L’ISLAM, LA SEXUALITE ET LA PREVENTION DU SIDA Dr. Dalil BOUBAKEUR Recteur de l’Institut Musulman de la Mosqué e de Paris La morale et la Loi de l’Islam couvrent l’ensemble du comportement individuel, familial, social de l’Homme. Le croyant et la communauté musulmane sont donc sensés de référer constamment à la Loi (Chari’a) ou de moins, aux sources de la Loi (Coran, Sunna), or, il y a dans ces sources, ce qui est prescription intangible. C’est à dire qui est clairement dit dans le Coran ou les Hadiths fondamentaux et il y a ce qui est extrapolation en fonction de l’analogie du consensus social. C’est à ce deuxième niveau que se situe notre réflexion que, à partir de l’analyse d’une situation donnée, procédera à la représentation et la représentation et le discours philosophique, et l’approche religieux du SIDA dans les communautés musulmanes. Dogme islamique en matiè re de santé : Coran IV - 29 : « Ne soyez pas la cause de votre propre mort (ne vous tuez pas vous-mêmes), certes Dieu est miséricordieux envers vous » . Coran IV - 195 : « Evitez de vous jeter dans le péril de notre propre fait » . La tradition (Hadith) : indique : « Soignez-vous, Dieu n’ayant pas créé de maladie sans lui avoir créé son remède » « N’exagérez en rien, Dieu n’aime pas les gaspilleurs » (Coran). « Tout remède est inscrit dans la destinée humaine » (Ad-dawâ min el quadar). Par ailleurs, le Prophète (SAWS) conseillait d’éviter de se rendre dans les cités où sévissait la peste mais d’y rester si elle s’y déclarait. Dans la religion populaire les maladies, et à fortiori les épidémies furent l’objet des comportements habituels dans toutes les cultures faites de démarches conjuratoires, de croyances métaphysiques et superstitions. Bien des maladies étaient soumises et le restent encore parfois, à des pratiques irrationnelles, à des rites, à une pseudo religion formellement condamnée par l’Islam. Et là aussi, croyances et tabous rendent inextricable tout essai de représentation cohérente ou clairement définie de telle ou telle pathologie. Dans le cas du SIDA, l’apparition récente de la maladie fait que sa représentation n’est pas encore suffisamment structurée dans les esprits musulmans. Mal occidental et dont les occidentaux font un tableau effrayant, il apparaît confusément comme une manifestation de la malédiction divine en raison de ses trois principaux modes de contamination. - La Toxicomanie ; - L’Homosexualité. Leur pratique, contraire à la religion est considérée dans l’Islam comme des transgressions majeures et interdites. L’ADULTERE : Sourate 17, V. 32 : « Evitez la fornication. C’est une abomination et une voie pleine d’embûches » . Sourate 25, V. 70 : « Ceux qui n’invoquent pas d’autre divinité que Dieu, ceux qui ne tuent pas quelqu’un que Dieu a interdit de tuer au moins d’un motif légitime, ceux qui ne commettent pas l’adultère. Ceux qui font de tels péchés seront punis en conséquence. * Leur châtiment sera doublé au jour de la résurrection. Ils en supporteront éternellement la honte.* Mais non celui, qui se repent. Sourate 24, V. 2 : « Frappez la débauchée et le débauché de cent coups de fouet chacun. Ne vous laissez pas apitoyer par eux, car c’est là une prescription de Dieu, si vous croyez en Dieu et au jour dernier. Que ce châtiment soit exécuté en présence d’un groupe de croyants » . Selon Al-Boukhari et Mouslim, le Messager de Dieu (SAWS) a dit : « Celui qui fornique n’est pas croyant au moment où il commet l’adultère ; celui qui vole n’est pas croyant au moment où il vole ; celui qui boit le vin n’est pas croyant au moment où il boit ; celui qui se livre au pillage malgré les repars qu’on lui jette n’est pas croyant » . Il a dit aussi : « Lorsque le serviteur commet l’adultère, la foi sortira de lui et se transformera en une ombre qui couvrira sa tête. S’il renonce, la foi lui reviendra » . Le Messager de Dieu (SAWS) a dit dans un hadith : « Il y a trois homme que Dieu ne leur parlera au jour de la résurrection, ne les purifiera pas, et ils subiront un terrible châtiment : un vieux qui commet l’adultère, un roi menteur et un pauvre arrogant » . Le Prophète - Que Dieu lui accorde Sa Grâce et Sa Paix - a dit en s’adressant aux fidèles : « O musulmans ! Evitez la fornication, car elle comprend six mauvaises qualités : trois qui apparaissent dans le bas monde, et trois dans la vie future. Celles du bas monde sont : la disparition de la splendeur du visage, une vie très courte et une pauvreté permanente. Quand à celles de la vie future : la courroux de Dieu l’exalté et Béni, le mauvais compte et le châtiment du Feu » . L’HOMOSEXUALITE Dieu l’exalté a raconté l’histoire du peuple de Loth, dans plusieurs endroits du Noble Coran, dont on cite le verset suivant : « Lorsque Notre ordre fut lancé, nous avons renversé la cité sens dessus dessous. Nous avons fait pleuvoir sur elle, en masse, des pierre d’argile marquées par une empreinte par ton Seigneur. Une chose pareille n’est pas loin des injustes » (Sourate 11, V. 82-83). Le Prophète (SAWS) a dit : « Ce que je redoute pour vous de commettre les actes du peuple de Loth, car Dieu les a maudits » . Il répéta ceci, par trois fois. Il a dit aussi : « Quand vous trouvez deux hommes faire l’oeuvre du peuple de Loth, tuez tous les deux » . Sourate 26, V. 165-166 : « Pourquoi assouvir vos désirs sur les hommes * délaissant les femmes que le Seigneur a créées pour vous servir d’épouses ? Vous êtes vraiment un peuple transgresseur » . On a rapporté que le Prophète (SAWS) a dit : « Deux femmes lesbianismes qui se rapprochent, comment un adultère » . 