Service diocésain de la formation des laïcs Les Pères de l’Eglise
Mai 2011 Histoire du dogme trinitaire
1 Marc Duwelz
LA TRINITÉ : CINQ SIECLES D’HISTOIRE DU DOGME
Être chrétien, c'est croire au salut apporpar Jésus-Christ. Mais le croyant
sait que ce salut, apporté par Jésus, vient de Dieu que Jésus appelle « son
Père », et que cette œuvre de sanctification se continue sous l'action du
Saint-Esprit.
Si la foi chrétienne s’est, à l’origine, exprimée par des formules simples,
comme « Jésus est le Christ » ou « Jésus est le Seigneur », les premiers
chrétiens ont, dès les premiers siècles confessé le Christ et l’Esprit Saint
comme des personnes divines, en raison de leur participation à l'œuvre
divine.
Dès lors, ils se sont trouvés confrontés à une question essentielle : comment
concilier cette multiplicité en Dieu avec le monothéisme que les chrétiens ont
hérité de l'Ancien Testament ?
La réponse à cette question n’a pas été immédiate dans la mesure ses
fondements dans les Ecritures étaient minces et qu’il a fallu inventer des
concepts et un vocabulaire spécifique pour dire cette alité d’un Dieu
unique en trois personnes.
Ce n’est que progressivement que s’est dégagé la foi en un Dieu « Un et
Trine ». Il faudra, de fait, plusieurs siècles pour que cette vérité puisse
s’exprimer à travers des formulations acceptées par une majorité de
chrétiens. Si cette vérité est connue sous le nom de « mystère », c’est parce
qu’il s’agit d’une vérité qui nous est révélée par dieu lui-même, vérité à
laquelle les chrétiens adhèrent par la foi sans pouvoir totalement en pénétrer
le sens.
1. Les prémisses scripturaires
Le mot « Trinité » ne figure pas dans la Bible. Pourtant, dès le début de la
Bible, Dieu apparaît comme un être mystérieux qui n’exclut pas en lui-même
une certaine pluralité.
Ainsi du pluriel délibératif qui prélude à la création de l’homme :
Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre
ressemblance » (Gn 1,26)
Ou encore, le « trisagion » d’Isaïe 6,3 :
Saint, saint, saint, le Seigneur…
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Dans les théophanies, les Pères ont relevé l’ambiguïté qui réside dans
l’identité ou la non identité entre « l’ange de Dieu » et Dieu lui-même (cf. Gn
21 ; Ex 13-14) :
L'Ange de Dieu me dit en songe : « Jacob », et je répondis : « Oui. » Il
dit : « Lève les yeux et vois : tous les boucs qui saillissent les bêtes sont
rayés, tachetés ou tavelés, car j'ai vu tout ce que Laban te fait. Je suis
le Dieu de Béthel, tu as oint une stèle et tu m'as fait un vœu.
Maintenant debout, sors de ce pays et retourne dans ta patrie. » (Gn
31,11-13)
On trouve cette même ambiguïté dans le récit de la visite des trois
« hommes » au chêne de Mambré, l’on a pu voir une préfiguration
trinitaire :
Le Seigneur lui apparut aux Chênes de Mambré, tandis qu’il était assis
à l’entrée de la tente, au plus chaud du jour. Ayant levé les yeux, voilà
qu’il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui ; dès qu’il les
vit, il courut de l’entrée de la Tente à leur rencontre et se prosterna à
terre (Gn 18,1-2)
A l’époque hellénistique apparaît dans l’Ancien Testament la personnification
de la Parole et de la Sagesse de Dieu, notamment dans l’œuvre de création :
Par la parole du Seigneur les cieux ont été faits, par le souffle de sa
bouche, toute leur armée (Ps 33,6)
La Sagesse fait son propre éloge, au milieu de son peuple elle montre
sa fierté. Dans l'assemblée du TrèsHaut elle ouvre la bouche, et
devant sa Puissance elle montre sa fierté. « Je suis issue de la bouche
du Très–Haut et comme une vapeur j'ai couvert la terre. J’ai habité
dans les cieux et mon trône était une colonne de nuée… » (Si 24,1-4)
2. Le Nouveau Testament
Dans le Nouveau Testament, on trouve une interrogation qui sera le point de
départ des spéculations trinitaires : qui est Jésus ?
Les Évangiles nous font entrevoir l'étonnement des foules devant cet homme
doué d'une autorité et de pouvoirs surnaturels :
« Et vous, qui dites-vous que je suis ? », demande Jésus à ses disciples.
« Le Christ », répond Pierre (Marc 8, 29).
Bientôt la réponse ne sembla plus assez précise, et l'on ajouta : « Le Fils du
Dieu vivant » (Matthieu 16,16).
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L'expression « fils de Dieu » n’est cependant pas propre à Jésus : de
nombreux passages de l’AT attestent de son utilisation pour des
personnages non divins, notamment pour le roi de Juda. Mais le NT
l’emploie à propos de Jésus dans un sens éminent, qui ne convient qu'à lui
seul.
Ce titre offre une clé pour penser les rapports du Christ et du Dieu d’Israël :
le Christ reçoit de Dieu non seulement l'être et la vie, mais toutes les œuvres
qu'il accomplit et tous les mots qu'il prononce. Du fait qu'il reçoit, le Fils
apparaît inférieur au Père, mais, dans la mesure il reçoit tout, cette
inégalité tend à disparaître.
