Octobre2007.Lesmusulmans
sont en plein ramadan,
quand Djamila et son hijab
s’installent dans Plus Belle la Vie,
sur France3. Depuis ses débuts, la
rie n’sitepas à mettre enscène
des personnages musulmans, dans
des rôles centraux ou périphéri-
ques. «On a toujours voulu aborder
des faits de société, quels qu’ils
soient, explique Georges Desmou-
ceaux, directeur d’écrituredela -
rie. On veut simplement raconter des
situationsdela vraievie.» Jusque-là,
il s’agissait surtout de personnages
non-pratiquants, comme Samia,
fliquette,etson frèreMalik, avocat.
NésenFrancedeparentsalriens,
en couple avec des Français «de
souche», ils sont des symboles
d’intégration.
Mais c’est avec leur cousine Dja-
mila, débarquée à Marseille pour y
faire des études, que les scénaristes
mettent les pieds dans le plat. Très
pieuse,ellen’approuve pas lemode
de vie de Samia, qui fait «comme si
elle était Française», et ferait mieux
de «respecter les traditions»… De
son côté, Samia confie ses doutes à
son frère:«Jesais pas sielle va réus-
sir à s’adapter. En plus, avec son
voile,c’estpas évident…» «On a tout
de suite trouvé que la confrontation
des deux jeunes femmes était très ri-
che, raconte Desmouceaux. On a
voulujouer surles préjugésmutuels
Intransigeante, Djamila refuse
d’aller à la plage ou d’entrer dans
un café qui sert de l’alcool. Le cli-
ché s’arrête là et son personnage
est celui dune femme active :
«C’est pas parce que je suis algé-
rienne et que je porte un foulard que
je vais rester à la maison.»
Son arrivée au Mistral provoque de
vifs débats parmi les personnages
de larie,notamment autour dela
question du voile. Les scénaristes
ontessayé d’exposertous lespoints
de vue: les «contre» («c’est un si-
gne desoumission àl’homme») et les
«pour» («certains disent que c’est
un moyen de se libére). Vifs débats
aussi côté téspectateurs, à lire les
1600 messages postés sur le forum
du site de France3.
Les scénaristes n’ont d’ailleurs ja-
mais hésité à évoquer des sujets de
socté un peu sensibles. En 2005,
ils ont par exemple mis à l’écran le
premier baiser homosexuel de
l’histoire de la tévision française.
Uneaudace quin’apas empêchéles
bonnes audiences –un téléspecta-
teur surcinqregardePlusbelle lavie
en moyenne chaque soir–, et un
article dans le New York Times, qui
estime que la série «stufie et édu-
que les Français […] aux différences
culturelles, et aux questions de so-
ciété, comme le racisme, la drogue,
les grossesses adolescentes, l’homo-
sexualité et l’islam.»
ISABELLE HANNE
La série de France3 nourrit le débat sur les pratiques musulmanes au travers de personnages variés.
«Plus belle la vie» met le voile
RATIONS,
UN SCLE DE PSENCE
CULTURELLE DES
MAGHBINS EN FRANCE
jusquau 18 avril, au Palais de la Porte
Dorée à Paris.
«Générations» raconte à
la Cité nationale de
l’immigration les liens
entre le Maghreb et la France.
Historienne et commissaire de
l’exposition, Naïma Yahi, fran-
çaise d’origine algérienne met
en garde: «L’identité musulmane
ne résume pas l’identité maghré-
bine, tous les Maghrébins ne sont
pas musulmans.» Pour preuve,
elle montre le halloffame des ar-
tistes qui ont marqué la culture
maghrébine: des juifs et des
musulmans. Les documents du
début de cette exposition de
600m2montrent même, qu’au
part, «l’islam n’a pas toujours
été objet de stigmatisation»; le
catalogue, encore plus complet,
expliquecomment laRépublique
a fait une place à l’islam.
Fascination.Lapremière partie
de «Générations», concentrée
dans une pièce appelée la Pas-
sion Abd el-Kader, moitié du
XIXesiècle, décrit ainsi la fasci-
nation des notables français
pour cet émir algérien, soufi,
ennemi dela Francemais appelé
le Vercingétorix de l’Algérie.
