Optique Géométrique Lois de l’optique géométrique Jimmy ROUSSEL - ENSCR (Sept. 2010) Résumé Cette fiche de cours porte sur les bases de l’optique géométrique : le rayon lumineux, l’indice de réfraction, les lois de la réflexion, de la réfraction et de la dispersion. 1 Nature de la lumière La question de la nature de la lumière fut probablement l’une des interrogations les plus fécondes : elle est en quelque sorte l’origine des théories géométrique, ondulatoire, électromagnétique, relativiste et quantique de la lumière. 1.1 Aspects historiques La question de la nature de la lumière remonte à l’antiquité. P YTHAGORE, D ÉMOCRITE, A RISTOTE et les autres avaient déjà construit une théorie de la lumière et la propagation de la lumière en ligne droite était déjà connue d’E UCLIDE (300 ans av. J.C.). La chute de l’empire romain (475 ap. J.C) a ensuite réduit fortement le progrès scientifique pendant plusieurs siècles. Le 17ème siècle est considéré comme le siècle de la naissance de l’optique géométrique tant du point de vue expérimental que du point de vue théorique. N EWTON, père de la mécanique classique, défend une description corpusculaire de la lumière. Pour lui, le phénomène de diffraction de la lumière rapporté dans l’ouvrage du père G RIMALDI (publié à titre posthume en 1665) s’explique par une inflexion de la lumière par la matière : on voit ici une vision purement mécaniste. Il est évident que le succès des Principia Mathematicae et le rayonnement de N EWTON dans le monde scientifique ont certainement freiné le développement de la théorie ondulatoire défendue à l’époque par H UYGENS. Il faudra attendre plus d’un siècle pour que les idées d’H UYGENS soient reconnues. Voici quelques repères historiques... 1590 Z ACHARIAS JANSSEN invente le microscope 1609-1610 G ALILEO G ALILEI construit une lunette astronomiques avec laquelle il découvrira les taches solaires et 3 satellites de Jupiter (Callisto, Europe, Ganymede) 1611 J OHANNES K EPLER découvre la réflexion totale interne, une loi de la réfraction pour de petits angles et les lois des lentilles minces. 1613 G ALILEO G ALILEI démontre la rotation du soleil grâce à l’observation des taches solaires. 1621 L’astronome néerlandais W ILLEBRÖRD S NELL découvre les lois de la réfraction. 1 1.2 Notion de rayon lumineux 2 1637 R ENÉ D ESCARTES démontre mathématiquement que les angles des arcs-en-ciel primaires et secondaires dépendent de l’angle d’élévation du soleil. 1657 P IERRE DE F ERMAT introduit le principe du temps minimal en optique. 1665 Le Père G RIMALDI constate qu’au contour des obstacles ou au bord d’un trou, la lumière subit un éparpillement, et appelle ce phénomène diffraction. 1676 L’astronome danois O LE RÖMER compile les orbites des lunes de Jupiter pour mesurer la vitesse de la lumière qu’il estime à 212000 km/s. 1678 C HRISTIAN H UYGENS introduit le principe de sources de front d’ondes. 1704 I SAAC N EWTON publie Opticks, ouvrage dans lequel il expose une théorie corpusculaire de la lumière. 1.2 Notion de rayon lumineux Postulat de l’optique géométrique La lumière (l’énergie lumineuse) est décrite par un ensemble de rayons lumineux indépendants. Ces rayons lumineux sont caractérisés par une direction de propagation → − u et une vitesse de propagation v. Ces rayons lumineux se propagent en ligne droite dans tout milieu homogène à une vitesse qui dépend du milieu. Spectre électromagnétique : Bien que ce cours ne traite pas des aspects ondulatoires de la lumière, il faut rappeler que la lumière est une vibration électromagnétique qui se caractérise par une longueur d’onde λ - déplacement de l’onde pendant un cycle de vibrations- et par une fréquence f - nombre de cycles par seconde. Toute lumière se propage dans le vide à la vitesse c � 3.108 m.s−1 et la relation entre fréquence et longueur d’onde s’écrit : λ= c f ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel 1.3 Indice de réfraction 3 Le spectre électromagnétique est quasi-totalement invisible par