de l’Oregon, de l’Utah, du
Colorado et du Connecticut ont mené
en 2005 une étude très intéressante
mettant en relation le changement
climatique et ses conséquences sur
la qualité des vins à l’échelle mondiale.
En partant de l’hypothèse que des
conditions climatiques bénéques
sont favorables à la qualité d’un vin et
que celle-ci peut-être appréciée par
les notes de dégustation, les auteurs
ont comparé, année après année, les
notes attribuées avec la moyenne
des températures mesurées pendant
la période de croissance des vignes
correspondantes.
Graphique 1 : évolution de la qualité globale des vins pour les régions Alsace, Loire et Bordeaux (Médocs et Graves)
en fonction de la température enregistrée pendant la période de développement des vignes.
Que ce soit en Alsace, dans le
Bordelais, en Italie ou ailleurs, les
courbes présentent toutes le même
prol (graphique 1) : la qualité d’un
vin augmente avec la température
jusqu’à un certain seuil, à la suite
duquel elle diminue.
Ainsi, et sur la base de l’étude de
cinquante millésimes, une température moyenne optimale pour la qualité
des vins d’une région a pu être déterminée de manière théorique pour
chacune d’entre elles (tableau 1).
En Alsace, par exemple, elle est
de 13.7°C pour les vins blancs, alors
qu’elle se situe à 16.7 °C pour les
vins blancs sucrés du Val de Loire.
La dernière phase de cette étude
a consisté à évaluer, en fonction des
données météo, comment chacune
des régions se situe aujourd’hui par
rapport à son optimum de température et comment elle se situera à
l’horizon 2050, au regard des modèles de prévision climatique.
Aujourd’hui, en France, le Médoc
et l’Alsace semblent dépasser tout
juste leur seuil de température idéale.
La Champagne vivrait actuellement
sa période la plus favorable, puisque
son optimum de température coïncide avec celle observée localement.
A l’inverse, l’optimum ne semble pas
être atteint dans le Val de Loire. Mais
en 2050, toutes les régions, françaises et étrangères, pourraient
avoir très largement dépassé leur
seuil de température optimale, et
certaines d’entre elles devraient
être frappées plus que d’autres.
D’après l’étude, les régions du Bordelais et de la vallée du Rhône sont
celles qui souffriraient le plus de la situation alors que celle du Val de Loire
serait la moins mal lotie.
ne le Gulf Stream. Ce courant océanique doux venant de l’Atlantique
Nord et qui nous protège des grands
froids, montre actuellement des signes de faiblesse. Le réchauffement
climatique provoquerait, par un jeu
complexe de mécanismes physiques, sa disparition progressive, ce
qui conduirait à un refroidissement
du climat hexagonal, qui deviendrait
alors comparable à celui de Montréal.
Un véritable paradoxe qui fait l’objet
de beaucoup de discussions au sein
de la communauté scientique.
Sur le long terme, le réchauffement climatique pourrait donc remettre en cause la répartition du vignoble actuelle. Toutefois, il faut mettre
un bémol à ces récherches, puisqu’il
existe à ce jour une grosse inconnue
en matière climatique et qui concer-
• Les évolutions constatées
Quelles sont les conséquences
de ce changement de climat
sur la physiologie de la vigne ?
Les effets du réchauffement climatique s’avèrent déjà perceptibles
depuis quelques années. A partir
de séries d’observations, des chercheurs de l’INRA ont pu évaluer l’im-
Tableau 1 : températures
optimales et températures observées des différentes régions viticoles
Avril 2007 - Dossier technique n° 7 - Viticulture-Oenologie - Chambre Infos-16 – 9
pact du réchauffement climatique sur
la vigne. Ils constatent en effet :
• une avancée de la précocité de la oraison, assortie
d’une avancée globale de la date
moyenne de la véraison. Cette évolution augmenterait les risques de
gel printanier puisque les bourgeons
atteindraient un stade plus sensible
surtout pour les cépages précoces.
vendanges et ce dans l’ensemble
du vignoble français. Dans le Médoc
par exemple, la date de vendange a
gagné en moyenne 20 jours depuis
1954.
• une augmentation du degré
alcoolique des vins.
Exemple du vignoble charentais
• une avancée de la date des
La tendance à la hausse des tem-
pératures se conrme en Charentes.
On relève depuis 1967 sur la station
météo de Saintes, une augmentation signicative des températures
moyennes annuelles (graphique 2).
Par rapport à la moyenne calculée
sur 1967-2006, on constate notamment deux périodes bien distinctes : de 1967 à 1987 où les températures moyennes sont inférieures
à la moyenne des quarante dernières
années et une période plus chaude
de 1987 à 2006.
Graphique 2 : Températures moyennes
annuelles de 1967-1968 à 2005-2006
(source : Compte rendu technique 2006
«Caractérisation et Gestion de l’effet
terroir pour la production de Vins de Pays
Charentais», CA 16, CA 17, ITV ; 2006)
Dans le même sens, on constate sur le graphique 3 que le démarrage des vendanges de l’Ugni Blanc en Charente
s’effectue 1 semaine plus tôt en moyenne depuis 1987.
Graphique 3 : Evolution
des dates de début de
vendanges de l’Ugni
Blanc de 1987 à 2006
(source : Contrôle de
Maturation de la Station
Viticole du BNIC).
10 – Chambre Infos-16 - Viticulture-Oenologie - Dossier technique n° 7 - Avril 2007
Les tendances estimées
• La hausse du taux de CO2
dans l’atmosphère pourrait exercer
une inuence positive sur l’activité
photosynthétique et donc sur le développement végétatif de la vigne et
sur la croissance des baies.
