la gestion de la réserve biologique domaniale des falaises d

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LA GESTION
DE LA RÉSERVE BIOLOGIQUE DOMANIALE
DES FALAISES DORIVAL DANS LA FORÊT
DE LA LONDE-ROUVRAY
(SEINE-MARITIME)
T.DUTOIT -DominiqueBONNETAUD
Au sein d’espaces bénéficiant du régime forestier,les réserves biologiques domaniales forestres
ont pour vocation de protéger les habitats naturels et les esces les plus remarquables de ladiver-
sitébiologique régionale et nationale (ONF, 1995). Ces réserves sont dites dirigées lorsque toutes
les interventions sont orientées vers des objectifs de conservation bien déterminés.Actuellement,
un réseau nationalde118 réserves biologiques dirigées existeet couvre une surfacede19089 ha
(Dubourdieu et al.,1995). Ce réseau complète unensemble de mesures en matredegestion édic-
tées par l’Officenationaldes Forêts pour une meilleurepriseencomptedelabiodiversitédans
l’exploitation des forêts domaniales (Dubourdieu,1991 ; Rameau et Olivier,1991 ; ONF, 1993aet b;
Roland,1995).
Contrairement aux réserves intégrales dont l’objectif principalest de laisser sedérouler les proces-
sus d’évolution naturelle (Ballu,1983;Hubert,1991),les réserves biologiques dirigées comprennent
des espaces naturels dont la richessebiologiquepeut êtremenacée par unboisement sponta
(prairies humides,pelouses calcaires,etc.).
Lemaintien d’espaces ouverts en forêts est à relier avecl’absence sur le territoirenationalde
grandes surfaces de forêts anciennes climaciques (Falinski,1991 ; Walter,1991). Dans ces écosys-
tèmes,lafermeturedes espaces ouverts (mares,clairres,landes,etc.) est en effet compensée par
lacréation d’autres trouées dans la strateforestre(chablis,feux courants,pâturage des grands
herbivores,dépérissement naturel,inondations,etc.). Cen’est pas le cas des forêts françaises où
les différentes exploitations humaines présentes et passées ont considérablement transformé et
fragmentéles massifs forestiers.Siquelquefois ces actions ont étébénéfiques,certaines perturba-
tions ne peuvent cependant plus sy exprimer librement et des interventions de gestion conserva-
toire sont cessaires pour restaurer ou maintenir leur biodiversité.
Lemot biodiversitéexprime ladiversitédu vivant à trois niveaux d’organisation tant biologiques
(esces, vartés génétiques)qu’écologiques cosystèmes). La discipline scientifiquequiapour
objectif lapréservation de cettediversitéest appelée biologie de laconservation (Blondel,1996).
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Les systèmes de gestion conservatoiredes espaces naturels sont issus de ces recherches (Dutoit,
1996a). Cependant,l’ingénierie écologiqueenmatrede restauration d’habitat est encoreen
devenir et le gestionnaireforestier manque souvent d’éléments pour intervenir dans des milieux
naturels dont le fonctionnement est très éloigné des écosystèmes de forêt (Bouvarel,1993,1994).
Il savère utile,et celaest imposépar les instructions de l’Officenationaldes Forêts,de constituer
une commission consultative régionale des réserves biologiques réunissant scientifiques,natura-
listes,proprtaires,etc.Cecomitédonne son avis sur lacréation d’une réservebiologiquedoma-
niale et sur lacohérencedu réseau.Quand la réserveest créée,c’est le comité scientifique
consultatif quijoue un rôle de conseil et d’appui techniqueauprès de l’Officenationaldes Forêts.
Dans cet article,nous traiterons de l’exemple de la réservebiologiquedomaniale des Falaises
d’Orival(Seine-Maritime). L’objectif de lagestion conservatoireest de maintenir ladiversitébiolo-
giquedes formations herbacées présentes :les pelouses calcaires.
Après avoir présentéles caractéristiques et les enjeux de protection de ces écosystèmes,le sitede
la réserveet lagestion conservatoire seront esquissés.Les conséquences des interventions pour la
richessebiologiqueglobale de laforêt domaniale de La Londe-Rouvray sont ensuitediscutées.
L’exemple de cette réserveest particulièrement intéressant pour lagestion de milieux identiques
dans la vallée de Seine,qu’ils appartiennent aux collectivités territoriales ou qu’ils soient privés.
Nous esrons quecettecontribution inciterales gestionnaires de réserves biologiques domaniales
àfairedemême pour réaliser dans ces colonnes une large diffusion des résultats acquis.
PRÉSENTATION DES ÉCOSYSTÈMES DE PELOUSE CALCAIRE
Les pelouses calcaires sont des formations végétales semi-naturelles àdominanteherbacée. Elles
sont présentes dans le nord-ouest de l’Europe sur des coteaux calcaires et jurassiques bien exposés
(Wolkinger et Plank,1981). Au niveau stationnel,elles occupent des sites offrant uncertain déficit
hydrique. Leur végétation comprend des esces d’origine continentale et ridionale. Leur richesse
en esces végétales herbacées est très importanteet beaucoupdeplantes y sont légalement pro-
tégées (Cistacées,Orchidées,Liliacées,etc.).