un œil humain, sauf une petite portion dite spectre visible qui s’étend du rouge (longueur d’onde de 780 nm) au violet (longueur d’onde de 380 nm) en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel (communément divisé en rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo et violet). La couleur de la lumière est avant tout une question de perception par l’œil et d’interprétation par le cerveau. La lumière peut être polychromatique, elle est alors constituée de plusieurs longueurs d’onde, ou monochromatique, elle est alors constituée d’une seule longueur d’onde. Les sources monochromatiques au sens strict du terme n’existent pas, mais certains LASERs produisent une lumière dont le spectre est très étroit. On les considère donc généralement comme des sources monochromatiques. Ainsi, la très grande majorité, sinon la totalité, des phénomènes lumineux qu’on observe impliquent une lumière polychromatique. (a) Spectre d’une ampoule (b) Spectre d’une lampe spectrale (c) Spectre d’un LASER Fig. 1: Exemples de Spectres Limitations des lois de l’optique géométrique : Les lois de l’optique géométrique permettent de traiter la lumière dans un cadre approximatif dans lequel les aspects ondulatoires et quantiques peuvent être négligés. Tant que les propriétés des milieux varient peu à l’échelle de la longueur d’onde λ , l’approximation de l’optique géométrique est valide. La notion de rayon est par exemple purement conceptuelle et toute expérience cherchant à isoler un rayon lumineux est vouée à l’échec à cause du phénomène de diffraction (voir Fig-2). Fig. 2: Phénomène de diffraction Conditions de validité de l’optique géomètrique Si l’on note N le nombre de photons mis en jeu dans un phénomène optique, D la dimension caractéristique des obstacles (miroirs, trous, lentilles...) et λ la longueur d’onde, l’approximation de l’optique géométrique est bonne si : N � 1 et D � λ 1.3 Indice de réfraction Dans le vide, la lumière se propage en ligne droite à la vitesse c. C’est en 1676 que RÖMER réussit à estimer cette vitesse grâce aux éclipses de quatre satellites de J UPITER (à différentes périodes de l’année : plus la T ERRE est éloignée de J UPITER, plus la durée entre deux éclipses successives augmente). Il obtint alors ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel 4 environ 212 000 km/s. Ce résultat astronomique fut confirmé en 1728 par B RADLEY qui utilisa l’influence de la vitesse de la T ERRE sur son orbite autour du S OLEIL (phénomène d’aberration des étoiles qui lui permit, indirectement, d’estimer la vitesse de la lumière). Il obtint alors environ 280 000 km/s. En 1849 F IZEAU obtint environ 315 000 km/s en utilisant un système mécanique de miroirs et une roue dentée en rotation (la vitesse de la roue était ajustée pour permettre le passage du rayon lumineux à l’aller, puis au retour après une réflexion sur un miroir). Ensuite, F OUCAULT reprit le même genre d’expérience (la roue dentée fut remplacée par un miroir en rotation) et sa mesure la plus précise, en 1862, s’approcha de la valeur actuelle (avec moins de 1 % de différence : soit environ 300 000 km/s). On retiendra que c � 3.108 m.s−1 ce qui correspond environ à 7,5 circonférences de la Terre parcourues en 1 s ! Dans un milieux transparent, homogène et isotrope, la lumière se propage en ligne droite mais à une vitesse v = nc < c. Le scalaire n s’appelle l’indice de réfraction. Il est caractéristique du milieu. milieu indice air 1,0003 eau 1,33 verre 1,5-1,8 diamant 2,42 Tab. 1: Quelques indices optiques En résumé La vitesse de déplacement de la lumière dépend du milieu dans lequel elle se propage : ◦ Dans le vide la lumière se propage à la vitesse c = 299792458 m.s−1 (constante universelle du Système International). ◦ Dans un milieu matériel transparent homogène et isotrope, la vitesse est inférieure à c et vaut c v= n où n désigne l’indice de réfraction (sans dimension). Remarque : La lumière est une onde et, à l’instar des ondes acoustiques qui