International | Europe 21 Assurer un développement économique écologiquement soutenable Marc Péna Président-directeur-général du groupe Péna Le recyclage peine à trouver sa place, alors qu’il permet de créer de l’emploi localisé, de donner une seconde vie aux déchets et donc de gagner en croissance verte. L’éclairage de Marc Péna, acteur du Sud-Ouest à vocation nationale, européenne et mondiale. En quoi le recyclage constitue un enjeu pour le territoire ? Qu’en est-il en Aquitaine ? Marc Péna : Le développement de l’entreprise que je dirige a pris pour modèle certaines fonctions essentielles de la nature. L’expérience de la botanique et de l’écologie, mes deux passions, m’a appris que le déchet que nous avons dans nos sociétés est avant tout culturel : c’est parce que nous décidons d’abandonner de vieux matériels et biens de consommation que nous générons le déchet. Mais c’est aussi structurel, car nos sociétés n’ont pas développé les fonctions nécessaires à la reconversion de ces matières en une nouvelle matière capable d’être réintégrée dans le fonctionnement du système. C’est ce rôlelà que j’ai choisi de prendre en positionnant mon entreprise sur ce marché, à l’instar de toute la biologie des nécrophages de la nature, bactéries, champignons et autres charognards qui débarrassent la nature des organismes en fin de vie en redonnant vie à cette matière. Nous collectons les déchets, les trions afin de fabriquer des matières premières recyclées que nous réin- jectons dans le cycle industriel. En Aquitaine, nous avons participé à la création, à partir de l’idée de notre président Alain Rousset qui est très ouvert aux entreprises, de l’association pour la croissance verte. Ce club a vocation à regrouper les PME et ETI proposant des biens et services respectueux de l’environnement. Justement, comment travaillez-vous à la fabrication de matières premières combustibles recyclées afin d’alimenter en énergie peu coûteuse l’industrie ? M. P. : Au-delà du simple recyclage des matières pour leur valeur propre, nous avons choisi de développer une voie pour recycler le résiduel du tri : ce déchet composé de multiples matériaux intriables contient encore un potentiel énergétique que nous avons décidé d’exploiter. Nous avons fait évoluer notre sélection de matière et investi dans de coûteuses lignes de broyage afin de produire un combustible bon marché destiné aux industries principalement cimentières. Grâce à cette nouvelle voie, nous atteignons plus de 85 % de recyclage pour tous les déchets que nous collectons. Toutefois, cette voie coûteuse mais créatrice d’emplois subit les affres de la concurrence des décharges. Recycler coûte plus cher que l’enfouissement, et notre existence dépend beaucoup de notre performance. Nous regrettons que la France ne démarre que timidement, à l’inverse des autres pays européens, de prendre les mesures fiscales ou réglementaires favorisant la voie éthique et économique que nous défendons. Concrètement, en quoi la filière du recyclage peut contribuer à la croissance et à la création d’emplois localisés ? La production de combustible issu de déchet : un passage obligatoire pour le développement durable. M. P. : Recycler les déchets demande des investissements industriels importants, et une main-d’œuvre nombreuse. Cette activité n’est pas délocalisable, car les déchets doivent être traités à proximité de leur site de production. En outre, les matières produites (matière première secondaire ou combustible) représentent un avantage qui permet au consommateur industriel de gagner en compétitivité. Tous ces facteurs favorisent le développement économique du territoire : création d’emplois, investissement, moindre dépendance énergétique. Ainsi le développement durable est un axe structurant, dans lequel nous pouvons également trouver, comme je l’ai développé dans l’entreprise, un sens et une raison de s’impliquer personnellement pour tous, une source d’épanouissement. Toutefois, la mise en place d’une telle réorientation de l’économie nécessite aussi de redistribuer les cartes, et de renouveler le nom des grands acteurs du système. •10 sociétés en France et à l’international : •10 unités de compostage ou de traitement : •60 ans d’expérience : •66 millions de CA en 2015 •150 collaborateurs •1 500 clients •200 000 tonnes de déchets traités/an Europe parlementaire | trimestriel | № 28 | juillet – août – septembre 2016 EP28-TRIM3-2016-INT-fab-01.indd 21 27/06/16 17:03