DeHegelàSartre
Pourunepratiquedelaraisoncritique
Bearbeitetvon
ChristaGeitner
1.Auflage2013.Taschenbuch.ca.194S.Paperback
ISBN9783034313940
Format(BxL):15x22,5cm
Gewicht:300g
WeitereFachgebiete>Philosophie,Wissenschaftstheorie,Informationswissenschaft>
Philosophie:Allgemeines>WestlichePhilosophie:DeutscherIdealismus
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Préface
La philosophie de Sartre comme toute pensée critique concrète recèle
plusieurs significations explicites ou implicites. Choisissons d’en déga-
ger une qui paraît centrale, le rapport entre une philosophie vivante et
son passé. Ce rapport concerne en fait toute l’histoire de la réflexion phi-
losophique, car il s’agit de globaliser et de juger dans son ensemble,
en vue du présent, tout ce qu’elle a été, ce qu’elle a cru ou voulu être.
Mais un tel acte, en urgence, a en philosophie des caractères originaux.
C’est ce que Sartre a bien mis en évidence dans son œuvre sous des
formes diverses (roman, traité philosophique, théâtre, polémiques sur la
réflexion esthétique, philosophique ou politique).
La philosophie vivante a besoin pour se justifier de tout son passé (à
l’inverse du progrès dans les sciences qui peut souvent négliger des
avancées anciennes par le fait d’une découverte nouvelle). Elle manifeste
une forme originale de l’Histoire en tentant d’exprimer le vouloir d’un
monde renouvelé, sans cesse en genèse et combattu en lui-même par lui-
même. Sartre a voulu décrire et juger ce double mouvement qui lie de fa-
çon originale théorie et pratique, appréciation qui nous est nécessaire
pour acquérir la compréhension réelle de notre présent.
Il l’a dialectisé en inversant leur ordre traditionnel, en en faisant
donc « pratique et théorie », ordre qui contredisait un impératif ar-
chaïque, lequel plaçait au principe premier une ontologie et une morale
absolues : « cette philosophie spéculative que l’on enseigne dans les éco-
les », disait Descartes dans la 6e partie du Discours de la méthode où il
proposait « d’en trouver une pratique ».
Était-ce là un abandon de l’ambition philosophique ? Nullement, au
sens celle-ci s’accorde toujours difficilement, en fait, à la pratique de
son époque. Il ne s’agissait pas non plus pour Sartre, et il ne s’agit pas
pour nous, après lui, d’exhiber une supériorité présente sur les pensées
anciennes mais d’acquérir la possibilité de mieux comprendre les nôtres.
En effet, saisir ce lien à chaque moment du temps les justifie relative-
ment et met cependant en question notre propre façon de les penser, in-
terroge sur le sens à donner au futur, nous incite moins à rompre avec
le passé qu’à tenter de vivre lucidement, à l’inverse, l’authenticité
relative de notre présent. La mythification pour nous du cosmos ancien,
les significations nouvelles du travail et de l’esclavage par rapport à
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Aristote, le sens religieux puis scientifique de la douleur, les fonctions
anciennes ou présentes de l’art à partir du temple antique (comme le fit
Heidegger), en tout cela une philosophie concrète comprenant le passé
doit rendre justice au présent, du moins l’« historialiser » au sens sar-
trien, c’est-à-dire le rendre intelligible dans les variations des thèmes
pratiques et leurs significations pour nos projets.
Est-ce là une découverte de la « vraie » philosophie ? Elle peut l’être
pour nous, liée à nos convictions, à nos ambitions dans leurs rap-
ports avec une image du monde qui s’est, depuis les Anciens, plus d’une
fois bouleversée et que nous transformons encore. Mais si nous nous
convainquons par là-même que si l’on ne peut vivre à la fois pratique-
ment et mentalement avec Platon ou Aristote, c’est que la philosophie
n’a pas seulement une histoire comme toute chose dont il faut nous
instruire mais qu’elle est une Histoire nous permettant de corriger, de
justifier nos jugements propres. Ce peut être à propos des découvertes
médicales, du suicide, de l’euthanasie, du traitement des ressources natu-
relles, de l’exploration cosmique...