ont besoin d’un milieu élastique pour se propager, la question du support de propagation s’est naturellement posée. Cet hypothétique milieu fut appelé Ether. Deux physiciens, M ICHELSON et M ORLEY tentèrent de mettre en évidence expérimentalement un mouvement terrestre par rapport à l’éther à l’aide d’un interféromètre. Leurs expériences furent négatives. Peu après, E INSTEIN va s’inspirer de ces « expériences négatives » et osera formuler le postulat selon lequel l’éther n’existe pas et la lumière se propage dans le vide à la vitesse c, ceci quelque soit le référentiel d’observation. Ainsi, la vitesse de la lumière dans le vide devient une constante fondamentale de la Physique. 2 2.1 Lois de Snell-Descartes Réflexion Lorsqu’un rayon arrive à l’interface entre deux milieux isotropes et homogènes différents, il donne naissance à un rayon réfléchi et à un rayon transmis (réfracté). On distingue deux types de réflexion : ◦ La réflexion diffuse est produite par une surface irrégulière. Elle ne produit pas d’image discernable. C’est cependant cette sorte de réflexion qui nous permet de voir le monde qui nous entoure. ◦ La réflexion spéculaire est produite par une surface très lisse (ex. : miroir ou surface d’eau très calme). Elle produit une image discernable d’un objet. On définit le plan d’incidence comme le plan contenant le rayon incident et la normale à l’interface (cf. figure 3). ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel 2.2 Réfraction 5 Rayon incident Plan d’incidence Normale Rayon réfléchi i’1 i1 Surface réfléchissante Fig. 3: Réflexion d’un rayon sur une interface. Lois de la réflexion 1. Le rayon réfléchi est dans le plan d’incidence. 2. Le rayon réfléchi est symétrique du rayon incident par rapport à la normale : i1 = i�1 Pouvoir Réflecteur : La lumière réfléchie n’emporte pas entièrement l’énergie incidente. On définit le pouvoir réflecteur R d’une interface comme étant le rapport de l’énergie réfléchie sur l’énergie incidente. En incidence normale, Å R= n1 − n2 n1 + n2 ã2 Pour une interface verre-air cela vaut 4%. En déposant une couche mince métallique sur l’interface on ramène le pouvoir réflecteur très proche de 100% : on parle alors de miroir. On peut aussi déposer une couche mince de MgF2 pour réduire le pouvoir réflecteur ; on parle alors de couche anti-reflet 1 2.2 Réfraction La réfraction est la déviation de la lumière lorsqu’elle traverse l’interface entre deux milieux transparents d’indices optiques différents (voir figure 4). Lois de la réfraction 1. Le rayon réfracté est dans le plan d’incidence. 2. Le rayon réfracté est tel que : n1 sin i1 = n2 sin i2 Conséquences : ◦ Principe du retour inverse de la lumière : tout trajet suivi par la lumière dans un sens peut l’être en sens opposé. ◦ Réflexion totale : lorsque le milieu 2 est moins réfringent que le milieu 1 (c’est-à-dire n2 < n1 ), le rayon réfracté s’éloigne de la normale. Il existe alors un angle limite d’incidence il tel que sin il = nn21 et tel que lorsque i > il le rayon réfracté disparait ; seul le rayon réfléchi existe : on parle alors de réflexion totale car toute l’énergie se retrouve dans le rayon réfléchi. 1. Voir cours optique ondulatoire - 2ème année. ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel 2.3 Dispersion 6 Rayon incident Plan d’incidence Normale Rayon réfracté i1 i2 Fig. 4: Réfraction d’un rayon lumineux. RÉFRACTION angle limite 2.3 RÉFRACTION LIMITE RÉFLEXION TOTALE angle limite angle limite Dispersion N EWTON réalisa ses fameuses expériences autour de la décomposition de la lumière par un prisme. Lorsque l’on envoit un pinceau de lumière blanche à travers un prisme, on voit apparaître en sortie du prisme un faisceau divergeant et irisé. Chaque composante spectrale est déviée différemment ; on dit qu’il y a dispersion. Ce phénomène provient du fait que l’indice de réfraction dépend de la longueur d’onde de la lumière. La relation n(λ ) s’appelle relation de dispersion. Dans la plupart des milieux