Biologie et forêt
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Rev.For.Fr.XLIX - 3-1997
Les systèmes de gestion conservatoiredes espaces naturels sont issus de ces recherches (Dutoit,
1996a). Cependant,l’ingénierie écologiqueenmatièrede restauration d’habitat est encoreen
devenir et le gestionnaireforestier manque souvent d’éléments pour intervenir dans des milieux
naturels dont le fonctionnement est très éloigné des écosystèmes de forêt (Bouvarel,1993,1994).
Il s’avère utile,et celaest imposépar les instructions de l’Officenationaldes Forêts,de constituer
une commission consultative régionale des réserves biologiques réunissant scientifiques,natura-
listes,propriétaires,etc.Cecomitédonne son avis sur lacréation d’une réservebiologiquedoma-
niale et sur lacohérencedu réseau.Quand la réserveest créée,c’est le comité scientifique
consultatif quijoue un rôle de conseil et d’appui techniqueauprès de l’Officenationaldes Forêts.
Dans cet article,nous traiterons de l’exemple de la réservebiologiquedomaniale des Falaises
d’Orival(Seine-Maritime). L’objectif de lagestion conservatoireest de maintenir ladiversitébiolo-
giquedes formations herbacées présentes :les pelouses calcaires.
Après avoir présentéles caractéristiques et les enjeux de protection de ces écosystèmes,le sitede
la réserveet lagestion conservatoire seront esquissés.Les conséquences des interventions pour la
richessebiologiqueglobale de laforêt domaniale de La Londe-Rouvray sont ensuitediscutées.
L’exemple de cette réserveest particulièrement intéressant pour lagestion de milieux identiques
dans la vallée de Seine,qu’ils appartiennent aux collectivités territoriales ou qu’ils soient privés.
Nous espérons quecettecontribution inciterales gestionnaires de réserves biologiques domaniales
àfairedemême pour réaliser dans ces colonnes une large diffusion des résultats acquis.
PRÉSENTATION DES ÉCOSYSTÈMES DE PELOUSE CALCAIRE
Les pelouses calcaires sont des formations végétales semi-naturelles àdominanteherbacée. Elles
sont présentes dans le nord-ouest de l’Europe sur des coteaux calcaires et jurassiques bien exposés
(Wolkinger et Plank,1981). Au niveau stationnel,elles occupent des sites offrant uncertain déficit
hydrique. Leur végétation comprend des espèces d’origine continentale et méridionale. Leur richesse
en espèces végétales herbacées est très importanteet beaucoupdeplantes y sont légalement pro-
tégées (Cistacées,Orchidées,Liliacées,etc.).
Au niveau de lafaune,ce sont surtout les insectes quiprésentent laplus grande richesseavec,
comme pour laflore,laprésenced’espèces plutôt méridionales (Cicadettamontana, Mantis reli-
giosa, etc.). Certains reptiles (Anguis fragilis,Lacerta viridis,Viperaberus)ou certains oiseaux
(Lullulaarborea, Burhinus oedicnemus) y sont également signalés lorsqueles surfaces de pelouse
sont suffisamment importantes.
Les formations de pelouses ne sont pas strictement naturelles.Les plus anciennes ont étédirecte-
ment utilisées pour l’élevage pendant des siècles tandis qued’autres se sont installées sur d’an-
ciennes parcelles cultivées,pour êtreensuitepâturées (Duvigneaudet al.,1982;Dutoit et Alard,
1995).
Aujourd’hui,en l’absenced’exploitation traditionnelle,les pelouses seboisent spontanément avec
des espèces arbustives très communes (Églantier,Prunellier,Aubépine,Cornouiller,etc.). À terme,
les fourrés menacent par leur ombrage les espèces de milieux ensoleillés caractéristiques des
pelouses calcaires (Smith,1980). Enconséquence,des opérations de débroussaillement,de fau-
chage ou de pâturage doivent êtreentreprises pour assurer lapérennitédes pelouses calcaires
(Alardet Dutoit,1995).