Le changement climatique : du global au local

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Le changement climatique :
du global au local
Conférence APHG – Avril 2008
Vincent Moron
Université Aix-Marseille, CEREGE
et IRI
Le changement climatique : définition
• Au sens large : variation climatique, c’est-à-dire
anomalie par rapport à une moyenne (la moyenne
définissant un état d’équilibre dans les systèmes
dynamiques)
• Au sens strict : variation climatique, depuis le 20ème
siècle, induite au moins partiellement par la modification
de la chimie atmosphérique en liaison avec les activités
anthropiques
Le système climatique
• Le système climatique est un ensemble d’éléments en
interaction (atmosphère, hydrosphère, cryosphère, surface
continentale, biosphère) alimenté presque exclusivement (>
99.9%) au départ par le rayonnement solaire (= 342 W/m2 en
moyenne annuelle et planétaire)
• Le système climatique absorbe en moyenne 70% du
rayonnement solaire incident (= 239 W/m2) et ré-émet ~ la
même quantité de rayonnement vers l’espace (sous forme
d’infra-rouge) : cet équilibre (en moyenne annuelle et
planétaire) permet de définir notamment des valeurs
caractéristiques moyennes du climat terrestre comme par
exemple la température d’équilibre radiative = -18°C
(observée vers 5 km d’altitude), les précipitations/évaporation
~ 1 m etc.
L’effet de serre : définition
• L’équilibre global entre rayonnement solaire absorbé et
rayonnement IR émis est compliqué par certaines
propriétés de l’atmosphère qui est pratiquement
transparent au rayonnement solaire (concentré dans le
visible) et pratiquement opaque au rayonnement IR
• L’atmosphère agit donc comme un filtre sélectif et
absorbe beaucoup mieux le rayonnement émis par la
surface terrestre que celui émis par le soleil : une des
conséquences est par exemple que la température
moyenne observée en surface n’est pas la température
d’équilibre radiatif, mais +15°C environ.
L’effet de serre : les gaz impliqués
- oxygène = 20%, azote =
78%, argon =1% en volume
n’ont AUCUN effet de serre
- à part la vapeur d’eau, les
autres GES ont une durée de
vie dans l’atmosphère > 10 ans
(12 ans pour le méthane, 150200 ans pour le CO2, 200 ans
pour le N20, … 50000 ans pour
le SF6)
(source, Foucault, 1992)
Les variations climatiques : échelle globale (1)
- hausse de 0.8°C environ depuis le début du
20ème siècle
- hausse concentrée dans les années 20-30s
puis depuis 1975-1980 (quasiment +0.5°C
depuis 30 ans)
- hausse du niveau marin de 20 cm en
moyenne depuis 1875
- baisse de la couverture neigeuse (et de la
banquise arctique) surtout après 1975
(source, Climate Research Unit, Norwich, UK)
Les variations climatiques : échelle globale (1)
- hausse de 0.8°C environ depuis le début du
20ème siècle
- hausse concentrée dans les années 20-30s
puis depuis 1975-1980 (quasiment +0.5°C
depuis 30 ans)
- hausse du niveau marin de 20 cm en
moyenne depuis 1875
- baisse de la couverture neigeuse (et de la
banquise arctique) surtout après 1975
(source, Climate Research Unit, Norwich, UK)
Les variations climatiques : échelle globale (2)
- sur la période 1901-2005, la tendance est presque partout positive, excepté sur le
nord de l’Atlantique Nord, le SE des Etats-Unis et quelques points andins. La hausse est
particulièrement forte sur l’Amérique du Nord et l’Eurasie
(source, IPCC)
Les variations climatiques : échelle globale (3)
- signal moins clair sur les précipitations
(continentales uniquement) sans
tendances claires à long terme sur la
période 1901-2005
- moins de robustesse du signal
(l’amplitude des anomalies est différente
entre les fichiers de données)
- spatialement, les régions connaissant
une évolution tendancielle significative sur
le 20ème siècle sont rares (baisse sur la
bande sahélienne, le Chili central et
méridional, hausse sur l’E de l’Amérique
du Nord, le SE de l’Amérique du Sud, l’W
de l’Australie etc.)
