Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques Résumés des conférences et travaux 146 | 2015 2013-2014 Histoire et archéologie de la Gaule romaine Histoire et archéologie de la Gaule romaine Conférences de l’année 2013-2014 Michel Reddé Éditeur École pratique des hautes études. Section des sciences historiques et philologiques Édition électronique URL : http://ashp.revues.org/1711 ISSN : 1969-6310 Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2015 Pagination : 111-114 ISSN : 0766-0677 Référence électronique Michel Reddé, « Histoire et archéologie de la Gaule romaine », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 146 | 2015, mis en ligne le 01 octobre 2015, consulté le 02 décembre 2016. URL : http://ashp.revues.org/1711 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Tous droits réservés : EPHE Résumés des conférences 111 H I ST OI R E ET A RC H É OL O GI E D E L A G AU L E R O M A I N E Directeur d’études : M. Michel Reddé Programme de l’année 2013-2014 : Camps militaires et enceintes civiles en Gaule et dans les Germanies. L’enseignement, pendant l’année académique 2013-2014, a été consacré à un nouveau thème de recherche, programmé jusqu’en 2015. Il s’agissait, cette fois, d’appréhender la nature et la fonction des enceintes civiles et militaires de la Gaule, leur variation à travers le temps, leur place dans les territoires, la signification historique de ce phénomène, appréhendé depuis la Tène finale jusque dans l’Antiquité tardive. La première séquence s’est arrêtée à la fin du second siècle de notre ère. On a tout d’abord tenté de redéfinir la notion de « ville protohistorique », généralement fort éloignée de celle qui prévaut chez les historiens du monde classique, en s’appuyant sur les questions posées par V. Kruta et C. Goudineau dans l’Histoire de la France urbaine I (dir. G. Duby), un ouvrage vieux désormais de plus de 30 ans. Les auteurs se demandaient déjà si le rempart était constitutif d’une dignité urbaine ou s’il n’était qu’un simple ouvrage défensif. Leur analyse ne pouvait à l’époque s’appuyer sur l’ouvrage majeur de M. Py, Culture, économie et société protohistoriques dans la région nîmoise, publié en 1990 dans la collection de l’École française de Rome, qui a particulièrement bien décortiqué la forme et la fonction des enceintes préromaines du Languedoc et leur relation étroite avec l’urbanisme de cette région, la hiérarchie des oppida, leur répartition au sein d’un même territoire. On a pu ainsi présenter aux auditeurs différents exemples caractéristiques, entre autres ceux de Nages et d’Ambrussum. Nîmes préromaine offre, à cet égard, un bel objet d’étude, puisque cette ville remparée a continué de jouer un rôle majeur à l’époque impériale, devenant la capitale politique et économique des Arécomiques, comme nous l’apprennent les sources classiques. L’étude que M. Monteil lui a consacrée, en rompant la césure académique traditionnelle entre période protohistorique et antiquité classique, permet justement d’évaluer, à partir d’un cas concret, les phénomènes de continuité urbaine, le rôle que joue l’enceinte dans les relations entre le noyau urbanisé et la campagne, les complémentarités économiques et sociales entre la ville et son territoire (M. Monteil, Nîmes antique et sa proche campagne. Monographies d’archéologie méditerranéenne, 3, 1999). La question des oppida de la Gaule du Nord n’avait pu faire l’objet d’études aussi poussées que pour le Midi dans l’Histoire de la France urbaine, faute de fouilles nombreuses, modernes et bien documentées. La question, depuis lors, a très sensiblement évolué, en grande partie grâce aux programmes lancés vers le milieu des années 1980 sur Bibracte, et qui ont généré, à l’échelle française et européenne, toute une série 112 Annuaire – EPHE, SHP — 146e année (2013-2014) d’études majeures. Elles ont été présentées dans le cadre de la conférence, après une mise au point sur le terme latin d’oppidum, dont le sens latin diffère assez largement de celui qu’en font aujourd’hui les archéologues, mais qui est aussi d’un emploi classique beaucoup moins stéréotypé qu’il n’y paraît (Il peut ainsi