Emprisonné au château d’Am-
boise, il y reçoit les intellectuels
de l’époque, écrit des ouvrages
enfrançais: «C’estlapremière fi-
gure de l’islam en France, résume
Naïma Yahi.Ilestperçu comme un
bon samaritain qui défend les
chrétiens de Damas, massacrés
par les Ottomans.»
La fin du XIXesiècle est aussi
l’époque des orientalistes. Le
peintreEtienneDinet seconver-
tit à lislam,demême qu’un-
decin de Pontarlier (Doubs),
Philippe Grenier. Musulman, il
est d’abord élu conseiller muni-
cipal, puis député de la gauche
radicale en 1896. Et c’est habil
en burnous et claquettes qu’il se
rend à l’Assemblée nationale!
Mais jusque-là, la présence de
l’islam reste élitiste et anecdoti-
que. C’est avec l’envoi sur le
front destroupes coloniales,lors
delaPremre Guerre mondiale,
que laquestion de
cette religion se
pose à l’adminis-
tration. L’institu-
tion militaire est
la première à se
préoccuper des
rites religieux de
ses soldats. Elle autorise la
viande hallal dans les tranchées,
l’inhumation selon le culte mu-
sulman. Ces tirailleurs doivent
être enterrés vingt-quatreheu-
res après leur mort, enveloppés
dans unlinceul, tandisqu’unta-
leb récite des sourates du Coran.
Souvent,ledrapeau françaissert
de dernière sépulture au soldat
musulman. L’armée ne le fait
certes pas pure charité. «C’était
tout d’abord bon pour le moral des
troupes, rappelle Naïma Yahi, et
puis pour la France, en guerre
avec l’Allemagne et son allié,
l’Empire ottoman, il n’était pas
questionque ses recruescoloniales
changent de camp.»
Durant la guerre de 1914-1918,
les tombes musulmanes appa-
raissent dans les cimetres
français, et c’est pour remercier
ces soldats que les autorités
françaises construisent la mos-
quée de Paris en 1926. «Jusqu’à
la Seconde Guerre mondiale,
ajoute Naïma Yahi, l’islam n’est
toujours pas vécu comme un pro-
blème, mais comme un outil. La
France se dit première puissance
coloniale musulmane.»
Mais après le massacre de Sétif
en Algérie (8 mai 1945), le fait
que la République demande aux
«indigènes» d’abjurer leur reli-
gion pourdevenircitoyensfran-
çais change la donne. En même
temps, les flux migratoires du
Maghreb saccentuent. Les
chanteursmaghrébinsracontent
l’exil, le désespoir de ceux qui
ne peuvent résister à l’alcool.
Avec l’installation des immigrés,
l’islam dispart des représenta-
tions, plus aucune institution ne
s’occupe des lieux de culte,
comme le montrent des photos
d’ouvriers priant au milieu des
machines à l’usine, ou à même
le sol. On ne parle plus des mu-
sulmans français qu’à la lumre
de l’actualité internationale: «Il
y a un islam français, résume
Naïma, mais qui est heurté dans
sa banalité par des mouvements
qui viennent de l’étranger: tout
d’abord la révolution iranienne
en 1979, la Guerre du Golfe
en 1990 ou les attentats du 11 sep-
tembre 2001Reste cette image,
à la fin de lexposition, qui
résume le mieux un islam fran-
çais apai: l’athte Mahiedine
Mekhissi, médaillé du 3000m
aux JO de Pékin, priant sur le
drapeau français.
STÉPHANIE BINET
DAbd el-Kader aux conséquences du 11 Septembre,
la Cité de limmigration revient sur une histoire fluctuante.
Maghreb-France: la saga
revisitée à Paris
Philippe Grenier, député converti à la fin du XIXescle. PHOTO ATELIER NADAR
«Jusqu’à la Seconde Guerre
mondiale, la France se dit
première puissance coloniale
musulmane
Naïma Yahicommissairedel’exposition
Des soldats marocains membres d’un Tabor (bataillon) en 1916. PHOTO RMN.MAP
LIBÉRATION MARDI 26 JANVIER 2010 L'ISLAMENFRANCE XIX
1 / 1 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !