Le Droit Ouvrier • JANVIER 2005
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professionnels dans le secteur public sont également
dans cette ligne de mire.
Le feu vert est donné au patronat pour exploiter au
maximum possible la force de travail salariée, tant par le
jeu de la mise en concurrence de la main d'oeuvre que
par l'effet dévastateur de la délocalisation des emplois.
La Sécurité sociale nonobstant son rôle de régulateur
social, n'échappe pas à sa mise en cause. Dès lors que
des risques sociaux gérés par la sécurité sociale, sont
susceptibles de se prêter à une spéculation financière, ils
s'exposent à être détachés du service public en vue d'une
privatisation partielle ou totale. Ce processus a été
enclenché malgré de fortes résistances, par la récente
réforme des systèmes de retraites obligatoires, qui sous
couvert de leur adaptation à la longévité humaine, a
surtout pour objet de prolonger, par palliers successifs
jusqu'à quarante-deux ans en 2020, la période d'activité
requise pour obtenir une pension à taux plein, de réduire
à terme le montant des pensions versées par la Sécurité
sociale, et de créer des fonds de pension dits à la
française. Ceux-ci, sous couvert d'instituer des pensions
de retraite supplémentaire à titre facultatif ou
conventionnel, sont principalement destinés à utiliser la
manne financière, produite par la capitalisation des
cotisations, pour financer la stratégie des entreprises :
fusions, OPA, délocalisations, et à spéculer, le cas échéant,
en Bourse.
Le même scénario se reproduit en matière d'assurance
maladie. Sous prétexte que les dépenses de santé
croissent plus vite que le PIB, la réforme vise surtout à
réduire les charges sociales des entreprises, à augmenter
la participation financière des ménages, soit directement,
soit par l'intermédiaire d'une protection sociale
complémentaire privée, ce qui élargit d'autant le marché
de la santé aux assureurs privés.
La réforme de l'assurance chômage s'est inscrite dans
le même scénario d'un recul de la protection sociale au
profit de la libre entreprise fondée essentiellement, sinon
exclusivement, sur la recherche du profit.
Les services publics au nombre desquels figure la
Sécurité sociale, sont voués au même sort qu'elle. Si leur
exploitation est financièrement rentable, ils doivent être
rendus à l'initiative privée. Au contraire, s'ils sont
déficitaires par nature ou s'ils participent notamment de
l'appareil répressif du pouvoir, ils doivent être laissés à la
charge des budgets de l'Etat et des collectivités
territoriales, c'est-à-dire des contribuables.
Les néolibéraux, qui dirigent le MEDEF et détiennent le
pouvoir d'Etat, reprennent à leur compte le vieux slogan
selon lequel « les capitalistes servent le mieux l'intérêt
général en réalisant des profits », et ils accusent, pour se
justifier, les droits sociaux, de constituer une entrave au
développement de l'économie et d'encourager la paresse
et la fainéantise, voire la violence et la délinquance. Mais
la réalité quotidiennement vécue est tout autre que celle
qui consiste à vouloir faire prendre les effets pour les
causes. Dès lors que la richesse s'accumule à un pôle de
la société, la pauvreté prolifère à l'autre pôle. On
dénombre statistiquement plus de quatre millions de
personnes vivant dans notre pays au-dessous du seuil de
pauvreté. Au fur et à mesure du laminage des droits
sociaux, de nouvelles couches de la population sombrent
dans la disette, sinon la misère, et d'autres pourtant
mieux loties voient tous les espoirs d'une ascension
sociale s'effondrer à jamais.
Mais par un effet dialectique, se créent des bases
potentielles d'une résistance combative à la remise en
cause des droits sociaux.
B. Le combat pour la restructuration sociale
de la condition humaine
Le combat pour la restructuration sociale d'une
condition humaine qui se dégrade sous les coups de
boutoir d'une déferlante mondiale de l'économie
capitaliste relève, plus particulièrement de l'action
syndicale et politique, même s'il s'inscrit sur une toile de
fond indissociable de la lutte pour la paix ; la guerre étant,
par ses effets destructeurs, la principale ennemie des
droits sociaux.
L'action syndicale certes, mais surtout unitaire est,
l'histoire le prouve, la condition indispensable pour la
défense des revendications professionnelles et surtout
l'acquisition et la sauvegarde des droits sociaux. Les
principales conquêtes sociales ont été, dans notre pays, à
chaque fois le résultat d'actions syndicales unifiées et
convergentes.
1936: la réunification de la CGT et de la CGTU a été le
préalable syndical à la victoire du Front populaire et à la
signature des accords Matignon, ayant institué une
première vague de droits sociaux : congés payés, semaine
de 40 heures, extension des conventions collectives,
apparition des délégués du personnel, mise en oeuvre
d'une procédure de conciliation et d'arbitrage pour régler
les conflits collectifs, les premières nationalisations...
1945-46 : la réunification de la CGT en 1943 (accords
du Perreux) préalable à la seconde vague des droits
sociaux : création des comités d'entreprise, de la Sécurité
sociale, l'extension des nationalisations, la reconnaissance
des droits sociaux par le préambule de la Constitution de
1946...
1968 : les actions convergentes notamment de la CGT
et de la CFDT, préalable à la troisième vague des droits
sociaux (accords de Grenelle) majoration de 10 %
minima des traitements et salaires, majoration du SMIG
devenu SMIC, paiement spécifique des journées d'arrêt
de travail, reconnaissance de la section syndicale
d'entreprise...
Ainsi, il se dégage une constante : l'action syndicale
unitaire ou convergente, présage de la conquête de
nouveaux droits sociaux. Par contre un front syndical
désuni, comme en témoigne notamment le rôle néfaste
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