61e session nationale (2008-2009) Rapport présenté par le

publicité
T
T
i
t
l
ee
:
(
PP
D
D
FF
M
M
A
A
K
K
E
E
R
R
.
E
E
PP
SS
)
PP
r
ee
vv
i
ee
w
w
:
T
T
hh
i
s
E
E
PP
SS
pp
i
cc
t
uu
r
ee
w
w
aa
s
nn
oo
t
s
aa
vv
ee
dd
w
w
i
t
hh
61e session nationale (2008-2009)
Rapport présenté par le Comité 1
L’UNION EUROPEENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
LES UTILISATIONS MILITAIRES DE L’ESPACE
- COMITÉ 1 -
Edwin AWANG
Directeur adjoint « America, Britain,
Canada and Australia » - Thales Land and
Joint systems - (Royaume-Uni)
Emmanuel BEEKER
Directeur Général Maghreb Afrique Ouest
granulats bétons, Lafarge
Richard DELEPIERRE (P)
Chargé de mission « Grand
Secrétariat Général, SNCF
Paris »,
Sylvie GIR
Secrétaire générale d’un groupe politique à
l’Assemblée nationale
Michel GRINTCHENKO
Colonel de l’armée de terre
Eric LEDOS
Directeur régional adjoint de la jeunesse et
des sports d’Ile-de-France, ministère de la
santé, de la jeunesse, des sports et de la vie
associative
Monique LEGRAND-LARROCHE
Ingénieur général de l’armement
Directeur de l’Unité de Management
« Hélicoptères » - DGA
Légende : P-Président, S-Secrétaire et R-Rapporteur
Gilles MIRIEU de LABARRE
Sous-directeur
à
l’agence
pour
l’informatique financière de l’Etat (AIFE),
ministère du budget, des comptes publics et
de la fonction publique
Deborah PASMANTIER
Journaliste, Agence France-Presse
Alain PIDOUX (R)
Colonel de la gendarmerie nationale
Eric PLANTAZ
Responsable développement - c/o OnAir
Programme Connectivité, Airbus
Jean-Philippe ROLLAND (S)
Capitaine de vaisseau
Jean RONDEL
Colonel de l’armée de l’air
Grégoire de SAINT-QUENTIN
Colonel de l’armée de terre
Jean-Marin SCHUH
Conseiller des affaires étrangères, ministère
des affaires étrangères et européennes
André VANTOMME
Sénateur de l’Oise
L’UNION EUROPEENNE ET LA LUTTE
CONTRE LE TERRORISME
SUJET D’ETUDE
Depuis les attentats du 11 septembre, la lutte contre le terrorisme est une question prioritaire
pour l'ensemble de la société internationale. Elle intéresse particulièrement les puissances
occidentales, et certains Etats membres de l'Union européenne ont été non seulement exposés
à la menace mais frappés par des attentats bien avant le 11 septembre. Les politiques des
Etats membres sont relativement diversifiées dans ce domaine, en fonction notamment de
l'intensité de la menace terroriste, ou du moins de sa perception. La politique de l'Union
européenne, en revanche, a pour objet de développer un standard commun de protection, qui
bénéficie à l'ensemble des Etats membres.
D'une manière générale, l'UE, comme les Etats membres, sont appelés à intervenir sur trois
plans complémentaires :
- Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté en matière de lutte contre le terrorisme de grandes
résolutions, et notamment les résolutions 1373 (28 septembre 2001) et 1540 (28 avril 2004)
qui définissent un programme global de lutte contre le terrorisme, de sa prévention à sa
répression. Dans ce cadre, l'UE coordonne les réponses et les actions des Etats membres, en
s'efforçant de contribuer à leur harmonisation. Elle peut également apporter son concours à
des Etats non membres.
- Les Etats membres sont appelés à coopérer entre eux par échange de données et
d'informations, d'autant plus nécessaires que l'ouverture de l'espace intérieur de l'UE à la
libre circulation des personnes et des marchandises la rend particulièrement vulnérable aux
activités et réseaux terroristes. Ils sont également contraints de renforcer les mesures de
sécurité, alors que l'UE est dans le monde l'espace ou droits de l'homme et libertés publiques
sont les mieux protégés. Il leur faut donc articuler ces mesures avec les engagements
internationaux en la matière qui les lient, et notamment la convention européenne des droits
de l'homme, patrimoine commun de l'UE.
- La lutte contre le terrorisme passe notamment par des actions militaires coercitives,
généralement conduites sous l'impulsion et la direction des Etats-Unis. L'UE et ses Etats
membres sont appelés parfois à y contribuer, alors que l'Union ne dispose ni de compétences
propres, ni de capacités militaires affectées. Elle estime à ce propos qu'un e réponse
militaire ne peut être efficace qu'en complément d'une réponse civile. A ce titre, elle
s'attache à définir une stratégie civile, d'ordre administratif, financier, policier, judiciaire
(mandat d'arrêt européen)…
Le Comité étudiera les mécanismes d'analyse de la menace et d'alerte. Il évaluera l'efficacité
et la cohérence des réponses de l'UE et de ses membres, ainsi que leur articulation avec les
efforts des autres organisations internationales en la matière. Il tiendra également compte des
atteintes pouvant en résulter pour les droits de l'homme.
-1-
SOMMAIRE
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 5
1 – LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME : UNE DIMENSION DE PLUS EN PLUS
EUROPEENNE ....................................................................................................................................... 7
1.1. La nature du terrorisme a-t-elle évolué? ...................................................................................................... 7
1.2. Les terroristes ont-ils changé ? ..................................................................................................................... 8
1.3. L’Union européenne menacée ? ................................................................................................................. 10
1.3.1. Les citoyens de l’UE ne se sentent pas visés en tant que tels ................................................................... 10
1.3.2. L’UE néanmoins dotée d’une définition commune du terrorisme ............................................................ 10
1.3.3. Des actions terroristes au caractère transnational accentué depuis le 11 septembre ............................. 11
1.3.4. Un terrorisme tourné un jour contre l'Europe ? ....................................................................................... 11
1.4. Une défense en plusieurs strates ................................................................................................................ 12
1.4.1. De 1970 à 2000 : les premiers dispositifs européens ................................................................................ 12
1.4.2. L’accélération après le 11 septembre 2001 : la phase normative............................................................. 13
1.4.3. Des organismes pour soutenir et renforcer l’action des Etats .................................................................. 13
1.4.4. Une stratégie globale ................................................................................................................................ 14
1.4.5. La réponse des autres organisations internationales au terrorisme : de la résolution à l’action ............ 15
3- VERS UNE COORDINATION ET UNE COOPERATION RENFORCEES DANS LE
RESPECT DES LIBERTES ................................................................................................................. 27
3.1. Le volontarisme européen en question ...................................................................................................... 27
3.1.1. La volonté d’afficher une détermination forte.......................................................................................... 27
3.1.2. De véritables avancées essentiellement sous l’empire de la nécessité .................................................... 28
3.2. Des pistes axées sur la prévention et la coopération .................................................................................. 28
3.2.1. Un effort nécessaire sur un partage efficace de l’information au sein de l’UE et hors de l’UE ................ 28
3.2.2. Pour une meilleure coopération dans le domaine pénal .......................................................................... 29
3.2.3. Pour une lutte partagée contre la radicalisation et le recrutement ......................................................... 30
3.2.4. Renforcer la lutte contre le financement du terrorisme ........................................................................... 31
3.2.5. Renforcer la coopération hors de l’UE ...................................................................................................... 32
3.3. Le nécessaire et difficile équilibre entre sécurité et libertés ...................................................................... 34
3.3.1. Le rôle de l’UE en matière de libertés et ses garanties ............................................................................. 35
3.3.2. Deux exemples sensibles : les fichiers et la vidéosurveillance .................................................................. 36
3.3.3. Controverse sur l’exception et la spécialisation judiciaire ........................................................................ 37
3.3.4. Les médias : indispensables et fragiles ...................................................................................................... 39
CONCLUSION ....................................................................................................................................... 42
ANNEXE 1 - SIGLES ET ABREVIATIONS ...................................................................................... 43
ANNEXE 2 – BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 45
COMITE 1
L’UNION EUROPEENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
ANNEXE 3 – DEFINITIONS .............................................................................................................. 48
ANNEXE 4 - CARTOGRAPHIE DE LA PROBLEMATIQUE DU TERRORISME AU SEIN DE
L'UE ........................................................................................................................................................ 52
COMITE 1
L’UNION EUROPEENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
-3-
SYNTHESE
L’Union européenne et la lutte contre le terrorisme
Cette problématique a-t-elle un sens ?
Le phénomène du terrorisme est antérieur à la création de l’Union européenne et de nombreux
pays membres ont été frappés et sont menacés. La nature du terrorisme a peu changé depuis la
naissance de l’Union (violence à l’aveugle dans une lutte asymétrique du faible au fort). Les
moyens d’actions restent en général peu sophistiqués et relativement peu meurtriers (hormis
les attentats sur le sol américain le 11 septembre 2001 et dans une moindre mesure à Madrid
en 2004 et à Londres en 2005). Mais la transnationalisation des attaques s’est accentuée et les
terroristes se sont internationalisés. Les activistes d’extrême gauche ou droite, séparatistes
régionaux ont laissé le devant de la scène aux « djihadistes internationalistes ». Ces derniers
visent in fine à ébranler une civilisation, non à négocier. Leur cible reste les Etats. Ils ne
visent pas l’UE en tant que telle.
La libre circulation des personnes et des biens entre les Etats membres a induit des fragilités
exploitables par les terroristes. Pour autant, l’Union européenne peut être un frein au
terrorisme si elle développe une approche concertée susceptible d’améliorer l’efficacité des
dispositifs nationaux.
Quelle force ?
L’UE a opté pour une approche globale en adoptant, en 2005, un plan de lutte contre le
terrorisme qui couvre les domaines de la prévention, de la protection, de la poursuite et de la
réaction. Elle s’est dotée progressivement d’outils spécifiques : Europol en charge de la
coopération entre les forces de sécurité intérieure, Eurojust pour la coopération judiciaire, le
Sitcen pour la coopération dans la veille et l’analyse, Frontex qui coordonne la coopération
aux frontières extérieures. De nouveaux moyens sont venus compléter l’arsenal répressif
comme préventif : le mandat d’arrêt européen, les bases européennes de données, les équipes
communes d’enquête sans oublier la création d’un poste de Coordinateur de la lutte contre le
terrorisme. Enfin, l’UE soutient les pays du Sahel, du Maghreb, le Pakistan et l’Afghanistan,
identifiés comme les bases arrière de la menace extérieure, pour qu’ils renforcent leur
capacité de lutte contre le terrorisme.
Quelle limite ?
La mise en commun du renseignement au sein de l’UE progresse difficilement. Par nature, les
services de renseignement coopèrent prioritairement dans un cadre bilatéral, après
l’établissement d’une relation de confiance. Cette relation ne se décrète pas pour l’ensemble
des 27 pays. Par manque de volonté politique, l’efficacité d’Europol et Eurojust est
insuffisante – ces deux agences coopèrent mal, même entre elles. Les Etats membres ne se
sentent pas tous menacés avec la même intensité. Ils ne ressentent donc pas la même nécessité
de lutter contre ce phénomène.
COMITE 1
L’UNION EUROPEENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
-4-
Enfin, les désaccords au sein de l’UE et la faiblesse diplomatique induite l’ont empêchée
d’exprimer sa différence face à la « guerre contre le terrorisme » menée par les Etats-Unis.
Des actions américaines ont été conduites, notamment sur le territoire européen, en
contradiction avec les valeurs fondamentales et universelles de l’UE qui n’a pas su faire
entendre sa voix. Ce silence peut servir de prétexte aux terroristes pour rallier les
composantes les plus vulnérables des pays fragiles.
Quel avenir ?
Dans l’hypothèse de sa ratification, le traité de Lisbonne permettrait l’adoption de mesures à
la majorité qualifiée et non à l’unanimité et donnerait la possibilité de constituer des
coopérations structurées permanentes entre certains Etats membres. Ce dispositif devrait
donner aux pays les plus exposés la possibilité de contourner les lourdeurs d’une union à 27 et
de rapprocher leurs positions. Les Etats de l’UE pourront s’y agréger le moment venu. Quoi
qu’il en soit, les progrès peuvent se réaliser par la mise en commun des bonnes pratiques et
des méthodes qui ont fait leur preuve, en particulier dans la lutte contre la radicalisation et le
recrutement.
Il est raisonnable que l’UE se concentre sur ce travail de coordination et d’harmonisation sans
perdre d’énergie sur un rôle opérationnel direct qui restera encore longtemps une
responsabilité régalienne des Etats.
Quel équilibre entre libertés et sécurité ?
Le débat est intense entre les partisans d’un renforcement de la sécurité au prix d’une
diminution éventuelle des libertés et ceux qui donnent la primauté à la défense des droits
fondamentaux.
L’Europe communautaire doit rester fidèle à ses valeurs, socle que les terroristes cherchent à
déstabiliser, et montrer que ces valeurs sont bien universelles.
Tout en aidant à assurer la sécurité des citoyens européens, l’UE peut et doit jouer un rôle
fondamental dans la garantie des libertés publiques et individuelles.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
-5-
Avertissement liminaire
Pour réaliser cette étude, le comité 1 a auditionné un certain nombre de responsables français
et européens. Pour étayer le rapport, il a décidé de citer ces personnalités, tout en préservant
en général leur anonymat, afin de respecter la « Chatham House Rule », règle de mise à
l’IHEDN.
INTRODUCTION
’Europe est confrontée, comme le reste du monde, à de nouvelles formes d’action
criminelle de grande ampleur, en dépit d’une connaissance ancienne du terrorisme.
Construite autour d’un projet commun, le rejet de la guerre et de valeurs communes,
l’Union européenne (UE) doit relever un nouveau défi pour faire face à cette menace et
renforcer les solidarités.
L
Quels sont donc les mécanismes d’analyse de la menace mis en place ? Les réponses
communautaires sont-elles efficaces et leur cohérence avec les dispositions prises par chaque
Etat membre est-elle effective ? Mais encore, comment s’articule l’action de l’UE au regard
des mesures prises par les autres organisations internationales ? Enfin, quelles sont les
conséquences des mesures prises en matière de prévention des actes terroristes dans le
domaine des libertés publiques ?
Depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme est devenu un des principaux défis de sécurité
pesant sur les pays de l’UE. Néanmoins, les Etats membres ne sont pas égaux devant la
menace et se sont adaptés selon des modalités différentes en fonction de leur exposition au
risque terroriste et de leurs dispositifs judiciaires et policiers nationaux, le plus souvent sous
la pression des événements.
Au niveau de l’UE, ce risque n’a pas été appréhendé dans sa globalité. Même si certaines
mesures ont été prises au travers de coopérations policière et judiciaire de l’Union, la lutte
antiterroriste en Europe reste une prérogative de souveraineté, prolongée éventuellement par
des coopérations bilatérales. Cette menace transnationale profite des vulnérabilités nées des
avancées les plus emblématiques de l’Union dans le domaine des libertés, notamment la libre
circulation des biens et des personnes.
Pourtant, l’UE a les moyens de jouer un rôle accru dans la lutte antiterroriste. La ratification
du traité de Lisbonne y contribuera. Limitant encore ses ambitions dans le domaine de la
conduite opérationnelle majeure qui reste l’apanage des Etats, elle peut porter son effort sur la
prévention en valorisant ses points forts dans le domaine normatif et organisationnel ainsi que
par un meilleur partage des bonnes pratiques.
Acteur aux objectifs politiques ambitieux, confrontée à des menaces pesant en particulier sur
les valeurs constitutives de son union, l’Europe a une responsabilité singulière dans cette
lutte. Au travers de pratiques qui ont fait son succès, coopération extérieure
multidimensionnelle et coopérations renforcées d’Etats leaders à l’intérieur, elle est la plus à
même de trouver le bon équilibre entre sécurité et libertés.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
-6Afin d’aborder la majorité des domaines relatifs à la lutte contre le terrorisme au niveau
européen, trois étapes sont proposées dans le rapport.
Dans la dynamique de libération des échanges, de suppression des contrôles dans les
« frontières Schengen » et des attentats majeurs perpétrés à Madrid et à Londres, la lutte
contre le terrorisme a pris une dimension de plus en plus européenne (1). Toutefois, la montée
en puissance des dispositifs européens ne se réalise pas sans difficultés et les obstacles à une
pleine efficacité sont nombreux (2). La coopération renforcée passe avant tout par une prise
de conscience politique doublée d’une volonté résolue de progresser dans un environnement
élargi et le respect des principes de l’Etat de droit (3).
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
-7-
1 – LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME : UNE DIMENSION DE
PLUS EN PLUS EUROPEENNE
L
es Etats membres de l’Union européenne sont depuis longtemps confrontés au
terrorisme. Toutefois, l’évolution de la capacité de destruction et l’intensité de la
menace depuis le début du siècle ont conduit les Etats membres à développer des
coopérations, bilatérales, voire élargies.
1.1. La nature du terrorisme a-t-elle évolué?
Le terrorisme en Europe a acquis, avec la Révolution française, la publicité sans laquelle son
efficacité reste réduite. La Convention fait de la terreur un mode de gouvernement et un
instrument de survie politique. Le terrorisme a donc chronologiquement été d'abord un
terrorisme d'Etat.
La première voiture piégée est française, avec la machine infernale de la rue Saint Nicaise, en
1800, qui aurait tué une vingtaine de personnes et fait plus de 100 blessés.
Le dix-neuvième siècle voit l'éclosion des nationalités et l'émergence d'idéologies nouvelles.
Leur combinaison donne lieu en Europe à de nombreux mouvements dont l'action a recours à
des attentats terroristes (charbonnerie en France et mouvement italien des carbonari dès le
début du siècle, nihilistes russes à partir de 1880, anarchistes, fedayi arméniens, comitadji des
Balkans à compter des années 1890, républicains irlandais, etc.).
Le terrorisme s'étend à l'ensemble des continents et prend, au XXe siècle, avec la
décolonisation, de nouvelles dimensions qui touchent les pays européens dans leurs colonies :
guerre révolutionnaire, luttes de libération nationale. Le conflit israélo-palestinien gagne
l'Europe par la voie d'actions terroristes dans les années 1970. L'ultra gauche européenne
(bande à Baader, Fraction armée rouge puis Action directe) conduit des attentats entre 1968 et
1987 puis est démantelée. Les nationalistes basques et corses recourent également à ce mode
d'action depuis la fin des années 1960, perdant de leur popularité initiale au fur et à mesure de
la radicalisation de leurs agissements. L'Armée républicaine d'Irlande (IRA) a perpétré des
actions violentes variables en nature et en intensité depuis la fin de la première guerre
mondiale jusqu’à 2005 où elle a ordonné à ses membres de déposer les armes en 2005.