Le Christ lui-même, selon ce qu’en rapportent les évangélistes, s’est dit l'égal
du Dieu qu’il appelle « le Père » :
Le Père et moi nous sommes un (Jn 10, 30)
« Celui qui m'a vu, a vu le Père » (Jn 14,9).
Il utilisera même, à son propos, le titre divin qui figure dans la Septante :
egô eimi, « Je suis » :
Avant qu'Abraham fût, Je Suis (Jn 8, 58)
Les juifs d'ailleurs ne s'y tromperont pas. Dans les motifs de la
condamnation de Jésus, celui de blasphème arrive en premier : Jésus est
mort parce qu'il s’est proclamé Fils de Dieu !
Le Grand Prêtre lui dit : « Je t'adjure par le Dieu Vivant de nous dire si
tu es le Christ, le Fils de Dieu. » –– « Tu l’as dit, lui dit Jésus. D’ailleurs
je vous le déclare dorénavant, vous verrez le Fils de l’homme siégeant
à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. »
Alors le Grand Prêtre déchira ses vêtements en disant : « Il a
blasphémé ! qu'avonsnous encore besoin de témoins ? Là, vous venez
d'entendre le blasphème ! Qu'en pensezvous ? » Ils répondirent : « Il est
passible de mort. » (Mt 26,63-66)
Dans l'expérience humaine, les relations de paternité et de filiation sont liées
à la temporalité. On était donc en droit de se demander quand avait
commencé la filiation divine de Jésus. Était-ce au baptême, quand l'Esprit
descendit sur lui ? Était-ce dès sa conception dans le sein de Marie ?
Très vite, on a pensé que le Christ avait préexisté à sa vie terrestre. Paul
reprend cette idée dans ses lettres, écrites entre 50 et 60 : le Christ est un
être divin qui a consenti, pour l'amour des hommes, à devenir l'un d'entre
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eux, jusqu'à endurer une mort infamante avant de ressusciter et de
retrouver la gloire qui lui appartenait (Philippiens 2,5-11) 1.
La divinité de l’Esprit Saint se déduit elle aussi de la vie de Jésus mais sa
personnalité est moins clairement définie que celle de Jésus : l’Esprit Saint
apparaît tantôt comme un sujet personnel, tantôt comme une force émanée
du Père ou de Jésus2.
De fait, le Nouveau Testament ne renferme ni le mot Trinité ni aucun terme
équivalent. On y trouve cependant des récits qui mettent en scène Le Père, le
Fils et l’Esprit saint comme l’Annonciation à Marie :
L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du TrèsHaut te prendra
sous son ombre ; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils
de Dieu (Lc 1,35),
le baptême du Christ au Jourdain :
Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta de l’eau ; et voici que les
cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe
et venir sur lui (Mt 3,13-17),
la jubilation de Jésus sous l’action de l’Esprit saint :
A cette heure même, il tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint
et il dit : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir
caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout
petits (Lc 10,21),
ou encore le discours d’adieux de Jésus à ses apôtres (Jn 14-17).
1 Pour concilier l'idée d'une préexistence divine du Christ avec le monothéisme biblique,
l'Évangile de Jean recourt à la notion de logos, de parole. Dieu a créé l'univers par sa Parole.
Cette même Parole s'est adressée aux hommes par les prophètes, et, lorsque les temps sont
venus, a pris chair en la Vierge Marie. Ici commence l'histoire terrestre de Jésus qui se finit
avec son Ascension dans le ciel.
2 A la pentecôte, cinquante jours après Pâques, l'Esprit est répandu sur les disciples. Les
Actes des Apôtres, qui racontent les débuts de l'Église, et les Épîtres de Paul, qui en sont le
premier témoignage, se réfèrent sans cesse à cette présence de l'Esprit. C'est un Esprit de
prophétie et de guérison. Il assure l'unité et la croissance de l'Église ; il rappelle les
enseignements de Jésus et en donne l'intelligence.
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On y trouve également des formules « ternaires » qui réunissent les noms de
Dieu (le Père), du Fils et de l'Esprit, dans des ordres variables :
Pierre, apôtre de Jésus Christ, aux étrangers de la Dispersion […], élus
selon la prescience de Dieu le Père, dans la sanctification de l’Esprit,
pour obéir et être aspergés du sang de Jésus Christ. A vous grâce et
paix en abondance (1 Pi 1,1-2)
Nous devons, quant à nous, rendre grâce à Dieu à tout moment à votre
sujet, frères aimés du Seigneur, parce que Dieu vous a choisis dès le
commencement pour être sauvés par l’Esprit qui sanctifie et la foi en
la vérité (2 Th 2,13)
Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit ;
diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité
d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous (1 Co 12,4-
6)
Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance
au terme de l’appel que vous avez reçu ; un seul Seigneur, une seule
foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui est audessus
de tous, par tous et en tous. (Ep 4,4-6)
La plus nette termine la seconde Épître aux Corinthiens :
La grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion
du Saint Esprit soient avec vous tous ! (2 Co 13,13)
Très tôt, en tout cas dès le premier siècle, le baptême a été conféré « au nom
du Père et du Fils et du Saint-Esprit » comme en témoigne la finale du
premier évangile :
Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au
nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer
tout ce que je vous ai prescrit (Mt 28,19)
La formule coordonne les trois noms divins en les mettant sur un pied
d’égalité mais selon un certain ordre qui deviendra vite traditionnel. Cette
triple nomination va de pair avec une expression au singulier : « au nom
de… ».
C’est le lien étroit établi dans ces formules ternaires entre les trois noms
divins qui est à la base de la réflexion trinitaire de l’Eglise.
3. Le 2ème siècle
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