désigner, chez Pline l’Ancien, HN V, 20, une colonie romaine, tout comme dans la lex Malacitana, CIL I2, 1964, 3, 62, ou la loi d’Urso, CIL I2, 594, 75,17, par exemple). Après un rappel historiographique de la recherche consacrée aux oppida de l’Europe tempérée et des différentes théories anciennes qui ont tenté d’expliquer leur émergence et leur fonction défensive dans la seconde moitié du iie siècle avant notre ère, Philippe Barral, professeur à l’université de Besançon, a été invité par le directeur d’études à replacer l’apparition des sites centraux fortifiés dans l’évolution politique, économique et sociale propre à la Gaule du Nord depuis la Tène moyenne, une question qui a été complètement renouvelée ces dernières années et qui continue d’être l’objet de nombreuses recherches. Cette analyse a permis en même temps d’aborder la question des agglomérations protohistoriques ouvertes, de leur apparition et de leur évolution, offrant ainsi un tableau des réseaux urbains et de l’occupation des territoires celtiques beaucoup plus nuancé et complexe que celui qu’on pouvait présenter il y a seulement quelques années. Une série de conférences a ensuite permis d’étudier, sous un angle strictement archéologique, les différents types de remparts observés en Gaule du Nord. Une attention spécifique a été portée au cas des différents oppida fouillés ces dernières années dans la grande Limagne, tous situés à quelques kilomètres les uns des autres, au sud de Clermont-Ferrand. Alors que Corent, juste antérieur à la conquête, ne semble pas remparé et n’a pas survécu à la guerre des Gaules, la recherche archéologique la plus récente a montré que l’enceinte de Gergovie, datée du Halstatt final (Ha D2/3), avait connu une réparation d’urgence vers le milieu du ier siècle avant notre ère, mais sans générer une occupation de type urbain. Le troisième oppidum, celui de Gondole, lui aussi fortifié, semble en revanche former le chaînon historique manquant avant la création de la ville romaine d’Augustonemetum dont la date de naissance exacte reste un objet de débats, faute de synthèse. La même question se pose à propos de Bibracte, une véritable ville dont la recherche archéologique la plus récente montre l’organisation spatiale complexe, révélant en même temps une chronologie plus basse qu’on ne le croyait autrefois puisque son occupation descend au moins jusqu’aux années 20 avant notre ère, sans compter la survivance de certaines grandes domus jusqu’au règne de Tibère. Cette datation ne permet toutefois pas de percevoir comment s’est effectuée la transition avec la fondation d’Autun et le transfert de la capitale Éduenne puisque les niveaux les plus anciens de la ville romaine remontent difficilement au-delà du changement d’ère. Les fouilles en cours autour du « temple de Janus » permettront peut-être de clarifier ce débat. C’est dans ce cadre qu’a été invité Vivien Barrière, maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise, qui a présenté de dossier archéologique et architectural complexe du rempart augustéen d’Autun, inaugurant ainsi la seconde partie du programme de la conférence, consacrée cette fois aux enceintes urbaines d’époque romaine en Gaule. On a ainsi examiné successivement celles de Nîmes, de Vienne, de Fréjus, d’Orange, d’Arles, en replaçant cette série dans le cadre des créations ou des promotions coloniales de la fin du ier siècle avant notre ère, mais aussi dans la filiation Résumés des conférences 113 de l’architecture urbaine italienne. Il était intéressant, à cet égard, de suivre cette évolution dans le Nord de la Gaule et d’évaluer la création des enceintes urbaines qu’on connaît dans le contexte du développement local des rares villes qui ont reçu ce privilège de rempart : outre Autun, déjà cité, c’est le cas de Reims, mais on n’y restitue qu’un mur de terre, jamais pétrifié ; la colonie romaine d’Augst, fondée de facto vers 15 avant notre ère, n’a pas reçu de rempart avant l’époque flavienne, à la différence des villes de même statut civique dans le Midi, peut-être même après Avenches, qui ne devint pourtant colonie (romaine ?) que sous Vespasien. À Cologne, l’enceinte