Enfin, le djihadisme violent s'exprime à partir de 1986 pour ne pas s'interrompre depuis lors,
frappant différents pays européens ou des ressortissants du vieux continent partout dans le
monde, au gré des prises de positions de ces pays sur la scène internationale.
En tant que mode d'action, le terrorisme ressort, aujourd'hui comme hier, d'une forme de
guerre asymétrique, du faible au fort, qui mêle actions de guérilla contre les représentants de
l'Etat honni (attaques des maillons faibles suivies de replis; actions armées spectaculaires
propres à susciter l'émotion et l'intérêt) et actions de terreur proprement dites visant les
populations civiles désarmées (prises d'otages, attentats à la bombe).
Il y a bien permanence des procédés plutôt qu'innovations en 2009 par rapport au début du
siècle : les instruments sont les mêmes, peu sophistiqués et peu meurtriers ; l'organisation est
rudimentaire. Les auteurs sont incapables d'exploiter une action réussie pour en démultiplier
les effets. Les bombardements aériens de Gaza ou des villages afghans font beaucoup plus de
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
-8victimes parmi les populations civiles que les tirs erratiques de roquettes des islamistes du
Hamas ou les attentats suicide dans les villes afghanes.
L'attentat du 11 septembre 2001demeure une « brillante exception » en termes d'organisation
et de réalisation, proche de l'effet d'une arme de destruction massive. Il est demeuré sans
suite. Comme les commentateurs l'ont évoqué à l'époque, il s'agissait bien d'un « Pearl
Harbour » : un succès tactique sans avenir.
Il a semblé pourtant emblématique de nouveaux modes d'action, susceptibles d’être perpétrés
soit avec des armes nucléaires - mais qui sont très difficiles à produire (on voit les difficultés
d'Etats industriels comme l'Iran ou la Corée du Nord pour y parvenir...) -, soit avec des
matières radioactives ou des produits chimiques et biologiques détournés. Il n'en a rien été,
jusqu'à ce jour, mais la menace est suffisamment présente dans les esprits pour mobiliser les
services de renseignement et de police.
Ce risque nouveau incite les Etats à davantage de coopération : surveillance des trafics de
matières, des laboratoires sensibles, des stocks d'armes chimiques...
1.2. Les terroristes ont-ils changé ?
Certaines luttes à visées séparatistes, héritées du passé, perdurent : c'est le cas de l'ETA contre
l'Etat espagnol, à un moindre degré de l'IRA qui a renoncé à la lutte armée et, de manière plus
ponctuelle, avec des ramifications mafieuses, des nationalistes corses. Ces terroristes n'ont pas
changé, ou si peu, tant dans leurs revendications identitaires que dans leur organisation,
efficace mais limitée. Les temps leur sont moins favorables qu'avant la chute du Mur de Berlin
en 1989: ils ne bénéficient plus des soutiens discrets du bloc de l'Est et sont politiquement
marginalisés par des Etats fidèles à leurs engagements démocratiques et au respect du droit.
Les groupes terroristes d'extrême-gauche ou d'extrême-droite ont pratiquement disparu en
2009. L'Allemagne et l'Italie ont éliminé, il y a une vingtaine d’années, la Fraction armée rouge
et les Brigades rouges, sans résurgence marquée. En France, Action directe s'est révélée sans
héritiers après l'arrestation de ses principaux meneurs. Mais le souvenir de ces groupes est resté
vif, au point que le mouvement alter-mondialiste a pu faire croire un moment, surtout après le
sommet du G8 de Gênes en 2001, qu'une nouvelle flambée de terrorisme était à craindre du
côté de l'extrême-gauche. Il n'en a rien été ; ce risque reste du domaine du possible, non du
probable.
Les groupes nationalistes moyen-orientaux, proches de l'extrême-gauche européenne (type
Front populaire de libération de la Palestine FPLP), actifs dans les années 70 et 80, ont
également cessé d'exister dans leur forme violente. Majoritairement originaires d’un Liban en
pleine guerre civile, ces "terroristes" ont été instrumentalisés par des Etats contre certains pays
européens, en particulier la France (attentats de 1986 à Paris). Ainsi la Libye a-t-elle exprimé
son opposition à la présence française en Afrique. L'Iran a affiché sa colère contre les ventes
d'armes françaises à l'Irak. La Syrie a puni Paris en réaction à sa politique libanaise. La fin de la
Guerre froide, et la première guerre du Golfe de 1991 ont rebattu les cartes dans cette partie du
monde : la Libye est rentrée dans le rang; la Syrie a pu renforcer sa main-mise sur le Liban;
l'Iran a profité de l'affaiblissement durable de l'Irak.
Les groupes terroristes islamistes "internationalistes" ont pris la relève. Ces terroristes-là ne
cherchent pas à négocier mais à ébranler les démocraties et à instaurer la oumma (communauté
des croyants musulmans). Les Frères musulmans,1 organisation panislamiste fondée en 1928 en
1
Les Frères musulmans : littéralement, association des Frères musulmans
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
-9Égypte, ont pour finalité d'instaurer un Etat islamique fondé sur la charia (loi coranique). Son
opposition fondamentale et parfois violente aux États laïques arabes a mené à son interdiction
ou à la limitation de ses activités dans certains pays comme la Syrie ou l'Égypte. Ces groupes,
actifs au Proche-Orient depuis les années 20, restaient confinés à leur région d'origine avec
quelques (rares) passages à l'action violente. Ils constituent aujourd’hui le risque majeur auquel
sont confrontés les Etats de l'UE, à des degrés divers, depuis le milieu des années 90. Les
causes sont multiples : la « guerre sainte » contre les Russes en Afghanistan a conduit à former
les premiers moudjahidines, la situation politique et la présence militaire américaine massive
dans la péninsule arabique ont fourni le ferment. La première puis la seconde guerre d'Irak ont
servi de catalyseurs.
La confusion en Algérie depuis l'interdiction du Front islamiste du salut (FIS) aux élections de
1992 a des conséquences majeures pour la France, accusée par les djihadistes de soutenir le
régime algérien "apostat et illégitime". Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), née de
l’alliance entre les rameaux islamistes au Sud du Sahara (Groupe salafiste pour la prédication et
le combat, GSPC) et les djihadistes "internationalistes", constitue le danger principal auquel la
France doit faire face. De plus, influencés par les discours et modes opératoires de ces groupes,
des jeunes Européens se radicalisent et peuvent décider de commettre des attentats, soit d’une
manière isolée, soit en se ralliant à ces réseaux. « Il y aussi une inquiétude sur les terroristes
‘maison’ ayant grandi en Europe mais qui rejettent notre système de valeurs et qui ont pour
trait commun d’être influencés par l’idéologie d’Al-Qaïda » souligne un responsable européen
des services de sécurité. C’est un danger qu’il faut prendre en compte, confirme le
Coordinateur pour l’UE de la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove : « il existe sans
doute des cellules de support à Al-Qaïda dans l’UE ; la question est de savoir comment elles
vont se développer. »
L'insurrection afghane est une deuxième source de risque d’attentat, potentiel jusqu'à présent.
Les groupes insurgés les plus liés à Al-Qaïda invoquent régulièrement l'extension de leur
combat au territoire des "Croisés" (le commandant taliban Mansour Dadullah notamment, au
moins jusqu'à son arrestation par les Pakistanais). Les Britanniques et les Espagnols ont subi
pour leur part des actions terroristes de rétorsion pour leur engagement aux côtés de l'armée
américaine en Irak. S'y ajoute aujourd'hui la menace liée à leur engagement en Afghanistan, au
même titre que la quasi-totalité des Etats de l'UE.
Cette réalité conduit à une coopération renforcée. L’engagement de la quasi totalité des Etats de
l'UE en Afghanistan en font une cible pour les djihadistes internationalistes.
Pour autant, la notion de "terrorisme international" reste très controversée. Rejetée par l'ONU
après le 11 septembre, cette expression est couramment utilisée, tant il est vrai, ainsi que le dit
Jacques Derrida2 à ce sujet, que "plus un concept est confus, plus il est docile à son
appropriation opportuniste".
D'autres formes de terrorisme sont apparues ces dernières années, au caractère fortement
déterritorialisé, et déterminé par des revendications de natures extrêmement variées:
motivations sectaires, liées à l'apocalypse, dénonciatrices de la civilisation, de la société de
consommation, du traitement infligé aux animaux, etc. Ces actions qui, épisodiquement,
apparaissent dans l'actualité des pays occidentaux, pourraient à l'avenir s'amplifier avec la perte
de repères et la propagation des idées via l'Internet. Les réseaux et les applications logicielles
constituent aussi des cibles en même temps que des moyens d’attaque d’un nouveau genre, aux
conséquences potentiellement très dangereuses (neutralisation à grande échelle de systèmes
d’exploitation tels que Windows, entraînant de graves perturbations dans le fonctionnement de
2
Interview au Monde, février 2004
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 10 l’économie ou des services sanitaires et sociaux). Le « cyber terrorisme » par l’ampleur de
dégâts qu’il pourrait provoquer, nous fera-t-il un jour dire avec Jacques Derrida, « 11
septembre, c’était le (bon) vieux temps de la dernière guerre » ?
1.3. L’Union européenne menacée ?
1.3.1. Les citoyens de l’UE ne se sentent pas visés en tant que tels
Les attentats d’Al Qaïda de Madrid, le 11 mars 2004, puis de Londres, le 7 juillet 2005, ne
visaient pas l’Europe mais étaient déterminés par la condamnation d'une politique, en
l'occurrence la participation de l'Espagne et de la Grande-Bretagne à l'intervention en Irak.
Quelle que soit l’émotion suscitée, l’UE, qui ne constitue pas encore une entité politique
achevée dans laquelle se reconnaîtraient pleinement ses citoyens, peine à parler d'une seule
voix sur la scène internationale. Elle n'a développé que très récemment une Politique de
sécurité et de défense (PESD) déclinée en opérations civiles et militaires à l'extérieur de ses
frontières (opérations militaires en Afrique, opérations civiles en Géorgie, Irak, Palestine,
Afghanistan, Bosnie, Kosovo).
L'absence de véritable conscience collective européenne empêche ainsi la perception
commune de menaces : les bénéfices de la construction européenne n'apparaissent pas
aujourd'hui comme susceptibles d'être mis à mal par des actions violentes. Quel type d'attentat
produirait le sentiment partagé par les populations d'avoir été visées en tant qu'Européens ?
Une action contre le Parlement européen serait-elle ainsi interprétée ? La question reste posée
tant les citoyens européens jugent éloigné de leur vie quotidienne le fonctionnement des
institutions de Bruxelles et Strasbourg.
Les Européens ne ressentent pas le besoin de se doter d'instruments de défense communs pour
protéger l'Union contre la menace terroriste. « La perception de la menace dans la population
n’est pas la même que celle des autorités », déclare un responsable européen des services de
sécurité.
En outre, la paix, qui résulte de la construction européenne, et les libertés, confortées par
l'Union, sont à ce point considérées comme acquises qu'elles ne suscitent pas le besoin
d’adopter des mesures de vigilance. L'histoire enseigne que rien n'est immuable. L'exemple
récent des dispositions d'exception prises par les Etats-Unis a montré que les libertés
publiques et individuelles pouvaient rapidement être battues en brèche, y compris dans une
des démocraties les plus achevées.
1.3.2. L’UE néanmoins dotée d’une définition commune du terrorisme
La longue et douloureuse expérience des Etats européens en matière de terrorisme n'a pas
simplifié pour autant l'adoption d'une définition commune.
Le code pénal français (Loi n°96-647 du 22 juillet 1996) considère, dans son article 421.1,
que « constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont + intentionnellement + en relation
avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre
public par l'intimidation ou la terreur les actions suivantes :... ». Elle dresse une liste de
crimes et délits à large spectre (atteintes à la vie, vols, dégradations...) et englobe la
participation à un groupement formé en vue de commettre de tels actes.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 11 Le Conseil européen dresse, dans sa décision cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le
terrorisme, la liste de neuf infractions terroristes et de cinq infractions associées. Il y incite les
Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour que ces quatorze infractions « soient
passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, susceptibles
d’entraîner l’extradition ». Après le 11 septembre est dressée la liste de treize actions qui
« visent à menacer et à porter gravement atteinte ou à détruire les structures politiques,
économiques ou sociales d’un pays ». Le Conseil incite et aide ainsi les Etats membres à
rapprocher leur définition des infractions terroristes et infractions associées, progrès
indispensable pour améliorer la coopération judiciaire entre eux.
C'est cependant un texte antérieur aux attaques de 2001 qui fournit une définition relativement
satisfaisante, qualifiant de terroriste « tout acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil
ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de
conflit armé, lorsque par sa nature ou par son contexte, cet acte vise à intimider une
population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir
ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque. » (Convention européenne du 10 Janvier
2000 pour la répression du financement du terrorisme).
Sans que cet exercice soit nécessairement plus aisé, une manière pour l'Union de contourner
la difficulté à s'accorder sur des qualifications communes consiste à définir la liste des
organisations terroristes. Régulièrement mise à jour, cette liste comporte, dans la décision du
Conseil du 15 juillet 2008, 30 entités impliquées dans des actes terroristes.
1.3.3. Des actions terroristes au caractère transnational accentué depuis le 11
septembre
Si le terrorisme est un mode d'action qui s'est exprimé depuis plusieurs siècles sur tous les
continents, force est de constater que, depuis le début du XXIe siècle, le phénomène s’est
mondialisé. L’attaque des symboles de la puissance occidentale - le World Trade Center, le
Pentagone - et sa revendication par un mouvement structuré en réseau dont la tête se trouvait
en Asie ont, au-delà du degré de violence atteint et du nombre de victimes, contribué à
propager un sentiment généralisé de terreur. Les premières réactions après l'explosion du site
industriel d'AZF à Toulouse, dix jours plus tard, l’ont illustré.
« L’hyper terrorisme » a servi le 11 septembre de qualification pour un chapitre nouveau qui
impose désormais aux Etats de ne plus exclure aucune hypothèse dans l’appréciation des
menaces.
Si la menace en cette circonstance a changé de dimension, c'est aussi parce que la réaction des
pays occidentaux y a contribué. Une telle agression ne pouvait à l'évidence que susciter des
réactions de soutien de la part d'Etats alliés des Etats-Unis. Les Européens ont ainsi invoqué
l'article 5 du traité de l'Atlantique nord, même si les Etats-Unis ont préféré à une action
défensive conduite sous l'égide de l'OTAN une opération en coalition dirigée par leurs soins.
1.3.4. Un terrorisme tourné un jour contre l'Europe ?
Les attaques de Madrid et de Londres visaient des Etats pour leurs politiques, non l’Europe.
Mais si l’Union n’a pas encore été prise pour cible par des terroristes, il serait imprudent
d’écarter trop vite l’hypothèse d’une série d’attentats contre des Etats membres perpétrés par
des acteurs désireux de s’en prendre aux valeurs partagées par les Européens.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 12 A cet égard, l’affaire du voile islamique ou, plus encore, celle des caricatures de Mahomet
auraient pu réunir les conditions d’une action terroriste contre des Etats partageant une même
posture de défense des libertés.
Barack Obama a cité explicitement, lors du dernier sommet de l’OTAN, l’existence d’une
telle menace pour l’UE : « en fait, il est plus vraisemblable, probable, qu’Al-Qaïda soit
davantage capable de procéder à des attentats graves en Europe qu’aux Etats-Unis, compte
tenu de la proximité » a-t-il déclaré en avril 2009.
Pour l’heure, la question du terrorisme reste une préoccupation et une prérogative des Etats.
Toutefois, une approche concertée entre Européens de cette question a déjà commencé, dans
le but de réduire la menace bien réelle. Elle vise à améliorer l'efficacité des dispositifs
nationaux de lutte antiterroriste. In fine, l’objectif est d’assurer la sécurité des citoyens
européens sans sacrifier leur liberté, cible véritable des terroristes et valeur fondamentale de
l'Union.
1.4. Une défense en plusieurs strates
La construction d'une Europe de la sécurité intérieure ne s'est progressivement imposée que
dans la foulée du marché intérieur. Celui-ci prévoyait l'abolition de tous les contrôles aux
frontières intérieures, y compris pour les personnes. Elle s'est accélérée, par à-coups, sous la
pression des circonstances : vagues de terrorisme dans les années 1970, accroissement de
l'immigration légale et illégale, choc du 11 septembre 2001, attentats de Madrid en 2004 et de
Londres en 2005…
1.4.1. De 1970 à 2000 : les premiers dispositifs européens
La mise sur pied, dès 1975, d'une coopération policière dans le cadre du groupe TREVI3
(terrorisme, radicalisme, extrémisme, violence internationale) témoigne de la nécessité de
répondre ensemble à la flambée de terrorisme qui touche l'Europe à cette époque [Brigades
Rouges, Euskadi ta Askatasuna (ETA), Irish Republican Army (IRA), Front de libération
nationale de la Corse (FLNC), Organisation de libération de la Palestine (OLP)…].
Informel, avec une structure calquée sur celle du Conseil, le groupe de TREVI voit ses
réunions ministérielles préparées par des hauts fonctionnaires, ce qui contribue à un
rapprochement de cultures de travail souvent contradictoires.
En 1985, l'accord de Schengen, qui vise à faciliter le franchissement des frontières pour les
personnes et les biens des pays signataires, impose, en contrepartie, un renforcement de la
coopération policière. Ainsi sont instaurés des officiers de liaison et des commissariats
communs. Parallèlement, le Système d'information Schengen (SIS) est créé afin de collecter
les données des autorités policières et judiciaires sur les personnes recherchées et les objets
volés.
Le traité de Maastricht, signé en 1992 et institutionnalisant toutes les coopérations entre les
Etats membres (douze à l’époque), consacre la spécificité administrative de la sécurité
intérieure. De nouvelles normes juridiques et un processus de décision qui lui est propre
confirment la spécificité d'un troisième pilier (justice et affaires intérieures), complément
3
Créé en 1976, le groupe TREVI rassemble les ministres de l’intérieur des Etats membres de l’UE. Les EtatsUnis, le Canada, l’Islande, la Suisse et le Maroc sont invités à titre d’observateurs aux travaux.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 13 nécessaire du premier, le droit
intergouvernementale.
communautaire,
et
du second, la
coopération
Les progrès demeurent cependant limités car les matières liées à la justice et aux affaires
intérieures sont, par nature, politiquement sensibles. Elles touchent à la fois aux libertés
publiques et à la souveraineté nationale.
