Tableau I. Étude HOPE :
critères principaux de morbi-mortalité cardiovasculaire.
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Le Courrier de l’Arcol (2), n° 3, septembre 2000
Études HOPE et MICRO-HOPE
L’étude HOPE (Heart Outcomes Prevention
Evaluation) (1) est une étude multicentrique
internationale dont l’objectif principal a été
d’étudier l’effet des IEC sur la réduction
des événements cardiovasculaires dans
une population de sujets de plus de 55 ans
présentant un risque important d’accident
cardiovasculaire mais ne souffrant pas d’in-
suffisance cardiaque (fraction d’éjection
>40%). Les nombreuses études démontrant
le bénéfice de l’utilisation des IEC dans la
prévention des accidents cardiovasculaires
n’avaient, jusqu’alors, inclus que des sujets
sans altération de la fonction ventriculaire
gauche. De la même manière, peu d’études
avaient évalué le bénéfice des IEC en pré-
vention primaire et secondaire. Les résultats
de l’étude HOPE ont été publiés en janvier
2000 dans le New England Journal of
Medecine (1) et dans The Lancet (2).
Cette étude de grande envergure a concerné
9297 patients recrutés dans 267 centres, sui-
vis sur une durée moyenne de 4 ans et demi.
Les critères d’inclusion des sujets de cette
étude étaient : un âge supérieur à 55 ans,
des antécédents de maladie coronarienne,
d’AVC, d’atteinte vasculaire périphérique,
l’existence d’un diabète associé à au
moins un des facteurs de risque suivants :
hypertension artérielle, augmentation du
cholestérol total, diminution du HDL-
cholestérol, tabagisme, existence d’une
micro-albuminurie.
Les 9 297 patients inclus dans l’étude
étaient composés de 2 480 femmes, de
5128 sujets de plus de 65 ans, de
8162 sujets présentant une pathologie car-
diovasculaire, de 4 355 hypertendus et de
3577 diabétiques. Les sujets ont été assi-
gnés, par tirage au sort, au ramipril à la dose
de 10 mg ou au placebo, et ont été suivis
pendant une durée d’environ 4 ans et demi.
Les résultats de cette étude ont mis en évi-
dence une réduction très significative des
principaux critères de morbi-mortalité car-
diovasculaire : décès de cause cardiovascu-
laire et de causes diverses, réduction de sur-
venue des infarctus du myocarde, des acci-
dents vasculaires cérébraux (tableau I).
D’autres résultats également très significatifs
ont été obtenus sur des critères secondaires,
comme la réduction de la mortalité globale
de 17 % (p < 0,005), des gestes de revascula-
risation de 15 % (p = 0,002), mais il n’y a pas
eu de diminution significative de la fréquen-
ce de l’hospitalisation pour angor instable et
pour poussée d’insuffisance cardiaque.
Dans ce travail, la diminution globale des
complications cardiovasculaires et, en parti-
culier de la progression de la néphropathie,
ne semble pas pouvoir être expliquée par la
seule diminution des valeurs tensionnelles,
car les chiffres tensionnels n’ont baissé que
de 3 mmHg pour la pression artérielle sys-
Mise
au point
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
et diabète
S. Fages*, M. Laville*
Le rôle des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) pour prévenir
l’aggravation de l’albuminurie et la diminution de la filtration glomérulaire
du diabétique est depuis de nombreuses années clairement admis.
Les IEC ont aussi prouvé leur efficacité dans la réduction de la mortalité
dans les suites précoces d’un infarctus du myocarde chez des sujets
présentant une dysfonction ventriculaire gauche ou une insuffisance
cardiaque. Cet effet protecteur des IEC a été également démontré
pour les sujets diabétiques.
Il semblerait que l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone
soit un facteur important de l’augmentation du risque cardiovasculaire
pouvant expliquer l’efficacité des IEC dans ces circonstances.
* Service de diabétologie-endocrinologie-
nutrition, hôpital Édouard-Herriot, Lyon.
Groupe Groupe
ramipril placebo RRR*
(%) (%) (%) p
n= 464 n = 465
5 % 2 %
Décès d'origine cardiovasculaire 14 17,8 – 22 0,001
Infarctus du myocarde
Accidents vasculaires cérébraux
IDM 9,9 12,3 – 22 0,001
AVC 3,4 4,9 – 31 0,001
Décès cardiovasculaires 6,1 8,1 – 25 0,001
Mortalité totale 10,4 12,2 26 0,001
* Réduction du risque relatif.
tolique et de 2 mmHg pour la pression arté-
rielle diastolique. L’étude DIABHYCAR,
en cours de réalisation, a d’ailleurs pour
objectif de démontrer que les IEC à faibles
doses, inefficaces sur les chiffres tension-
nels, pourraient malgré tout limiter les évé-
nements cardiovasculaires chez les patients
hypertendus ou non, présentant une albumi-
nurie positive (3).