« Toute philosophie est pratique », dit Sartre. Elle n’obligera donc
plus un serviteur, en vertu d’une dogmatique impérative, à dire à un in-
trus malfaisant (pour ne pas mentir) où se trouve son maître, selon le
précepte contesté de Kant dans sa célèbre polémique avec Benjamin
Constant. Cela libérera aussi concrètement un accoucheur en difficulté
de l’obligation morale de préférer toujours la vie de l’enfant à celle de sa
mère en vertu d’un autre impératif célèbre. Qu’il s’agisse d’un chirur-
gien, d’un décideur politique en situation de guerre, exerçant la con-
trainte de leurs terribles et pourtant nécessaires décisions concernant le
risque, cela rend impossible de séparer absolument ces grandes décisions
(comme le fit pourtant Hegel dans sa Philosophie de l’Histoire) du sens
moral que nous leur attribuons. Nulle création active, réelle dans sa plé-
nitude, ne peut être légitimement une soumission pure à un seul point de
vue initial. Elle est aussi une invention complexe, un engagement global
qui nous définit en créant notre monde, c’est-à-dire un présent-futur tou-
jours problématique.
Le mouvement de la pratique est alors inséparable de celui de la
pensée et, en un sens, le précède, il ne méprise pas pour autant ses ex-
pressions anciennes sans pouvoir nécessairement s’y accorder, par
exemple en pratiquant le retrait du monde comme le fit Pascal après les
Provinciales. Ce mouvement crée plutôt en cherchant, dans un temps
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nouveau, les moyens de la variation certaine et incertaine à la fois de soi
et du monde qu’il transforme.
Hegel, dans son génie créateur, avait perçu le déchirement qu’exige
sans cesse une pensée critique active, l’avait exposé plusieurs fois, par
exemple en découvrant le sens de la Réforme, cette « volution » qui a
fait renoncer au mouvement « extérieur » du culte (Leçons sur la philo-
sophie de l’Histoire, p. 318), à ce qui « dans la religion est plus étranger
à l’esprit » (Propédeutique philosophique, p. 177). Il bouleversait ainsi
pour beaucoup les sentiments et les pratiques mais il affirma pourtant
l’identité finale de la pensée à soi et au réel, idéalité absolue, déjà sup-
posée en Dieu dans une tradition métaphysique, « cette vérité, qui est
une seule et même vérité dans ses trois manifestations complémentaires :
l’État, la Nature et le Monde idéel » (Principes de la philosophie du
droit..., § 360).
Sa philosophie met ainsi en évidence le conflit renouvelé, la tension
toujours renaissante entre la réflexion et le monde qu’elle tente de pren-
dre en charge. L’esprit est certes ce qu’il fait – mais ne le fait-il pas dans
un monde qu’il est lui-même sans pouvoir l’accepter tel ? Le triomphe
idéal de l’intériorisation ne peut se confondre avec le cours de notre
action.
Sartre a donc découvert en Hegel à la fois l’élan créateur qu’il re-
cherchait et qu’il a poursuivi mais aussi un idéalisme de la totalité ab-
solue qu’il ne put accepter dans le temps déchiré des épreuves qu’il a
vécues, que nous avons affrontées comme lui ou après lui. Hegel in-
spirateur à bien des égards de la pensée vivante dans le temps s’en était
fait pourtant aussi l’annulateur, le contempteur idéaliste, accordant alors
ce qui ne peut l’être. C’est ce qui a donné à sa pensée un mouvement
contradictoire à propos d’une Histoire qu’elle inspire pourtant et qu’elle
a contribué à transformer par son influence (sur Marx et beaucoup
d’autres). Mais des ruptures jalonnent notre Histoire, nos pensées, nos
actions, sans les rendre conciliables. La philosophie ne peut être paisible,
se retrouver absolument en accord avec elle-me comme l’a proposé
finalement Heidegger.
Contestant tout dogmatisme, sans rompre avec son histoire militante
qui fut sa vie propre, la philosophie, telle que Sartre l’a exercée, est ainsi
par son élan un inachèvement actif plutôt qu’une pensée « pure » et une
pratique déductive dont l’avenir, nécessaire, n’est jamais assuré.
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