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Or, la vernalisation et les autres phases de développement sont des processus nécessaires, normaux, qui se
déroulent de façon analogue et similaire, dans des conditions artificiellement provoquées (vernalisation de
graines germées avant d'ensemencement), aussi bien que dans les champs. Car on peut obtenir, avec n'importe
quelle variété d'hiver, le déroulement du cycle complet (de la semence à la semence), tout le processus de
développement d'une plante de printemps, aussi bien en vernalisant les semences qu'en leur assurant dans les
champs des conditions adéquates (choix d'une région et d'une date d'ensemencement convenables).
Nous sommes pour l'étude des indicateurs chimiques, physiques, morphologiques et autres du développement
phasique. L'Institut de Génétique et de Sélection a déjà enregistré certains succès à cet égard (réactions colorées
différentes aux sections des points végétatifs (Travaux de M. Bassarskaïa, spécialiste de l'Institut de Génétique et
de Sélection à Odessa.) vernalisés ou non ; différenciation du point de croissance considéré comme indicateur
morphologique de la vernalisation, etc.). Mais nous nous élevons contre ceux qui voudraient ramener tout le
développement phasique à ces indicateurs.
Nous sommes avant tout pour l'étude de la biologie du développement ; pour l'étude, dans le développement, de
ce qui constitue la spécificité des rapports biologiques. S'il est absurde de dire que tant qu'on n'a pas étudié la
physico-chimie du bernard-l'ermite et de l'actinie, on n'a pas étudié l'essence de leurs rapports, il est non moins
absurde de croire qu'étudier la biologie des processus phasiques, ce n'est pas en étudier l'essence. A la différence
des théoriciens de la « mécanique du développement », qui ont rompu avec le darwinisme et opèrent selon le
principe : « On essaie de tel ou tel facteur, et puis on voit », sans tenir compte du rôle de l'adaptation dans le
développement (mécanicistes), ou en spéculant sur cette adaptation qui serait due, selon eux, à l'action d'un
principe immatériel (vitalistes), nous restons, quant à nous, sur les positions du darwinisme en étudiant les étapes
biologiques du développement, étapes caractérisées avant tout par de brusques modifications dans les exigences
adaptatives à l'égard de conditions d'existence déterminées. Nous n'oublions point ces paroles de K. Timiriazev :
« Les organismes actuels doivent être compris en s'appuyant sur l'histoire » (К. А. ТИМИРЯЗЕВ :
ИСМОРUЧЕСКUU…, 1939, т. VII, стр. 36-37.), car « l'organe, c'est-à-dire la forme d'adaptation, est le
résultat d'un facteur historique : la sélection ». (K. Timiriazev : Note à la p. 57 du livre de G. Klebs,
Willkürtiche Entwickelungsänderungen bei Pflanzen, traduction, notes et préface de K. Timiriazev, 1905.)
A la suite de I. Mitchourine, nous développons plus avant cette idée darwiniste, et non contents de donner une
définition morphologique de la relation qui existe entre la phylogénèse et l'ontogenèse, nous établissons leur
relation biologique. Car le déroulement du processus phylogénique, la création de formes organiques par la
sélection des adaptations, ne peuvent manquer de retentir avant tout sur la biologie du développement individuel
du patrimoine héréditaire en déterminant les exigences de ce dernier vis-à-vis des conditions d'existence de son
développement. Et c'est uniquement selon la manière dont ces exigences sont satisfaites tout au long du
développement individuel, parallèlement à l'action de différents facteurs nullement indispensables à ce
développement, que se déroulent concrètement le passage du patrimoine héréditaire par ses différents stades et,
sur la base de ces derniers, l'évolution des organes et des caractères.
Quand on étudie la biologie du développement individuel, il faut y voir l'individualisation, la concrétisation du
développement du patrimoine héréditaire constitué dans le temps, et qui détermine le caractère variétal,
spécifique, etc., de l'évolution de l'individu végétal. Nous nous élevons par là contre le préformationnisme de la
génétique moderne, selon lequel les caractères préexisteraient dans le patrimoine héréditaire tels quels,
indépendamment des stades biologiques du développement, aussi bien que contre l'épigénèse mécaniciste de la «
mécanique du développement », qui ne peut concevoir que le patrimoine héréditaire soit un principe générique
dans l'individuel. Le patrimoine héréditaire détermine le canevas général, le caractère général du développement
individuel de la plante lorsqu'elle accomplit son cycle.
Il n'existe pas dans l'organisme de caractères donnés concrètement ; mais sa forme n'y subit pas non plus de
modifications arbitraires. Le caractère plante d'hiver ou de printemps, la résistance au froid, la densité plus ou
moins forte du tallage, le caractère barbu, la coloration, etc. ne sont pas donnés dans le patrimoine héréditaire,
mais résultent de son développement dans les conditions déterminées de milieu extérieur qui participent à la
formation des caractères concrets de l'organisme. D'autre part, les conditions extérieures ne sont pas libres
d'orienter le développement dans un sens quelconque, de le faire rétrograder, d'abolir les exigences du patrimoine
héréditaire à l'égard de telles ou telles conditions de développement à une phase déterminée. Le développement
individuel de l'organisme végétal se déroule sur la base des exigences biologiques des différents stades de
développement du patrimoine héréditaire. Les stades de développement constituent des phases biologiques
générales dans le développement individuel du patrimoine héréditaire, et à ce titre ils sont à la base du
développement de chaque caractère de la plante. Le caractère plante d'hiver ou de printemps, la résistance au gel,
à la sécheresse, aux parasites, la durée de la période de végétation, le tallage, etc. ne peuvent être étudiés en
dehors des stades généraux du développement, car tous ces caractères se formeront diversement si tels ou tels
stades se sont déroulés différemment (par suite de la diversité des conditions extérieures), et ils seront
dissemblables aux différents stades.