En 1999, le traité d'Amsterdam va toutefois permettre certaines avancées : faire de la sécurité
intérieure un objectif en soi, éviter les chevauchements de compétences entre piliers, alléger
les structures de travail du Conseil, généraliser le droit d'initiative de la Commission, instaurer
des normes juridiques claires et préciser le mode de décision du Conseil (l'unanimité
demeurant la règle de principe).
1.4.2. L’accélération après le 11 septembre 2001 : la phase normative
L’UE réagit rapidement à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Ainsi, dix jours plus
tard, un Conseil européen extraordinaire se réunit pour adopter un plan d’action de lutte
contre le terrorisme finalisé au printemps 2001. A l’été 2002, une définition commune du
terrorisme est adoptée, comblant ainsi un vide juridique important.
Dans le même temps, la création du mandat d’arrêt européen, signe de confiance entre les
Etats membres, renforce de manière très concrète les moyens de lutte contre le terrorisme. Ce
progrès considérable n’aurait pu se concrétiser si rapidement sans la coopération francoespagnole dans la lutte contre le terrorisme de l’ETA qui a servi de modèle.
Enfin, le programme de La Haye, adopté lors du Conseil européen de novembre 2004, fixe
pour cinq ans les dix priorités de l'Union pour renforcer l'espace de liberté, de sécurité et de
justice, l’une étant consacrée à la lutte contre le terrorisme, avec un accent important mis sur
la prévention et l'échange d’informations. Le Programme de Stockholm, qui doit lui succéder
en 2009, devrait marquer une nouvelle étape dans la construction d’un dispositif à la fois
souple et performant.
1.4.3. Des organismes pour soutenir et renforcer l’action des Etats
Les institutions communautaires autres que le Conseil ne jouant qu'un rôle très limité dans la
lutte contre le terrorisme, l’UE se dote progressivement d’outils spécifiques d’aide aux Etats
membres. « Le rôle de l’UE consiste à apporter un soutien aux Etats membres, c’est-à-dire en
apportant des normes (comme le mandat d’arrêt européen), des standards, des systèmes de
coopération intégrée (Europol, Eurojust, Frontex) », rappelle M . de Kerchove.
Ainsi, Europol (European Police Office), office de police criminelle intergouvernemental qui
facilite l'échange de renseignements entre les forces de sécurité intérieure, exerce l'ensemble
de ses missions depuis le 1er juillet 1999.
Eurojust, l'unité de coopération judiciaire de l'UE chargée de renforcer la coopération
judiciaire entre les États membres, est instituée par une décision du Conseil du 28 février
2002.
Dans un souci de cohérence globale, le Conseil européen crée, en 2004, le poste de
Coordinateur de la lutte contre le terrorisme. Toutefois, sa mission se révèle bien difficile. Il
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 14 doit en effet trouver un équilibre entre, d’une part, les compétences des gouvernements
nationaux et, d’autre part, celles de la Commission européenne dont il n’est pas membre.
Le Conseil renforce également, en février 2005, le SitCen (European Union's Joint Situation
Centre) en créant une cellule dédiée à l’analyse de la menace terroriste.
Enfin, Frontex, l’agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières
extérieures de l'UE, opérationnelle depuis le 3 octobre 2005, a pour mission d'aider les États
membres à mettre en œuvre les règles communautaires et de coordonner leurs opérations de
contrôle et d’assistance.
Face à un phénomène d’ampleur mondiale, les échanges et la concertation sont un impératif
pour lutter efficacement contre le terrorisme. Traditionnellement, la coopération dans le
domaine du renseignement est d’abord une relation bilatérale de service à service. C’est dans
ce cadre que transitent les informations les plus nombreuses et les plus opérationnelles. A côté
des structures mises en place par l’UE, mais hors de son contrôle, plusieurs enceintes
multilatérales existent, notamment au niveau européen, dans le domaine de la lutte
antiterroriste.
C’est en particulier le cas du Club de Berne, structure informelle d’échange d’informations
créée en 1968, au temps de la Guerre froide. Cet espace de dialogue regroupe les chefs des
services de sécurité intérieure de 20 pays membres de l’UE, auxquels se joignent la Suisse et
la Norvège. Cette instance traite des sujets tels que le contre-espionnage, la criminalité
organisée et le terrorisme. Après les attentats du 11 septembre 2001 et sur recommandation de
l’UE, le Club de Berne crée un groupe antiterroriste (GAT) qui réunit les responsables de la
lutte dans ce domaine.
Autre enceinte multilatérale, le Groupe d'action financière (Gafi), créé en 1989, a pour
objectif de concevoir et de promouvoir des politiques de lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme aussi bien à l'échelon national qu'international.
1.4.4. Une stratégie globale
Pour être pleinement efficace, la réponse de l’UE à la menace terroriste ne saurait se
restreindre à une approche exclusivement sécuritaire.
L’Europe s’est d’abord préoccupée de répondre aux conséquences du terrorisme. Elle cherche
maintenant à investir d’autres champs et notamment à s’attaquer aux causes, par la prévention
de l’islamisme radical et l’accroissement de l’aide économique et sociale, sans sous-estimer
l’importance de la résilience. Ainsi une information transparente, réactive et ciblée permet
aux autorités d’éviter toute réaction de panique ou de terreur, objectif premier des extrémistes.
A défaut d’être pleinement reconnue sur le plan politique, l’Europe joue surtout un rôle
majeur au niveau international en matière d’aide économique. Cette action peut toutefois être
sensiblement améliorée en orientant de façon plus pertinente les aides notamment au profit
des pays déstabilisés par des groupes extrémistes qui se nourrissent de la misère sociale des
populations. Néanmoins, comme l'a rappelé récemment Kemal Dervis, administrateur du
programme des Nations Unies pour le développement, le niveau de l’action préventive
demeure limité : « le monde dépense grosso modo, chaque année, 90 milliards d’euros pour
l’aide au développement et 900 milliards pour ses armements ».
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 15 1.4.5. La réponse des autres organisations internationales au terrorisme : de la
résolution à l’action
L’action de l’UE s’inscrit dans le concert des autres organisations internationales qui ont été
amenées à prendre des dispositions pour lutter contre le terrorisme.
 L’ONU et ses résolutions
En réaction aux attentats du 11 septembre, les Nations Unies ont voté les résolutions 1368 et
1373. La première, adoptée par le Conseil de sécurité le 12 décembre 2001, engage à
« combattre par tous les moyens les menaces à la paix et à la sécurité internationales causées
par les actes terroristes ». Elle précise que les actes terroristes internationaux sont des
« menaces à la paix » et elle vise particulièrement les instigateurs, les auteurs et les complices
de ces actes. Enfin, elle réaffirme le « droit à la légitime défense individuelle et collective »
énoncé à l’article 51 de la charte des Nations Unies.
En outre, la résolution 1373 a créé un Comité de lutte contre le terrorisme. Toutefois, les
négociations au sein de l’organisation restent délicates. Les membres restent souvent divisés
sur les fondements des textes juridiques se rapportant au droit international, à la souveraineté
des Etats, à la non ingérence, à l’autodétermination et à la notion de résistance à l’occupation.
Plus récemment, en septembre 2005, le Conseil de sécurité a complété son arsenal en
adoptant, à l'unanimité, la résolution 1624 qui porte sur la question de l'incitation à commettre
un acte terroriste.
 Le terrorisme, une préoccupation ancienne pour le G8
Le sujet du terrorisme a été abordé au sein du G7/8 dès l’origine en 1978. Toutefois, c’est à
partir de 1986, au sommet de Tokyo, qu’apparaît pour la première fois un changement de
stratégie dans ce domaine. En effet, une véritable volonté de développer une stratégie
proactive plutôt que réactive semble émerger à cette époque. En 1996, le G8 (la Russie
participant désormais aux discussions politiques) revient sur la question terroriste à Lyon, en
partie en raison de l’attentat contre les soldats américains à Dhahran en Arabie Saoudite,
quelques semaines à peine avant le sommet.
Mais ce sont les évènements du 11 septembre qui ramènent de nouveau la question du
terrorisme au centre de l’agenda du G8 qui se positionne alors clairement derrière l’ONU dans
la mise en œuvre de ses résolutions.
 La « guerre contre le terrorisme » et l’engagement de l’OTAN
Même si l’UE n’a pas participé en tant qu’institution à l’Opération Enduring Freedom dirigée
par les Etats-Unis, sa présence au sein de l’ISAF (Force d’assistance à la sécurité en
Afghanistan) l’a, malgré elle, entraînée dans des opérations de guerre impliquant les forces
armées de ses Etats membres.
L'instrument militaire intervient dans trois cadres de la lutte contre le terrorisme :
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 16 - l’antiterrorisme qui consiste à prendre des mesures défensives pour réduire la
vulnérabilité lors d'attaques contre la population, le territoire, l'infrastructure et les
systèmes d'information et de communication ;
- le contre-terrorisme qui couvre les mesures offensives pour détecter, prévenir et
interdire des activités terroristes ;
- la gestion des conséquences qui s’applique aux mesures visant à limiter les
répercussions d'attentats terroristes et apporter le soutien nécessaire aux autorités
civiles.
C’est principalement sous l’égide de l’OTAN et pas au-delà que s’est concrétisé cet
engagement militaire des pays membres dans les Balkans et en Afghanistan notamment.
Barack Obama reproche d’ailleurs aux Européens de s’abriter derrière l’OTAN sans consacrer
suffisamment de ressources pour leur défense. « Nous ne souhaitons pas être les mécènes de
l’Europe. Nous souhaiterions que l’Europe se dote de capacités de défense beaucoup plus
robustes » a-t-il déclaré au sommet de l’OTAN.
Cependant, au-delà de cet empilement de mesures, souvent prises dans l’urgence et sous la
contrainte d’évènements douloureux, une question demeure : le dispositif mis en place par
l’UE est-il véritablement efficace pour faire face à la menace terroriste telle que nous la
connaissons aujourd’hui ?
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 17 -
2 - L’EFFICACITE EN QUESTION
E
n dépit de la prégnance de la menace dans un espace partagé, force est de constater que
la lutte contre le terrorisme au sein de l’Union européenne est le fruit d’une lente
maturation, toujours inachevée. Elle présente aussi des lacunes qui sont autant de
fragilités.
2.1. La montée en puissance des dispositifs de lutte antiterroriste
La lutte contre le terrorisme a généré une véritable dynamique au sein de l’Union qui s’est
d’abord traduite par la réalisation d’un plan d’action précédant l’intégration de cette
problématique dans le traité de Lisbonne. Cependant, les obstacles à une politique pleinement
intégrée sont nombreux. Chaque pays présente des caractéristiques propres qui sont autant
d’atouts ou de faiblesses.
2.1.1. Un plan d’action européen équilibré
A défaut d’une véritable politique européenne de lutte contre le terrorisme, l’Union s’est
dotée d’un plan d’action en 2005. Faisant suite aux attentats à Madrid et à Londres, la
stratégie de l’Union européenne s’inscrit dans une « approche intégrée ». Cette stratégie de
lutte contre le terrorisme repose sur quatre piliers : « Prévention, Protection, Poursuite et
Réaction ». « Après les attentats de 2005, la stratégie de l’UE a rééquilibré son approche qui
était surtout répressive. Elle a mis l’accent sur la prévention et la réponse à la crise », précise
M.de Kerchove.
Dès lors, la « prévention » a pour finalité de s’attaquer aux facteurs et aux causes profondes
pouvant conduire à la radicalisation de groupuscules et au recrutement de terroristes. Outre
l’aide au développement, le plan combine la lutte contre la propagande et les sources de
financement susceptibles de mener des résidents européens à basculer dans le terrorisme.
Même si ces domaines relèvent des Etats membres, l’Union a pour ambition de coordonner
les politiques nationales, recenser et diffuser les bonnes pratiques et échanger les
informations.
La « protection » vise à réduire la vulnérabilité des infrastructures sensibles. L’objectif
principal consiste à renforcer la sécurité aux frontières en s’appuyant notamment sur Frontex.
Les systèmes d’information Schengen et la généralisation des visas biométriques concourent à
la réalisation de cet objectif. Toutefois, le déploiement des moyens permettant de satisfaire les
différentes étapes du contrôle est très inégal selon les pays et, comme l’a montré l’attentat de
Londres, les terroristes ne sont pas toujours des étrangers.
Le volet « poursuite » a pour objectif d’identifier les terroristes et les conduire devant la
justice. La finalité est de désorganiser les réseaux en neutralisant les modes de financement et
en limitant leurs capacités de communication. Europol, Eurojust et le SitCen sont au cœur du
dispositif de coopération policière et judiciaire notamment par le biais d’échanges de
renseignements. C’est dans ce domaine que les actions de l’UE sont les plus visibles, en dépit
des lacunes existantes.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 18 Enfin, la « réaction » regroupe la gestion de crise après les attentats. Il s’agit de faire face aux
conséquences d’une agression et de déclencher les mécanismes communautaires de solidarité
et d’aide aux victimes, grâce notamment aux dispositifs de la sécurité civile et des armées
dont l’inventaire est constitué.
Avec ce plan d’action, la posture de l’UE face au terrorisme se veut appropriée et adaptée.
Cependant, ce recueil de bonnes intentions ne présente pas un caractère contraignant : il laisse
à chaque Etat membre une large marge d’appréciation des situations, ce qui peut faire perdre à
ce plan une partie de sa consistance.
2.1.2. Vers un partage des bases de données
L’accord relatif au « libre franchissement des frontières intérieures par tous les ressortissants
des Etats membres et la libre circulation des personnes, des capitaux, des marchandises et
des services », conclu en 1985 entre la France, l’Allemagne et les trois pays du Benelux, s’est
traduit sur le plan sécuritaire par la signature de la Convention d’application de l’accord de
Schengen (CAAS) cinq années plus tard.
Aux 5 pays initialement engagés dans cette volonté d’une coopération rapprochée, sont venus
s’agréger 20 autres nations rassemblant près de 400 millions d’Européens. 22 Etats membres
de l’Union européenne sont dans l’espace Schengen.
Au-delà de la lutte contre l’immigration clandestine, la CAAS a pour objectif de sécuriser un
espace ouvert et de faire obstacle à la criminalité organisée et au terrorisme. Cette première
étape se concrétise par des modalités particulières de coopération policière : droit
d’observation, droit de poursuite et assistance mutuelle.
Concrètement, afin de pallier le déficit sécuritaire engendré par la suppression des contrôles
aux frontières intérieures, une base européenne de données relatives aux personnes, aux
véhicules ainsi qu’aux objets recherchés a été créée. Le Système d’information Schengen
(SIS) est actuellement en pleine évolution pour être plus performant et mieux adapté aux
besoins opérationnels, notamment grâce au stockage de données biométriques.
Parallèlement à cette action centralisée, des structures délocalisées ont été implantées en zone
frontalière : les centres de coopération policière et douanière. Ces centres regroupent les
différentes forces de police des pays riverains avec un accès direct à leurs bases de données
nationales respectives. L’extrême réactivité avec laquelle ils sont en mesure de répondre aux
requêtes des enquêteurs constitue leur principal avantage. Ce dispositif de terrain n’a pas
vocation à suivre les affaires de terrorisme mais peut servir de plateforme avancée comme
cela fut le cas lors du Championnat d’Europe des Nations de football en Suisse et Autriche en
2008.
Le Système d’information européen sur les visas (VIS) se concrétise et le Conseil a accepté
en 2008 que le Etats membres tout comme Europol puissent consulter ce fichier, aux fins de
prévention et de détection des infractions notamment terroristes. Il s’agit surtout d’informer
les forces de police de la demande de visa de toute personne susceptible d’être liée à une
mouvance extrémiste. Avec ces systèmes, « l’UE peut compenser le fait que ses frontières
sont ouvertes », dit un responsable de l’UE.
Les limites du dispositif en vigueur ont conduit l’Allemagne à proposer de renforcer les
échanges de données en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la
migration illégale. Le traité de Prüm (appelé aussi Schengen Plus) a été signé en 2005 par 7
parties : Allemagne, France, Espagne, Autriche et Benelux. Depuis, 10 autres Etats (Bulgarie,
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 19 Grèce, Italie, Finlande, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Hongrie) ont
annoncé leur adhésion avec des niveaux d’implication divers en ce qui concerne la
transposition. Ce traité multilatéral, qui pourrait devenir européen avec l’adoption du traité de
Lisbonne, comporte plusieurs dispositions innovantes. Parmi elles, figurent la consultation
automatisée des données contenues dans les principaux fichiers nationaux (ADN, données
dactyloscopiques, fichiers d’immatriculation, …), mais aussi la possibilité d’octroyer des
pouvoirs coercitifs aux forces de sécurité étrangères (capacité d’intervenir sous le signe de
l’urgence au-delà des frontières). Cette initiative est une avancée majeure vers la mise en
œuvre du principe de disponibilité souhaité par les chefs d’Etats européens en 2004, qui vise à
systématiser l’échange d’informations entre forces de police de l’Union.
Plus récemment, l’autorisation a été donnée de collecter les données des dossiers passagers
(PNR : Passenger Name Record) mais uniquement pour les vols à destination ou en
provenance d’un pays tiers. Enfin, en octobre 2008, la proposition de création d’un Système
européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS) a été validée et un projet pilote est
expérimenté (format commun d’échanges de données) dans 14 pays.
Les besoins sécuritaires ont ainsi conduit à la mise en œuvre de dispositifs s’appuyant
essentiellement sur des moyens technologiques interopérables. Mais les délais de déploiement
sont particulièrement longs et les volumes financiers nécessaires sont autant de freins à un
développement rapide. Enfin, l’investissement technologique n’est pas une fin en soi, la
solution miracle, pour dissuader ou neutraliser les terroristes. C’est essentiellement sur le
capital humain que reposent les clés du succès de toute politique. De nombreux domaines
restent à explorer et, en premier lieu, le développement des compétences linguistiques et des
échanges non seulement entre les pays de l’Union mais aussi avec les nations principalement
confrontées à la menace terroriste.
2.1.3. Les perspectives offertes par le traité de Lisbonne
Rompant avec le traité de Maastricht et son appréhension de la problématique sécuritaire au
sein du troisième pilier (justice, affaires intérieures), et prolongeant le traité d’Amsterdam qui
a initié des coopérations et imposé des structures supra étatiques, le traité de Lisbonne reflète
notamment la volonté des Etats de se doter des moyens nécessaires pour développer la
dimension européenne des efforts de lutte contre le terrorisme.
Ce traité, ratifié par tous les Etats membres sauf la république Tchèque et l’Irlande qui l’a
rejeté, répond au besoin d’adaptation du mode de fonctionnement de l’Union européenne à
27. Les dispositions contenues doivent se traduire par un renforcement des capacités d’action,
notamment dans la lutte contre le terrorisme.