Les IEC présentent de nombreuses proprié-
tés qui ne se limitent pas à la simple inhibi-
tion de l’enzyme de conversion. Ils s’oppo-
sent également à la prolifération des cellules
musculaires lisses vasculaires, ils prévien-
nent la rupture de la plaque, améliorent la
fonction ventriculaire gauche et augmentent
la fibrinolyse. L’ensemble de ces effets
pourrait également expliquer le rôle protec-
teur des IEC sur l’endothélium vasculaire.
À partir de cette étude HOPE a été réalisée
une étude ancillaire appelée MICRO-
HOPE (2),analysant plus particulièrement
les résultats de la population diabétique.
Son objectif était d’évaluer l’efficacité du
ramipril et/ou de la vitamine E dans la pré-
vention du risque de survenue des décès
d’origine cardiovasculaire, d’infarctus du
myocarde, d’accidents vasculaires céré-
braux et dans la prévention de la néphropa-
thie diabétique. Une cohorte de 3 657 dia-
bétiques a été étudiée, composée de sujets
d’une moyenne d’âge de 65 ans, ayant
débuté un diabète après l’âge de 30 ans,
présentant, pour la très grande majorité
(98 %), un diabète de type 2 traité par anti-
diabétiques oraux seuls ou associés à l’in-
suline, par régime seul ou par insuline. Il
est intéressant de noter que seulement 31 %
avaient une hémoglobine glycosylée patho-
logique, 32 % présentaient une microalbu-
minurie positive (20-200 µg/min) et que
56 % d’entre eux étaient hypertendus
(160 mmHg pour la systolique et/ou
90 mmHg pour la diastolique). Dans le
sous-groupe des diabétiques, les résultats
(tableau II) démontrent que le ramipril
semble être tout aussi efficace dans la pré-
vention des événements primaires et secon-
daires, et en particulier dans la prévention
des complications liées au diabète, comme
le risque d’apparition d’une néphropathie
diabétique.
IEC et insulinorésistance
Un résultat très intéressant de cette étude
est la réduction significative de l’incidence
des diabètes dans la population traitée par
ramipril (102 vs 155 ; RR = 0,66 p < 0,001).
Ce résultat va de pair avec celui de l’étude
CAPP (Captopril Prevention Project),dé-
montrant une diminution de 21 % (p = 0,07)
de l’incidence des diabètes chez les sujets
traités par captopril (4).
Les mécanismes pouvant expliquer cet
effet du ramipril sont multiples, mais une
première hypothèse serait une améliora-
tion de la sensibilité à l’insuline sous IEC.
De nombreuses études ont tenté de démontrer
cet effet, et il semblerait qu’un grand nombre
d’IEC améliorent la sensibilité à l’insuline de
l’organisme par un mécanisme encore peu
connu (5, 6). Cependant, les données de la lit-
térature sont assez contradictoires en fonction
du type d’IEC étudié, de la durée du traitement,
de la posologie administrée et des moyens
d’évaluation de l’insulinosensibilité. Chez
l’homme, le captopril améliorerait la sensibili-
té à l’insuline en augmentant le pic précoce de
secrétion d’insuline et en diminuant la réponse
tardive de l’insuline au glucose sans modifier
la concentration basale d’insuline (7).
Plusieurs travaux sur le rat insulinorésistant
et hypertendu ont conclu à une amélioration
de l’insulinosensibilité de ces rongeurs par
le biais de l’inhibition du métabolisme des
bradykinines par les IEC favorisant la vaso-
dilatation et l’utilisation périphérique du
glucose (8). Une autre hypothèse pourrait
être une restauration de la composition en
fibres musculaires de type I induite par les
IEC chez ces mêmes rats génétiquement
insulinorésistants et hypertendus présentant
une diminution des fibres musculaires de
type I à l’origine de l’insulinorésistance (9).
Devant la divergence des données de la
littérature concernant l’amélioration de l’in-
sulinosensibilité par les IEC, et devant la
différence de cinétique et de biodisponibi-
lité tissulaire des IEC, on peut se demander
s’il existe également, en ce qui concerne
l’amélioration de l’insulinosensibilté un
effet dépendant du type de l’IEC utilisé.