• L’augmentation de la température se traduirait par davantage
d’évapotranspiration de la vigne. De
ce fait, l’humidité dans les sols s’en
trouverait diminuée et à long terme
pourrait provoquer un assèchement
des horizons texturaux. Ce qui serait
d’autant plus problématique dans les
vignes implantées dans des régions
très sèches : stress hydrique, arrêt
de croissance précoce, carence azotée systématique. La conduite des
parcelles à faible réserve utile devra
donc être axée sur la gestion des réserves hydriques, de façon à ne pas
inhiber le développement des raisins
et le stockage des sucres.
• L’insufsance de froid hivernal pourrait engendrer des irrégularités au débourrement. Un réchauffement du climat, avec une diminution
des gelées d’hiver pourrait rendre les
insufsances de levée de dormance
plus fréquentes. On observerait alors
une diminution du pourcentage de
débourrement. Lorsqu’il aurait lieu,
il serait irrégulier et anarchique. La
taille de l’année suivante serait alors
compliquée car les rameaux chétifs
et les grappes pourraient avorter
partiellement, la récolte serait donc
compromise.
• L’augmentation de la concentration en sucres des raisins, la diminution des acides organiques entraînerait comme en 2003, des difcultés
fermentaires (arrêt de FA, piqûre lactique, augmentation de l’acidité volatile). La résultante serait des vins de
distillation avec de forts degrés, des
sucres résiduels, des acidités volatiles élevées et des acidités totales
trop faibles et ses conséquences sur
les eaux de vie.
• Les précipitations étant annoncées comme imprévisibles et violentes, les phénomènes de lessivage
des nitrates et d’érosion pourraient
devenir très préoccupants.
Un hiver charentais
sous le signe
du réchauffement climatique ?
Nous venons de vivre un hiver
contrasté, doux et pluvieux ponctué
d’événements exceptionnels tels que
les chutes de neige ou d’importantes
rafales de vent.
Les températures ont été extrêmement douces durant l’hiver et les
précipitations plus importantes que
l’an passé.
Pour exemple (graphique 4), voici
les températures moyennes et la pluviométrie moyenne annuelle relevées
par la station météo de Rouillac depuis 1998. On constate que la température moyenne annuelle est la plus
élevée depuis 10 ans sur la période
allant de mars 2006 à février 2007,
avec celle de 2003-2004. Les pluies
ont également été plus fréquentes
que l’an passé.
Graphique 4 : Températures
moyennes
annuelles et pluviométrie de la statoin météo
de Rouillac de 1997 à
2007 (Source : Chambre d’Agriculture 16)
Cet hiver se traduit également sur
le faible nombre de jours de gelées
hivernales. Pour la station de Segon-
zac (graphique 5) par exemple, la
température minimale journalière est
devenue négative durant 22 jours cet
hiver contre 52 jours l’année dernière.
Depuis 1997, il n’y a jamais eu si peu
de gelées hivernales à Segonzac.
Avril 2007 - Dossier technique n° 7 - Viticulture-Oenologie - Chambre Infos-16 – 11
Graphique 5 : Nombre de jours de gelées
à Segonzac (Source :
Chambre d’Agriculture
16)
Compte tenu de cet hiver doux et
pluvieux, il n’est pas surprenant de
rencontrer actuellement dans le vignoble quelques bourgeons au stade
«pointes vertes» sur les parcelles les
plus précoces. A ce jour, on estime
que la vigne a plus d’une semaine
d’avance par rapport à 2006. Pour la
majorité des cépages, les bourgeons
gonent. Le stade « bourgeon dans
le coton » est presque atteint pour
les cépages les plus précoces (Chardonnay, Colombard et Gamay). La
baisse des températures de la n du
mois de mars a ralenti le phénomène
de précocité.
Comme le climat nous a fait subir
des épisodes exceptionnels et imprévisibles que nous avons tous en
mémoire (l’hiver 1954, la sécheresse
de1976 ou encore le débourrement
précoce de 1990…), il est délicat
d’afrmer que la douceur de cet hiver est un signe du réchauffement
climatique. Néanmoins, les scientiques s’accordent à dire qu’il y a un
réchauffement climatique plus rapide
que ceux déjà rencontrés dans l’histoire terrestre et que l’augmentation
des GES produits par les activités
humaines en est responsable.
Sur une exploitation agricole,
lutter contre le réchauffement climatique, c’est avant tout, diminuer
la production de GES. Pour cela, il
convient d’identier les pistes d’économies d’énergies sur son exploitation et d’étudier les actions à mettre
en œuvre pour s’orienter vers l’utilisation d’énergies alternatives en
substitution des énergies fossiles.
A ce titre, la Chambre d’Agriculture
peut vous aider dans cette démarche
et vous proposer de réaliser un bilan
énergétique de votre exploitation.
N’hésitez pas à nous contacter.
Contact : Laura MORNET - 05 45 36 34 00
12 – Chambre Infos-16 - Viticulture-Oenologie - Dossier technique n° 7 - Avril 2007
Bibliographie :
DUCHENE E., SCHNEIDER C., 2005,
« Grapevine and climatic changes :
a glance at the situation in Alsace »,
Agrn. Sustain. Dev. 25, 93-99
JONES G. V., White M. A., Cooper
O.R. and Storchmann K. : 2005, “Climate change and global wine quality”, Climatic Change. 73, 319-343
MORNET F., 2001, « Evolutions de la
viticulture en prévision d’un changement de climat”, Université de Reims
session 1999-2001.
SEGUIN B., 2007, « Changement climatique et effet de serre ».
STEVEZ L., 2000, « Evolution du climat et viticulture » Rapport de stage
ITV
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