transparents, dans le domaine ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel 2.3 Dispersion 7 visible, l’indice suit la loi de C AUCHY : B λ2 la lumière rouge est plus rapide que la lumière bleue (λrouge > λbleu ). n(λ ) = A + Application : l’arc-en-ciel L’observation d’un arc-en-ciel se produit quand le soleil éclaire une zone humide (modélisée par un ensemble de fines goutellettes d’eau) et que l’ observateur se situe entre le soleil et la zone humide. C’est Descartes qui le premier a donné une explication satisfaisante du phénomène en s’appuyant sur les lois de l’optique géométrique et notamment sur les phénomènes de : 1. La réfraction : le soleil envoie des rayons qui -en rentrant dans une goutte d’eausont déviés. Cette déviation dépend de l’indice de réfraction de l’eau, notée n. 2. La réflexion : la lumière -pour une grande part- sort de la goutte mais une partie est réfléchie puis réfractée ce qui permet à l’observateur de voir l’arc primaire (l’arc le plus intense). Une infime partie est réfléchie deux fois avant d’être réfractée : c’est ce qui produit l’arc secondaire (plus difficile à voir). 3. La dispersion : Le fait que l’indice de réfraction de l’eau dépende de la longueur d’onde de la lumière produit des arcs irisés. Simulation : ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel 2.4 2.4 Interprétations des lois de Snell Descartes 8 Interprétations des lois de Snell Descartes Principe de Fermat Pierre de F ERMAT proposa en 1657 que les rayons lumineux répondaient à un principe très général auquel on donna son nom. Le principe de Fermat est un principe variationnel car il fait appel à une grandeur que l’on cherche à optimiser. Principe de F ERMAT : Le chemin emprunté par la lumière pour se rendre d’un point donné à un autre est celui pour lequel le temps de parcours est stationnaire (c’est-àdire, minimum, maximum ou stationnaire). Ce seul énoncé permet de retrouver toutes les lois de l’optique géométrique : la propagation en ligne droite, le principe du retour inverse et les lois de Snell-Descartes. Point de vue ondulatoire H UYGENS, fervent défenseur de la description ondulatoire de la lumière, énonça un principe qui porte son nom et qui fut le point de départ de la théorie de la diffraction. Principe d’Huygens : Les points de la surface d’onde (surface où tous les points vibrent en phase) agissent comme des sources secondaires d’ondes sphériques qui, par interférence, vont produire une nouvelle surface d’onde plus loin, ceci de proche en proche. Illustration du Principe d’Huygens Le principe d’Huygens permet d’interpréter simplement la loi de réfraction. La figure ci-dessous représente les différents plans de phases traversant un milieu transparent. Prenons deux point A et B appartenant au même plan de phase, comme indiqué sur la figure. ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel 9 A produit une onde sphérique voyageant à la vitesse v1 alors que B en produit une à la vitesse v2 . Après une durée t, l’onde issue de A arrive en A’ alors que l’onde issue de B arrive en B’. A’ et B’ forment la nouvelle surface d’onde. Les angles d’incidence et de réfraction sont tels que : ® sin i1 sin i2 d’où l’on déduit = = v1 t A� B v2 t A� B sin i1 sin i2 = v1 v2 En miltipliant par c cette relation, on retrouve la loi de réfraction. A Résumé des phénomènes Phénomène réflexion réfraction dispersion diffraction absorption Description Un milieu réfléchissant renvoie une partie de la lumière. La réfraction est la courbure des rayons lumineux lorsqu’ils passent d’un milieu à un autre. la dépendance de l’angle de réfraction avec la longueur d’onde implique la dispersion de la lumière Phénomène de déviation des ondes (lumineuses, acoustiques...) lorsqu’elles passent au voisinage d’un obstacle. l’absorption de la lumière se traduit par la diminution de l’intensité lumineuse au fur et à mesure du trajet de la lumière dans un milieu matériel absorbant ©Jimmy Roussel - http ://perso.ensc-rennes.fr/jimmy.roussel