Une très intéressante étude prospective,
parue dans le New England Journal of
Medicine du 30 mars 2000 (10) a été
conduite dans le même temps que l’étude
HOPE. L’objectif de ce travail était d’étu-
dier l’incidence du diabète dans une popula-
tion de sujets de 45 à 64 ans non diabé-
tiques, hypertendus ou non, avec ou sans
traitement à visée cardiovasculaire. Un total
de 12 550 sujets ont été inclus dans cette
étude, pour un suivi d’une durée de six ans.
Les différentes thérapeutiques principale-
ment utilisées par les sujets en cours de
traitement étaient les inhibiteurs de l’enzyme
de conversion de l’angiotensine, les bêta-
bloquants, les inhibiteurs calciques, les diu-
rétiques thiazidiques. Dans cette étude,
3804 sujets hypertendus ont été inclus dont
1474 non traités. Durant les six années de
suivi, 1 146 nouveaux cas ont été diagnos-
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Le Courrier de l’Arcol (2), n° 3, septembre 2000
Mise
au point
Groupe Groupe
ramipril placebo RRR* p
(%) (%) (%)
n= 1808 n = 1 769
Décès d’origine cardiovasculaire 15,3 19,8 – 25 0,0004
Infarctus du myocarde
Accidents vasculaires cérébraux
IDM 10,2 12,9 – 22 0,01
AVC 4,2 6,1 – 33 0,0074
Décès cardiovasculaires 6,2 9,7 37 0,0001
Mortalité totale 10,8 17 – 24 0,004
Progression de la néphropathie diabétique 6,5 8,4 – 24 0,027
* Réduction du risque relatif.
Tableau II. Étude MICRO-HOPE :
critères principaux de morbi-mortalité cardiovasculaire dans le sous-groupe diabétique.
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Le Courrier de l’Arcol (2), n° 3, septembre 2000
tiqués, soit une incidence de 16,6 nouveaux
cas sur 1 000 par an.
L’analyse de ce résultat, en fonction de
l’existence ou non d’une hypertension arté-
rielle, a montré que l’incidence du diabète
était plus importante dans la population
hypertendue et que le risque de survenue du
diabète était plutôt associé à l’existence
d’une HTA qu’à la prise d’une médication
particulière. Le risque de diabète chez les
sujets hypertendus n’a pas été différent, que
les sujets soient traités ou pas. Après appa-
riement avec l’âge, le sexe, la race, l’utilisa-
tion d’autres traitements antihypertenseurs
que ceux précédemment cités, il n’a été
constaté qu’une augmentation de 28 % des
cas de diabète chez les sujets sous bêtablo-
quants par rapport aux sujets ne prenant
aucun traitement.
Au total, dans cette étude prospective, il
semblerait que les sujets hypertendus
développeraient deux fois plus souvent un
diabète que les normotendus. Il n’existe pas
d’augmentation du risque chez les sujets trai-
tés par IEC, inhibiteurs calciques ou diuré-
tiques thiazidiques, mais il n’existe pas non
plus de diminution de ce risque en fonction
du type de traitement employé. Cependant,
sous bêtabloquants, il existe une augmenta-
tion de 28 % du risque de diabète que les
sujets soient hypertendus ou pas. Il semble
donc, d’après ces résultats, que l’existence
d’une hypertension artérielle définie par une
tension artérielle systolique 140 mmHg ou
une tension artérielle diastolique 90 mmHg
soit un important facteur de risque de déve-
loppement d’un diabète de type 2.
Conclusion
Depuis quelques années, la multiplicité des
études concernant l’évaluation des théra-
peutiques antihypertensives dans la préven-
tion des événements cardiovasculaires, chez
des sujets à risque, nous a fait prendre
conscience de l’intérêt essentiel de la prise
en charge précoce de ces patients.
Cette attitude est d’autant plus justifiée pour
des populations à risque comme les sujets
diabétiques mais, semble-t-il également,
pour les sujets prédisposés au diabète. Les
IEC, qui avaient jusqu’alors fait la preuve
de toute leur efficacité dans la prévention
de la dégradation de la fonction rénale sem-
blent avoir un nouvel avenir dans “la pré-
vention du diabète”. Des études complé-
mentaires sur les mécanismes à l’origine de
l’amélioration de l’insulinosensibilité par
les IEC sont indispensables pour mieux
comprendre les spécificités de chaque pro-
duit et pour faciliter nos prescriptions chez
les sujets à risque.
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11. James R. Sowers. Anti-hypertensive therapy and
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