On vous parlait dans ces pages, il y a quelques mois, des moustiques génétiquement modifiés OX513A de
l’entreprise britannique Oxitec [18]. Ces moustiques sont conçus pour être relâchés en très grand nombre
dans la nature, s’accoupler avec des moustiques sauvages et produire une descendance qui décède avant de
pouvoir se reproduire. Après de nombreux essais concluants à l’étranger (au Brésil notamment), Oxitec
souhaite mettre en place un essai en Floride, qui pourrait être touchée par l’épidémie du virus Zika cet été . La
FDA réserve sa décision finale sur ce dossier pour l’instant.
- Des moustiques modifiés avec une bactérie par MosquitoMate
Une stratégie similaire est actuellement proposée par l’entreprise américaine MosquitoMate, cette fois-ci avec
des moustiques infectés par une bactérie du genre Wolbachia et non modifiés génétiquement [19]. Ceux-ci
seraient également relâchés en grand nombre et leur descendance avec des moustiques sauvage serait
éliminée à cause de la bactérie. Les Wolbachia sont des bactéries intracellulaires présentes chez 20 à 70%
des insectes et qui interfèrent souvent avec les processus de reproduction : transformation des mâles en
femelles, apparition de reproduction asexuée ou élimination des individus issus de parents possédant des
souches différentes de la bactérie. L’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) est
actuellement en train d’évaluer ce type de moustique modifié comme biopesticide pour contrôler les
populations sauvages de moustiques.
- Des moustiques avec un gène drive comme arme de modification génétique de populations sauvages
Les stratégies ci-dessus reposent sur la libération de dizaines voire de centaines de milliers de moustiques
modifiés afin d’affecter les populations sauvages. Une autre approche est basée sur un système de gene
drive, un outil nouveau qui permet de modifier génétiquement des populations entières en biaisant fortement
les lois d’héritabilité génétique classique (voir la brève sur ce sujet de décembre dernier).
Les systèmes artificiels de gene drive utilisent l’outil d’ingénierie génétique CRISPR/Cas9 pour réaliser un
copier/coller génétique et assurer la transmission d’une modification génétique, par exemple pour résister à un
virus, à près de 100% de la descendance au lieu des 50% attendus normalement. En quelques dizaines de
générations, une population sauvage de moustiques peut donc être transformée génétiquement à l’aide de
moustiques modifiés comportant ce gene drive.
Ce type de technologie est extrêmement puissante et vient de faire l’objet d’un rapport d’expertise de
l’Académie des sciences américaine [20]. Ce rapport souligne le potentiel de cette technologie de rupture
(notamment en environnement et en santé publique) et préconise de continuer les recherches en laboratoire
et les essais contrôlés en champ, la technologie n’étant pas encore mûre pour une utilisation dans
l’environnement. Cette approche est donc à suivre dans le cadre de la lutte contre Zika.
Conclusion :
Au vu des risques posés par le virus Zika et avec le début de la saison des moustiques dans le Sud-Est
américain, l’administration, les organismes publics de recherche et prévention et les entreprises privées se
sont fortement mobilisés. Les retombées de cet engagement ne se sont pas fait attendre, avec la
multiplication des annonces d’avancées majeures.
Outre les stratégies classiques de lutte contre le virus (vaccin et insecticides notamment), de nouvelles
approches utilisant des moustiques modifiés comme armes biologiques se sont fortement développées. Les
questions des risques environnementaux, de l’efficacité de ces méthodes à moyen terme, et de leur régulation
par les agences compétentes restent néanmoins posées.
Rédactrices :
- Flora Plessier, Attachée adjointe pour la Science et la Technologie, Atlanta, deputy-univ@ambascience-
usa.org
- Gabrielle Mérite, Attachée adjointe pour la Science et la Technologie, Los Angeles, deputy-
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