La nomination d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
en est l’expression la plus visible. Dans un espace ouvert, l’UE doit se doter des moyens de
lutte appropriés pour agir tant dans le domaine préventif que répressif. A cet égard, la « clause
de solidarité », rappelée dans le traité, souligne la prise en compte par les Etats membres de
leur destin commun.
Une grande avancée prévue par le traité porte sur l’amélioration du processus décisionnel,
avec l’instauration de la décision à la majorité qualifiée (méthode dite communautaire) qui
doit permettre de réaliser des progrès en vue de la création d’un réel espace judiciaire
commun, dans un cadre protecteur des libertés individuelles.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 20 Le traité prévoit aussi un renforcement du contrôle démocratique avec une implication accrue
du Parlement européen, expression de la volonté des citoyens. Cela devrait permettre la
concrétisation de vrais débats dans l’espace le plus démocratique des institutions européennes.
L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne constituerait une nouvelle étape franchie par les
Etats souverains qui consentent à progresser vers la construction d’un espace partagé dans
lequel certaines compétences ont vocation à devenir communautaires. Sans devenir une
priorité de l’UE, la lutte contre le terrorisme, qui relève avant tout de la souveraineté
nationale, est un domaine dans lequel les lignes ont sensiblement bougé, sous la contrainte de
la menace et des vulnérabilités vécues à Madrid et à Londres.
Avant même la ratification du traité mise à mal par le refus irlandais, des progrès sont
enregistrés au niveau de la coopération opérationnelle. Le mandat d’arrêt européen qui
paraissait autrefois hors de portée est aujourd’hui une réalité judiciaire. La création d’un
procureur européen, pour connaître des crimes transnationaux, est également envisagée. Le
traité peut permettre de bâtir un corpus juridique commun.
En cohérence avec les valeurs fondatrices de l’Union génétiquement construite contre la
guerre, le traité de Lisbonne ancre le projet communautaire dans le concept européen de
« softpower ». Elle prévoit d’une part une politique d’ouverture et d’adhésion notamment
dans les Balkans, d’autre part une aide au développement, particulièrement dans le cadre de la
politique de voisinage, pour éradiquer la pauvreté qui peut servir de prétexte aux groupes
terroristes pour justifier leur action auprès de populations vulnérables.
Les avancées évoquées supra sont cependant sous-tendues par la ratification du traité par tous
les Etats membres. Le « non » irlandais souligne la fragilité du processus communautaire.
2.2. Les lacunes de l’Europe
En dépit de la prise de conscience de la menace et des avancées réelles constatées, des lacunes
sont clairement identifiées dans le domaine de la lutte contre le terrorisme au niveau
européen.
2.2.1. Des limites, notamment dans les échanges de renseignement
Le renseignement est une arme essentielle. L’exploitation des milliers de données disponibles,
parfois en source ouverte, est aussi importante que l’acquisition des informations. Une
utilisation rationnelle et concertée des informations pourrait apparaître comme un objectif à la
portée des Etats membres. « L’esprit européen a beaucoup avancé. En matière de
renseignement, la coopération a atteint des sommets inégalés, en matière opérationnelle,
jamais on n’avait autant coopéré » note un spécialiste français des questions européennes.
Mais cette évolution ne résiste pas à l’application des principes de souveraineté et d’efficacité.
De plus, la culture des services de renseignement ne facilite pas les échanges dans un
environnement élargi.
Le partage de l’information est une pratique contre nature. « Chaque Etat conserve le
renseignement avec jalousie. On ne donne pas des renseignements, on les échange, cela veut
dire qu’il faut être deux, être d’accord pour échanger les renseignements », explique un
député français. Tous les services de renseignement développent une conception quasi
patrimoniale de leurs sources et de leur fonds documentaire qui accentue les effets de
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 21 cloisonnement. Au sein de chaque Etat membre, le renseignement, notamment à finalité
antiterroriste, est un enjeu de pouvoir.
En Allemagne par exemple, 39 acteurs représentant chacun soit un « Land » soit un
organisme policier, doivent se réunir pour évoquer la menace terroriste. En France, pays
particulièrement centralisé, les acteurs impliqués dans cette recherche sont nombreux même si
la nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) représente la principale
entité. Très concrètement, la coopération entre les services nationaux constitue une obligation
qui ne va pas toujours de soi. Il est donc aisé de concevoir les difficultés d’échanger sur les
domaines aussi sensibles que le terrorisme dans un cercle élargi, entre 27 pays. L’absence de
confiance entre les autorités de police des Etats membres se traduit par des réticences à
œuvrer pour une pleine coopération et pour un partage de toutes les informations.
L’Union apparaît d’ailleurs, à bien des égards, comme un obstacle à contourner. L’exemple le
plus emblématique semble être le Club de Berne. Structure informelle d’échanges
d’informations notamment en matière de terrorisme, ce « conseil » des chefs de services de
sécurité intérieure de plusieurs pays européens (27 Etats membres auxquels se joignent les
Suisses et les Norvégiens) semble être l’entité la plus efficace et reconnue. Il n’est pas
accessoire que, sur recommandation de l’UE, le club de Berne a créé le GAT qui réunit les
responsables des unités de lutte antiterroriste.
Au-delà des limites mises en exergue en matière de renseignement, les délais pris par les Etats
membres pour la transposition des directives ou la ratification des conventions démontrent
souvent le peu d’empressement de certaines nations à améliorer la prévention du terrorisme.
2.2.2. Des structures européennes perfectibles
Le fonctionnement des deux plus anciennes agences européennes, l’une policière (Europol) et
l’autre judiciaire (Eurojust), n’est pas optimal. Europol semble cantonnée dans un rôle de
recueil et d’analyse de renseignements en concurrence par moment avec le SitCen alors
qu’Eurojust assure la coopération entre autorités judiciaires en étant dépourvue de cadre
contraignant. L’entraide judiciaire se heurte souvent à des délais excessivement longs. La
volonté des Etats membres demeure incontournable dans toutes les procédures de coopération
opérationnelle.
Dans un rapport d’octobre 2008, Europol met en évidence trois types d'obstacles à la
transmission systématique d'informations sur les enquêtes :
- le refus des autorités judiciaires de certains États membres de transmettre des informations
sur des enquêtes en cours ;
- l'existence, dans certains États membres, de services répressifs chargés à la fois de missions
de police et de renseignement ;
- l'exigence selon laquelle l'information doit intéresser ou être susceptible d'intéresser deux
États membres ou plus.
Europol connaît de nombreuses limites. Seulement 10 % des informations échangées au sein
de l’agence traitent de la lutte antiterroriste. Ce faible volume révèle que d’autres circuits,
moins complexes, plus sûrs, sont privilégiés. Les autorités de police sont en effet réticentes à
communiquer des informations à l’agence car elles n’en voient pas clairement la finalité. Elles
privilégient les modes de coopération plus souples sur un mode bilatéral face à des
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 22 interlocuteurs identifiés avec lesquels elles entretiennent des relations de longue date. Dans ce
cadre, la confiance permet une pleine collaboration car les règles sont connues et partagées
(non révélation de la source, rapidité de la transmission et de l’exploitation, niveau
d’expertise partagé, …).
Une autre limite est identifiée dans les techniques d’investigation sur le financement des
réseaux. D’apparence plus simple, cette méthode montre aussi sa limite car, pour le terroriste,
l’argent n’est pas une fin en soi comme pour le grand banditisme ; il est juste un moyen
d’aboutir à un objectif de destruction. De plus, certains attentats sont perpétrés avec des
investissements particulièrement modestes. Les résultats obtenus dans cette lutte sont faibles.
Cet échec relatif s’explique aussi par l’absence de culture « financière » des enquêteurs plus
prompts à conduire des investigations plus classiques (renseignement, écoutes, filatures).
L’observation des mouvements d’argent, des flux financiers, demande des connaissances
nécessitant un lourd investissement, peu reconnu et peu valorisé. Hormis au Royaume-Uni,
les passerelles et les échanges entre la communauté du renseignement et les banquiers sont
difficiles à construire.
Quant à Eurojust, son rôle semble se limiter à une simple coordination pour des affaires de
moyenne importance. Initialement dédiée à traiter toutes les affaires majeures susceptibles
d’avoir une dimension transnationale, cette agence est saisie principalement pour des affaires
de trafic de stupéfiants, de fraude, de lutte contre l’immigration illégale, de pédopornographie mais très rarement pour faits de terrorisme. De plus, la majorité des affaires
n’implique que deux Etats membres (autour de 70% des saisines) alors que la véritable valeur
ajoutée d’Eurojust se situe dans la coordination des enquêtes impliquant plusieurs pays. Enfin,
avant de s’attaquer aux lacunes liées aux échanges entre nations, il importe de progresser vers
une meilleure coopération entre Eurojust et Europol. Les enjeux de pouvoir entre ces deux
agences, sans évoquer la montée en puissance de Frontex, nuisent à l’efficacité du système.
Au total, la montée en puissance des agences européennes est laborieuse. La finalité première,
la lutte contre la menace terroriste, est traitée de façon accessoire car les forces de police des
Etats membres privilégient des approches plus directes et fiables. La plus-value européenne
n’apparaît donc pas, du moins dans cette phase initiale qui s’éternise quelque peu.
2.2.3. La « petite voix » de l’Europe
Au lendemain du 11 septembre, solidaires des Américains, les Européens, pourtant forts de
leur expérience des crises asymétriques consécutives à la fin de la période coloniale et éclairés
par les traumatismes subis lors des multiples actions terroristes, n’ont pas su suffisamment
faire entendre leur voix et taire leurs différences d’appréciation. En effet, passé le temps de
l’expression indispensable de la solidarité des pays occidentaux face à la barbarie de l’attaque
terroriste hors norme à laquelle les Américains ont été confrontés, l’Europe n’a pas su réagir
face à un certain emballement dans la mise en place d’une réponse sécuritaire.
L’utilisation de la notion de « guerre contre le terrorisme » a légitimé pour les Américains le
recours à la force armée. Invoquer une situation de guerre entraîne un basculement dans un
cadre juridique spécifique toujours difficile à maîtriser.
La militarisation de la lutte antiterroriste doublée du recours à des procédés d’exception a été
exploitée par les extrémistes pour se conforter auprès des populations vulnérables.
La faiblesse diplomatique de l’Europe n’a pas permis de faire valoir une autre approche plus
en cohérence avec une action à long terme. L’UE est même restée divisée et donc muette
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 23 lorsque les Américains ont procédé, dans certains pays de l’Union, à des interrogatoires en
ayant recours à des actes de torture.
Les valeurs fondamentales de l’Union européenne ont été transgressées. Quel crédit apporter
ultérieurement au discours sur les valeurs occidentales, les droits de l’Homme, la primauté du
droit, quand l’antiterrorisme justifie le recours à des pratiques totalement opposées aux
libertés individuelles ?
En outre, la réponse au terrorisme ne saurait se restreindre à la simple exécution d’actions
militaires, de mesures policières et de procédures judiciaires. Force est cependant de constater
que l’action préventive de l’Union apparaît par bien des aspects comme illisible et à
l’efficacité relative.
2.3. Deux exemples concrets : la France et le Royaume-Uni
Les Etats membres sont confrontés de façon très diverse au terrorisme et l’intensité de la
menace se traduit par des approches très contrastées. Ainsi, certains pays n’ont pas jugé utile
de définir le terrorisme, donc de légiférer à son propos. La situation des pays tels que la
France, l’Italie, l’Allemagne, la Grande-Bretagne diffère profondément des pays scandinaves
où ceux de la « nouvelle Europe ». Les Etats ont donc légiféré pour faire face aux
phénomènes auxquels ils étaient confrontés en tenant compte du fonctionnement traditionnel
de leur appareil judiciaire.
Dans ce cadre, une analyse des approches française et britannique permet de mettre en
exergue les différences entre les dispositifs d’Etats membres. Au-delà, elle laisse entrevoir des
possibilités d’évolutions concertées vers un système européen plus performant et respectueux
des équilibres.
Les menaces et les moyens des Etats membres (cartes à l’appui) sont présentés de
manière synthétique en annexes 4 et 5.
2.3.1. En France, l’option ancienne de la spécialisation
L’essence même de toute stratégie antiterroriste exige que cette lutte ne puisse pas être
utilisée par des groupes terroristes eux-mêmes pour se légitimer auprès de leur base. Pour les
institutions démocratiques, c’est essentiellement dans les dérives de l’antiterrorisme que
réside le principal danger.
Selon cette logique, la France, s’appuyant sur une expérience remontant à la fin de la
décolonisation, a légiféré en 1986 après avoir été frappée par une vague d’attentats liés à sa
politique au Moyen-Orient. Le législateur a ainsi défini dans quelles conditions une infraction
pouvait se voir qualifiée de terroriste. En évitant de déterminer une incrimination de
terrorisme, il n’a pas donné la possibilité aux auteurs d’attentats de se prévaloir de la qualité
de prisonniers politiques.
Ainsi, l’adaptation des règles de procédure s’est notamment traduite par la spécialisation des
magistrats et la composition de cours d’assises spécialisées. L’objectif premier est d’anticiper
l’action des auteurs d’attentats. La création d’une législation, distincte du droit commun mais
clairement ancrée dans le souci de la légalité et le respect des principes fondamentaux de
l’ordre républicain, est la réponse de la France. Cette approche est résumée par
l’incrimination « d’association de malfaiteurs en liaison avec une entreprise terroriste ».
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 24 Cette classification claire et contraignante du droit pénal s’écarte totalement du concept de
« guerre contre le terrorisme ». Néanmoins ce traitement spécifique des actes de terroristes et
tout particulièrement cette incrimination est jugé attentatoire aux libertés par des
organisations comme la Ligue de droits de l’Homme (LDH).
Dans la logique de la prévention des actes, le magistrat et les forces de sécurité peuvent agir
en amont des attentats tout en assumant le risque de ne pas avoir rassemblé suffisamment de
preuves pour confondre les auteurs présumés. En 2006, afin de renforcer le dispositif français,
le législateur a rehaussé le niveau des peines encourues et renforcé les mesures préventives
(extension de la vidéosurveillance, accroissement des interceptions électroniques et des
données que les opérateurs devront conserver,…). Le dispositif français s’appuie aussi sur la
proximité des magistrats et des enquêteurs.
Réorganisés en 2008 [création de la DCRI intégrant majoritairement les effectifs de la
Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et de la Direction à la surveillance
du territoire (DST)], les services français de renseignement sont en première ligne afin de
déceler les menaces. Le dispositif est ancré autour de la plateforme que constitue l’Unité de
coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) créée en 1984. En charge de l’analyse et de la
synthèse des informations relatives au terrorisme, l’UCLAT veille notamment au partage des
informations opérationnelles pertinentes par l’ensemble des autorités et des services
concernés par la lutte antiterroriste, y compris les magistrats antiterroristes et les
correspondants internationaux.
Ainsi, en France, les forces de police et de gendarmerie ont donné une grande place au
renseignement humain qui constitue la première arme. C’est le travail minutieux d’enquête, la
pénétration des milieux radicaux, la surveillance des individus potentiellement dangereux, la
détection des projets et la capacité d’action de force qui permettent de déjouer les attentats
(coupe du monde de football en 1998, détournement de l’Airbus à Marseille, marché de Noël
à Strasbourg en 2000, ambassades des Etats-Unis en 2001 et de Russie en 2003, …), relève un
responsable de la lutte antiterroriste français. En outre, la capacité des services français à agir
efficacement contre les tentatives djihadistes tient en partie à l’expérience et la concentration
des efforts sur le monde arabo-musulman.
L’ensemble des principes fondamentaux de lutte contre le terrorisme sont rappelés dans le
Livre blanc du gouvernement sur la sécurité intérieure face au terrorisme paru en 2006.
Au-delà de ces axes prioritaires, l’accent est mis sur la nécessité de développer les actions de
coopération avec les partenaires étrangers et en premier lieu européens.
Le système français se caractérise aussi par l’application du plan Vigipirate créé en 1978 : il a
pour finalité d’appeler la communauté nationale à davantage de vigilance pour prévenir les
menaces et réagir face aux actes terroristes. Les campagnes terroristes auxquelles la France a
été confrontée (Organisation armée secrète OAS, Action directe, Abou Nidal, attentats de
1985-1986, puis de 1995-1996 à Paris) étaient limitées dans le temps et dans l’espace. A
présent, la donne est bien différente. Ainsi, ce plan est mis en œuvre sans discontinuité depuis
plus de dix ans, alors que son intérêt provenait de son côté exceptionnel. Sa généralisation au
niveau européen ne présente aucune plus-value.
Les difficultés sont aussi réelles dans le domaine de la protection relevant du domaine
national : veille, alerte, élaboration des mesures de protection et coordination des acteurs.
Tous les plans Vigipirate (piratox, piratom…) ont été mis à niveau et des exercices planifiés
afin d’entraîner les chaînes décisionnelles. Toutefois, le Secrétariat général de la défense
nationale (SGDN) constate une certaine « usure » dans la motivation des opérateurs et
services à appliquer les directives de sécurité, de surveillance et de protection.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 25 Enfin, la stratégie politique française se caractérise par un discours clair visant à éviter toute
assimilation de l’islam et de l’islamisme radical. La France a fait, à de multiples reprises,
entendre sa voix souvent de façon discordante face aux conceptions outre-Atlantique. Elle
insiste pour rappeler que la pérennisation d’un espace de liberté, de sécurité et de justice au
sein de l'UE passe par le développement des équilibres, du respect des cultures et du combat
des causes profondes du terrorisme.
2.3.2. Au Royaume-Uni, le durcissement de la législation
Face aux activités terroristes en Irlande menées dès 1969 d’une part, aux actions liées aux
groupes islamistes extrémistes dans la dernière décennie d’autre part, le Royaume-Uni a
développé une capacité contre-terroriste significative. Cette capacité s’appuie sur un socle
pénal comme modèle de réponse au terrorisme qui est traité comme une activité criminelle.
Dans cette logique, le Royaume-Uni a mis sur pied des unités de police spécialisées : le
Metropolitan Police Special Branch (SO12) et l’Anti Terrorist Branch (SO13). Ces
formations travaillent en étroite collaboration avec les services de renseignement et des forces
spéciales militaires.
Une législation antiterroriste temporaire a été utilisée au regard de la situation en Irlande du
Nord jusqu’au vote, en 2000, d’un cadre légal permanent : le Terrorist Act 2000. Ce texte est
une pièce essentielle du dispositif contre-terroriste.
