, n - compagnons du Prophète, califes... Des trésors de piété incarnés dans le marbre, la faïence, le cuivre et l'or furent pulvérisés. Aujourd'hui, à Médine,' le tombeau du Prophète, épargné, reste dérobé aux regards des croyants par d'épais rideaux doublés de grillages en métal argenté. Cette destruction avait également le mérite d'éliminer les symboles de l'ancienne présence ottomane. Ainsi « purifié » et reconstruit, le royaume des Saoudiens est un pays neuf vivant à la lumière des sunlights et du dernier Ecrit révélé. Les villes ressemblent à s'y méprendre aux cités américaines cuirassées d'acier et de béton, aux avenues béantes, aux vitrines débordant de jouets et autres gadgets. Serties d'enseignes criardes, enguirlandées de lampions, veillées par des minarets et dominées par le château d'eau, les grandes villes wahhabites ne manquent pas d'allure. Le noble citoyen s'y déplace dans un bus conduit par un Egyptien, mange dans un restaurant géré par un Turc, se repose dans un hôtel tenu par un Marocain, se soigne chez un médecin libanais, Suit les cours d'un professeur ou d'un manager français ou coréen, accomplit son service militaire sous l'autorité d'un instructeur américain, se fait enterrer par des fossoyeurs sri-lankais. Les Saoudiens vivent chez eux comme à l'hôtel, en pension complète. Autel d'Allah que ce pays voué à faire accéder ses natifs au paradis céleste au moyen d'une morale d'enfer, d'une loi d'airain... Les officiels saoudiens affirment que leur pays ignore le problème de la drogue : mais alors pourquoi tant d'affiches exhortant les citoyens à collaborer avec la police contre ce fléau « distillé par les ennemis de l'islam et de la nation » ? Il est sans doute des âmes qui, à force de freiner leurs instincts dans l'attente du paradis céleste, basculent dans le paradis artificiel. Néanmoins tous ceux qui ne disposent pas de couloirs aériens débouchant sur Marbella, via Nice ou Casablanca, peuvent lorgner le monde entier par la lucarne de la presse locale. Laquelle ne ménage pas les volées de bois vert. Riyad veut amener l'humanité entière, pour son bien, sous la loi de l'islam. Les « obstacles)) abondent: communisme, sionisme franc-maçonnerie, bahaïsme, chiisme, Vatican, orientalisme, psychanalyse, cinéma, rose-croix, Rotary Club... autant de têtes d'une même hydre hideuse, ennemie des croyants. On apprend ainsi dans le plus diffusé des hebdomadaires wahhabites, le bien intitulé « El-Mouslimoun » (les musulmans), que l'Eglise catholique était à l'origine des meurtriers incidents interethniques survenus en 1989 ende «frères en religion » mauritaniens et sénégalais (« ElMouslimoun » du 20-26 octobre 1989), que des organismes « croisés prétendument caritatifs » distribuent aux pieuses Afghanes «du maquillage, des sous-vêtements et des pilules contraceptives » (ibid., 4-10 mai 1990), enfin que « le plus grand r On se rend ensuite aux collines proches de Safa et de Maroua. Il faut parcourir sept fois le chemin qui mène de l'une à l'autre en souvenir d'Agar, femme d'Abraham, qui, abandonnée par son époux, courut sept fois d'une colline à l'autre pour trouver de l'eau. Jusqu'à ce que Dieu fasse surgir la source Zemzern. On refait donc le parcours d'Agar avant de boire à la source sacrée. Etape suivante : Arafat (3), à 25 kilomètres environ au sud-est de La Mecque. A cette fin, on embarque dans des véhicules les pèlerins qui doivent tous se trouvera proximité du mont de la Piété, dans la vallée désertique d'Arafat, à midi, le 9 du mois. Ce qui fait que deux millions de pèlerins environ effectuent le voyage en même temps. Gigantesque embouteillage dans la chaleur. On part la veille pour être sûr d'être à l'heure. La vallée d'Arafat est le lieu de la « reconnaissance », l'endroit où le Prophète s'adressa pour la dernière fois à ses compagnons lors de son pèlerinage d'adieu. Le pèlerin doit en principe y rester debout, en prière, de midi au coucher du soleil Au crépuscule, le flot des fidèles s'ébranle en more l'alliance entre Abdelwahab et Ibn Séoud, la tête pensante et le bras armé. L'oraison du plus fort est toujours la meilleure. Aujourd'hui encore leurs descendants coiffent pour le premier le haut conseil des oulémas et couronnent pour le second le pouvoir politique, financier, militaire et administratif du pays. Il n'y a pas de parlement, de syndicat ou de magistrature indépendants. Le Coran demeure la Constitution, la charia la loi et la sunna la règle de vie. direction de La Mecque, s'arrête à Muzdalifa (4), une immense carrière où chacun doit ramasser les 49 cailloux — on en apporte des tonnes par camions-bennes : il y a tant de monde... — nécessaires aux lapidations rituelles qui commenceront le lendemain à Mina (5), au début de la fête de l'Aïd el Adha (la fête du mouton). Le pèlerin quitte Muzdalifa au petit matin et rejoint Mina sise à 6 kilomètres environ au sud-est de La Mecque, où seront célébrés les trois jours du sacrifice rituel. - A Mina, on commémore l'histoire d'Abraham à qui Dieu demanda, pour éprouver sa foi, d'immoler son fils Ismaël. Au dernier moment, l'ancêtre des Arabes fut miraculeusement remplacé par un agneau qui fut égorgé. Trois démons, dit la légende, tentèrent de dissuader Abraham d'exécuter l'ordre divin. Ces trois démons sont figurés par trois piliers que doit lapider successivement chaque pèlerin au cours des trois jours de l'Adha. Ces renseignements sur le pèlerinage de La Mecque et le schéma des Lieux saints sont extraits du numéro 36 de la revue Hérodote )), consacré aux centres de l'islam. Signe de dogme particulier des wahhabites en plus de l'abomination des chiites, des miroirs, du' tabac, de la musique, voire du rire aux éclats, ils ont une horreur sacrée des reliques religieuses, des mausolés et des tombeaux. Autant de « fétiches » qui à leurs yeux détournent la vénération due à Dieu sur des objets inanimés. Aussi, lorsqu'ils prirent définitivement le contrôle des Lieux saints en 1924-1926, ils s'en prirent aux tombeaux des plus grandes figures de l'islam : épouses et complot visant à christianiser le monde musulman » avait établi sa tête de pont en Egypte sous le commandement de... mère Teresa. S. Z. (*) Slimane Zéghidour, écrivain d'origine algérienne, à publié : « la Vie quotidienne à La Mecque, de Mahomet à nos jours » (Hachette, 1.989) ; «l'Islam» (Desclée de Brouwer, 1990) et « le Voile et la bannière» (Hachette, 1990). 19-25JUILLET1990/13