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É
LÉMENTAÍRE
Accélérateur
Pour observer le monde qui nous entoure, nous nous servons en priorité
de nos yeux. Que nous regardions une fleur près de nous ou une étoile
par un télescope, la vision est fondamentale pour ces études qui utilisent
la lumière comme principale source d’information. Or, les particules
élémentaires n’émettent pas de tels rayonnements : comment les «voir»
quand même ? Dans l’obscurité, il faut utiliser d’autres sens comme l’ouÏe
ou le toucher. Ainsi, pour étudier une cloche dans le noir, on pourrait
imaginer de la faire sonner ; l’analyse de ses vibrations nous renseignerait
ensuite sur sa structure. Le même raisonnement est valide pour l’étude de
l’infiniment petit : pour étudier la matière atomique et subatomique, les
physiciens secouent, font vibrer et même cassent ses consituants. Pour
cela, ils utilisent des accélérateurs de particules.
Une fois accélérées, ces dernières entrent en collision et, plus l’énergie
délivrée est importante, plus l’échelle de distance à laquelle on pourra
examiner la matière sera courte. On pourrait, en simplifiant à l’extrême,
dire que les accélérateurs de particules sont des microscopes géants.
Cependant, s’ils servent bien à observer «l’infiniment petit», ils sont basés
sur des principes très différents.
Ce besoin de chocs de plus en plus violents entre particules a donné
naissance à une discipline à part entière, appelée la physique des
accélérateurs. Dans ce numéro et dans les suivants, nous souhaitons
présenter les principaux développements dans ce domaine en les reliant
aux découvertes qu’ils ont permises. Cette perspective historique nous
conduira aux accélérateurs actuels et... futurs, de véritables bijoux
technologiques, bien loin de simples «casse-particules».
L’accélération et le guidage, à des énergies toujours plus importantes,
de particules ou de noyaux chargés repose sur l’utilisation de champs
électrique et magnétique. Dans cet article, nous allons décrire les
principes de l’accélération des particules par des champs électriques, ce
qui nous permettra d’évoquer les accélérateurs «électrostatiques».
Du tube de Crookes à la télévision
La science des accélérateurs s’appuie beaucoup sur l’électromagnétisme,
en particulier sur ses développements
fulgurants au XIXe siècle, de Volta à
Maxwell en passant par Faraday, Oersted
et Ampère. On s’intéressait beaucoup
alors à la production d’étincelles entre
deux plaques métalliques chargées.
William Crookes construisit en 1875
un appareil – voir figure 1 – pour étudier
l’influence de la densité d’air sur la
différence de potentiel à appliquer entre
les plaques pour créer une décharge
électrique. En un certain sens, il s’agissait
du premier accélérateur.
Louis de Broglie (1892-1987)
(prononcer « De Breuil ») s’est
d’abord orienté vers les Lettres.
Licencié en Histoire en 1910, il s’est
ensuite intéressé aux sciences, et
plus particulièrement à la physique
théorique, sur les conseils de son
frère aîné Maurice – physicien
autodidacte qui fonda un laboratoire
dans son propre hôtel particulier ! Sa
thèse, publiée en 1924, « Recherche
sur la Théorie des Quanta », postule
l’existence d’une longueur d’onde
associée à chaque particule et il la
relie à l’énergie cinétique de celle-ci.
D’abord accueillie avec scepticisme
par la communauté scientifique,
sa théorie est confirmée de manière
éclatante par des expériences menées
en 1927. Pour ses travaux, il reçoit
le prix Nobel de Physique en 1929.
Pourquoi toujours chercher à augmenter l’énergie des accélérateurs ?
Augmenter l’énergie des particules accélérées dans les accélérateurs a deux
avantages :
• plus l’énergie E est grande, plus on peut créer des particules de masses M
élevées – c’est la célèbre relation d’Einstein montrant l’équivalence masse – énergie
(voir la rubrique «La question qui tue») : E = M × c2
• en optique, la longueur d’onde de la lumière (proportionnelle à l’inverse
de sa fréquence) donne l’ordre de grandeur des détails que l’on peut discerner avec
cet éclairage particulier. L’un des grands succès initiaux de la Mécanique Quantique
a été de postuler, puis de démontrer l’existence d’une longueur d’onde associée à
une particule en mouvement – ce résultat est dû en particulier aux travaux de Louis
de Broglie. Cette longueur d’onde varie comme l’inverse de l’énergie, c’est « l’effet
microscope ».
Les premiers accélérateurs électrostatiques