Au niveau de lafaune,ce sont surtout les insectes quiprésentent laplus grande richesseavec,
comme pour laflore,laprésenced’esces plutôt ridionales (Cicadettamontana, Mantis reli-
giosa, etc.). Certains reptiles (Anguis fragilis,Lacerta viridis,Viperaberus)ou certains oiseaux
(Lullulaarborea, Burhinus oedicnemus) y sont également signas lorsqueles surfaces de pelouse
sont suffisamment importantes.
Les formations de pelouses ne sont pas strictement naturelles.Les plus anciennes ont étédirecte-
ment utilisées pour l’élevage pendant des scles tandis quedautres se sont installées sur d’an-
ciennes parcelles cultivées,pour êtreensuitepâturées (Duvigneaudet al.,1982;Dutoit et Alard,
1995).
Aujourd’hui,en l’absenced’exploitation traditionnelle,les pelouses seboisent spontanément avec
des esces arbustives très communes (Églantier,Prunellier,Aubépine,Cornouiller,etc.). À terme,
les fourrés menacent par leur ombrage les esces de milieux ensoleillés caractéristiques des
pelouses calcaires (Smith,1980). Enconséquence,des opérations de débroussaillement,de fau-
chage ou de pâturage doivent êtreentreprises pour assurer larennitédes pelouses calcaires
(Alardet Dutoit,1995).
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Pour plus d’informations sur les pelouses calcaires et leur gestion,le laboratoired’écologie de l’uni-
versitédeRouen a réalisé une bibliographie informatisée regroupant plus de 500 références natio-
nales et internationales (Dutoit et Alard,1996a).
LA RÉSERVE BIOLOGIQUE DOMANIALE DES FALAISES DORIVAL
La réservebiologiquedes Falaises d’Orival se situe sur les coteaux crayeux de la vallée de Seine en
amont de la ville de Rouen (figure1,ci-dessous). Créée par unarrêtédu ministèredelAgricultureet
de laForêt le 12juillet1988,elle est comprisedans laforêt domaniale de La Londe-Rouvray (5 053ha).
Au niveau sylvicole,cemassif est en conversion vers lafutaie régulièredeChêne sessile (45 %)
exploitéà 0,80mdediatre,de Hêtre(28%)exploitéà 0,60 m,de feuillus divers (11 %),de Pin
sylvestre(11 %) exploitéà 0,50-0,60 mdediatreet de résineux divers (5 %).
Figure1 SITUATION DES ROCHES DORIVAL PARMI LES DIFFÉRENTS SITES
DE PELOUSES CALCAIRES EN HAUTE-NORMANDIE
CarteD.ALARD
Fécamp
Les Andelys
Dieppe
Yvetot
LE HAVRE
ROUEN
Le Tréport
Pays de Bray
La Seine
Vernon
Bernay
10 km
Brionne
Louviers
Évreux
Gournay-en-Bray
LES ROCHES D’ORIVAL
Orchidées exceptionnellesOrchidées protégéesAutres orchidées
pour la région au niveau régional
Ophrys incubaceaAceras anthropophorumAnacamptis pyramidalis
Ophrys splendidaCephalanthera rubraCephalantheradamasonium
Coeloglossum viride Cephalantheralongifolia
Epipactis atrorubensDactylorhizafuchsii
GymnadeniaodoratissimaDactylorhizamaculata
HerminiummonorchisEpipactis helleborine
Orchis simiaGymnadeniaconopsea
Ophrys araneolaHimantoglossumhircinum
Ophrys fucifloraListeraovata
Neottianidus-avis
Orchis mascula
Orchis militaris
Orchis morio
Orchis purpurea
Orchis ustulata
Ophrys apifera
Ophrys insectifera
Ophrys sphegodes
Platantherachlorantha
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L’objectif est de revenir à une dominancedu Chêne sessile (esceclimaciqueenHaute-Normandie)
mélangé avecle Hêtre, tout en tenant comptedela vocation particulièredecertaines stations (sols
hydromorphes,coteaux crayeux,etc.).
La réserveoccupe une surfacede9,34haentre 20 et 120 mdaltitude dans unensemble de falaises
et de pelouses se succédant sur plus de 7 km le long de la rive suddelaSeine (photo1,p. 210).
Tout cet ensemble est répertorié en siteinscrit (18 novembre1931) et une partie (Hameau des
Roches)en siteclassé(16avril 1924).
La forêt domaniale et la réserve sont incluses dans le périmètredelaforêt de protection (Boullard,
1971). 9,32 haprotégés au titredu POS (PlandOccupation des Sols)delacommune d’Orival sont
concers par le PER (PlandExposition aux Risques). Ilen résulte,au niveau de l’exploitation fores-
tre, une interdiction de coupe dans lafrange boisée près des fronts de taille.