En rupture avec une culture considérée par d’autres pays européens comme particulièrement
tolérante, le Terrorist Act 2000 interdit certaines activités dans le pays . La police s’est vue
dotée de pouvoirs accrus pour prévenir toute action et enquêter. Il s’agit notamment des
possibilités étendues de recherche et d’arrestation, de maintien à disposition de la justice des
suspects interpellés jusqu’à 28 jours (sur autorisation du magistrat). Ce texte crée de
nombreuses incriminations nouvelles permettant à la police d’arrêter des individus suspectés
d’incitation à conduire des actions terroristes, d’aide ou de relais à des attaques dans le pays
ou à l’extérieur, de diffusion de notions relatives à la mise en oeuvre d’engins explosifs,
incendiaires, chimiques ou biologiques.
Ces dispositions ont été renforcées par le vote de l’Anti-Terrorism, Crime and Security Act
2001. Cette loi a pour finalité d’une part de s’attaquer au financement du terrorisme, d’autre
part de rendre plus difficile l’acquisition des matières utilisées dans la confection des engins
explosifs. D’autres mesures ont été ensuite votées afin de permettre aux différents services de
collecter et de partager l’information.
A la suite des attentats de Londres en juillet 2005, de nouvelles dispositions légales ont été
promulguées pour cibler les individus qui soutiennent et encouragent les actions terroristes.
Dans cette logique, une incrimination relative à la planification et à la préparation d’une
attaque terroriste a été créée.
Avec ce cadre légal, le Royaume-Uni a essayé de combattre le « cycle de vie » du terroriste,
du recrutement à l’entraînement, de la planification et la préparation jusqu’au passage à l’acte
proprement dit. La volonté était aussi d’établir un environnement hostile, en particulier en
s’attaquant au financement des organisations et à leur action de propagande. L’effort pour
interrompre les circuits financiers dans le pays comme sur le plan international, constitue un
élément important des actions de contre-terrorisme. Ainsi, 100 organisations et près de 200
individus au Royaume-Uni ont vu leurs avoirs gelés, totalisant plus de 100 millions de dollars
US au cours des 5 dernières années ; la majorité de l’argent saisi au Royaume-Uni a été donné
au gouvernement d’Afghanistan pour financer la reconstruction du pays. Près de 500 000 US$
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 26 restent gelés au Royaume-Uni. Une unité nationale dédiée, la Terrorist Finance Investigation
Unit, a été créée.
Un certain nombre de ces mesures ne sont cependant pas sans effet sur le plan des libertés
individuelles. Pour cette raison, certaines dispositions ont été revues à la baisse comme la
période de détention des suspects, ramenée à 28 jours alors que la proposition initiale en
prévoyait 42. L’argumentation du gouvernement reposait sur la complexité accrue des
investigations et sur le temps nécessaire pour rassembler les preuves comme cela fut le cas en
2005 à Londres où la police a dû visionner des milliers d’heures d’enregistrements vidéos et
parcourir un grand nombre de systèmes informatiques et de données sur Internet.
Au-delà du cadre légal, le Royaume-Uni a augmenté les niveaux de surveillance, à la fois en
matière de sécurité publique générale mais aussi par l’observation d’individus particuliers.
L’usage de la vidéosurveillance s’était largement développé avant le 11 septembre 2001. Les
caméras étaient installées afin de créer un cercle autour de Londres, en réponse aux attaques
de l’IRA dans les années 80 et 90. Des progrès importants ont été aussi réalisés dans
l’exploitation d’images vidéo comme la lecture automatisée des plaques d’immatriculation
des véhicules. Toutefois, la majorité des caméras de surveillance sont installées par des
entreprises ou des personnes privées, comme les banques, les compagnies de transports, les
petits commerçants… Aucune autorisation préalable n’est nécessaire à l’installation de
caméras au Royaume-Uni. Si la police n’a pas un accès direct aux images vidéo captées par le
secteur privé, elle peut solliciter des renseignements sur la base du volontariat ou bien
demander une réquisition si les faits de présomption sont suffisants.
Une estimation fait état de la présence de 4,2 millions de caméras vidéo dans le pays même si
le nombre exact n’est pas connu. Une initiative est en cours afin de cartographier toutes les
caméras.
L’opinion publique britannique semble avoir accepté les limites aux libertés publiques comme
une contrepartie de la lutte contre les terroristes et les criminels. Néanmoins, il n’y a pas de
preuves formelles permettant d’avancer que le large déploiement de la vidéosurveillance
contribue à la prévention des activités criminelles et terroristes, même si l’exploitation des
images a été déterminante en juillet 2005 pour les investigations et l’identification des
suspects.
La surveillance intrusive d’individus a augmenté au début de la décennie avant de diminuer
dans les deux dernières années. En relation avec la Commission aux interceptions de
communications, une autorité indépendante est désignée pour superviser les activités de
surveillance. Il y avait en 2007-2008, 355 surveillances intrusives d’individus pour un total de
350 en 2006-2007.
Le contrôle des libertés publiques a été encadré au travers de la loi britannique (Regulation of
Investigatory Powers Act 2000) ainsi que l’article 8 de la Convention européenne des droits
de l’Homme qui statue que chacun a le droit au respect de sa vie privée (vie de famille,
correspondance, …).
Les autorisations d’interceptions doivent être approuvées par le secrétaire d’Etat et sont
examinées par une commission indépendante. Cette commission a pour mission de s’assurer
que les formations autorisées ont des procédés en règle notamment au regard de la protection
des libertés individuelles. A quelques exceptions près, la loi ne permet pas que les
renseignements interceptés soient utilisés comme preuve devant la justice.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 27 -
3- VERS UNE COORDINATION ET UNE COOPERATION
RENFORCEES DANS LE RESPECT DES LIBERTES
L
’UE a les moyens de jouer un rôle accru dans la coordination de la lutte contre le
terrorisme dans les domaines de la coopération et de la prévention, en valorisant les
points forts et l’échange des bonnes pratiques. Elle est aussi la plus à même de garantir
le bon équilibre entre sécurité et libertés.
3.1. Le volontarisme européen en question
Les avancées européennes en matière de lutte contre le terrorisme ont été réalisées, au niveau
des Etats et de l’Union, principalement en réaction à des attentats qui ont servi à catalyser une
volonté préexistante.
3.1.1. La volonté d’afficher une détermination forte
A la fin de la Présidence française de l’UE (PFUE), le Conseil de l’UE a fait une déclaration
particulièrement volontariste sur le renforcement de la sécurité internationale : « Les nouvelles
menaces visent la sécurité et les valeurs de démocratie et de liberté. Ces nouvelles menaces
sont plus diverses, moins visibles et moins prévisibles. L’UE doit apporter des réponses
convaincantes à ces menaces, d’où qu’elles viennent, quelle qu’en soit la forme, par la
prévention, les dissuasions et la riposte, en coordination étroite avec ses principaux
partenaires dans le monde et les organisations internationales concernées, en particulier les
Nations unies, qui ont une responsabilité globale pour la paix et la sécurité ».
« Notre détermination à lutter contre toutes les manifestations du terrorisme, notamment la
menace posée par des organisations terroristes internationales, est implacable. Nous
poursuivrons ce but, dans le respect des droits de l’Homme, du droit international
humanitaire et du droit des réfugiés, par le renforcement d’une Europe à l’abri du terrorisme,
la coopération dans le domaine pénal et un partage plus efficace de l’information entre les
autorités européennes. Nous améliorerons nos outils de prévention et de détection précoce
des phénomènes de radicalisation et de recrutement. La coopération entre les Etats membres
de l’UE doit également être renforcée s’agissant de la prévention du financement du
terrorisme ».
Cette déclaration, qu’il est possible de qualifier d’offensive tend à prouver l’existence d’un
volontarisme européen, réel. Pour autant, le partage de cette perception par l’ensemble des
Etats membres ne va pas de soi.
La règle de l’unanimité, à 27 Etats membres aujourd’hui, n’a pas facilité l’élaboration d’une
politique européenne de lutte contre le terrorisme, notamment du fait des différences
d’exposition à la menace. « Il n’y a pas de politique de lutte européenne en matière de
terrorisme. La lutte contre le terrorisme n’est pas entrée dans la Politique européenne de
sécurité et de défense (PESD). Les missions de gestion de crises dites de Petersberg auraient
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 28 pu l’intégrer mais il n’y a pas eu de consensus entre les Etats membres », relève le
spécialiste français des questions européennes déjà cité.
Le traité de Lisbonne permettrait de contourner les lourdeurs d’une Union à 27 en donnant la
possibilité de coopérations structurées permanentes à partir de neuf Etats membres.
Conscients d’une part des intérêts divergents et des menaces très diverses, d’autre part des
succès du processus de Schengen et de Prüm, certains Etats pourraient ainsi créer un espace
de coopération renforcée pour accroître l’efficacité collective dans la lutte contre le
terrorisme. Pour répondre aux exigences opérationnelles, de nature et d’intensité
profondément différentes selon les Etats, les pays les plus exposés devraient pouvoir
rapprocher leurs positions dans un cadre communautaire légal. L’agrégation progressive des
autres nations pourra alors se concevoir au regard de l’efficacité et de leur volonté d’adhérer à
une structure souple alors que, par ailleurs, une clause de sécurité serait introduite par le traité
de Lisbonne.
3.1.2. De véritables avancées essentiellement sous l’empire de la nécessité
Les premiers éléments d’une politique européenne antiterroriste se sont mis en place au
moment du 11 septembre. Par la suite, chaque attentat perpétré sur le sol européen à servi de
levier, d’accélérateur pour progresser dans sa construction.
« L’UE progresse généralement sous l’empire de la nécessité: soit ce sont des actes majeurs
politiques novateurs posés par de grands visionnaires, soit c’est la nécessité qui fait loi et
conduit les structures nationales à collaborer », constate le spécialiste français des questions
européennes.
L’enjeu est donc bien aujourd’hui de pérenniser la dynamique enclenchée depuis huit ans.
3.2. Des pistes axées sur la prévention et la coopération
Même si la sécurité reste un domaine de souveraineté des Etats, des avancées sont possibles
en matière de prévention avec un meilleur partage des informations et une coopération accrue
à l’intérieur et hors des frontières de l’Europe.
3.2.1. Un effort nécessaire sur un partage efficace de l’information au sein de
l’UE et hors de l’UE
Au sein de l’UE, une meilleure circulation de l’information permettrait d’optimiser les
fonctions dévolues aux agences Europol et Eurojust.
Le Conseil de l’UE réclame, dans son rapport sur la Stratégie de l’UE visant à lutter contre le
terrorisme de novembre 2008, une meilleure transmission à Europol des informations sur les
enquêtes en cours de la part de certaines autorités judiciaires. Il souhaite aussi qu’Eurojust
reçoive plus d’informations sur les différentes demandes d’entraide judiciaire dans le domaine
de la lutte antiterroriste, ce qui lui permettrait de « déceler les liens entre les mandats d’arrêt
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 29 européens et les commissions rogatoires, d’informer les autorités nationales compétentes et
de s’acquitter de la mission de coordination qui est au cœur de son mandat ». Le
Coordinateur de la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, appelle les Etats membres
« à informer systématiquement Europol et Eurojust de la création d’équipes communes
d’enquête dans le domaine de la lutte contre le terrorisme ». Il encourage également à
« faciliter un flux d’informations systématique » entre Europol et Eurojust et à « renforcer la
participation d’Eurojust en ce qui concerne les fichiers de travail à des fins
d’analyse d’Europol ».
Au-delà, la grande difficulté des coopérations multilatérales en matière de partage de
l’information opérationnelle réside dans la protection des sources et les risques de divulgation
d’éléments pouvant mettre en danger la sécurité nationale. L’idée de créer une Agence
européenne de renseignement, proposée par certains, semble peu réaliste à d’autres. « Il faut
une mutualisation des moyens et un échange des renseignements mais on peut travailler avec
nos amis européens sans pour autant céder des pans de souveraineté dans la lutte contre le
terrorisme », déclare le député déjà cité.
Selon les responsables français interrogés (qui rappellent par exemple que ¾ des
renseignements proviennent de l’étranger…), l’idée est donc davantage de partager les bonnes
pratiques, les méthodes, les cultures entre pays dans un cadre informel, plutôt que d’échanger
des informations critiques dans un cadre plus contraignant. « Il faut voir comment mettre en
place un système de veille et de transmission de savoir-faire dans le cadre duquel il y aura
toujours des pays leaders pour tirer les autres », note un responsable des services de sécurité.
Ce type d’échanges a déjà lieu dans le cadre du Sitcen et, hors institutions européennes, au
sein du Club de Berne. « L’apport essentiel de l’UE dans la lutte antiterroriste est et doit
rester organisationnel plutôt qu’opérationnel » ajoute un autre expert.
Les voies de progrès identifiées portent essentiellement sur la poursuite des processus souples
et réactifs qui ont fait leurs preuves dans un passé récent.
3.2.2. Pour une meilleure coopération dans le domaine pénal
Dans le cadre de la mise en place d’un espace commun de lutte contre le terrorisme il apparaît
nécessaire de dépasser les frontières entre Etats membres pour adopter des instruments
juridiques de coopération opérationnelle uniformes ou du moins compatibles.
Certains Etats peuvent être tentés de signer des accords pour des raisons d’affichage politique
sans pour autant aller au terme de la démarche par la ratification, souligne l’article « Lutte ou
guerre contre le terrorisme » dans la revue Chercheurs militaires (août 2008). Or « tant que
les législations ne sont pas relativement uniformisées, il est illusoire et inefficace de renforcer
Europol et Eurojust », affirme le responsable des services de sécurité.
Le Coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme appelle ainsi les Etats membres à
transposer ou ratifier les « instruments qui revêtent une importance capitale pour
l’amélioration de la prévention du terrorisme ». La démarche est particulièrement urgente en
ce qui concerne le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, le gel de biens et la
cybercriminalité, l’entraide judiciaire en matière pénale entre Etats membres et entre l’UE et
les Etats-Unis.
Le défi pour l’UE est également de développer une capacité d’anticipation, de réflexion et,
d’adaptation, et de « modifier les lois selon les menaces » qui évoluent en permanence et pour
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 30 lesquelles les parades sont soit inexistantes, soit insuffisantes, souligne un responsable
européen des services de sécurité, évoquant par exemple la perquisition en ligne.
Le processus vise aussi à renforcer les instruments existants. Un rapprochement des
législations permettrait de faire d’Europol un service européen d’enquête de police judiciaire
pour les infractions transnationales les plus graves, souligne l’article « Lutte ou guerre contre
le terrorisme ». A cette condition, le développement de la coopération avec Eurojust
permettrait à cette dernière « de coordonner et de prolonger sur le plan judiciaire les activités
opérationnelles d’Europol », sans en faire pour autant un parquet européen. L’idée d’un
parquet européen est pour la plupart difficilement envisageable pour des questions de
souveraineté, même si l’ambition est affichée dans le traité de Lisbonne. Cependant, le
spécialiste français des questions européennes rappelle que Schengen a longtemps été un
« rêve » avant de devenir réalité et d’être rallié par de nouveaux pays.
En matière de contrôle aux frontières, l’agence Frontex pourrait aller au-delà de son rôle de
coordination des actions mises en place par les Etats membres et « développer une stratégie
de sanctuarisation territoriale de l’UE afin d’initier au niveau européen les mesures qu’il
conviendrait de mettre en œuvre dans l’intérêt de chacun », selon cet article. Une telle
évolution, si elle est souhaitée par les responsables de sécurité, apparaît néanmoins
aujourd’hui être très loin de la réalité.
Enfin, le développement des équipes communes d’enquête - et l’adoption par tous les Etats
des mesures de transposition pleinement conformes -, serait « très utile pour l’efficacité des
enquêtes et pour développer une culture policière européenne », poursuit l’article.
3.2.3. Pour une lutte partagée contre la radicalisation et le recrutement
En matière de prévention, une des pistes retenue est de contrecarrer l’aura du djihad afin
d’éviter que certains musulmans ne soient tentés par la radicalisation. L’idée est là encore
d’identifier et de développer les meilleures pratiques pour les diffuser et aboutir à leur mise en
œuvre. Dans cette perspective, plusieurs « Etats pilotes » ont pour mission de faire des
propositions sur des thèmes choisis en fonction de leur expérience.
La stratégie de communication aux médias constitue un élément fondamental de la lutte
contre le terrorisme, les dirigeants d’Al-Qaïda ayant déclaré leur travail de propagande aussi
important que leur lutte armée. Il est donc aujourd’hui véritablement nécessaire de donner un
nouvel élan à cette stratégie, adoptée en 2006 mais toujours au point mort.
La Grande-Bretagne travaille actuellement à l’élaboration d’orientations applicables à la
communication afin de répondre, au bon niveau, au défi des terroristes en la matière.
La France propose aussi d’étudier les moyens permettant d’éviter l’exploitation des lacunes
occidentales, comme les dégâts collatéraux en opération, par la propagande des mouvements
terroristes.
Certains sites internet appelant à la haine sont un vecteur majeur de la radicalisation. Leur
suivi est une priorité et dans ce domaine, la mutualisation des ressources est facile. Dans cette
logique, un programme d’analyse des sites islamistes extrémistes « Check the web » a été
lancé sous la houlette de l’Allemagne. Seuls huit Etats apportent aujourd’hui leur
contribution. Ce nombre est susceptible d’augmenter si l’initiative atteint pleinement sa
finalité. Pour autant, les obstacles existent. Europol souligne la nécessité de dépasser
l’obstacle d’une interprétation trop rigide des exigences en matière de protection des données
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 31 à caractère personnel. A titre d’exemple, l’agence n’est pas autorisée à placer sur le portail
tout document citant le nom d’Oussama ben Laden puisqu’il s’agit d’une donnée à caractère
personnel
La France propose également d’examiner la manière dont les radicaux utilisent les sites
modérés comme couverture pour leur propagande.
Les initiatives se multiplient. Ainsi, un plan de formation des imams a été confié à l’Espagne,
qui doit présenter un état des lieux en juin 2009. Parallèlement, le renforcement des moyens
dont disposent les policiers locaux pour reconnaître et combattre la radicalisation est à l’étude
en Suède qui, sur la base des expériences acquises, doit proposer des mesures visant à
renforcer le rôle joué par la police de proximité pour prévenir ce phénomène.
Aux Pays-Bas, les expériences des autorités locales (en particulier les échanges
d’informations) sont examinées, dans l’idée de créer notamment un réseau informel européen.
Composé de fonctionnaires travaillant à la prévention de la radicalisation, ce réseau pourrait
conduire à l’adoption d’une méthode commune d’établissement de critères et d’évaluation par
les pairs.
Un projet visant à diminuer la radicalisation de certains jeunes est également examiné au
Danemark. Enfin, un manuel pratique à l’usage des agents pénitentiaires confrontés au
phénomène de la radicalisation et du recrutement dans les prisons a, dans cet esprit, déjà été
mis au point par la France, l’Allemagne et l’Autriche et rendu public en septembre 2008.
