de l’Eglise et des vies. Et en recevant le corps eucharistique du Christ, la communauté se
range sous la souveraineté du crucifié
20
. Qu’en résulte-t-il alors pour le lien ecclésial ?
Le lien sacramentel : le Christ comme trait d’union
Le corps ecclésial du Christ ne s’enracine pas dans la naissance, la parenté ou
l’appartenance culturelle. Ce sont des rites sacramentels qui en rendent membres,
particulièrement le baptême et l’eucharistie : ils signifient le lien essentiel à l’altérité du Christ.
Le lien essentiel au Christ est d’abord mis en évidence par le fait que les communautés
chrétiennes naissantes n’ont pas de lieu de culte particulier : les bâtiments spécifiques
n’apparaîtront que vers le troisième siècle. Les réunions se font dans les maisons, c’est-à-dire
sur les lieux de la vie quotidienne et profane
21
. Il n’y a pas non plus d’objets, de vêtements ou
de symboles uniquement cultuels, pas plus que d’ablutions ou de prescriptions de pureté. Ce
qui est décisif n’est pas le lieu ou les objets mais le nom du Christ, ce que font apparaître le
baptême et le partage eucharistique.
Ainsi, avant d’intégrer à une communauté spécifique, le baptême est fait « au nom
de Jésus-Christ ». Il engage une double relation. Tout d’abord, par le baptême, chacun est uni
à la mort - résurrection du Christ : « Nous tous, baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort
que nous avons été baptisés. Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec
lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts (...), nous menions nous aussi une vie
nouvelle »
22
. Ensuite, c’est sur cette base que le lien au Christ établit une relation entre les
baptisés car il réunit diverses identités religieuses, culturelles et sociales : « Nous avons tous
été baptisés (...) pour être un seul corps, Juifs ou grecs, esclaves ou hommes libres »
23
. Le
baptême laisse apparaître une double mise en relation, d’une part entre le baptisé et le Christ,
d’autre part entre les baptisés par la médiation du rapport au Christ.
20 - C. Perrot, Lecture de 1 Co 11,17 - 34, in ACFEB
Le corps et le Corps du Christ dans la première épître aux Corinthiens, Paris, Cerf
(Lectio Divina n°114), 1983, p. 96
21 - La maison est une unité fondamentale de la Cité antique. Elle ne se définit pas seulement par des relations de parenté mais comme une
entité où les différents membres entretiennent des relations à la fois d’interdépendance et de subordination. Le chef de la maison est le père
de famille qui est responsable de tous ceux qui y vivent et en vivent : famille, esclaves, anciens esclaves devenus clients, salariés, associés ou
fermiers. Les fouilles de Pompéi ont fait apparaître la structure matérielle de ce type de groupe social : “chambres privées et bureaux du chef
de famille, zone pour les femmes et les enfants, appartement des esclaves, chambres, magasins vers la rue ( taverne ? hôtel ?) avec, au centre,
la chambre à manger comme lieu de rencontre”. ( Yann Redalié, Paul après Paul. Le temps, le salut, la morale selon les épîtres à Timothée
et à Tite, Genève, Labor et Fides, 1994, p. 266).
La maison va représenter l’élément-noyau du christianisme naissant. La liste finale des salutations en conclusion de l’épître aux Romains
mentionne ainsi plusieurs communautés domestiques. Le Livre des Actes cite les maisons de Corneille ( Ac 10, 2), de Lydie (Ac 16, 15), du
geôlier à Philippes (Ac 16, 31-34), de Crispus (Ac 18, 8 et 1 Co 1, 14), de Titius Justus chez qui saint Paul descend à Corinthe (Ac 18, 7).
C’est aussi dans la chambre haute d’une maison que les Onze élisent Matthias ( Ac 1, 13 et 26). L’expérience de la Pentecôte est mise en
scène dans une maison ( Ac 2, 2). Avant sa conversion, saint Paul “pénétrait dans les maisons” pour persécuter l’Eglise (Ac 8, 3). En
s’appuyant sur des communautés domestiques, le christianisme se situe dans la ligne de la tradition juive de la diaspora qui s’est structurée à
partir des familles. Mais il s’en distingue sur le point que nous mettons en évidence : il n’y a pas de Temple comme référence centrale, ni
d’unité généalogique.
22 - Rm 6, 3 - 4
23 - 1 Co 12, 13