Outre sa richessebiologique,la réservecontient les ruines du château fort de laRoche Fouet (édifié
en 1195 par Richard-Cœur-de-Lion et truit par Jean-sans-Terreen1204),des ruines d’unfanum
gallo-romain et des restes de fours àbriques utilisés durant le XIXescle. Elle est entrecoupée par
des roules”qutaient des sortes de ravines servant àladescentedes matériaux vers la vallée.
Les pelouses calcaires ont étépâturées depuis le Néolithiquemais elles sont aujourd’hui toutes
abandonnées consécutivement aux changements apparus dans les systèmes d’exploitation agricole
(intensification) au but des années 1960.Actuellement,il ne reste sur la réservequunhectarede
pelouse(photos2et 3,p. 210).
Cettepetite surfacedepelouseet ses marges forestres possèdent une richessebotaniqueexcep-
tionnelle pour laHaute-Normandie. Dans cet article,nous nous intéresserons particulièrement aux
orchidées car elles sont étudiées sur ce sitedepuis 1986 par unmembredelaSoctéfrançaise
d’Orchidophilie (Monsieur Stéphane Chodan). On y dénombrepas moins de 30 esces, soit plus
des trois-quarts des esces présentes dans la région (Démares,1996;Jacquet,1995) :
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Outreles orchidées,la végétation des pelouses est composée d’esces xériques et thermophiles
dont certaines sont en limitenorddeleur airede répartition (Liger,1952;de Foucault et Frileux,
1988). L’entomofaune associée est également très diversifiée aveclaprésenced’orthoptères comme
l’Ephippigère(Ephippiger ephippiger)ou le Grillon d’Italie (Oecanthus pellucens),esces relative-
ment rares en Haute-Normandie (Bouillie,1989).
La réserveest traversée par un sentier de grande randonnée (GR 2)et elle est très fréquentée par
le public(promeneurs,VTT). Iln’est pas prévu d’installer des panneaux éducatifs en l’absencede
mesures sciales de surveillance(garderie “renforcée”). Ces panneaux pourraient en effet attirer
l’attention des promeneurs sur des esces àprotéger et ladiscrétion aétéjugée préférable.
Par rapport àlaphotographie aérienne de 1947,où toutela surfaceest en pelouse,la réserveest
composée aujourd’huidun tiers de pelousecalcicole, un tiers de fourrés thermophiles àAmélanchier
et Chêne pubescent et un tiers de taillis-sous-futaie àHêtreet àTilleul. Cettvolution justifie des
interventions pour maintenir et agrandir la surfaceoccupée par les pelouses calcaires.
LA GESTION DE LA RÉSERVE DE 1988 À1995
La gestion de la réserveaétémiseenplaceen1988,par Monsieur PascalRimasson,chef du
groupe techniquedeRouvray actuellement relayépar Mademoiselle Isabelle Porquet,ingénieur des
Travaux forestiers àlaDivision de Rouen. Cependant,depuis 1986,Monsieur Stéphane Chodanet
les membres de laSoctédÉtudes des Sciences naturelles d’Elbeufavaient déjàeffectuéquelques
opérations de fauchage et de débroussaillement.Depuis 1988,la réserveaétédivisée en deux
parties:lapelousedelaVénerie (0,2ha)et lapelousedelaRoche Fouet (0,8ha). Ces deux
pelouses ont subides traitements différents àcausedelapente. Des interventions sur les parties
boisées ont également eu lieu.
La pelousedelaVénerie, relativement plate,aété régulièrement fauchée depuis 1988. Lefauchage
est réalisédeux fois par anenjuin et septembregrâceàdes broussailleuses àfil de nylon
(photo4,p. 211). Avant d’êtreexportés,les produits de lacoupe sont entassés pendant une
semaine afin de permettrelafuitedes insectes.Sur cettepelouse, seules ont été suivies les popu-
lations d’orchidées (Chodan,données inédites). Sur toutela surfacedes deux pelouses et de leurs
lisres,les pieds d’orchidées sont comptés chaqueannée qu’ils soient fleuris ou non.
Globalement le fauchage àlabroussailleuse semble favorable au maintien et àl’extension des
populations d’orchidées.En10ans d’observation,le nombremoyen d’esces aplus quedoub
passant de 14 à 30 ainsiquelenombremoyen d’individus par esce. Les résultats du fauchage
Figure 2
ÉVOLUTION DU NOMBRE
DE PIEDS DORCHIS MASCULA
ET OPHRYS INSECTIFERA
ENTRE 1986 ET 1995
DANS LA PELOUSE
DE LA VÉNERIE
(Chodan,données inédites)
14
12
10
8
6
4
2
0
1986 1988 1990 1992 1994
Orchis mascula
Ophrys insectifera
Nombre de pieds
1 / 11 100%

la gestion de la réserve biologique domaniale des falaises d

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