3.2.4. Renforcer la lutte contre le financement du terrorisme
Les enquêtes financières doivent devenir une « composante essentielle de toutes les actions
liées au terrorisme. » Lorsqu’elles sont mises en relation avec le renseignement, leurs
informations peuvent contribuer à repérer les activités des terroristes et à y mettre un terme,
rappelle le Conseil de l’UE dans un rapport sur la Stratégie révisée de lutte contre le
financement du terrorisme de juillet 2008.
« Il y a des outils juridiques efficaces » en la matière, qui doivent désormais être appliqués et
des conventions qui doivent être ratifiées, note le responsable des services de sécurité
interrogé. Il est donc aujourd’hui essentiel de mettre en œuvre et de renforcer les instruments
juridiques de l’UE qui transposent les recommandations du Gafi relatives en particulier au gel
des fonds des terroristes présumés, à la prévention de l’utilisation du système financier aux
fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, aux informations concernant
le donneur d’ordre accompagnant les virements de fonds, le contrôle de l’argent liquide
entrant ou sortant de l’Union.
Le Conseil de l’UE invite, là encore, à accroître la collecte et le partage des informations
financières et à renforcer la coopération. Il faut en premier lieu améliorer les mécanismes
d’échange et de retour d’informations entre les Cellules de renseignement financier (CRF)
nationales. Il faut aussi renforcer les contacts entre ces cellules et les services de
renseignement, les services répressifs et les institutions financières aux niveaux national,
européen et international pour que les enquêtes soient « ciblées et efficaces ».
Enfin, la coopération transfrontière entre les forces nationales de police dans la lutte contre le
financement du terrorisme doit être renforcée. Un recours plus fréquent et plus précoce à
Europol pourrait y contribuer, note le rapport.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 32 Une attention toute particulière doit également se porter sur le secteur associatif pour le
protéger de malversations éventuelles : peu de progrès ont été réalisés dans la mise au point
de mesures prévenant l’utilisation abusive de ce secteur par les financiers du terrorisme. Les
organisations à but non lucratif ayant souvent une dimension internationale, leurs fonds
peuvent être plus facilement détournés. Les Etats membres sont encouragés à aider les pays
tiers qui souhaitent s’engager dans la lutte contre cette fraude en utilisant les fonds
communautaires.
Plus globalement, le Conseil de l’UE estime primordial d’aider les pays tiers le souhaitant à se
doter des instruments juridiques et des outils qui permettent de prévenir et combattre le
terrorisme et son financement. Il encourage aussi les Etats membres à soutenir l’assistance
technique à ces pays et à allouer davantage de ressources au renforcement des capacités dans
ce domaine de la lutte.
3.2.5. Renforcer la coopération hors de l’UE
« Il est impossible de séparer la dimension intérieure et la dimension extérieure de la lutte
contre le terrorisme : les défis les plus importants auxquels nous faisons face à l’extérieur de
l’UE ont tous des ramifications complexes à l’intérieur de l’Union », affirme le Conseil dans
son rapport sur la Stratégie de l’UE visant à lutter contre le terrorisme. Trois priorités sont
identifiées : les Etats-Unis, le Sahel et le Pakistan.
 Les Etats-Unis
Qu’il s’agisse du « hard power » du président américain sortant George W. Bush ou du
« smart power » annoncé de Barack Obama, les effets de la politique antiterroriste outreAtlantique touchent l’UE, y compris dans ses aspects les plus critiquables. « La
transnationalisation de la violence joue en faveur d’une transnationalisation des politiques de
lutte contre le terrorisme et débouche sur un renforcement de l’axe transatlantique », résume
dès 2001 Didier Bigo dans un article paru dans Cultures et Conflits.
Le renforcement de la coopération avec les Etats-Unis doit donc se faire dans l’idée de
trouver un équilibre entre sécurité et libertés et d’aboutir à une harmonisation des positions
entre les pays européens qui, s’ils partagent le concept de « soft power », agissent aussi en
fonction de l’intérêt qu’ils retirent d’une relation privilégiée avec Washington, soulignent les
responsables.
« A terme, il faudra croiser les listes (de suspects). L’idée est de négocier avec les Etats-Unis
un accord très contraignant en ce qui concerne la protection de la vie privée et des données
qui serait la condition de partage de l’information avec les Etats-Unis », explique par
exemple le responsable européen précédemment mentionné.
 Le Sahel et le Pakistan
Au Sahel et au Pakistan, zones identifiées comme étant pour l’Europe le cœur de la menace
extérieure, l’Union a jusque là peu agi et s’est peu fait entendre faute d’une politique
commune lisible. C’est pourquoi, la Commission envisage une allocation de fonds au titre de
l’Instrument de stabilité pour la période 2009-2011 prévoyant, pour la première fois, un
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 33 financement expressément destiné à des projets de lutte contre le terrorisme au Sahel et au
Pakistan/Afghanistan.
Le Sahel
Pour l’UE, la menace immédiate vient de l’Aqmi, devenue une branche régionale du réseau
terroriste d’Oussama ben Laden implantée au Sahel où elle dispose d’une force de
renouvellement chez les jeunes et a visé à plusieurs reprises des Européens (enlèvements,
attentats, menaces).
Jusqu’à présent, l’UE a proposé une assistance technique notamment au Maroc et à l’Algérie
pour qu’ils renforcent leur capacité de lutte contre le terrorisme. Toutefois, les résultats sont
contrastés et la coopération entre l’Union et les pays du Sahel est considérée comme faible.
Les efforts restent concentrés au niveau bilatéral - avec des succès certains - sans coordination
face à une présence américaine dans la région parfois concurrentielle, résume le responsable
français des services de sécurité.
Le projet de l’Union est d’aider à muscler les dispositifs nationaux des Etats fragiles, comme
le Niger et le Mali. La Présidence française de l’UE a proposé de faire un état des lieux de
l’ensemble des échanges bilatéraux et de mettre en place un programme de coopération dans
le cadre duquel l’UE apporterait un soutien logistique et technique, aiderait à l’élaboration de
programmes d’assistance pour la mise en place de structures et à l’établissement d’une
doctrine de lutte contre le terrorisme, en mobilisant les fonds d’aide au développement.
Au-delà, sans chercher à s'imposer comme modèle civilisationnel et sans non plus réduire le
terrorisme à une simple réaction à la misère, l'UE pourrait contribuer davantage à l'ouverture
de l'espace public dans des Etats comme notamment l'Algérie, la Tunisie, le Maroc ou le
Niger.
Dans ces pays où des actes terroristes visent régulièrement des cibles étatiques, européennes
ou internationales, la vie politique reste muselée par des dignitaires souvent peu désireux de
quitter ou partager le pouvoir. Et les libertés publiques et individuelles sont loin d'être
respectées partout, comme le dénoncent régulièrement les organisations de défense des droits
de l'Homme. Cette situation peut servir de prétexte aux terroristes pour exprimer leur rejet à la
fois du pouvoir en place et de l'héritage colonial européen, et rallier à leurs thèses une frange
de la population miséreuse, peu éduquée et influençable. « La jeunesse est capable d’accepter
le sous-développement comme une phase de son histoire mais ce qui peut la pousser au
terrorisme, c'est le sentiment que les élites au pouvoir ont confisqué définitivement toute
possibilité de changement politique démocratique », explique un diplomate en charge des
questions de développement.
En dénonçant d'une même voix les atteintes aux libertés les plus flagrantes, en posant des
conditions démocratiques à l'aide au développement, en aidant les organisations locales de
défense des droits de l'Homme et de promotion de la démocratie à diffuser leurs messages et
la presse à être moins censurée, en continuant à promouvoir son idéal démocratique sans
céder à la tentation de la seule realpolitik, l'UE pourrait avoir un rôle, si ce n'est dans
l'éradication du terrorisme, au moins dans l'affaiblissement de sa force de séduction auprès
des populations les plus vulnérables.
« La question est de savoir jusqu'à quel point l'UE peut aider à favoriser le multipartisme, les
contre-pouvoirs, la liberté de la presse, tout en tenant compte des équilibres internes dans ces
pays. Dans l'absolu, on ne devrait pas transiger quand les libertés fondamentales sont
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 34 menacées alors même qu'actuellement il y a une tentative très forte d'une partie du monde
d'assimiler les droits de l'Homme à des valeurs occidentales »", poursuit le diplomate.
Le Pakistan
Le Pakistan, est considéré par l’UE comme le pays le plus dangereux du monde, marqué par
la multiplication des attentats, les attaques dans les zones tribales, la progression des talibans,
la fragilité du gouvernement, la corruption.
Le projet de l’UE est de renforcer l’Etat de droit en épaulant les autorités pour définir une
« stratégie » en matière de terrorisme et en formant et équipant les forces de sécurité et les
magistrats.
Avec une politique commune et lisible et les quelques instruments à sa disposition (présence
indirecte au sein du Groupe des amis du Pakistan, négociation d’un accord de libre-échange),
l’Union pourrait davantage peser face aux Etats-Unis en soutenant le premier gouvernement
civil du Pakistan depuis 1999.
La position clairement adoptée par l’Union européenne est bien de privilégier
l’accompagnement des pays en difficulté. Toutefois, la question de la transformation de l’UE
en organisation capable de gérer la puissance, le « hard power », pour maintenir le terrorisme
loin du vieux continent et le frapper à la source reste posée.
En dépit des risques politiques et humains, l’Europe a accepté de participer aux opérations
militaires en Afghanistan, au niveau des Etats au sein de l’Opération Enduring Freedom pour
chasser les terroristes et détruire leurs camps, et au niveau de l’UE au sein de l’Isaf pour aider
à stabiliser le pays au niveau sécuritaire. Accepterait-t-elle de prendre la direction d’une
opération dans l’urgence si la menace émergeait ailleurs ?
Au niveau des Etats, une telle option n’est aujourd’hui pas écartée. « Il faut frapper là où le
terrorisme prolifère. (…) L’effet de contamination est très rapide, qui pourrait amener le
terrorisme à nos portes par le Maghreb. Donc là où nous savons qu’il existe des foyers et des
tentatives de déstabilisation, il y a une réponse militaire, pas pour faire la guerre mais pour
essayer de ramener la sécurité dans les Etats désorganisés en aidant à créer la démocratie et
une stabilité économique », avance ainsi le député français.
Au niveau de l’UE, le débat se doit d’être posé. « A la Commission européenne, il y a cette
vision que le ‘soft power’ règle tout. Or on en est arrivé au stade où l’UE ne peut pas faire
l’économie du débat sur la puissance » si elle veut faire entendre la voix de sa politique
étrangère, estime le spécialiste des questions européennes.
3.3. Le nécessaire et difficile équilibre entre sécurité et libertés
La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen accorde une même importance à deux
notions ne pouvant s’exclure l’une l’autre : obligation pour l’Etat d’assurer la sécurité de ses
citoyens et devoir de garantir les principes fondamentaux des libertés publiques. C’est la
mission de l’UE d’aider à assurer ces valeurs fondamentales que les terroristes cherchent à
anéantir.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 35 3.3.1. Le rôle de l’UE en matière de libertés et ses garanties
« Le rôle de l’UE est d’aider à trouver l’équilibre entre sécurité et protection des libertés »,
rappelle un responsable de l’Union.
L’Union européenne s’est construite sur la base de la Convention européenne des droits de
l’Homme, signée en 1950 à Rome. Il s’agit d’un traité international en vertu duquel les Etats
membres du Conseil de l’Europe garantissent les droits fondamentaux, civils et politiques,
non seulement à leurs ressortissants (actuellement au nombre de 800 millions), mais aussi à
toutes les personnes relevant de leur juridiction, sans distinction fondée, notamment, sur le
sexe, la race, la nationalité ou l’origine ethnique. La Convention et ses protocoles interdisent
entre autres: la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, la détention
arbitraire et illégale, l’expulsion ou le refoulement par un Etat de ses propres ressortissants, la
peine de mort,
Pour faire respecter cette convention et ses protocoles, l’UE dispose de plusieurs instruments.
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), instituée en 1959 et qui siège à
Strasbourg, assure le respect par les Etats des obligations découlant de la Convention
européenne des droits de l’Homme. Elle est compétente pour statuer par des arrêts
obligatoires sur des requêtes individuelles et interétatiques alléguant de violations de la
Convention.
La Cour de justice des communautés européennes (CJCE), créée en 1952 et dont le siège est
au Luxembourg, assure le respect du droit communautaire, l’interprétation et l’application des
traités instituant l’Union européenne.
En février 2007, a été créée à Vienne l’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA). Cet
organe a pour objet de fournir aux institutions et autorités compétentes de l’Union et des Etats
membres une assistance et des compétences en matière de droits fondamentaux pour la mise
en œuvre du droit communautaire. Il a aussi pour objectif de les aider à définir les actions
appropriées. Il n’est toutefois pas habilité à traiter des plaintes individuelles ni à prendre des
décisions réglementaires.
Enfin les Etats membres disposent d’une autorité indépendante équivalente à la Commission
nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
« Il y a un vrai corpus juridique européen avec des règles auxquelles nous sommes tenus.
C’est le plus protecteur des droits de la personne du monde. Le Patriot Act n’est pas possible
dans l’Union », déclare le spécialiste des questions européennes.
Ainsi munie des instruments juridiques, l’UE peut et doit jouer un rôle fondamental dans la
garantie des libertés publiques.
Mais satisfaire la demande de sécurité des citoyens sans restreindre durablement leur liberté
suppose, en démocratie, l’entretien d’un équilibre constamment remis en question par la
pression des événements. Si l’Etat apporte une réponse sécuritaire disproportionnée, il
affaiblit ses propres fondements et aide ceux qu’il combat à atteindre un de leurs principaux
objectifs : vaincre le modèle occidental de démocratie.
Pour certains, une éventuelle diminution des libertés individuelles face à la menace terroriste
est acceptable parce que la sécurité est la première des libertés. Mais d’autres, tout en
reconnaissant la nécessité de voir la sécurité assurée, donnent la primauté à la défense des
libertés, au droit commun et au contrôle par le juge des dispositifs sécuritaires (comme le
pensent la Cnil et certaines organisations non gouvernementales).
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 36 Ce débat, qui n’est pas nouveau, a été remis en perspective à la suite des attentats terroristes
aux Etats-Unis en 2001, de Madrid en 2004 et de Londres en 2005, et des mesures sécuritaires
qui ont suivi.
Il existe un rapport étroit entre terrorisme et exercice des droits et des libertés de l’individu.
Le terrorisme utilise toutes les possibilités qu’offre la garantie des libertés pour asseoir ses
activités : propagande des idées radicales, trafic d’armes, préparation d’actes terroristes. Mais
la liberté aide aussi à combattre le terrorisme par la diffusion des valeurs et la contrepropagande.
Le terrorisme conduit aussi les Etats à durcir leurs politiques et dispositifs de sécurité et à
adopter des mesures répressives pouvant restreindre certaines libertés publiques, faisant ainsi
le jeu des terroristes.
« Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’équilibre entre sécurité et liberté est un
combat de tous les jours », explique le président de la Cnil française Alex Türk.
Dans ce contexte, l’Union européenne doit pouvoir non seulement être un garant des valeurs
qui la fondent en s’assurant qu’elles ne sont pas remises en cause par les décisions d’un ou
plusieurs Etat membres, mais aussi avoir un rôle de promoteur d’un « modèle » équilibré.
3.3.2. Deux exemples sensibles : les fichiers et la vidéosurveillance
Deux dispositifs ont connu un développement particulier dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme et peuvent être pris en exemple dans le cadre de cette réflexion: les fichiers et la
vidéosurveillance.
Ces mesures ne portent pas en soi atteinte aux libertés publiques mais leur utilisation peut
constituer un risque réel si elles ne sont pas juridiquement encadrées.
 Les fichiers.
La lutte contre le terrorisme s’est traduite notamment par la mise en place de nouveaux
fichiers permettant un enrichissement de la nature des données collectées, une augmentation
du nombre des personnes concernées et une extension de leurs destinataires. La création du
fichier Edvige constitue pour certains l’exemple d’une dérive possible, d’autant qu’elle a été
prévue par décret. Le non recours au Parlement dans ce domaine sensible a été contesté.
Selon les principes régissant leur création, tous les fichiers doivent avoir une finalité
déterminée, explicite et légitime, fondée sur le droit d’accès aux données et à l’oubli, et sur la
limitation de l’interconnexion des fichiers. En France, la Cnil a constaté la tendance à
l’utilisation croisée de fichiers, ce qui est contraire à l’un des principes structurants de la loi
« Informatique et Libertés ».
L’accès aux fichiers par un grand nombre d’utilisateurs pose avec acuité la question de
l’éventuel détournement des données à des fins autres que le but initial. La tendance à la
pluralité des fichiers risque d’accentuer ces dérives, même si la traçabilité de ces accès est
garantie.
Au niveau de l’Union européenne, ce risque est accentué lors de l’échange de données du fait
d’un manque d’harmonisation des niveaux d’habilitation des utilisateurs, des durées de
conservation et de la nature des données. Un des freins à cette harmonisation provient du fait
que des personnes considérées comme indésirables dans certains pays de l’UE ne le sont pas
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 37 dans d’autres. C’est une des principales raisons des difficultés de la mise en œuvre du
Système d’information Schengen 2 (SIS2).
Selon la Cnil, la garantie des libertés individuelles au niveau européen, lors de l’exploitation
des fichiers, devrait passer par la définition d’un corpus commun de principes fondamentaux,
dans le cadre du troisième pilier, garanti par un contrôle contraignant sur le terrain. Des
initiatives ont déjà été prises pour harmoniser les législations et les pratiques des 27 Cnil de
l’UE (plus celles de la Norvège et de la Suisse).
Dans ce domaine, l’approche est différente entre l’Europe et les Etats-Unis qui n’ont pas créé
d’autorité indépendante de contrôle des fichiers, cette responsabilité incombant outreAtlantique au Congrès.
 La vidéosurveillance
La vidéosurveillance, dont l’utilité est souvent critiquée par les ONG notamment, a eu un
apport en particulier dans l’interpellation des auteurs des attentats de Londres.
Mais il est également nécessaire de s’assurer que la mise en œuvre et l’usage de la
vidéosurveillance ne sont pas dévoyés par l’impératif sécuritaire. Dans plusieurs pays
européens, la commission de l’informatique et des libertés est chargée de surveiller l’outil
dans un cadre juridique précis (finalités, lieux d’installation des caméras, information du
public, durée de conservation des images) et de s’assurer qu’il est utilisé dans le respect des
droits des personnes et des libertés individuelles.
En France, une des sources d’inquiétude de la Cnil et de la Ligue des droits de l’Homme
(LDH) réside dans le développement des technologies, en particulier la miniaturisation qui
permettra de surveiller les citoyens sans qu’ils en aient conscience.