2 LA TOXICOMANIE La toxicomanie en tant qu’ivresse artificielle faisait perdre la conscience de l’ubiquité Divine, car « Dieu est plus près de vous que votre veine jugulaire » . Donc c’est l’oubli des prescriptions de l’Islam qui a mené les hommes dans la perdition du SIDA. Ce mal rassemble du reste en lui-même, les représentations religieuses et l’imaginaire liés à « la sexualité, au sang et la mort * selon Marc ROGER. Ces éléments chargés symboliquement des mythes et de tabous déterminent dans l’Islam comme dans d’autres traditions religieuses de conduites répulsives et de peurs obscures vis à vis de la maladie et des malades. * Vis à vis de la maladie car elle exacube la notion, le sens et la justification du pêché et renvoie à la mort, et à ses représentations ; * Vis à vis du malade non pas seulement pour ce qu’il a fait de répréhensible mais aussi pour ce qu’il est devenu : un être contagieux, un malheureux qui a encouru quelque part la colère divine, c’est donc un « réprouvé » . Dans cette représentation, le sidaique est celui qui n’a pas suivi « la voie » décrite dans la Sourate 1 ou Fatiha (Prologue) et que tout croyant récite à chaque prière : « Louange à Dieu, Maître des Mondes, Miséricordieux, Compatissant... C’est Toi que nous adorons, c’est de Toi que nous implorons le secours. Dirige-nous dans la voie droite la voie de ceux que tu as favorisés de tes bienfaits non de ceux qui ont mérité ton courroux ni des égarés » . Cette référence profonde au courroux divin fait du Sidaique un Homme sans Dieu, sans salut. La souille originelle de la contamination n’est pas sans référence au pêché d’Adam et Eve et elle est chargée de la même symbolique religieuse : Seul Dieu peut pardonner. Les tabous sexuels, sujets honteux à discuter voilent la sexualité de nombreux préjugés et d’ignorance. Aussi dans les pays d’Islam, le SIDA est considéré comme un mal venu d’ailleurs et ne devrait pas se propager si la Religion était respectée. Malheureusement le SIDA existe, et se développe progressivement dans l’absence de statistiques fiables - Vécu comme le furent les grandes épidémies du passé, la Peste par exemple, son origine divine n’est pas discutée, Dieu Juge, Dieu Sauve. Seule la Volonté Divine en préserve. « Mais Allah est le meilleur gardien, et Il est Le plus Miséricordieux des miséricordieux » . Coran. Et fera découvrir le remède. Dans sa confiance intime en Dieu, le musulman espère fermement sa découverte. Et le malade est avant tout un malheureux sinon un Egaré, et seul son retour sincère à la pratique religieuse peut encore faire croire à sa chance de Miséricorde dans son imploration du Pardon. Ici la Religion qui enseigne le Pardon peut jouer son rôle purificateur en quelque sorte catharisque - Mais aussi, ce mal, devenu un défi planétaire à l’Homme Prométhéen, doit le faire réfléchir sur la fragilité de ces certitudes et la relativité de ses connaissances. Maladie sociale autant que morale le SIDA suscite autant de peurs de sa contamination devant la mort maudite d’abjection dont il est porteur. 3 Les mystères de son origine, sa brutale apparition sur terre, l’incapacité technique de le traiter confirment le croyant de certains aspects de son immunence et de son envoi dans une espèce de revenu de temps pré-eschatologiques. La destinée humaine doit être maintenant élaborée et préparée dans un progrès moral et spirituel, avec ce supplément d’âme qui le sauvera en lui faisant considérer les choses de la vie avec humilité, sagesse et raison, car la religion est aussi un Livre inestimable qui consacre des vérités éternelles. Ainsi le malade du SIDA est considéré dans la philosophie religieuse de l’Islam comme un malade gravement atteint. S’il l’a contracté dans des conditions répréhensibles du point de vue strictement religieux comme la Toxicomanie, l’Homosexualité, les rapports sexuels extraconjugaux ou accidentels, il est prouvé maintenant que des victimes innocentes peuvent en être également atteintes par la transfusion sanguine ou d’autres circonstances n’impliquant nullement une faute morale comme les contaminations professionnelles ou instrumentales dans le milieu médical et paramédical. Sans oublier les contaminations néonatales à partir de mères séropositives. Tout d’abord la compréhension de la maladie et de la détresse du malade interpellent le religieux vers celui qui souffre et qui nécessite aide et soutien. L’information et la prévention paraissent les parades les plus efficaces connues à ce jour. Rappelons que l’usage des préservatifs, permis en Islam, doit être fortement conseillé chez les jeunes. La morale de l’Islam qui interdit les rapports avant mariage et ne permet que les rapports intraconjugaux devait en fait, si elle était appliquée, enrayer ou freiner le mal en pays musulmans. Il ne faut pas oublier la lutte contre la toxicomanie, les risques de l’homosexualité, les comportements paranoïaques de certains porteurs du virus et enfin les risque du véritable génocide de la race humaine si les réalités de la maladie étaient davantage rendus publiques et non soumises à la crainte freinatrice de l’effet de panique. La peur peut avoir pour effet les Hommes à changer leurs habitudes risquées ou vraiment dangereuses. 4