(source, IPCC)
L’attribution des causes des variations climatiques à
l’échelle globale (1)
- les simulations intégrant les forçages
naturels pertinents à cette échelle
(constante solaire + éruptions volcaniques)
ne permettent pas de reproduire la hausse
depuis les années 75-80s (car la constante
solaire ne montre pas une forte hausse et
les éruptions volcaniques majeures sont
plus fréquentes après 1960 qu’entre 1915
et 1960)
- les simulations combinant les forçages
naturels et les forçages anthropiques
reproduisent fidèlement l’évolution à long
terme de la fin du 20ème siècle (de même
que la hausse des années 20-40s)
- même si les modèles restent des
abstractions très imparfaites de la réalité, ils
permettent de définir une CAUSE plausible
des variations climatiques
(source, Stott et al., 2000)
L’attribution des causes des variations climatiques à
l’échelle globale (2)
- comparaison entre observations et simulations réalisées
en 1990 (premier rapport de l’IPCC)
- globalement l’évolution tendancielle est
remarquablement bien prédite
- hausse de 35 ppmv de la concentration atmosphérique
en CO2
- hausse de la température moyenne de surface de
+0.3°C
- hausse du niveau marin moyen de > de 4 cm
- les observations semblent plutôt dans l’intervalle
supérieur (voire au-dessus pour la hausse du niveau
marin) de ce qui était prédit en 1990
- les variations thermiques interannuelles (par exemple
entre 1998 et 1999-2000) ne sont pas simulées (mais
elles n’ont aucune raison de l’être avec le forçage
anthropique qui est lissé dans le temps ; autrement dit, il
ne faut pas tenir compte dans les prédictions des
variations interannuelles qui sont le fruit d’autres forçages
et/ou des mécanismes internes du système climatique)
(source, Rahmstorf et al., 2007)
Les variations climatiques à l’échelle nationale
et locale (1)
(source, Moisselin et al.,
2002)
- tendance linéaire sur le 20ème siècle en
France de la température moyenne
annuelle
- l’effet « urbain » (une ville est en
moyenne plus chaude que la campagne
environnante, surtout la nuit) est éliminé
- hausse de 1°C environ
- hausse prononcée de la température
minimale (enregistrée en général en fin
de nuit) de +0.9°C à +1.5°C
- hausse modérée de la température
maximale (enregistrée en général vers
14-15h solaires) de +0.3°C à +1.1°C
- donc baisse en général de l’amplitude
diurne
- ces traits sont tout à fait cohérents avec
la moyenne planétaire, même si il existe
des différences, notamment dans la
phase temporelle des variations
Les variations climatiques à l’échelle nationale
et locale (2)
- comme à l’échelle planétaire, d’autres
paramètres, notamment les
précipitations, ne montrent pas
d’évolution tendancielle prononcée et/ou
cohérente à l’échelle nationale comme
les températures
(source, Moisselin et al.,
2002)
nombre d’épisodes de pluies diluviennes (>
190 mm en 24h) sur le SE de la France
(Planton, 2000)
Les variations climatiques à l’échelle nationale et
locale (3)
- exemple des températures observées à
Marseille du 29/3/2007 au 28/3/2008
- cycle saisonnier clairement visible avec
alternance de phases anormalement chaudes
(par rapport à la moyenne 1971-2000), intenses et
nombreuses (avril-juin 2007, septembre 2007,
janvier-mars 2008) et quelques périodes
anormalement froides (mi-octobre à fin-décembre
, notamment)
- en moyenne, cette année présente un excédent
de +1.2°C par rapport à la moyenne de 19712000). En France, les valeurs sont de +1.4°C à
Strasbourg, +1°C à Bordeaux et Lille, +0.9°C à
Brest etc. donc sur un pas suffisamment long
(plusieurs mois consécutifs), c’est homogène
mais cela ne signifie pas que (1) les anomalies
sont nécessairement homogènes en-dessous de
cette échelle temporelle et (2) les anomalies se
répètent immuablement d’une année sur l’autre.
