Histoire succincte de la
Wallonie
PHILIPPE DESTATTE
Directeur général de l'Institut Destrée
Maître de conférences à l'Université de Mons
7 août 2013
Philippe Destatte
2
ISBN
Dépôt légal
Editeur
Histoire succincte de la Wallonie
3
INTRODUCTION
Le présent volume s'attache à décrire l'évolution
historique des territoires de la région de langue
française de la Belgique telle que la loi du 2 août
1963 sur l'emploi des langues en matière
administrative et les lois subséquentes
coordonnées du 18 juillet 1966, l'ont définie. Par
convention, nous appellerons ce territoire Wallonie
bien que cette dénomination ne se soit
progressivement imposée qu'au XIXe siècle et que
son institution, la Région wallonne, ne soit devenue
réalité publique qu'à partir de 1974, lors de la
création d'un premier conseil régional. Le 26
octobre 2011, dans un contexte de crise aigüe de
la Belgique, et faisant suite aux décisions du
gouvernement wallon des 11 mars et 1er avril 2010,
le Parlement wallon a toutefois pris la résolution,
d'utiliser le terme "Wallonie", dans tous les cas
la législation n'impose pas la terminologie officielle
de "Région wallonne". Le langage s'éclaircit, les
réalités se rapprochent...
Le sujet de notre synthèse porte donc sur un
morceau du territoire de l'actuelle Belgique, situé
au sud et à l'ouest de la frontière linguistique
séparant depuis des siècles les langues romanes
et germaniques. Cet espace forme un triangle
renversé d'environ 140 kilomètres du nord au sud
et d'un peu moins de 200 kilomètres d'ouest en est,
soit un territoire de l'ordre de 16.000 km2. Celui-ci
appartient au même ensemble tectonique que
l'Ardenne française ainsi que l'Eifel allemand et
Philippe Destatte
4
luxembourgeois. Le pays wallon est fait de bas
plateaux ouverts, de collines et de vallées
encaissées qui, partant d'un glacis nord en pente
faible, s'étendent jusqu'au massif ardennais.
Prolongeant la plaine maritime, la Basse Wallonie
culmine à 50 mètres d'altitude et comprend les
vallées de l'Escaut, de la Haine et de la Dendre.
S'élevant jusqu'à un peu plus de 200 mètres, la
Moyenne Wallonie comprend les plateaux, au nord
du sillon Sambre et Meuse : Haut-Pays hainnuyer,
Plateau brabançon, Plateau hesbignon. En Haute
Wallonie, le relief se fait plus tourmenté, grimpe à
plus de 200 mètres et peut dépasser les 500
mètres : la Croix Scaille à 505 mètres, le Plateau
d'Hurtebise à 525 mètres, la Forêt d'Anlier à 550
mètres, le Plateau des Tailles à 652 mètres, etc.
Là, les rivières creusent davantage leur sillon. À
l'est, l'exhaussement s'est accentué et culmine
dans les Hautes Fagnes (Baraque Michel, 674
mètres) tandis qu'à l'extrême sud-ouest, s'élève le
Plateau lorrain, bordé lui-même de quelques petits
sommets qui s'élèvent de près de 400 à 465 mètres
(Hitzenberg). La Wallonie ne se reconnaît donc pas
lorsqu’on évoque le plat pays. Ce sont ses cours
d’eau qui ont contribué à faire la région : axes de
pénétration, leurs confluents seront aussi les
premiers points d'habitat, tandis que bien plus tard,
aux XIIIe et XIVe siècles, ils permettront les
premières industrialisations...
La frontière nord de la Wallonie est une frontière
linguistique. Œuvre des siècles, mais surtout œuvre
des hommes, elle se serait constituée à partir de
Histoire succincte de la Wallonie
5
l'installation et du déplacement progressifs des
Francs, et stabilisée entre le IXe et le XIIe siècles,
de Dunkerque et Saint-Omer à Enghien, puis de
Wavre à Maastricht et Aubel, avant de plonger au
sud vers Malmedy et Arlon. La population gallo-
romaine aurait été plus dense au sud et à l'ouest de
cette ligne, tandis que les Francs, moins nombreux,
auraient été romanisés sous les effets conjugués
des villes épiscopales et des abbayes, foyers de
rayonnement du latin, plus nombreuses dans cet
espace, et de l'urbanisation provoquée par
l'insécurité. Le parler local roman, utilisé par la
population, aurait donc mieux résisté à
l'implantation des Francs ils étaient
minoritaires. La seule langue écrite reste le latin.
Ce n’est que progressivement, à partir du IXe
siècle, que l’on commencera à rédiger des
documents en langue populaire. Les plus anciens
textes connus en langue romane sont les Serments
de Strasbourg (842) ainsi que la Cantilène de
Sainte Eulalie. Ce poème, qui décrit le martyre de
la jeune fille, aurait été composé vers 880 entre
Tournai et Liège, ce qui en ferait la première œuvre
littéraire en langue d'oïl. L'évangélisation joue donc
un rôle dans la romanisation, qui marquera parfois
les frontières religieuses.
La limite méridionale est militaire et diplomatique.
Elle est principalement le résultat des guerres entre
le roi de France Louis XIV et ses voisins. Les
traités des Pyrénées (1659) d'abord, d'Aix-la-
Chapelle (1668) puis de Nimègue (1678) ensuite,
et enfin d'Utrecht, de Rastatt et de la Barrière
1 / 157 100%