L’UE doit veiller à ce que la vidéosurveillance soit utilisée selon des principes garantissant les
libertés et offrir un pare-feu aux éventuelles dérives.
3.3.3. Controverse sur l’exception et la spécialisation judiciaire
Dans le domaine judiciaire, deux thèses opposées se font jour : celle selon laquelle les
mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme s’inscrivent bien dans une logique
de droit commun et celle selon laquelle les dispositifs actuels s’inscrivent plutôt dans une
logique d’exception.
Les bases de la législation antiterroriste en France ont été posées par la loi n° 86-1020 du
9 septembre 1986. Elles reposent, d'une part, sur la définition d'infractions à caractère
terroriste, et d'autre part sur la mise en place de règles procédurales spécifiques. Ces
dispositions s'inscrivent dans le cadre du droit pénal et ne dérogent pas aux grands principes
qui le gouvernent. Ce choix qui a depuis continûment inspiré le législateur a permis de
prendre en compte la spécificité du terrorisme.
Le code pénal français définit l'acte terroriste comme un acte se rattachant à « une entreprise
individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par
l'intimidation ou la terreur ».
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 38 Il recouvre deux catégories d'infractions : les infractions existantes commises en relation
avec une entreprise à caractère terroriste. Il s'agit donc d'infractions de droit commun
commises dans des circonstances particulières qui leur confèrent un caractère spécifique et les
infractions définies de manière autonome, sans référence à une infraction existante.
Le lien avec l'« entreprise » terroriste qui permet de caractériser les infractions terroristes a
suscité certaines controverses lors de l'examen de la loi du 9 septembre 1986, les adversaires
du texte soutenant que l'imprécision d'une telle notion contredisait le principe de la légalité
des délits et des peines posé par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
Cependant, le Conseil constitutionnel a estimé que l'exigence d'une relation avec une
entreprise terroriste était énoncée en des termes d'une précision suffisante pour que le grief ne
soit pas fondé.
 L’exception en question
Le débat tourne autour de la mise en place des dispositifs d’exception liés au terrorisme et de
leur pérennité. Aux Etats Unis, la création de Guantanamo et son statut d’exception prolongé
constituent un bon exemple de dérives possibles.
L’infraction française relative à « l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise
terroriste » pose pour la LDH la question de la précision des incriminations et du respect des
droits des justiciables.
La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) présente dans son
rapport d’analyse d’octobre 20054, des clés d’articulation visant à la compatibilité du respect
des droits fondamentaux avec la lutte contre le terrorisme.
Elle rappelle que les dispositifs de protection des droits humains prévoient la possibilité d’une
limitation temporaire de certains droits non absolus dans des situations particulières. En effet,
« la majorité des traités internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme
prévoient la possibilité de déroger ou de restreindre certains droits en période d’exception.
Néanmoins, si des mesures exceptionnelles sont permises, celles-ci doivent l’être sur la base
des principes de légalité, de temporalité, de proportionnalité et de nécessité », sans pour
autant restreindre les droits intangibles - « droits indérogeables »5 - reconnus comme tels.
L’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (adopté par l’Assemblée
générale des Nations unies en décembre 1966) constitue la base légale sur laquelle se fondent
les Etats lorsqu’ils invoquent leur pouvoir de dérogation.
Dans son rapport, la FIDH rappelle les cinq éléments importants qui constituent les conditions
d’application de cet article: nécessité d’un danger public exceptionnel qui menace l’existence
de la nation, proclamation officielle d’une urgence publique, principe de proportionnalité, les
mesures devant être prises « dans la stricte mesure où la situation l’exige ». La quatrième
condition demande que les mesures adoptées ne soient pas « incompatibles avec les autres
4
Rapport d’analyse de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme. N° 429. Octobre 2005 « L’antiterrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clés de la compatibilité »
5
Le « Pacte » identifie explicitement un certain nombre de ces droits. Nous pouvons citer le « droit à la vie », le « droit de ne
pas être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », le « droit de ne pas être tenue en esclavage ou
en servitude », le « droit d’être reconnu comme une personne devant la loi », le « droit à la liberté de pensée, de conscience,
et de religion ».
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 39 obligations que leur impose le droit international ». La dernière condamne toute
discrimination sur la base de la race, de la couleur, du sexe, de la langue, de la religion ou de
l’origine sociale résultant d’une dérogation.
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a souhaité que « les circonstances qui ont
amené à l’adoption de dérogations soient réévaluées de façon régulière dans le but de lever
ces dérogations dès que les circonstances n’existent plus ».
Dans une note du 11 novembre 2008, le Coordonnateur pour l’UE de la lutte contre le
terrorisme exprime la préoccupation permanente de voir la lutte contre le terrorisme être
menée dans le plein respect de l’état de droit et des droits de l’Homme. Plusieurs séminaires
sur ce sujet ont été organisés (Prague en juin 2008, Israël en décembre 2008).
Plus récemment, cette préoccupation de défense des libertés individuelles a été
solennellement réaffirmée par la plus haute cour juridictionnelle du Royaume-Uni, qui a
estimé que le passage de 28 à 42 jours de la durée de garde à vue était contraire aux libertés et
constituait une dérive inadmissible.
 Le débat sur la spécialisation des magistrats antiterroristes.
La spécialisation des juges antiterroristes en France suscite également débat ; pour les
opérationnels, il s’agit d’un dispositif efficace et respectueux des droits, pour les associations
de défense des droits de l’Homme, cela constitue un risque.
La spécialisation des magistrats chargés de la lutte antiterroriste, instituée en cohérence avec
le principe de centralisation à Paris des affaires de terrorisme, est certes un gage d’efficacité
du dispositif français car elle permet une connaissance approfondie des milieux dans lesquels
les terroristes opèrent et des moyens qu’ils utilisent.
Toutefois, la centralisation des enquêtes au sein de la section antiterroriste a ses détracteurs.
La LDH estime en effet que la spécialisation des juges ne permet pas d’assurer les conditions
suffisantes à l’impartialité, la justice perdant selon elle son libre arbitre sur les rapports de
police.
L’Union européenne se doit ici aussi de veiller à ce que les Etats membres garantissent la
compatibilité des politiques nationales de lutte contre le terrorisme avec la déclaration
universelle des droits de l’Homme et du citoyen, en particulier la primauté du droit commun
sur l’exception, le respect des droits des justiciables et la précision des incriminations.
3.3.4. Les médias : indispensables et fragiles
« Il n’y a pas de liberté sans liberté de la presse ». Cette liberté concourt à la démocratie et la
bâillonner reviendrait à ébranler les principes démocratiques de l’Union européenne donc à
réaliser l’objectif des terroristes. Les médias ont les faiblesses de la démocratie mais c’est à ce
prix qu’ils fonctionnent. Cela n’empêche pas de réfléchir à la mise en place, par les
journalistes, de mécanismes d’autorégulation.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 40 Les terroristes comptent sur les médias pour faire caisse de résonance à leurs actes, atteindre
les opinions publiques et ébranler les gouvernements qui les dirigent. L’exemple le plus
frappant reste celui des attentats de Madrid de mars 2004 qui, de manière indirecte,
entraîneront le retrait d’Irak des troupes espagnoles. Les terroristes utilisent aussi les médias
pour leur propagande en publiant sur internet communiqués et vidéos dans le but de faire des
émules et d’alimenter un climat de crainte.
Le journaliste doit enquêter et informer sans pour autant faire le jeu des terroristes.
Certes les excès existent. Certains événements peuvent donner lieu à la recherche du
sensationnel comme la publication de photographies ou images télévisées traumatisant la
population par le degré de la violence exposée ou choquant les familles des victimes par la
divulgation de détails sur leur calvaire. L’emballement de la presse, générée par une âpre
concurrence, peut mener les médias à faire des erreurs (comme par exemple ce fut le cas pour
le bagagiste de Roissy en 2002 injustement incriminé de terrorisme à la suite d’une
machination familiale). Enfin, certaines couvertures exhaustives d’attentats et de leurs
répercussions peuvent être interprétées comme une surmédiatisation. Pourtant en informant,
elles répondent à une demande de l’opinion publique et aident la société et les victimes à faire
leur deuil.
Pour autant, les excès ne sont pas la règle. Lorsqu’ils traitent de sujets risquant de mettre en
danger la sécurité nationale, les journalistes font le plus souvent preuve d’autodiscipline et de
responsabilité. Ainsi en Grande-Bretagne, les médias britanniques ont respecté le silence le
plus total sur l’engagement en Afghanistan du prince Harry d’Angleterre. En Irak ou en
Afghanistan, des journalistes parfaitement informés ont, selon la déontologie en règle, tu les
noms d’otages européens, gardé le silence sur l’avancée des enquêtes afin de ne pas gêner les
négociations en vue de leur libération ou refusé de diffuser les vidéos de leur assassinat
postées sur internet par leurs ravisseurs. En France, l’ensemble des médias s’est gardé
pendant des semaines de révéler l’affaire AZF, groupe qui en février 2004 avait menacé de
perpétrer des attentats sur le réseau ferroviaire.
Les pouvoirs publics de leur côté comptent sur les médias pour faire passer leurs messages,
diffuser l’information sur la mise en place de plans de sécurité renforcés (comme Vigipirate)
ou de mesures visant à renforcer la résilience (communiqués et adresses des autorités à la
nation, création de cellules psychologiques…). L’exemple le plus emblématique reste sans
doute celui de Rudolph Giuliani, maire de New York le 11 septembre 2001, unanimement
loué pour avoir aidé les New-Yorkais à se relever immédiatement grâce à ses interventions
toniques et éminemment humaines, diffusées plusieurs fois par jour en direct par les radiotélévisions américaines.
En matière de terrorisme, la manipulation des médias par les autorités existe aussi parfois,
qu’elles cachent des informations ou fassent des déclarations publiques suscitant la confusion
à des fins politiques. L’expérience montre pourtant que la vérité éclate souvent à plus ou
moins long terme. Le cas le plus exemplaire reste celui des attentats de Madrid quand le
gouvernement de José Maria Aznar a publiquement dénoncé ETA comme seul coupable,
thèse qui serait venue corroborer sa politique sécuritaire jusqu’à ce qu’Al-Qaïda revendique
les attaques. Criant à la manipulation, les Espagnols ont réagi quelques jours plus tard par un
vote sanction en élisant José Luis Rodriguez Zapatero.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 41 S’ils ont un rôle évident dans la résilience, les médias aident, et c’est aussi leur mission, à
trouver un équilibre entre sécurité et libertés. « Nous sommes l’un des acteurs du jeu
démocratique », explique le président de la Société des Journalistes de l’AFP, Christophe
Beaudufe. « Nous devons à la fois rendre compte des actes des terroristes, au risque de leur
donner la publicité qu’ils espèrent, et rester vigilants sur les possibles dérives des Etats
engagés dans la lutte contre ce même terrorisme. L’exercice est délicat, mais indispensable et
salutaire pour le bon fonctionnement des démocraties ».
Ils permettent ainsi de rendre publiques les dérives sécuritaires, comme ce fut le cas pour les
mesures d’exception pour les prisonniers de Guantanamo ou les actes de torture sur les
détenus irakiens d’Abou Ghraïb en Irak. Ils permettent également de rendre compte de débats
dans la classe politique et la société civile sur des projets controversés (comme le fichier
Edvige ou la vidéosurveillance).
Quel que soit le sujet qu’il traite, et plus encore si des vies sont en jeu, chaque journaliste, et
le media auquel il appartient, est censé avoir une réflexion, à la fois intime et répondant à des
règles déontologiques, pour établir si les éléments recueillis apportent une information et
valent d’être diffusés.
Cela n’exclut pas de lancer le débat sur la création de mécanismes d’autorégulation par leurs
pairs fixant des règles d’éthique et de déontologie claires et reconnues pour éviter les
dérapages, comme l’ont proposé les Assises du journalisme en janvier dernier.
Le renforcement de la coordination et de la coopération entre Etats membres de l’UE est la clé
qui peut permettre d’aboutir, à terme, à une véritable politique européenne de lutte contre le
terrorisme. Ce sont les Etats les plus exposés et les plus expérimentés dans le domaine
sécuritaire qui peuvent, dans un premier temps, donner le la et permettre à la volonté politique
de se concrétiser.
Dans ce cadre, les Etats membres de l’UE doivent être exemplaires aux yeux du monde dans
le respect des droits de l’Homme, valeurs universelles sur la base desquelles l’Union s’est
fondée.
Vouloir rechercher le point d’équilibre parfait entre libertés et sécurité est illusoire, compte
tenu qu’un événement peut très rapidement le faire basculer. Il s’agit davantage pour l’UE de
gérer une tension entre ces deux impératifs à propos desquels les perceptions des pays de
l’Union peuvent diverger, en fonction de leur histoire, de leur système juridique et de leur
exposition à la menace.
L’Union européenne doit pouvoir jouer un rôle de garde-fou dans la lutte contre le terrorisme
et s’assurer que les politiques mises en place pour garantir la sécurité des citoyens n’aillent
pas à l’encontre des droits fondamentaux.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 42 -
CONCLUSION
Depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme est devenu un des principaux défis de sécurité
pesant sur les pays de l’UE. Néanmoins, les Etats membres ne sont pas égaux devant la
menace et se sont adaptés selon des modalités différentes en fonction de leur exposition au
risque terroriste et de leurs dispositifs judiciaires et policiers nationaux, le plus souvent sous
la pression des événements.
Au niveau de l’UE, ce risque n’a pas été appréhendé dans sa globalité. Même si certaines
mesures ont été prises au travers de coopérations policière et judiciaire de l’Union, la lutte
antiterroriste en Europe reste une prérogative de souveraineté, prolongée éventuellement par
des coopérations bilatérales. Cette menace transnationale profite des vulnérabilités nées des
avancées les plus emblématiques de l’Union dans le domaine des libertés, notamment la libre
circulation des biens et des personnes.
Pourtant, l’UE a les moyens de jouer un rôle accru dans la lutte antiterroriste, surtout si le
traité de Lisbonne est ratifié. Limitant encore ses ambitions dans le domaine de la conduite
opérationnelle majeure qui reste l’apanage des Etats, elle peut porter son effort sur la
prévention en valorisant ses points forts dans le domaine normatif et organisationnel ainsi que
par un meilleur partage des bonnes pratiques.
Acteur aux objectifs politiques ambitieux, confrontée à des menaces pesant en particulier sur
les valeurs constitutives de son union, l’Europe a une responsabilité singulière dans cette
lutte. Au travers de pratiques qui ont fait son succès, coopération extérieure
multidimensionnelle et coopérations renforcées d’Etats leaders à l’intérieur, elle est la plus à
même de trouver le bon équilibre entre sécurité et libertés.
COMITE 1
L’UNION EUROPEENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
ANNEXE 1 - SIGLES ET ABREVIATIONS
AQMI
Al-Qaïda au Maghreb Islamique
CAAS
Convention d’application de l’accord de Schengen
CEDH
Cour européenne des droits de l’Homme
CJCE
Cour de justice des communautés européennes
CNIL
Commission nationale de l’informatique et des libertés
CRF
Cellules de renseignement financier
DCRG
Direction centrale des renseignements généraux (France)
DCRI
Direction centrale du renseignement intérieur (France)
DST
Direction à la surveillance du territoire (France)
ECRIS
European Criminal Records Information System - Système européen
d’information sur les casiers judiciaires
Eurojust
European Justice Office - Unité de coopération judiciaire de l'Union
européenne
Europol
European Police Office- Office européen de police
ETA
Euskadi ta Askatasuna - Organisation nationaliste armée basque
FATF
Financial Action Task Force – voir GAFI
FIDH
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
FPLP
Front populaire de libération de la Palestine
FRA
European Union Agency for Fundamental Rights - Agence des droits
fondamentaux de l’UE
FRONTEX
Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux
frontières extérieures.
G8
Groupe de partenariat économique entre 8 pays (Etats-Unis, Japon, Allemagne,
France, Royaume Uni, Italie, Canada, Russie)
GAFI
Groupe d'action financière
GAT
Groupe antiterroriste (au sein du Club de Berne)
HCFDC
Haut comité français pour la défense civile
IRA
Irish Republican Army - Armée Républicaine d’Irlande
ISAF
Security Assistance Force (ISAF) in Afghanistan – Force internationale
d'assistance à la sécurité
LDH
Ligue des droits de l’Homme
OAS
Organisation armée secrète
OLP
Organisation de libération de la Palestine
ONG
Organisation non gouvernementale
ONU
Organisation des Nations Unies
OTAN
Organisation du traité de l’Atlantique Nord
PESD
Politique européenne de sécurité et de défense
PFUE
Présidence française de l’UE
PIC
Programme de protection des infrastructures critiques
Piratox
Volet spécialisé de Vigipirate concernant les risques de nature chimique
Piratom
Volet spécialisé de Vigipirate concernant les risques de nature radiologique
PNR
Passenger Name Record - Données des dossiers passagers
SGDN
Secrétariat général de la défense nationale
SIS
Système d'Information Schengen
SitCen
European Union's Joint Situation Centre
SO12
Metropolitan Police Special Branch
SO13
Anti Terrorist Branch
UCLAT
Unité de coordination de la lutte anti-terroriste
UE
Union Européenne
Vigipirate
Plan de sécurité français destiné à prévenir les menaces ou à réagir face aux actes
terroristes
VIS
Système d’information européen sur les visas
- 45 -
ANNEXE 2 – BIBLIOGRAPHIE
LIVRES.
La France au terrorisme : Livre blanc du Gouvernement sur la sécurité intérieur face au
terrorisme (La documentation française 2006).
Le terrorisme n’est pas la guerre : Christian Chocquet 2008.
Le terrorisme en France aujourd’hui par François Heisbourg et Jean-Luc Marret (2006).
ARTICLES.
Les démocraties face au terrorisme, par Madame le ministre Michèle Alliot-Marie (Le Monde
30.09.08).
Terrorisme : tuer pour dire, auteur François-Bernard Huyghe - revue Géopolitique n°103.
La lutte contre le terrorisme dans les démocraties occidentales : Etat de droit et
exceptionnalisme par Colombe Camus; Revue internationale et stratégique 2007 n°66 (pages
9 à 24).
Violence islamiste et réseaux du terrorisme international par Alain Chouet; revue « Politique
étrangère » 3-4/2003.
Face aux nouvelles crises, revue trimestrielle de la gendarmerie nationale (mars 2008).
Terrorisme et médias : une relation infernale par Patrick Brunot, revue de la Défense
nationale (janvier 2008).
La lutte contre le terrorisme par l’UE : une politique efficace? par Pierre Berthelet, revue de la
défense nationale (janvier 2008).
Ce sera une autre Europe, notes de la fondation Robert Schuman (mars 2003).
Les vingt ans d’Al Qaida : tragique bilan par Paul Balta, revue Géopolitique n°103.