Cette homogénéité spatiale est beaucoup plus
faible pour les précipitations
L’attribution des causes des variations climatiques à
l’échelle nationale et locale (1)
- à l’échelle planétaire, la température moyenne de la surface terrestre ne dépend que
(1) modifications du bilan radiatif planétaire et (2) façon dont la chaleur est répartie sur
la verticale (notamment au sein de l’océan). En gros, un excédent radiatif = hausse de
la température après une phase d’ajustement. Pour avoir un impact planétaire, la
modification du bilan doit s’inscrire sur plus de 20-30 ans
- en-dessous de l’échelle planétaire, notamment si on considère les variations
thermiques sur un pas de temps « court » (par exemple d’une année sur l’autre), c’est
beaucoup plus compliqué ! Les variations dépendent non seulement du bilan radiatif
planétaire et régional (par exemple les aérosols soufrés anthropiques ont une durée de
vie de quelques semaines dans l’atmosphère) + des changements de circulation
océanique et atmosphériques dans le sens horizontal
- cela concerne aussi les variations des variables impliquées dans le cycle hydrologique
comme les précipitations …
L’attribution des causes des variations climatiques à
l’échelle nationale et locale (2)
Exemple de deux mois séparés
de 2 ans (donc a priori ~
identique du point de vue de
l’intensité du forçage anthropique)
- Janvier est anormalement froid
en Europe moyenne (jusqu’à -7°C
/ moyenne 1971-2008)
- Janvier 2008 est au contraire
plus chaud de l’Ouest de l’Europe
vers le NE (+7°C en Mer Blanche)
- l’écart entre les deux mois est
de 4-5°C en moyenne sur la
France (jusqu’à 12°C en Pologne)
(source des données, NCEP)
L’attribution des causes des variations climatiques à
l’échelle nationale et locale (3)
- flux moyen de WSW en
Europe, amenant de l’air doux de
l’Atlantique entre anticyclone au
S (et à l’E) et dépression au NW
Dépression d’Islande
Anticyclone des Açores
+
-
(source des données, NCEP)
- Janvier 2006 : accentuation de
l’anticyclone continental avec +
12 hPa au-dessus de la
Scandinavie = anomalies de vent
d’E à NE de la Russie à l’Europe
de l’ouest)
- Janvier 2008 : accentuation et
décalage vers le SE de la
dépression d’Islande =
anomalies de vent de SW sur
l’Europe (alors que les Balkans +
Asien Mineure sont protégés par
un anticyclone puissant et plus
froids que la moyenne)
Résumé sur la variabilité climatique
contemporaine
• Échelle globale ?
∆Tglobal ~ ∆BRglobal x σ (= paramètre de sensibilité ~ 1.5-4
W/m2/°C)
La cause la plus probable qui explique la hausse
thermique depuis 1975-1980 est le forçage
anthropique
• En-dessous de l’échelle globale ?
∆Tlocal ~ f(∆BRglobal x σ, ∆circ., ∆BRlocal, etc.)
L’effet de serre : variations futures
À la suite de la fondation du GIEC et des protocoles de Rio (1992) et de Kyoto (1997),
définition de scénarios, définissant les variations du BR jusqu’en 2100 uniquement
contraintes par le forçage anthropique avec combinaisons de 3 facteurs principaux ;
- Croissance démographique
- Croissance économique
- Développement technologique
Ces éléments sont traduits en émission de carbone
= famille de 40 scénarios (A1fl : forte croissance démographique + utilisation massive
des combustibles fossiles ; B1 : croissance démographique plus limitée +
généralisation des énergies renouvelables)
- Ces scénarios constituent l’hypothèse la plus plausible de l’évolution du climat jusqu’en
2100 (on considère que les variations de la constante solaire ne dépasseront pas en
amplitude ce qu’on a connu depuis 1850 et que les éruptions volcaniques majeures
ne se multiplieront pas ; en d’autres termes, on fait l’hypothèse que le forçage
anthropique est sans commune mesure avec les autres forçages du système
climatique pertinent à cette échelle de temps
Variations prévues de la température moyenne
en surface
(source, IPCC)
Exemple du scénario A2 : réponse de la température
moyenne en surface en 2100
(source, IPCC)
- + 4°C en moyenne
plus forte sur les
continents que sur les
océans
- hausse très forte sur
les continents
subpolaires + Arctique
en hiver (= baisse de la
couverture de neige +
structure verticale qui
concentre la hausse
dans les basses
couches)
- hausse plus faible sur