en pierre n’a pas été édifiée avant la fin du ier siècle, malgré la fondation claudienne de la ville, si l’on en croit les fouilles les plus récentes. Celle de Xanten n’est que de peu postérieure, contemporaine cette fois de la déduction coloniale, sous Trajan. Celle de Trèves, enfin, est implantée sur des tombes du milieu du second siècle de notre ère, mais on a du mal à relier cette modification majeure du paysage urbain à un événement particulier dans l’histoire de la ville et à sa promotion comme capitale de la Belgique, dont le moment n’est pas déterminé. Il était en même temps intéressant de comparer ces différents cas avec celui de Toulouse, où des fouilles récentes ont permis de dater l’enceinte vers 30 de notre ère, alors que la ville n’a jamais dépassé le rang de colonie latine. Il n’y a pas, en conséquence, de lien chronologique et automatique entre statut municipal et rempart urbain, même si on constate que le droit accordé à certaines villes, fort rares au demeurant, ne concerne jamais les cités pérégrines. Une troisième partie de la conférence a été consacrée à l’occupation militaire de la Comata. Après un certain nombre de rappels généraux sur les techniques de la castramétation romaine, on s’est posé la question complexe des camps de la période césaroaugustéenne en Gaule, qui fait débat depuis le début du xxe siècle. La plupart des camps généralement cités dans la littérature ancienne (Arlaines, Aulnay, Mirebeau…) sont en effet nettement postérieurs à l’époque de la conquête, comme différentes fouilles, notamment celles du directeur d’étude, l’ont montré. On ne connaît guère, en effet, de complexes militaires archéologiquement datés de la seconde moitié du ier siècle avant notre ère en Gaule intérieure (M. Reddé, R. Brulet, R. Fellmann, J. K. Haalebos et S. von Schnurbein [éd.], L’architecture de la Gaule romaine, I. Les fortifications militaires, Bordeaux, Ausonius, 2006 [DAF 100]). C’est donc par d’autres biais qu’il faut essayer d’identifier les premières occupations de l’armée romaine. Sur ce point, le colloque organisé à Bibracte sur les militaria césariens, a beaucoup fait progresser la recherche (cf. M. Poux [dir.], Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois. Actes de la table ronde du 17 octobre 2002, Glux-en-Glenne – F.58, Bibracte 14, 2008). Il a en effet permis de donner une plus grande crédibilité à l’hypothèse, formulée depuis longtemps mais jamais vraiment démontrée, d’une occupation des oppida celtiques par des unités réduites dans la période qui a suivi la conquête. On peut en retrouver les traces dans d’assez nombreux cas, dont les plus connus sont sans doute ceux de la Chaussée-Tirancourt (peut-être la Samarobriva de César) ou de Liercourt-Érondelle, en Picardie, le Titelberg, au Luxembourg, l’oppidum postérieur à la conquête de Windisch, en Suisse, celui de Bâle-Cathédrale, sans doute aussi celui de Boviolles, en Lorraine. Cette liste n’est pas limitative. Elle doit être confrontée avec la carte des tombes à armes trouvées en Gaule romaine, et dont les plus récentes datent de l’époque de Caligula, signe d’un indubitable mélange de traditions militaires 114 Annuaire – EPHE, SHP — 146e année (2013-2014) gauloises qui mettent en scène des auxiliaires au service de Rome (cf. M. Feugère, « Les tombes à armes et l’aristocratie romaine sous la paix romaine », dans M. Reddé [dir.], L’armée romaine en Gaule, Paris, Errance, 1996, p. 165-176). Cette partie du cours a donné lieu à la rédaction d’un article de synthèse en cours de publication dans les Festschrift offerts à B. Pferdehirt. Les dernières conférences de l’année ont permis d’étudier la réaction impériale face aux révoltes de 21 et de 68, qui ont provoqué une remilitarisation partielle de la Comata avec les camps d’Arlaines et d’Aulnay-de-Saintonge, d’une part, de Mirebeau d’autre part, avant la mise en place progressive de la frontière de Germanie. Le thème de cette conférence a donc été un prétexte, pendant toute l’année 2013-2014, pour aborder toute une série de problèmes historiques sur l’occupation de la Gaule. Il sera continué en 2014-2015 et traitera de la période suivante.