La démocratie au risque de la mondialisation des fichiers par Sylvia Preuss-Laussinotte ;
L’état du monde 2009 (50 idées forces pour comprendre l’actualité mondiale).
Rapport du groupe de travail « Bauer » sur les fichiers de police (2006).
L’Union européenne et la protection des données, la société de l’information à l’épreuve des
droits de l’homme par Pierre Bischoff, revue du Marché commun et de l’Union européenne
n°421 septembre 1998.
Risque et information; Polices et nouvelles technologies « les enjeux de la transparence » Les cahiers de la sécurité intérieure 1998.
Aide européenne, carrefour des intérêts globaux par Jean-Michel Severino (Le Monde ?).
L’Union européenne face au terrorisme par Guillaume Renaudineau, revue Questions
internationales n°8 juillet-août 2004.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 46 -
Le bioterrorisme: peut-on et doit-on s’en prémunir? par le médecin en chef Léonce (La
tribune du CID).
La liberté de la presse et ses dérives en France par le chef d’escadron Formell, (La tribune du
CID).
Lois antiterroristes et respect de la vie privée : un défi pour les démocraties occidentales ? par
le capitaine de frégate Tourneux, (La tribune du CID).
La coopération franco-espagnole dans la lutte contre le terrorisme de l’ETA, par le colonel
Guillamo, (La tribune du CID).
LISTE DES DOCUMENTS CONSULTES.
Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant
dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
Stratégie de l’union européenne visant à lutter contre le terrorisme, note de la présidence et du
coordinateur de la lutte contre le terrorisme, le 22 novembre 2005.
Rapport d’information présenté par Monsieur Christian Philip (député) sur l’Union
européenne et la lutte contre le terrorisme (2 mars 2005).
Rapport du coordinateur de la lutte contre le terrorisme –conseil de l’Union européenne le 17
juillet 2008.
L’Otan et la lutte contre le terrorisme (2008).
ETUDES.
Forces armées européennes et terrorisme international, étude d’un trinôme au Centre des
hautes études militaires (54e session).
L’action internationale et européenne contre le terrorisme : étude du comité 1 de la session
nationale de l’IHEDN 2004.
Les fragilités de l’Europe face au terrorisme : étude du comité 2 de la session nationale de
l’IHEDN 1999.
Lutte ou guerre contre le terrorisme ? sous la direction de Jérome Cario, collection des
chercheurs militaires.
L’étude du terrorisme en France : une recherche encore embryonnaire par Lorraine Tournyol
du Clos et Sébastien Tournyol du Clos, revue Sécurité globale (Printemps 2008).
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 47 -
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES PAR LE COMITE ET ENTENDUES DANS LE CADRE DES
CONFERENCES DE L’IHEDN – PARTIE A NE PAS DIFFUSER EN DEHORS DE L’IHEDN
Jean-Dominique Giuliani
Président de la Fondation Schuman
André Boutin
Commissaire divisionnaire, DCRI
Guy Tessier
Député, président de la Commission Défense de l’Assemblée nationale
Gilles De Kerchove Coordinateur pour l’UE de la lutte contre le terrorisme
Jean-Pierre Dubois
Président de la Ligue des Droits de l'Homme
Christophe Chaboud
Sir Richard Dearlove
Chef de l’UCLAT, ministère de l’Intérieur
Nicolas Quillet
Kerstin Jorna
Jacques Barrot
François Lucas
Alex Türk
Christophe Beaudufe
Christian Sommade
Chef du MI6, British Secret Intelligence Service (1999-2004)
chef de mission de la Présidence française de l’UE (PFUE)
chef de cabinet du vice-président de la Commission européenne
Commissaire européen pour la justice, les libertés et la sécurité
Préfet – Directeur, Protection et Sécurité de l'Etat - SGDN
Directeur de la CNIL
président de la Société des journalistes de l’Agence FrancePresse (AFP)
Secrétaire général du Haut comité français pour la
défense civile (HCFDC)
Deux responsables de la DGSE
PARTICIPATION A DES CONFERENCES ET DEBATS ; ACTES DE COLLOQUES.
Acte colloque : l’Union européenne face au terrorisme (Institut des Hautes Etudes de la
Défense Nationale) le 2 juin 2008 à l’Ecole Militaire (Paris).
Acte colloque : L’Europe face au terrorisme (Paris le 8 mars 2005) Institut de relations
internationales et stratégiques.
Conférence de Monsieur Gilles de Kerchove, coordinateur de la lutte contre le terrorisme de
l’Union européenne, le 11 octobre 2008.
Conférence de Monsieur Boris Cyrulnik, neuropsychiatre dans le cadre des Lundis de
l’IHEDN (le 17 novembre 2008).
Bilan de la présidence française de l'Union européenne en matière de lutte contre le
terrorisme, dîner débat avec le coordinateur européen Gilles de Kerchove, à l'initiative du
Haut Comité Français pour la Défense Civile (Maison de l'Amérique Latine, le 16 décembre
2008).
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 48 -
ANNEXE 3 – DEFINITIONS
Définition du terrorisme proposée par l'assemblée de l'Union européenne
(24/01/2002) :
« On entend par « acte de terrorisme », l'un des actes intentionnels suivants, qui, par sa
nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation
internationale, correspondant à la définition d'infraction dans le droit national, lorsqu'il est
commis dans le but :
1. de gravement intimider une population, ou
2. de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à
accomplir ou à s 'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou
3. de gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques,
constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation
internationale :
a. les atteintes à la vie d'une personne, pouvant entraîner la mort,
b. les atteintes graves à l'intégrité physique d'une personne,
c. l'enlèvement ou la prise d'otage,
d. le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale
ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un
système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à
un lieu public ou une propriété privée, susceptible de mettre en danger des vies
humaines ou de produire des pertes économiques considérables,
e. la capture d'aéronefs, de navires ou d 'autres moyens de transport collectifs ou de
marchandises,
f. la fabrication, la possession, l'acquisition, le transport, la fourniture ou
l'utilisation d'armes à feu, d'explosifs, d'armes nucléaires, biologiques ou
chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et
le développement,
g. la libération de substances dangereuses, ou la provocation d'incendies,
d'inondations ou d'explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies
humaines,
h. la perturbation ou l 'interruption de l 'approvisionnement en eau, en électricité
ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en
danger des vies humaines,
i. la menace de réaliser un des comportements énumérés aux points a à h,
j. la direction d'un groupe terroriste,
k. la participation aux activités d'un groupe terroriste y compris en lui
fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de
financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation
contribuera aux activités criminelles du groupe ».
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 49 -
Vigipirate
Le plan Vigipirate est un dispositif de sécurité français destiné à prévenir les menaces ou
à réagir face aux actions terroristes. Créé en 1978 sous la présidence de Valéry Giscard
d'Estaing alors que l'Europe connaissait une vague d'attentats, ce plan a été actualisé à
trois reprises, en juillet 1995, juin 2000 et mars 2003. Il a été déployé pour la première
fois en 1991. Le plan actuel est découpé en quatre niveaux d'alerte croissants : jaune,
orange, rouge et écarlate.
Unité de Coordination de la Lutte Anti-Terroriste
L'Unité de Coordination de la Lutte Anti-Terroriste (UCLAT), créée en 1984, est la
structure qui assure la coordination de l’ensemble des services français chargés de la
lutte contre le terrorisme. Elle fait au quotidien l’analyse et la synthèse des informations
relatives au terrorisme en travaillant étroitement avec la Direction centrale du
renseignement intérieur, la Direction générale de la sécurité extérieure, la Gendarmerie
nationale et la Direction générale des douanes. L’UCLAT veille notamment au partage des
informations opérationnelles pertinentes par l’ensemble des autorités et des services
concernés par la lutte anti-terroriste, y compris les magistrats anti-terroristes et
l’administration pénitentiaire et les correspondants internationaux.
GAFI.
Le Groupe d'action financière (GAFI) ou Financial Action Task Force (FATF), créé en
1989, est un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le
financement du terrorisme. Il vise à créer des normes non impératives, qui sont en quelque
sorte des lignes de conduite que les gouvernements doivent suivre afin de promouvoir la
lutte contre le blanchiment de capitaux. Ces normes sont regroupées sous la forme de
recommandations.
Le programme de La Haye
Le programme de La Haye, ensemble de dix priorités relatives à l'espace de liberté, de
sécurité et de justice adoptées lors du Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004,
prévoit en ce qui concerne l'immigration, dans un délai de cinq ans :
 de lutter contre l'immigration illégale, en particulier contre la traite des femmes
et des enfants ;
 de mettre en place un plan relatif à l'immigration légale ;
 de favoriser l'intégration des immigrants dans les pays de l'Union en fournissant
par exemple aux administrations locales et aux employeurs un recueil de bonnes
pratiques.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 50 -
PNR
Un Passenger Name Record, ou PNR, est un enregistrement contenant tous les détails
d'un voyage pour des passagers voyageant ensemble.
Mandat d’arrêt européen
Le mandat d'arrêt européen a été institué par la décision cadre 2002/584/JAI, du 13 juin
2002. Il permet une simplification des procédures d'extradition entre États membres de
l'Union européenne.
Il est défini comme toute décision judiciaire adoptée par un État membre en vue de
l'arrestation ou de la remise par un autre État membre d'une pers onne aux fins de :
 l'exercice de poursuites pénales ;
 l'exécution d'une peine ;
 l'exécution d'une mesure de sûreté privative de liberté.
EUROPOL
Europol (European Police Office) est un office de police criminelle intergouvernemental
qui facilite l'échange de renseignements entre polices nationales en matière de
stupéfiants, de terrorisme, de criminalité internationale et de pédophilie au sein de l'Union
européenne. La convention portant sa création a été signée et ratifiée par tous les États
membres de l'Union européenne. Europol exerce l'ensemble de ses missions depuis le
1er juillet 1999.
EUROJUST
L'unité de coopération judiciaire de l'Union européenne, ou Eurojust, est l'agence
européenne chargée de renforcer la coopération judiciaire entre les États membres par
l'adoption, au niveau européen, de mesures structurelles destinées à promouvoir une
coordination optimale des actions d'enquête et de poursuites débordant le cadre d'un seul
territoire national, dans le plein respect des libertés et des droits fondamentaux. Il a été
institué par une décision du Conseil du 28 février 2002. Eurojust fait partie du troisième
pilier de l'Union européenne.
SitCen
Le SITCEN, ou Situation Center, créé en 2005, est chargé d'analyser la menace
commune contre l'Europe. Des structures européennes de police existantes, comme le
TREVI ou Interpol sont aussi mise à contribution au cours d'enquêtes antiterroristes.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 51 -
Réseau ATLAS
Le réseau ATLAS regroupe une trentaine d’unités spéciales issues des pays de l’Unio n
européenne ainsi que de la Norvège [entre autres les Unités spéciales belges (CGSU), le
Grenzschutzsgruppe 9 allemand (GSG-9), le groupe d’intervention de la gendarmerie
nationale (GIGN), le RAID, le Special Air Service britannique (SAS) et le Dienst
Special Interventie néerlandais (DSI), …]. Créé en 1996, ce réseau a pour finalité de
réaliser un répertoire des compétences, des connaissances et des expertises spécialisées
en matière de lutte antiterroriste.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 52 -
ANNEXE 4 - CARTOGRAPHIE DE LA PROBLEMATIQUE DU
TERRORISME AU SEIN DE L'UE
1 – Vulnérabilités des pays de l’UE du fait de leur engagement militaire
Carte 1 - Engagement militaire des pays de l’UE en Afghanistan (printemps 2009)
110
290
140
160
200
700
7
8.300
1.800
1.600
450 3.500
580
9
2
2.800
2.350
70
230
370
860
820
30
780
140
Effectifs militaires déployés en Afghanistan au printemps 2009 :
(2.800) effectifs militaires totaux
effectifs supérieurs à 1.000
entre 1.000 et 500
effectifs inférieurs à 500
Commentaires
L’engagement militaire en Afghanistan concerne la quasi-totalité des pays de l’UE.
Six Etats déploient des contingents supérieurs à 1.000 hommes.
Il faut souligner la très forte implication du Royaume-Uni.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 53 -
Carte 2 - Engagement militaire des pays des l’UE en Irak (fin 2008)
40
120
4.000
900
100
600
155
Effectifs militaires déployés en Irak (fin 2008)
(4.000) effectifs militaires totaux
effectifs supérieurs à 1.000
participation entre 2003 et 2007 mais terminée en 2008
entre 1.000 et 500
effectifs inférieurs à 500
Commentaires :
Le mandat de la force multinationale en Irak s’est achevé en 2008 et n’a pas été renouvelé à la
demande du gouvernement Irakien.
En 2009, les pays de l’UE sont confrontés à une logique de désengagement.
Pour les terroristes islamistes, cette présence résiduelle des forces armées ne semble plus
constituer un motif de frappe sur les territoires des Etats (dans le but de faire pression sur les
gouvernements pour qu’ils mettent fin à leur engagement militaire aux côtés des Etats-Unis,
comme ce fut le cas en 2005).
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 54 -
2
–
Actes
terroristes
recensés
dans
les
pays
de
l’UE
20076
en
Carte 3 - Répartition des 583 actes de terrorisme recensés dans les pays de l’UE (2007)
Commentaires
1
2
20
1
267
9
2
279
2
( 285) nombre total d’actes terroristes (réussis ou manqués) en 2007
plus de 100 actes terroristes
de 1 à 100 actes terroristes
Les deux pays les plus touchés par le terrorisme sont l’Espagne et la France, du fait de
l’action des groupes séparatistes.
Paradoxalement, cette expérience continue du fait terroriste a permis à ces deux Etats de
développer les outils d’action les plus réactifs (coopération interservices au sein des Etats,
cohérence entre actions de police et actions de justice, traitement le plus en amont possible,
coopérations internationales …)
6
Source : TE-SAT 2008 EU Terrorism situation and trend report. Europol 2008
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 55 -
Carte 4 - Typologie des actes de terrorisme recensés dans les pays de l’UE en 2007
1
2
1
4
15
253
14
1
264
1
1
6
3
3
2
8
Nombre d’attentats (ou tentatives) par origine (2007) :
3
islamisme
3
séparatisme
2
de droite
3
de gauche
1
divers
Commentaires :
Les pays de l’UE sont essentiellement marqués par un terrorisme d’origine séparatiste
(Espagne, France, Allemagne).
Le terrorisme politique frappe de façon récurrente des Etats déjà confrontés à ces problèmes
dans le passé.
Les pays nouvellement intégrés à l’UE n’ont pas reconnu d’attentats sur leur sol.
Le terrorisme islamiste a frappé trois Etats fortement engagés militairement en Afghanistan
et/ou en Irak.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 56 -
3 – La lutte contre le terrorisme dans les pays de l’UE
Carte 5 - Lutte contre le terrorisme islamique (2007)
2
6
2
9
1
4
33
3
1
7
91
5
1
50
1
21
4
48
20
21
2
2
Attentats (ou tentative) islamistes
33
1
Nombre de suspects islamistes arrêtés en 2007
Nombre condamnations liées au terrorisme islamiste
plus de 50 islamistes arrêtés
entre 10 et 50
entre 1et 9
Commentaires :
Les arrestations de suspects s’étendent sur pratiquement tous les pays de l’UE qui possèdent
des minorités musulmanes. La France et l’Espagne se placent dans une logique de
démantèlement préventive des réseaux.
Le fort nombre d’incarcérations au Royaume-Uni et en Espagne provient des condamnations
prononcées suite aux attentats de Londres et Madrid.
L’Europe affiche une image de défense collective face à la menace du terrorisme islamiste.
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 57 -
Carte 6 - Lutte contre le terrorisme séparatiste
24
15
8
1
15
315
264
24
1
2
229
196
24
Nombre d’attentats séparatistes
Nombre de suspects arrêtés
2
plus de 100 arrestations
moins de 50 arrestations
Commentaires :
La Corse et le Pays-Basque espagnol concentrent la majorité des actes terroristes
(séparatisme).
L’Espagne et la France ont développé, avec efficacité, le recours aux équipes communes
d’enquête essentiellement dans la lutte contre les séparatistes basques.
Les arrestations sont très nombreuses en France et en Espagne, ce qui prouve l’ampleur des
réseaux ainsi que l’activité des dispositifs défensifs (activité judiciaire).
Des coopérations internationales semblent être développées entre les pays menacés du nord de
l’Europe (Pays-Bas, Belgique, Allemagne).
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 58 -
Carte 7 - Pays de l’UE les plus menacés par le terrorisme islamique
Pays particulièrement menacés par le terrorisme islamiste
Pays menacés par le terrorisme islamiste
Pays dont l’engagement peut justifier un acte terroriste islamiste
Commentaires :
Du fait de leur engagement politique et de la présence de fortes communautés musulmanes
sur leur sol abritant (parfois à leur insu) des groupes structurés d’activistes, le Royaume-Uni,
la France et la Belgique sont considérés comme les pays les plus menacés par le terrorisme
islamiste.
L’Espagne, l’Allemagne et l’Italie sont également sérieusement menacés.
Conjoncturellement, d’autres pays sont susceptibles d’actions terroristes, du fait de leur
politique d’engagement militaire ou de l’exploitation d’événements d’actualités (affaire des
caricatures de Mahomet en 2005).
COMITE 1
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
- 59 -
Graphique 1 - Données octobre 2008 - Bilan des attaques terroristes dans le monde : les
pays de l’UE relativement épargnés7
Bilan des attaques terroristes dans le monde en octobre 2008
400
360
350
300
250
210
200
200
160
150
122
100
43
11
3
0
0
UE
Th
aï
la
nd
e
a
Sr
iL
an
k
Ph
ilip
pi
ne
s
ta
n
Nombre attaques terroristes
4
3
Pa
kis
Né
pa
l
In
de
Is
ra
ël
Ira
k
Tu
rq
ui
e
e
Ru
ss
i
29
5
1
0
40
24 40
6
bi
e
16
10 30
st
an
19
Af
gh
an
i
50
om
90
Co
l
100
100
Nombre de tués
Commentaires :
Même si la vision d’un mois est très réductrice, ce graphique montre la violence du fait
terroriste dans le monde. Dans ce contexte, l’UE semble relativement épargnée.
Ce calme relatif provient de la stabilité politique des Etats membres et de l’efficacité des
mesures de prévention (projets globaux de société) et de défense (coopération judicaire et
policière).
Cet état n’exclut pas une éternelle vigilance et une constante adaptation des moyens aux
menaces.
7
Source : The DS Bulletin n°44 – Octobre 2008 . Evaluation mensuelle
commission de l’UE
COMITE 1
de la Direction Sécurité de la
L’UNION EUROPENNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
2008-2009
Téléchargement