les océans notamment
dans l’hémisphère sud
et au nord de
l’Atlantique Nord ( =
répartition verticale de
l’excédent énergétique
+ évaporation)
Exemple du scénario B2 : réponse de la température
moyenne en surface en 2100
(source, IPCC)
Précipitations moyennes (DJF et JJA) différences
2080-2099 – actuel dans le scénario A1B (scénario ~
moyen)
(source, IPCC)
- Contrairement aux températures, le signe de la réponse des précipitations n’est pas
uniforme à l’échelle locale
- Globalement un air plus chaud pourra évaporer plus d’eau mais cela ne signifie pas
plus de précipitations
- plutôt plus de précipitations aux hautes latitudes et moins aux latitudes subtropicales et
tempérées en été
- très forts contrastes dans la zone tropicale (et consensus pour l’instant assez faible
entre les simulations)
Exemple du scénario A2 : réponse de la température
moyenne en surface en France en hiver
Un hiver anormalement « froid » dans le
contexte de la fin du 21ème siècle (mais
plus chaud de 1.3°C par rapport à la
moyenne actuelle)
Un hiver anormalement « chaud » de la fin
du 21ème siècle (+ 4.1°C par rapport à la
moyenne actuelle)
(source, http://climat.science-et-vie.com/carte/carte.php)
Exemple du scénario A2 : la température sur 5 jours
en Provence …
- anomalie thermique
positive maximale en été
(par assèchement des
sols; l’évaporation
consomme de la
chaleur)
- moins de précipitations
(car les rails de
- plus de rayonnement
solaire (car moins de
nuages au printemps
et/ou en automne)
- cela ne correspond pas
évidemment à l’année
2099 précisément mais
plutôt à ce qui pourrait
se produire vers la fin du
21ème siècle
(source, http://climat.science-et-vie.com/carte/carte.php)
Un autre exemple de conséquences locales : la
hausse du niveau marin et les surcotes marines (1)
Un monde plus chaud
fait monter le niveau
marin par (i) expansion
volumétrique de l’eau
océanique et (ii) fusion
de certains glaciers
continentaux
(source, IPCC)
Un autre exemple de conséquences locales : la
hausse du niveau marin et les surcotes marines (2)
Variations locales du niveau marin ? = combinaisons de facteurs
globaux (variation du niveau marin) + locaux (compaction des
sédiments dans les deltas , isostasie, changement météorologiques
etc.)
- Par exemple, les tempêtes génèrent des variations brutales (sur
quelques heures à quelques jours) du niveau marin « local » en
accumulant de l’eau vers les côtes (en fonction de la topographie,
orientation, etc.) = surcote marine
- Exemple de la fréquence
des niveaux marins > 20,
40, 60 et 80 cm en
Camargue selon les
scénarios A2 et B2 (+35 et
+30 cm en moyenne)
- les niveaux marins qui se
produisent actuellement 1
fois tous les 75 ans ( > 80
cm) pourrait se produire une
ou plusieurs fois par an à la
fin du 21ème siècle
(source, Ullmann, 2008)
Conclusions
•
•
•
•
•
•
•
Le changement climatique au sens strict a de très grandes chances (> 99%) de se
poursuivre au 21ème siècle et par la suite
Cette hypothèse repose sur (i) croissance des GES dans l’atmosphère et (ii) réponse
du système climatique à un excédent radiatif continu de quelques W/m2 sur > 20-30
ans
Cette hypothèse néglige les autres sources possibles de variation climatique à cette
échelle (ordre de grandeur de la modification du bilan radiatif trop faible et/ou durée
de la modification trop brève)
Dans ce cadre, la principale variable d’ajustement est la vitesse des modifications,
mais pas vraiment leur direction
Le changement climatique doit être vu selon une trame PROBABILISTE (=
modification de la distributions des variables climatiques sur plusieurs dizaines
d’années) plutôt que DETERMINISTE (= modification du climat à un endroit X une
année Y)
A l’échelle planétaire ? réponse « simple » des températures (= hausse) mais plus
compliquée pour les variables impliquant surtout la circulation atmosphérique (= par
exemple, les précipitations)
A l’échelle locale, réponse beaucoup plus compliquée, car des facteurs agrégés de
fait dans l’espace à l’échelle planétaire interviennent de façon différente dans
l’espace (par exemple : effet de l’albédo des surfaces, circulation atmosphérique,
assèchement des sols etc.)
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